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Date : 20191127


Dossier : IMM‑1569‑19

Référence : 2019 CF 1515

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

WAQAS KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Waqas Khan, est arrivé au Canada en novembre 2014 en provenance du Pakistan, muni d’un permis de travail valide jusqu’en novembre 2016. Peu avant l’expiration du permis, il a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte des talibans (mouvement politique et organisation militaire), qui auraient assassiné son cousin et tenté de le recruter. La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR] a rejeté sa demande d’asile en avril 2017.

[2]  M. Kahn a interjeté appel de la décision de la SPR devant la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la CISR. La SAR a rejeté l’appel en septembre 2017 et confirmé la décision de la SPR conformément au paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. À la suite de la décision de la SAR, M. Khan a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR], qui a été rejetée par un agent d’immigration supérieur dans une décision datée du 29 janvier 2019.

[3]  M. Kahn sollicite à présent le contrôle judiciaire de la décision de l’agent conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR. Il demande à la Cour d’infirmer la décision en question, de renvoyer l’affaire à un autre agent pour qu’il la réexamine et de formuler les directives qu’elle juge appropriées. La question à trancher est donc de savoir si ces mesures doivent être accordées.

I.  Contexte

[4]  M. Kahn est un citoyen pakistanais d’origine ethnique pachtoune. En novembre 2012, son cousin a organisé une rencontre à laquelle M. Khan, trois hommes et lui-même ont assisté. Durant cette rencontre, les hommes en question ont dit à M. Khan qu’ils recherchaient des gens ayant une expérience en électricité pour travailler avec des détonateurs. Après leur départ, le cousin de M. Khan lui a dit qu’il croyait que les hommes travaillaient pour les talibans, vu la nature du travail qu’ils avaient proposé et leur style vestimentaire.

[5]  Peu après, le cousin de M. Khan a refusé l’offre d’emploi lors d’une conversation téléphonique. L’homme à l’autre bout du fil lui a dit que M. Khan et lui devaient accepter ce travail sous peine de subir des conséquences. Le cousin de M. Khan aurait été enlevé deux jours après cette conversation. À la suite de cet incident, M. Khan est allé se cacher chez son oncle, car sa famille craignait pour sa vie. Des inconnus ont alors commencé à appeler sa famille pour demander où il se trouvait. Apprenant que des inconnus étaient à sa recherche, M. Khan a commencé à organiser son départ pour le Canada.

[6]  Après son arrivée au Canada en novembre 2014, M. Khan a vécu avec des parents à Toronto jusqu’en 2015. Il affirme dans son mémoire des faits et du droit qu’il n’a pas demandé l’asile durant cette période parce qu’il prêtait assistance à des membres de sa famille qui traversaient une période difficile. Il soutient avoir entendu parler pour la première fois du processus de demande d’asile au Canada durant l’une de ses visites à une mosquée. M. Khan a retenu les services d’un consultant en immigration agréé pour qu’il dépose une demande d’asile.

A.  Les décisions de la CISR

[7]  Estimant que la crédibilité était l’enjeu déterminant, la SPR a rejeté la demande d’asile de M. Khan à la mi‑avril 2017. La SPR a conclu que M. Khan n’était pas crédible en ce qui touchait des aspects importants de sa demande d’asile et qu’il n’intéressait personne au Pakistan. Elle a conclu que M. Khan n’avait pas établi une crainte subjective et que, selon la prépondérance des probabilités, les événements au Pakistan qu’il avait rapportés n’étaient en fait jamais survenus.

[8]  La SAR a confirmé la décision de la SPR portant que M. Khan n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, et a rejeté l’appel au début de septembre 2017. M. Khan a interjeté appel des conclusions de la SPR en matière de crédibilité; il n’a soumis aucun nouvel élément de preuve à l’appui de son appel. Pour ce qui est du retard de M. Khan à demander l’asile, la SAR a estimé que cela minait sa crédibilité.

[9]  Au début du mois de janvier 2018, la Cour a rejeté la demande d’autorisation de M. Khan d’interjeter appel de la décision de la SAR.

II.  La décision relative à l’ERAR

A.  Observations sur l’ERAR de M. Kahn

[10]  M. Khan a présenté une demande d’ERAR à la fin de septembre 2018, à la suite de la décision de la SAR. Dans ses observations, il demandait la tenue d’une audience pour que toute préoccupation en matière de crédibilité susceptible d’être soulevée puisse être dissipée.

[11]  Dans sa demande, M. Khan faisait valoir qu’il avait le droit, aux termes de l’alinéa 113c) de la LIPR, à ce que ses arguments soient examinés au titre des articles 96 et 97 de la LIPR. Il a produit une preuve dont ne disposaient ni la SPR ni la SAR, affirmant qu’elle était nouvelle et qu’elle pouvait être présentée en vertu de l’alinéa 113a) de la LIPR. Cette disposition prévoit que « le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet ».

[12]  Cette preuve comprenait notamment des rapports de police que l’épouse de son cousin avait déposés après la disparition de ce dernier, le certificat de décès de l’épouse de son cousin, des déclarations solennelles corroborantes rédigées par les parents de M. Khan et portant sur les appels téléphoniques qu’ils avaient reçus lorsque leur fils vivait dans la clandestinité, ainsi qu’une lettre de Range Ahmad, un membre de l’assemblée provinciale de Khyber Pakhtunkhwa au Pakistan.

[13]  M. Khan faisait valoir que cette preuve était normalement accessible lorsqu’il a présenté sa demande d’asile, mais qu’il ne l’a pas soumise parce que son avocat lui avait donné des instructions inappropriées. Dans sa déclaration solennelle, M. Khan affirmait qu’il ne se souvenait pas d’avoir signé l’affidavit que son avocat a soumis avec son dossier devant la SAR; cette déclaration indiquait qu’il n’avait aucun nouvel élément de preuve à présenter, alors que ce n’était pas le cas. Dans les circonstances, M. Khan soutient qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il produise les documents qu’il a tenté d’introduire en présentant sa demande d’ERAR.

[14]  Dans le cadre de sa demande d’ERAR, M. Khan a fourni deux affidavits, l’un de sa mère et l’autre de son père, attestant que sa vie était en danger au Pakistan. Il a produit une copie de son certificat de naissance et des rapports sur la situation dans le pays qui décrivent les activités des talibans au Pakistan, l’absence de protection policière, le risque d’arrestation arbitraire et de détention indéfinie, ainsi que les assassinats extrajudiciaires des Pachtounes dans ce pays.

[15]  M. Kahn a également fourni un rapport de police concernant la disparition de son cousin, lequel précise qu’elle a été signalée par l’épouse en novembre 2012. Dans ce rapport, cette dernière affirme que son mari a disparu cinq ou six jours après une dispute qu’ils ont eue et qu’il n’est jamais revenu. M. Khan est d’avis que l’épouse de son cousin a menti dans le rapport et qu’elle n’a pas divulgué l’enlèvement de son époux parce qu’elle craignait de subir les représailles des ravisseurs.

[16]  De plus, M. Khan a fourni un certificat de décès indiquant que l’épouse de son cousin a été assassinée et que son corps a été retrouvé sans vie chez elle en août 2016. Le témoin dans le rapport affirmait ignorer l’identité de l’assassin ou la raison de l’assassinat. M. Khan pense que les talibans l’ont assassinée et que le témoin en question ne voulait pas les nommer par crainte de représailles.

[17]  M. Khan a également soumis une lettre de M. Range Ahmad dans laquelle ce dernier déclare avoir connaissance de ce qui est arrivé à la famille de M. Khan. M. Ahmad affirme être au fait de l’enlèvement du cousin de M. Khan, et ajoute que M. Khan continue de recevoir des menaces.

[18]  M. Khan affirme qu’il était exposé à un risque identique ou substantiellement semblable à celui qui a entraîné la disparition de son cousin et la mort de son épouse. D’après lui, il est un réfugié au sens de la Convention au sens de l’article 96 de la LIPR, en raison de sa crainte des talibans, et une personne à protéger au sens du paragraphe 97(1), car son renvoi au Pakistan l’exposerait personnellement à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

B.  La décision relative à l’ERAR de l’agent

[19]  L’agent a rejeté la demande d’ERAR de M. Khan dans une décision datée du 29 janvier 2019 et il n’a pas tenu d’audience.

[20]  L’agent a examiné les observations de M. Khan et effectué une recherche indépendante sur la situation dans le pays au regard de la demande de M. Khan. L’agent a estimé que la preuve fournie par M. Khan à l’appui de sa demande n’était pas nouvelle, étant donné qu’elle était normalement accessible et qu’elle aurait normalement pu être soumise à l’examen de la SPR ou de la SAR au moment du rejet de sa demande d’asile.

[21]  L’agent n’a pas été convaincu par l’argument portant que l’ancien avocat de M. Khan l’a empêché de présenter cette preuve devant la SPR et devant la SAR, car c’est devant les tribunaux qui ont instruit sa demande d’asile que M. Khan devait présenter les risques et la preuve justificative qu’il souhaitait faire examiner. L’agent a jugé déraisonnable qu’il ait négligé de soulever des questions essentielles au regard de sa demande de protection, et fait remarquer que la CISR n’avait pas trouvé satisfaisantes ses explications visant à justifier l’absence de preuve corroborante. De l’avis de l’agent, M. Khan était conscient de l’importance de fournir une preuve corroborante à l’appui de sa demande d’asile.

[22]  L’agent a déclaré que même si les documents étaient acceptés à titre de nouvelle preuve en vertu de l’alinéa 113a) de la LIPR, les conclusions importantes de la SPR ne s’en trouveraient pas réfutées. La SPR avait conclu que M. Khan n’était pas crédible en ce qui touchait des aspects importants de sa demande d’asile, qu’il n’intéressait personne au Pakistan et que les événements qu’il avait rapportés n’étaient en fait jamais survenus.

[23]  L’agent a conclu que la preuve fournie par M. Khan n’attestait pas les risques qu’il invoquait, notant que le rapport de police daté du 5 novembre 2012 indiquait que l’épouse du cousin de M. Khan avait signalé que son mari buvait, qu’il s’était disputé avec elle et avait décidé de partir. L’agent a également cité un rapport d’août 2016 ainsi que le certificat de décès de l’épouse du cousin de M. Khan, qui indiquait que des inconnus l’avaient assassinée. L’agent n’a accordé aucun poids à cette preuve.

[24]  L’agent a examiné les rapports médicaux que M. Khan avait présentés à son audience devant la SPR ainsi que les rapports sur la situation dans le pays, qui portaient notamment sur les talibans et les Pachtounes, qu’il avait soumis dans le cadre de sa demande d’ERAR. Selon l’agent, ces documents étaient de portée générale.

[25]  L’agent a cité la décision Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 200 CF 1385 [Raza], par. 27, à l’appui du principe portant que le rôle d’un agent saisi d’un ERAR n’est pas de revenir sur les conclusions tirées par la CISR à l’égard des faits et de la crédibilité, mais d’examiner la situation présente.

[26]  L’agent a jugé que M. Khan avait essentiellement avancé les mêmes renseignements que ceux qu’il avait présentés à la SPR et à la SAR, et que la preuve présentée dans le cadre de sa demande d’ERAR ne réfutait aucune des conclusions importantes tirées par ces deux tribunaux. Selon l’agent, la preuve permettant de conclure que M. Khan était exposé à davantage qu’une simple possibilité de persécution fondée sur un motif de la Convention était insuffisante. L’agent a également conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Khan était peu susceptible d’être exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités à son retour au Pakistan.

III.  Analyse

[27]  Bien que M. Khan ait soulevé plusieurs questions, les deux suivantes les englobent toutes : i) L’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en ne tenant pas d’audience avant de tirer des conclusions défavorables et déterminantes en matière de crédibilité? ii) L’agent a‑t‑il écarté, de manière déraisonnable, la preuve que M. Khan avait présentée dans le cadre de sa demande d’ERAR?

A.  Quelle norme régit le contrôle de la décision de l’agent de ne pas tenir d’audience?

[28]  M. Khan fait valoir que la décision de l’agent de tenir une audience soulève une question d’équité procédurale. D’après lui, la Cour a confirmé que la question de savoir si un agent d’ERAR aurait dû tenir une audience appelle la norme de contrôle de la décision correcte. Il ajoute que les autres questions soulevées par la décision de l’agent doivent être contrôlées selon la norme du caractère raisonnable.

[29]  Le défendeur affirme quant à lui que la décision de l’agent de ne pas tenir d’audience ainsi que les autres questions soulevées par la décision doivent être évaluées suivant la norme du caractère raisonnable.

[30]  S’agissant de déterminer la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent de ne pas tenir d’audience, il convient de noter que la plupart des demandes d’ERAR sont instruites par écrit (A.B. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 165, par. 9 [A.B.]).

[31]  Une audience peut toutefois être convoquée dans le cadre d’une demande d’ERAR. L’alinéa 113b) de la LIPR envisage cette situation : « une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires ».

[32]  L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [Règlement] énumère ces facteurs réglementaires :

Facteurs pour la tenue d’une audience

Hearing – prescribed factors

167 Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci‑après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

167 For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

[33]  L’article 167 prévoit expressément qu’une audience doit être tenue en présence des trois facteurs énumérés : i) l’existence d’éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur; ii) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision; iii) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient de faire droit à la demande d’ERAR (Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940, par. 14 [Huang]).

[34]  Contrairement à la déclaration de M. Khan, je ne crois pas que la Cour ait confirmé l’application de la norme de la décision correcte à la question de savoir si un agent d’ERAR aurait dû tenir une audience. Bien que la Cour ait mentionné, dans Zmari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 132 [Zmari], les courants divergents de la jurisprudence sur cette question, celle‑ci n’a toujours pas été réglée.

[35]  La norme de contrôle applicable continue de dépendre de la manière dont la Cour formule les questions à trancher. Dans certaines décisions, la Cour applique la norme de contrôle de la décision correcte, car la question à trancher est présentée comme une question d’équité procédurale; dans d’autres décisions, la Cour a recours à la norme du caractère raisonnable, car la question à trancher est considérée comme une question mixte de fait et de droit emportant interprétation de la LIPR (Zmari, par. 10 à 13).

[36]  Par exemple, dans Huang, la Cour cite Zmari et fait remarquer (par. 12) qu’elle continue d’être divisée depuis cette décision. Dans certaines décisions, la Cour applique la norme de la décision correcte (Mudiyanselage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 749, par. 11; Nadarajan c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 403, par. 12 à 17), alors que dans d’autres, la norme du caractère raisonnable (Haji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 474, par. 9 et 10; Gjoka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 292, par. 12; Lionel c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1180, par. 11; A.B. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 629, par. 15).

[37]  À mon avis, la question de savoir si la tenue d’une audience est requise lors d’un ERAR soulève une question d’équité procédurale. La décision de l’agent de ne pas tenir d’audience en l’espèce doit être assujettie à la norme de la décision correcte.

[38]  Suivant cette norme, la Cour doit déterminer si le processus suivi par l’agent assurait le niveau d’équité requis par les circonstances de l’affaire (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, par. 115). Le cadre analytique n’est pas tant dicté par la norme de la décision correcte ou du caractère raisonnable que par l’équité et la justice fondamentale.

[39]  Une question d’équité procédurale « n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier » (Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, par. 74). La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que « même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [TRADUCTION] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, par. 54).

B.  Quelle est la norme de contrôle applicable à l’ensemble de la décision de l’agent?

[40]  S’agissant de l’ensemble de la décision de l’agent, il est établi en droit qu’une décision relative à l’ERAR doit être contrôlée selon la norme du caractère raisonnable (Zmari, par. 14).

[41]  La Cour qui examine une décision administrative doit, suivant la norme du caractère raisonnable, s’intéresser à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel et déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47). Ces critères sont remplis si les motifs permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi le tribunal a rendu sa décision et de déterminer si la conclusion fait partie des issues acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, par. 16).

[42]  Les décisions rendues par les agents d’ERAR appellent généralement une grande retenue; cependant, ces agents doivent expliquer dans leurs motifs la justification de leurs conclusions de fait. Cette démarche doit être suffisamment intelligible pour permettre à la Cour de comprendre le cheminement logique suivi par l’agent, ce qui ne veut pas dire que la Cour doive souscrire à chacun des choix retenus par l’agent dans le cadre de ce cheminement (Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14, par. 11).

C.  Les observations des parties

(1)  Demandeur

[43]  M. Khan soutient que même si la preuve qu’il a produite dans le cadre de sa demande d’ERAR existait lorsque la CISR a rendu ses décisions, il ne l’a pas présentée parce que son ancien avocat lui avait donné des instructions inappropriées. Toujours d’après lui, l’agent a implicitement conclu qu’étant donné qu’il avait eu de multiples possibilités de présenter cette preuve, le problème lié à l’incompétence de son avocat aurait pu être corrigé et ne pouvait donc plus être soulevé.

[44]  M. Khan note que dans la décision Botragyi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 79, par. 5 [Botragyi], la Cour a conclu que l’agent d’ERAR « n’a pas tenu compte du fait que les allégations relatives à l’incompétence de l’avocat n’ont pas uniquement eu des conséquences lors de l’audience devant la Commission, mais qu’elles devaient également être examinées pour décider si la preuve présentée à l’agent aurait raisonnablement pu être déposée plus tôt ».

[45]  D’après M. Kahn, une audience aurait dû être tenue, car l’agent a tiré une conclusion en matière de crédibilité, et la preuve qu’il a soumise était importante pour la prise de la décision relative à la demande de protection; aussi, la preuve en question justifierait, si elle était admise, qu’il soit fait droit à la demande. M. Khan affirme que le critère énoncé à l’article 167 du Règlement est conjonctif : pour que la tenue d’une audience soit requise, sa crédibilité doit être mise en cause et constituer un facteur déterminant quant à la question que l’agent d’ERAR est appelé à trancher.

[46]  M. Khan soutient que l’agent a tiré des conclusions voilées en matière de crédibilité lorsqu’il a évalué la preuve. Le fait qu’il a écarté les allégations d’incompétence de l’ancien représentant de M. Khan démontre son incrédulité. Malgré la présentation d’une preuve sous serment, l’agent a jugé déraisonnable que M. Khan n’ait pas fourni de documents corroborants devant la CISR.

[47]  Selon M. Khan, la question déterminante au regard de sa demande était le fait que l’agent ne croyait pas, comme ce dernier l’a lui-même déclaré, qu’il était recherché au Pakistan. M. Khan ajoute que d’autres aspects de l’analyse relative à l’ERAR, concernant par exemple la protection de l’État et la possibilité de refuge intérieur, n’ont pas été mentionnés et que la preuve qu’il a soumise était importante à cet égard. Selon lui, les éléments qu’il a présentés, en particulier la lettre de M. Ahmad, les déclarations solennelles de ses parents et les rapports mis à jour sur la situation dans le pays, démontraient qu’il est encore recherché au Pakistan. M. Khan affirme également que l’agent n’a pas évalué le risque auquel il est exposé du fait de son origine ethnique.

(2)  Défendeur

[48]  Selon le défendeur, la décision de rejeter la demande d’ERAR était raisonnable, étant donné que l’agent a tenu compte des observations de M. Khan et qu’il a raisonnablement apprécié la preuve. À son avis, M. Khan n’a pas démontré que l’agent a ignoré ou mal compris la preuve relative au risque.

[49]  Le défendeur soutient que l’agent a correctement cité et appliqué le droit régissant les nouveaux éléments de preuve au titre de l’alinéa 113a) de la LIPR. Il fait remarquer que l’ERAR n’est pas un appel d’une décision défavorable de la SPR, mais qu’il vise plutôt à évaluer les nouveaux risques surgis entre la décision relative à la demande d’asile et la date de renvoi, ou à évaluer le risque présenté à la SPR et attesté par de nouveaux éléments de preuve au sens de l’alinéa 113a).

[50]  D’après le défendeur, l’agent a raisonnablement conclu que les risques invoqués par M. Khan étaient les mêmes que ceux évalués par la SPR, et qu’aucun « nouvel » élément de preuve n’avait été produit. À son avis, l’agent a évalué les documents produits comme s’il s’agissait de nouveaux éléments de preuve et a raisonnablement déterminé qu’ils n’étaient pas susceptibles de réfuter les conclusions particulières de la SPR. Le défendeur fait valoir que l’appréciation de la preuve par l’agent ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire.

[51]  Pour ce qui est de la tenue d’une audience, le défendeur réfute l’allégation portant que la décision de l’agent tient essentiellement à la crédibilité et non au caractère suffisant de la preuve objective propre à établir la crainte de M. Khan. Il ajoute que la preuve objective attestant les risques invoqués par M. Khan était insuffisante.

[52]  Le défendeur affirme en outre que l’agent n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a examiné le risque allégué quant à l’origine ethnique pachtoune de M. Khan. À son avis, la preuve invoquée par M. Khan n’atteste pas un risque nouveau qui n’aurait pas pu être envisagé au moment où la SPR a rendu sa décision. Il était raisonnable, d’après le défendeur, que l’agent conclue que les documents sur la situation dans le pays soumis par M. Khan étaient de portée générale.

[53]  Selon le défendeur, les documents fournis par M. Khan ne réfutaient aucune des conclusions importantes de la SPR ou de la SAR et ne démontraient pas qu’il serait exposé à un risque nouveau, différent ou additionnel qui n’aurait pas pu être envisagé au moment où la SPR a rendu sa décision.

D.  Analyse

[54]  Aux termes de l’alinéa 113a) de la LIPR, le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. Je suis d’accord avec M. Khan pour dire que la preuve qu’il a produite dans le cadre de sa demande d’ERAR est nouvelle et qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il l’ait déjà présentée.

[55]  Dans Botragyi, le juge O’Reilly a conclu que l’agent d’ERAR avait commis une erreur et a déclaré ce qui suit :

[10]  En décidant d’admettre ou non de nouveaux éléments de preuve, l’agent devait d’abord examiner si cette preuve était raisonnablement accessible aux demandeurs au moment de leur audition devant la commission. L’agent devait ensuite examiner si, dans les circonstances, cette preuve aurait raisonnablement pu être présentée à la Commission (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, alinéa 113a) – voir l’annexe).

[11]  En l’espèce, au moins une partie de la preuve présentée à l’agent était raisonnablement accessible au moment de l’audition devant la Commission. Toutefois, l’agent d’ERAR n’a pas poursuivi en examinant si cette preuve aurait raisonnablement pu être présentée à la Commission dans les circonstances. Selon moi, l’agent n’a pas tenu compte de la possibilité que les demandeurs n’ont pas eu d’occasion raisonnable de présenter leur preuve à la Commission en raison de la conduite de leur avocat.

[12]  Cela ne signifie pas que l’agent devait admettre les nouveaux éléments de preuve, mais plutôt qu’il aurait dû tenir compte de l’ensemble des circonstances avant de conclure que ces nouveaux éléments de preuve n’étaient pas admissibles. De ne pas l’avoir fait constitue une erreur de droit.

[56]  L’agent a rejeté l’argument de M. Khan – selon lequel son ancien avocat l’a empêché de présenter des éléments de preuve à la SPR et à la SAR – au motif que c’est devant les tribunaux qui instruisent sa demande d’asile qu’il devait présenter les risques et la preuve justificative qu’il souhaitait faire examiner. L’agent a jugé déraisonnable qu’il ait négligé de soulever des questions cruciales au regard de sa demande de protection.

[57]  Les motifs de l’agent ne sont pas intelligibles étant donné qu’il n’a pas exposé de cheminement logique menant à la conclusion portant qu’il était déraisonnable que M. Khan ait négligé de soulever des questions cruciales au regard de sa demande de protection. L’agent s’est appuyé sur un raisonnement circulaire : la CISR était le tribunal devant lequel M. Khan pouvait présenter les risques et la preuve justificative qu’il souhaitait faire examiner; par conséquent, le fait qu’il n’ait pas présenté la preuve en question signifiait que les risques étaient inexistants. À mon avis, l’agent a commis une erreur en excluant la preuve produite par M. Khan avant d’examiner la question de savoir si l’incompétence ou les instructions inappropriées de son ancien avocat l’avaient empêché de présenter la preuve à la CISR.

[58]  L’agent a déclaré que même si les documents étaient acceptés à titre de nouveaux éléments de preuve, les conclusions importantes de la SPR ne s’en trouveraient pas réfutées, à savoir i) que M. Khan n’était pas crédible en ce qui touchait des aspects importants de sa demande d’asile ii) qu’il n’intéressait personne au Pakistan et iii) que les événements qu’il alléguait n’étaient en fait jamais survenus.

[59]  L’alinéa 113a) de la LIPR repose sur le principe voulant que les décisions défavorables de la SPR à l’égard d’une demande d’asile doivent être respectées par les agents d’ERAR, à moins qu’il ne soit établi que de nouveaux éléments de preuve auraient pu avoir une incidence sur l’issue de l’audience devant la SPR s’ils avaient été présentés à cette dernière (Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, par. 13).

[60]  L’alinéa 113a) pose implicitement une série de questions. La preuve est-elle crédible, compte tenu de sa source et des circonstances dans lesquelles elle a surgi? Est-elle pertinente au regard de la demande d’ERAR, en ce sens qu’elle est susceptible de prouver ou de réfuter un fait pertinent pour la demande de protection? Est-elle nouvelle, en ce sens qu’elle est susceptible de contredire une conclusion de fait tirée par la SPR, notamment en matière de crédibilité? La preuve est-elle importante, en ce sens que la demande d’asile aurait probablement été accueillie si elle avait été présentée à la SPR? Bien que l’agent d’ERAR ne soit pas tenu d’aborder chacune de ces questions, il doit considérer l’ensemble de la preuve présentée.

[61]  La preuve que M. Khan a présentée est pertinente, susceptible de contredire les conclusions de la SPR en matière de crédibilité et potentiellement importante. La SPR a explicitement déclaré que la question déterminante dans sa décision en était une de crédibilité, et l’absence de preuve corroborant les allégations de M. Khan a exacerbé ses préoccupations. Dans sa demande d’ERAR, M. Khan a produit la preuve corroborante qu’il n’aurait pas pu normalement fournir à l’audience de la SPR et au moment de l’appel devant la SAR en raison de l’incompétence de son ancien avocat. À mon avis, la preuve qu’il a soumise dans le cadre de sa demande d’ERAR était nouvelle et aurait dû être acceptée par l’agent.

[62]  Quant à la question de savoir si l’agent aurait dû faire droit à la demande d’audience de M. Khan, l’agent n’a pas motivé son refus. D’un côté, M. Khan affirme que l’agent a tiré des conclusions en matière de crédibilité. De l’autre, le défendeur soutient que le refus de l’agent de tenir une audience était raisonnable, étant donné que la preuve produite par M. Khan ne soulevait pas de question sérieuse en matière de crédibilité. Le défendeur nie que la décision de l’agent porte essentiellement sur la crédibilité, estimant plutôt qu’elle a trait au caractère suffisant de la preuve.

[63]  Le nœud de la question consiste à savoir si la Cour considère les motifs de l’agent comme des conclusions relatives à la crédibilité ou touchant au caractère suffisant de la preuve. À mon avis, les motifs de l’agent sont à cheval sur la mince frontière entre ces deux types de conclusions. L’article 167 exige que la crédibilité de M. Khan soit mise en doute et que cet élément déterminant dans la question que doit trancher l’agent d’ERAR (Matute Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1074, par. 30).

[64]  L’agent s’est fortement appuyé sur la conclusion de la SPR portant que M. Khan n’était pas crédible en ce qui touchait des aspects importants de sa demande d’asile parce qu’il n’avait pas fourni de preuve corroborant son témoignage. Dans sa demande d’ERAR, M. Khan a produit la preuve en question qui, d’après la SPR, faisait défaut dans sa demande d’asile. Il est difficile d’envisager que l’agent n’ait pas, en réalité, tiré de conclusions en matière de crédibilité, essentielles au regard de la question de savoir si la tenue d’une audience est requise aux termes de l’article 167 du Règlement.

[65]  Les facteurs relevés par la Cour dans A.B. sont pertinents pour l’examen de cette question. Comme le demandeur dans cette affaire, M. Khan a expressément demandé la tenue d’une audience. En l’espèce, l’agent n’en a toutefois fait aucune mention, pas plus qu’il n’a indiqué si, ou de quelle façon, il a évalué les facteurs énoncés à l’article 167. Ainsi, il n’y a tout simplement aucune décision « à contrôler », hormis le fait que l’agent n’a pas tenu d’audience (A.B., par. 14).

[66]  Les circonstances dans les affaires A.B. et Zmari étaient semblables, en ce sens qu’aucun des demandeurs n’avait eu une audience devant la SPR (Zmari, par. 18; A.B., par. 14). Dans A.B., la Cour a souligné la pertinence de ce fait et déclaré que le demandeur n’avait pas eu la possibilité d’établir sa crédibilité ou de dissiper des préoccupations à cet égard.

[67]  Tout comme en l’espèce, la Cour a conclu dans A.B. que les préoccupations de l’agent d’ERAR quant à la crédibilité du demandeur formaient une partie importante de la décision, et que ces préoccupations remplissaient les critères énoncés à l’article 167. Compte tenu de ces considérations, la Cour a déterminé que la question dont elle était saisie était de savoir « si un processus juste et équitable a été suivi », et a répondu à cette question par la négative (A.B., par. 14).

[68]  La crédibilité de M. Khan occupait une place importante dans la décision de l’agent. Son avocat a fourni des observations écrites détaillées au sujet de la preuve qu’il souhaitait produire. M. Khan a eu une audience devant la SPR. Compte tenu des droits substantiels en jeu, M. Khan a bénéficié, à mon avis, d’un processus juste et équitable. Bien que les motifs pour lesquels l’agent n’a pas tenu d’audience soient inexistants, la décision de ne pas tenir d’audience dans les circonstances n’était pas incorrecte.

IV.  Conclusion

[69]  La décision de l’agent de refuser la demande de M. Khan au motif que la preuve qu’il avait présentée n’était pas nouvelle au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR est déraisonnable. Je suis d’accord avec M. Khan pour dire qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances de la présente affaire, de s’attendre à ce qu’il ait présenté la preuve produite dans le cadre de sa demande d’ERAR.

[70]  Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire du demandeur; la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour qu’il rende une nouvelle décision.

[71]  Aucune partie n’a soulevé de question grave de portée générale; par conséquent, aucune question de ce type n’est certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1569‑19

LA COUR STATUE que : la demande de contrôle judiciaire est accueillie; l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour qu’il rende une nouvelle décision; aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de janvier 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1569‑19

 

INTITULÉ :

WAQAS KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 OCTOBRE 2019

 

mOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Naseem Mithoowani

 

POUR Le demandeur

 

Teresa Ramnarine

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Naseem Mithoowani

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

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