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     Date : 19980513

     Dossier : IMM-2611-97

OTTAWA (ONTARIO), le 13 mai 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE

     GUILLERMO WALDE PEREZ GONZALEZ,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

         VU que le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision en date du 6 juin 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention;

         APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Toronto, le 5 mai 1998, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard, et après avoir examiné les arguments invoqués;

     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est accueillie.

2.          La décision contestée est annulée, et la revendication du demandeur est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal de composition différente procède à un nouvel examen.

                             W. Andrew MacKay

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19980513

     Dossier : IMM-2611-97

ENTRE

     GUILLERMO WALDE PEREZ GONZALEZ,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]          Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision en date du 6 juin 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, compte tenu de la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi).

[2]          Le demandeur est citoyen chilien. Sa revendication du statut de réfugié repose sur sa crainte alléguée de persécution, du fait de ses présumées activités politiques, dans l'éventualité de son retour au Chili. En 1968, il s'est joint à un mouvement de jeunesse communiste au Chili. En 1985, alors qu'il se trouvait dans une réunion d'un groupe armé s'opposant à Pinochet, dictateur de l'époque, la police y a fait une descente. Il a été arrêté et détenu trois jours, privé de nourriture et d'eau, et il a durement été battu par la police et des membres du groupe de renseignement militaire. Il prétend que par suite des coups et blessures qu'il a reçus, il a eu un cancer de son testicule gauche qu'il a perdu à la suite d'une intervention chirurgicale.

[3]          Par la suite, il a agi comme messager du groupe d'opposition jusqu'en 1987, année où il a cessé après que deux amis et plusieurs autres eurent été tués par les forces de sécurité. En 1988, son beau-frère a été tué par les forces de sûreté. Après 1987, il n'a pas exercé d'activités politiques jusqu'en 1994, année où, après le rétablissement de la démocratie, il a rejoint son ancien groupe, qui n'était plus en opposition armée, mais qui prétendait appuyer une coalition de partis démocratiques offrant une opposition permise au gouvernement.

[4]          En 1995, après avoir participé à une manifestation antigouvernementale, il a été arrêté et détenu par la police; il a été battu et il croit que son nom a été enregistré dans les dossiers informatisés de la police. Celle-ci lui a dit qu'elle était au courant de son arrestation il y a dix ans, et que s'il continuait comme élément subversif, il serait tué. Par la suite, il n'a participé à aucune manifestation. Néanmoins, après une importante manifestation, il a été arrêté par la police, détenu et battu, bien qu'il ait protesté qu'il n'y était pas impliqué. Il prétend avoir été libéré seulement après qu'il eut promis de quitter le Chili.

[5]          Il a quitté le Chili le 17 juin, et il est venu au Canada. Il a revendiqué le statut de réfugié un mois plus tard, le 17 juillet 1995.

[6]          Le tribunal de la SSR a conclu qu'il n'existait pas d'éléments de preuve dignes de foi permettant de décider que le revendicateur était un réfugié au sens de la Convention. Cette conclusion reposait sur des contradictions dans le témoignage et le comportement du revendicateur que le tribunal a jugé incompatible avec une crainte fondée de persécution.

[7]          Le tribunal a noté des invraisemblances qu'il a trouvées dans certains aspects de la revendication du demandeur, en particulier concernant son manque de connaissance de l'organisation politique au sein de laquelle, selon lui, il a exercé ses activités. De plus, son allégation selon laquelle il souffrait du cancer du testicule parce qu'il avait été battu en 1985 n'était pas étayée, sa prétention qu'il était gêné de révéler la preuve d'un second problème médical avec son testicule restant n'était pas compatible avec sa preuve du premier problème, sa prétention que l'ancienne agence de sécurité, le centre de ses craintes de persécution, existait toujours, et son retard dans la présentation d'une revendication du statut de réfugié, après avoir menti, à son arrivée, sur les fins de sa venue au Canada, tous ces facteurs, le tribunal les a examinés pour conclure qu'il n'existait pas de preuve digne de foi.

[8]          Toutefois, comme le reconnaît le défendeur, le tribunal a eu tort de dire qu'il n'existait pas de preuve de ce que le requérant avait eu le cancer du testicule gauche, question expressément exposée dans son rapport médical versé en preuve, que le tribunal n'a apparemment pas comprise. Il a également eu tort dans sa discussion du retard du demandeur dans la présentation d'une revendication du statut de réfugié en disant que le demandeur n'avait pas fait sa demande avant juillet 1996, soit un an ultérieurement à la présentation de sa demande. En dernier lieu, le tribunal n'a pas tenu compte de la prétendue crainte du demandeur à l'égard du pouvoir des services de sécurité en faisant état de la preuve documentaire qui disait que ces services étaient dispersés en 1990 lorsque tous les [TRADUCTION] "employés, dossiers et ordinateurs ont été transférés au service de renseignements de l'armée où l'accès des civils à l'information est sévèrement limité". On ne peut pas dire qu'il s'agit là d'une pleine réponse aux préoccupations du demandeur quant à l'influence continue des anciens services de sécurité (voir de Calles c. M.C.I. (1993), 67 F.T.R. 78).

[9]          Chacune de ces erreurs commises par le tribunal était un facteur important dans la discussion de sa décision. Je conviens qu'il a invoqué d'autres motifs pour conclure que le témoignage du demandeur n'était pas digne de foi. Toutefois, le tribunal a également déclaré :

         [TRADUCTION] Bien qu'on puisse peut-être soutenir qu'aucune des préoccupations quant à la crédibilité en l'espèce ne suffit, examinées individuellement, à annuler la revendication, nous estimons que l'effet cumulatif de la totalité de ces préoccupations fait que tout le témoignage du revendicateur n'est nullement digne de foi1.

[10]          Cette appréciation, c'est-à-dire l'effet cumulatif de la totalité des préoccupations du tribunal qui étaye la conclusion sur la crédibilité, signifie que la Cour ne saurait apprécier l'effet, sur la conclusion du tribunal, des erreurs admises du tribunal relativement à des facteurs qu'il a jugés importants. Dans les circonstances, la Cour n'a guère de choix quant à l'intervention lorsque la décision du tribunal repose sur son appréciation de la crédibilité du témoignage du requérant, à la lumière des questions qui préoccupent le tribunal, dont trois sont clairement des erreurs ou des méprises factuelles, qui ont été jugées importantes dans la décision du tribunal.

[11]          Au débat, l'avocat du défendeur a mentionné des aspects de la décision du tribunal, principalement ceux qui concernaient la preuve documentaire de la situation au Chili, comme si la décision du tribunal se fondait sur son évaluation du changement de la situation du pays d'origine qui n'appuierait pas objectivement la crainte alléguée du demandeur. Je n'interprète pas ainsi la décision du tribunal. Selon mon interprétation, sa décision repose entièrement sur sa conclusion selon laquelle il n'existait aucun élément de preuve digne de foi qui étayait la revendication du demandeur.

[12]          Lorsqu'une erreur relativement à des faits fondamentaux ou à des appréciations amoindrit l'effet cumulatif des motifs de préoccupation, lequel effet conduit à la conclusion qu'il manque des éléments de preuve dignes de foi, l'appréciation d'un défaut de crédibilité est discutable. Ces circonstances justifient l'annulation de la décision du tribunal et le renvoi de la revendication du demandeur pour qu'un tribunal de composition différente procède à un nouvel examen. Telle est maintenant l'ordonnance de la Cour.

                             W. Andrew MacKay

                                     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 13 mai 1998.

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-2611-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Guillermo Walde Perez Gonzalez c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 5 mai 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge MacKay

EN DATE DU                      13 mai 1998

ONT COMPARU :

    Jamie Ford                      pour le demandeur
                    
    Bridget O'Leary                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Jamie Ford                      pour le demandeur
    Toronto (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
        
__________________

     1      Décision du tribunal, p. 11.

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