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Date: 19980915


Dossier: IMM-4520-97

ENTRE:

     VLADIMIR FERTIH

     ANNA BROVKINA

     Demandeurs

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue le 3 octobre 1997 par Jean-Pierre Beauquier et Jean-Guy Roussy, membres de la Section du statut de réfugié dans les dossiers numéros M95-11080 et M95-11081 conformément à l"article 82.1 de la Loi sur l"immigration.

[2]      La décision rendue par le tribunal est basée particulièrement sur le fait que les deux demandeurs ont admis qu"ils seraient restés au Kazakhstan s"ils avaient été acceptés à la faculté de droit de l"Université kazakh d"État à Alma-Ata.

[3]      Le tribunal en arrive à la conclusion qu"il ne peut croire à la crainte de persécution alléguée en conséquence.

[4]      Le tribunal mentionne par ailleurs avoir analysé toute la preuve tant testimoniale que documentaire pour en conclure que les revendicateurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[5]      Plus loin le tribunal mentionne également:

Les éléments de preuve qui nous ont été soumis sont insuffisants pour établir que les revendicateurs en cas de retour dans leur pays d"origine auraient une possibilité raisonnable de persécution selon les termes de l"arrêt Adjei.1

[6]      Le procureur des demandeurs a soumis que les membres du tribunal avaient manifestement erré en fait et en droit en refusant d"apprécier la prépondérance à la preuve émanant du témoignage des demandeurs au moment de l"audition.

[7]      Il est manifeste que les demandeurs n"ont pas convaincu la Section du statut de réfugié qu"ils rencontraient tous les critères dans la définition de réfugié et particulièrement qu"ils éprouvaient une crainte sincère de persécution.

[8]      Qui plus est, les membres du tribunal ont clairement affirmé avoir pris connaissance de l"ensemble des preuves tant testimoniale que documentaire. Ils y font d"ailleurs plusieurs références dans leur décision.

[9]      Je considère que la Section n"était pas déraisonnable dans son appréciation de la crainte de persécution alléguée par les demandeurs, ni à toute fin pratique dans sa conclusion quant à l"existence même d"une crainte subjective de persécution basée sur l"admission que les deux demandeurs ont faite lors de l"audition selon laquelle ils seraient restés au Kazakhstan s"ils avaient été acceptés à la faculté de droit de l"Université kazakh d"État à Alma-Ata. Il est important de lire à cet effet la décision dans Huerta v. M.E.I.2 le commentaire du juge Létourneau:

Nous sommes d"avis que les membres de la Section du statut n"ont commis aucune erreur dans l"appréciation de la demande de statut de réfugié faite par l"appelante. À partir de la preuve au dossier, ils ont conclu que le comportement de l"appelante postérieur aux incidents dont elle se plaint contredit sa prétention qu"elle craint pour sa vie et sa sécurité si elle doit retourner au Mexique et que ce comportement nie l"existence même d"une crainte objective de persécution.

[10]      Dans le dossier Rahman v. M.E.I.3, la Cour d"appel fédérale précise:

Il n"est pas nécessaire que nous nous prononcions sur la conclusion secondaire tirée par la Section du Statut, c"est-à-dire qu"il y a eu un "changement de circonstances" dans le pays d"origine de l"appelant. Il nous paraît évident que la Section n"a pas cru l"appelant parce qu"elle voyait des contradictions majeures entre ses gestes et ses déclarations. Il s"agit là d"une conclusion qui relève de la compétence du tribunal et nous ne saurions intervenir à moins qu"elle n"ait été tirée de façon déraisonnable ce qui n"est certainement pas le cas en l"espèce.

[11]      Le procureur des demandeurs a fait état que la réponse positive à la question quant à leur intention de rester au Kazakhstan s"ils avaient été tous les deux acceptés à l"université aurait dû être nuancée par les membres du tribunal. Je crois utile de rappeler que ce sont les demandeurs qui ont le fardeau de faire la preuve qu"ils sont des réfugiés au sens de la Convention et que, après avoir donné des réponses précises à des questions précises, si les demandeurs ou leur procureur souhaitaient nuancer leurs propos, ils avaient tout le loisir de le faire mais ils conservaient le fardeau de la preuve dans les circonstances.

[12]      Les demandeurs n"ont aucunement démontré que la Section du statut avait erré en fait ou en droit en n"accordant aucune crédibilité à leur crainte de persécution alléguée.

[13]      Le procureur des demandeurs a également fait état tant dans son mémoire que dans ses représentations verbales, que le tribunal n"avait pas considéré la preuve quant à l"absence de protection de l"État au Kazakhstan.

[14]      Le tribunal était bien fondé de ne pas développer particulièrement la réponse à cette question dans la mesure où le tribunal n"avait pas cru à la crainte de persécution alléguée par les demandeurs.

[15]      À cet effet, j"accueille favorablement les arguments du procureur du défendeur quant aux faits. Compte tenu que les demandeurs ne rencontraient pas les éléments constitutifs de la notion de réfugié, les membres du tribunal n"avaient pas à pousser plus loin leur analyse à savoir s"il y avait protection de l"État au Kazakhstan ou non; bien que la lecture de la décision du tribunal démontre clairement que les membres du tribunal ont fait une analyse de toute la preuve tant testimoniale que documentaire.

[16]      Il m"apparaît important de rappeler le jugement par le juge Hugessen dans le dossier Florea c. M.E.I.4:

Le fait que la Section n"a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n"est pas un indice qu"elle n"en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu"à preuve du contraire. Les conclusions du tribunal trouvant appui dans la preuve, l"appel sera rejeté.

[17]      Pour tous ces motifs, la demande est rejetée.

[18]      Il n"y a pas lieu d"énoncer une question sérieuse de portée générale ouvrant la porte à un appel en vertu des dispositions de l"article 83 de la Loi.

                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 15 septembre 1998

__________________

1      Adjei c. M.E.I. (1989) 2 C.F. (C.A.F.).

2      (1993), 157 N.R. 225 (C.A.F.).

3      A-1224-91, 22 avril, 1994 (C.A.F.).

4      A-1307-91, 11 juin 1993 (C.A.F.).

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