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Date : 19990528


Dossier : IMM-2578-99

OTTAWA (Ontario), le 28 mai 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :


VAN ANH NGUYEN,

demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

[1]      Par la présente, je sursois à l"exécution de la mesure de renvoi jusqu"à ce que décision soit rendue sur la demande déposée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration et jusqu"à ce qu"une décision soit rendue sur les demandes d"autorisation de contrôle judiciaire.

[2]      La question de la détention sera réglée par les autorités de l"Immigration.


" P. Rouleau "

JUGE

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules



Date : 19990528

Dossier : IMM-2578-99

ENTRE :


VAN ANH NGUYEN,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Le demandeur demande de surseoir à l"exécution d"une mesure de renvoi qui prend effet le 31 mai 1999.

[2]      Le demandeur, qui vient du Viêt-nam, est arrivé au Canada à titre d"immigrant reçu parrainé en 1990. Quelques années plus tard, il s"est présenté aux bureaux d"Immigration Canada dans le but de parrainer son épouse, qui était restée au Viêt-nam.

[3]      La preuve révèle qu"il s"est marié trois jours avant de quitter son pays natal; toutefois, il n"a pas dévoilé ce fait au bureau de l"Immigration au Viêt-nam, non plus qu"aux agents des visas à son arrivée au Canada.

[4]      Par suite du dévoilement de ce fait, le parrainage du demandeur a été annulé et il a été frappé d"une mesure d"expulsion en mars 1994. Un appel formé devant la section d"appel de l"immigration a été rejeté mais, en 1997, l"affaire a été renvoyée pour réexamen à la suite d"une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale.

[5]      En octobre 1997, le demandeur s"est présenté aux bureaux d"Immigration Canada dans le but d"obtenir la permission de quitter le Canada afin d"aller au Viêt-nam pour y visiter son épouse : il venait d"apprendre qu"elle était gravement malade. Il est allégué qu"il lui a été dit qu"il pourrait voyager à condition de se désister de son appel formé devant la SAI. La preuve relative à cette allégation est cependant discutable. Il n"y a pas de doute qu"à l"automne 1997, il s"est effectivement rendu au Viêt-nam, qu"il a voyagé avec un passeport vietnamien et qu"il est revenu au Canada environ deux ou trois semaines plus tard sans empêchement.

[6]      Il apparaît qu"il y a eu une sorte d"entente tacite selon laquelle il lui serait permis d"y aller s"il se désistait de l"appel formé devant la SAI. Cela m"amène à me poser une autre question. Compte tenu de l"état psychologique du demandeur et de la situation difficile dans laquelle il se trouvait, la façon d"agir des parties n"est-elle pas, au moins, injuste? À n"en pas douter, Immigration Canada était au courant qu"il allait tenter de se rendre au Viêt-nam et n"a d"aucune façon essayé de l"empêcher de sortir du Canada ou d"y revenir; en fait, ce n"est qu"en décembre 1997, que l"Immigration a lancé un mandat contre le demandeur.

[7]      Un mandat d"arrestation a été lancé contre le présent demandeur en décembre 1997. Le mandat n"a jamais été exécuté avant que le demandeur ne se présente volontairement aux bureaux d"Immigration Canada, à Calgary, en avril 1998. Il a été libéré et il s"est présenté à nouveau aux bureaux d"Immigration Canada en mars 1999, où il a fait savoir qu"il était prêt à retourner au Viêt-nam. Le 27 avril 1999, il a comparu à une entrevue préalable au renvoi et la preuve, bien que peu claire à ce sujet, semble indiquer que le demandeur a voulu déposer une demande du statut de réfugié et qu"apparemment, cela lui aurait été refusé au motif qu"il n"avait pas le droit de présenter cette demande étant donné qu"il faisait l"objet d"une mesure de renvoi à exécuter.

[8]      Le 11 mai 1999, le défendeur a reçu une demande d"obtention du droit d"établissement pour des raisons humanitaires, présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration.

[9]      L"avocat du demandeur a déposé deux demandes de contrôle judiciaire. Le 29 avril 1999, dans le dossier IMM-2578-99, une demande de contrôle judiciaire a été déposée dans le but de faire annuler la décision qui refusait au demandeur de déposer une demande du statut de réfugié. Il est plaidé qu"en vertu du paragraphe 54(1) de la Loi, la mesure de renvoi dont fait l"objet le demandeur devrait être réputée avoir été exécutée et être inopérante, étant donné que le demandeur a volontairement quitté le Canada pour aller visiter son épouse, dans un pays où il a pu retourner et d"où il a pu revenir légalement et sans empêchement.

[10]      L"avocat du défendeur laisse à entendre qu"il ne s"agit pas d"une question sérieuse étant donné que, pour revenir au Canada, le demandeur se devait d"obtenir l"autorisation du ministre en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi.

[11]      Je crois que cette question vaut la peine d"être débattue. Il est clair que le paragraphe 54(1) exige d"obtenir l"autorisation du ministre avant de pouvoir revenir, mais le présent demandeur n"a pas été renvoyé de force. Peut-être que cela peut donner lieu à une cause soutenable.

[12]      L"avocat du défendeur me soumet la décision Mercier (C.F. 1re inst., no T-309-85, 25 avril 1995) qui porte à croire, selon lui, que le fait de quitter le pays n"invalide pas la mesure de renvoi. Je crois que cette affaire peut être considérée comme une espèce différente : dans Mercier , le demandeur a essayé d"entrer aux États-Unis et s"est vu refuser l"entrée, ce qui est différent des faits de la présente affaire puisque le demandeur ne s"est pas vu refuser l"entrée au Viêt-nam.

[13]      L"avocat du demandeur, dans le dossier IMM-2582-99, demande aussi un contrôle judiciaire ou un mandamus relativement à la demande fondée sur le paragraphe 114(2), étant donné qu"aucune décision n"a été reçue jusqu"à maintenant. Il allègue que le demandeur devrait pouvoir rester au Canada jusqu"à ce qu"il soit statué sur cette question.

[14]      L"avocat du défendeur me soumet la décision Yuri Shchelkanov c. Le ministre de l"Emploi et de l"Immigration, 76 F.T.R. 151, dans laquelle le juge Strayer a dit que, lorsque aucune décision n"a été rendue quant à une demande présentée tardivement en vertu du paragraphe 114(2), la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder le sursis à l"exécution. Il est à noter que dans Shchelkanov , le juge Strayer a indiqué qu"il ne semblait pas y avoir de cause soutenable et que le dommage irréparable en cause était que le demandeur n"aurait pas accès à des soins médicaux adéquats en Russie et qu"il perdrait l"indemnisation relative au travail accompli, illégalement, au Canada. Pourtant, l"élément essentiel de la décision du juge Strayer est que le sursis ne devrait pas être accordé à moins que la question de la validité de la mesure de renvoi soit portée devant la Cour lors du contrôle judiciaire.

[15]      La preuve révèle que le demandeur en l"instance a tenté de se suicider à trois différentes occasions. Il a été arrêté et est demeuré en détention après avoir récemment obtenu son congé de l"hôpital, mais il devra consulter un psychiatre. Il vaut la peine de remarquer qu"il a toujours été soutenu financièrement par d"autres membres de sa famille immédiate, qui résident légalement au Canada. Je suppose qu"il ne savait pas que le fait de se marier trois jours avant son départ pour le Canada en 1990 affecterait la validité de son parrainage et pouvait entraîner son renvoi. Je doute fortement qu"il puisse obtenir des soins psychiatriques adéquats au Viêt-nam et je remarque qu"il a été ici pendant neuf ans et que la mesure de renvoi dont il fait l"objet est demeurée inexécutée pendant cinq ans. Si le demandeur reste quelques mois de plus au Canada, jusqu"à ce que la décision relative à sa demande d"obtention du droit d"établissement pour des raisons humanitaires et en attendant de savoir si la Cour acceptera d"entendre sa demande de contrôle judiciaire, ayant pour objet la contestation de la validité de la mesure de renvoi en attente, cela n"empêchera pas vraiment le ministre de remplir son obligation d"exercer efficacement ses fonctions.

[16]      Je crois qu"il y a une cause soutenable et qu"autant le critère du dommage irréparable que celui de la prépondérance des inconvénients sont en faveur du demandeur. Par la présente, je sursois à l"exécution de la mesure de renvoi jusqu"à ce qu"une décision soit rendue sur la demande déposée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration et jusqu"à ce qu"une décision soit rendue sur les demandes d"autorisation de contrôle judiciaire.

[17]      La question de la détention sera réglée par les autorités de l"Immigration.


" P. ROULEAU "

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 28 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-2578-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Van Anh Nguyen c. Le ministre de la Citoyenneté

                         et de l"Immigration

AUDIENCE TENUE PAR VOIE DE CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE ENTRE OTTAWA (Ontario), CALGARY ET EDMONTON (Alberta)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 27 MAI 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                  30 MARS 1999

ONT COMPARU :

M. Charles R. Darwent                      POUR LE DEMANDEUR

M. W. Brad Hardstaff                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS AU DOSSIER :

M. Charles R. Darwent                      POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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