Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20191211


Dossier : IMM‑2180‑19

Référence : 2019 CF 1591

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 11 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

ABUZAR MUSA ABASHER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 7 mars 2019, par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande de visa de résident permanent au Canada présentée par le demandeur à titre de membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de celle de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

I.  Le contexte

[2]  Le demandeur, âgé de 34 ans, est citoyen du Soudan et réside actuellement en Turquie. Il a été reconnu comme réfugié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le HCR] en 2016. Un groupe de cinq personnes, y compris deux de ses frères, l’ont subséquemment parrainé afin qu’il puisse venir au Canada.

[3]  Le demandeur a donc rempli une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières [la CRCOF] et de celle de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières — précisément, la catégorie de personnes de pays d’accueil [la CPPA]. Dans le cadre de cette demande, le demandeur a fourni une déclaration comportant son exposé circonstancié, dans lequel il détaillait (en arabe) les raisons pour lesquelles il a fui le Soudan.

[4]  Dans le présent contrôle judiciaire, le demandeur soutient que cette déclaration a été envoyée à ses frères au Canada afin d’être traduite. Le demandeur, ainsi qu’un de ses frères, ont confirmé dans leur affidavit respectif que ses frères ont eu de l’aide au Canada pour traduire la déclaration de l’arabe à l’anglais. Le demandeur explique en outre qu’il ne lit pas l’anglais et ne le comprend pas non plus; par conséquent, il n’a jamais lu la déclaration traduite. Les frères ont envoyé la déclaration directement au centre de traitement des demandes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] à Winnipeg, au Manitoba, que l’agent a finalement examinée à l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie.

[5]  Le 8 janvier 2019, l’agent a interrogé le demandeur. Durant l’entrevue, un interprète était présent, assis derrière la vitre avec l’agent. L’agent a demandé au demandeur s’il pouvait comprendre l’interprète. Le demandeur a répondu par l’affirmative. L’agent a également dit au demandeur de l’aviser si, à tout moment au cours de l’entrevue, il ne comprenait pas ou éprouvait des difficultés. Dans son affidavit, le demandeur soutient qu’il était difficile de bien entendre l’interprète et il se demande si l’interprète arrivait aussi à l’entendre correctement.

[6]  Le 30 janvier 2019, l’agent a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale [la lettre d’équité]. Dans cette lettre, l’agent a écrit que le demandeur avait présenté durant l’entrevue des renseignements qui n’étaient pas crédibles. En particulier, l’agent a souligné que même si le demandeur a affirmé craindre pour sa vie au Soudan, il a tout de même réussi à obtenir un passeport et à aller en Égypte. Plus tard, il a pu retourner au Soudan par des [traduction] « moyens conventionnels », c’est‑à‑dire par avion. L’agent a ensuite signalé que si le demandeur craignait pour sa vie, il ne serait pas retourné ouvertement au Soudan.

[7]  Le 16 février 2019, le demandeur a fourni une réponse à la lettre d’équité [la réponse], que son frère aurait écrite et envoyée à l’agent en son nom, au moyen d’un document Word joint à un courriel. Selon le demandeur, son frère ne l’avait pas informé du contenu de la réponse avant de l’envoyer. Avant que la décision ne soit rendue, le frère du demandeur lui a traduit oralement le document. Le demandeur soutient dans son affidavit qu’il y avait plusieurs erreurs dans le document traduit, mais son frère et lui affirment tous deux dans leur affidavit respectif qu’ils ne savaient pas comment corriger ces erreurs, puisque la réponse avait déjà été envoyée au bureau des visas.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[8]  Dans sa décision, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences prévues pour immigrer au Canada. Il a souligné que le demandeur avait reçu l’aide d’un interprète durant l’entrevue et qu’à aucun moment il n’a affirmé avoir du mal à comprendre l’interprète ou à se faire comprendre par lui.

[9]  Après avoir examiné la demande, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait établi que sa crainte de persécution était fondée ou qu’il avait été sérieusement et personnellement touché par une guerre civile, un conflit armé ou une violation des droits de la personne. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu qu’il existait une chance ou des motifs raisonnables que le demandeur fasse partie de la CRCOF ou de la CPPA. Il a affirmé qu’il n’était pas convaincu que le demandeur avait été honnête et transparent relativement aux renseignements fournis.

[10]  En particulier, en ce qui concerne les activités du demandeur en Égypte, l’agent a mentionné que sa réponse comportait des renseignements qui contredisaient ce qu’il avait dit durant l’entrevue. Par conséquent, la réponse n’a pas permis de dissiper les préoccupations de l’agent quant à la crédibilité. L’agent a en outre relevé les contradictions suivantes entre les notes versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], la réponse du demandeur et les renseignements qu’il avait préalablement fournis lors de l’entrevue et dans les documents de demande originaux :

  • a) la date à laquelle il a été congédié par son employeur au Soudan, soit en août ou en septembre 2011;

  • b) son emploi en Égypte : durant son entrevue, il a affirmé qu’il ne travaillait pas; dans sa réponse, il est inscrit qu’il travaillait; ses formulaires originaux ne faisaient état d’aucun travail en Égypte;

  • c) la question de savoir si son collègue soudanais en Égypte a été arrêté par les services de sécurité du Soudan ou de l’Égypte, ce qui l’a incité à retourner au Soudan;

  • d) le fait que des collègues à la ferme en Égypte l’ont averti de ne pas revenir, fait qui n’a pas été mentionné à l’entrevue (durant laquelle il a aussi affirmé qu’il ne travaillait pas);

  • e) l’endroit où il est resté après son retour au Soudan — soit à Khartoum (comme il l’a indiqué dans sa réponse), soit à Al Halfa pendant trois à quatre mois et à Khartoum pendant un autre mois (comme il l’a affirmé durant l’entrevue).

[11]  L’agent a conclu que ces contradictions minaient la crédibilité du demandeur quant à savoir pourquoi il a fui le Soudan la première fois et pourquoi il y est retourné par des moyens [traduction] « légaux » et « conventionnels », alors qu’il craignait d’être persécuté. L’agent a rejeté sa demande.

III.  Analyse

[12]  Le demandeur soutient que la décision était injuste et déraisonnable, en ce que l’agent (i) ne lui a pas fait part de ses diverses préoccupations et ne lui a pas fourni l’occasion d’y répondre et (ii) n’a pas adéquatement tenu compte des exigences relatives aux catégories de réfugiés en question. Les parties s’entendent pour dire que (i) la norme de la décision correcte (Pushparasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 828, au par. 19) et (ii) la norme de la décision raisonnable (Habte c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 327, au par. 17) s’appliquent, respectivement.

[13]  Premièrement, en ce qui concerne la question de l’équité procédurale, le demandeur affirme que l’agent a manqué à son obligation de l’informer de la preuve qu’il devait réfuter et de ses préoccupations, plus précisément en ce qui concerne les cinq questions de crédibilité décrites aux points a) à e) ci‑dessus, que l’agent n’a soulevées ni durant l’entrevue ni dans la lettre d’équité. Le demandeur s’appuie notamment sur la politique applicable d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, énoncée dans les « instructions sur l’exécution des programmes » [les instructions] intitulées « Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières » (la CPPA tombe dans la dernière catégorie). En ce qui concerne la crédibilité et l’équité, les instructions prévoient ce qui suit :

Aborder avec le demandeur les questions de crédibilité

Le demandeur devrait être interrogé au sujet des contradictions dans son histoire. De plus, toute explication fournie par le demandeur devrait être prise en compte par l’agent qui doit considérer si une telle explication est raisonnable eu égard aux circonstances. De plus, l’agent doit aborder toutes les divergences non résolues ou ses doutes concernant une explication.

Ne pas mettre trop d’ardeur à trouver des contradictions

L’agent ne devrait pas être vigilant à outrance en examinant l’histoire du demandeur à la loupe. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on a recours à un interprète. L’agent ne devrait pas scruter le témoignage à la recherche de divergences ou d’éléments de preuve non crédibles dans le but de s’attaquer à la crédibilité du demandeur.

[14]  Le défendeur réplique que les cinq divergences et les préoccupations quant à la crédibilité qui en découlent n’ont été soulevées qu’au moment où le demandeur a fourni sa réponse. Par conséquent, l’agent n’aurait pas pu en faire part au demandeur dans la lettre d’équité, puisque le demandeur n’avait pas encore fourni les renseignements contradictoires. Le demandeur ne peut pas maintenant affirmer qu’il est surpris que des préoccupations quant à la crédibilité aient été soulevées parce que sa réponse écrite ne concordait pas avec ses réponses durant l’entrevue.

[15]  Pour l’essentiel, j’estime que le demandeur a été traité équitablement. L’agent l’a convoqué à une entrevue, s’est assuré de la présence d’un interprète, s’est assuré qu’il comprenait l’interprète et lui a dit de poser des questions ou de soulever toute préoccupation s’il n’était pas sûr de bien comprendre les procédures. L’agent a ensuite envoyé la lettre d’équité et a attendu la réponse avant de rendre sa décision. Ainsi, pour ce qui est de la forme à tout le moins, le processus porte le sceau de l’équité.

[16]  Toutefois, je constate que l’agent a oublié une étape importante pour garantir un traitement équitable au demandeur. Pour comprendre cette étape, je vais d’abord reproduire la partie principale de la lettre d’équité de l’agent :

[traduction]

Dans votre cas, je crains que vous n’ayez pas été franc et honnête relativement aux renseignements que vous avez fournis à l’appui de la demande. À l’entrevue, votre obligation de dire la vérité et d’être honnête vous a été expliquée clairement dès le début. Malgré tout, vous avez présenté des renseignements qui n’étaient pas crédibles. En particulier, vous avez affirmé que vous craigniez pour votre vie après avoir été relâché; pourtant, vous avez réussi à obtenir un passeport et à quitter le Soudan librement quatre mois plus tard sans incident. Vous êtes ensuite retourné au Soudan par des moyens conventionnels, comme le démontrent les timbres d’entrée et de sortie figurant dans la copie de votre passeport, et vous avez continué de résider au Soudan jusqu’à ce que vous quittiez le pays pour vous rendre en Turquie en septembre 2013. Il est raisonnable de croire que si vous craigniez pour votre vie, vous ne retourneriez pas ouvertement dans le pays que vous fuyez.

[Non souligné dans l’original.]

De toute évidence, la lettre d’équité était axée sur le fait que le demandeur est entré au Soudan et en est ressorti par des moyens dits « conventionnels ». L’agent a uniquement soulevé le fait que le demandeur a quitté le Soudan et s’est réclamé à nouveau de la protection du Soudan depuis l’Égypte, ainsi que la facilité relative avec laquelle il y est parvenu.

[17]  Toutefois, dans sa décision, l’agent a dit avoir des doutes quant à la crédibilité du demandeur sur le fondement de divergences (décrites aux points a) à e) ci‑dessus) entre sa réponse, d’une part, et l’entrevue ou les observations préalables, d’autre part, qui allaient au-delà du doute soulevé dans la lettre d’équité quant à la facilité relative avec laquelle il a quitté le Soudan et y est entré à nouveau. Les questions relatives à la crédibilité soulevées par l’agent dans ces cinq points, qui figurent dans les notes versées au SMGC (qui font partie de la décision), portent principalement sur des détails qui n’ont aucun lien avec le fait que le demandeur ait quitté le Soudan et y soit retourné; elles visent plutôt des détails relatifs au travail et à la résidence du demandeur au Soudan et en Égypte par la suite. En effet, le paragraphe clé de la décision commence exactement de la même manière que la lettre d’équité citée précédemment, mais l’accent est mis ailleurs dans la deuxième partie de la lettre :

[traduction]

Dans votre cas, je ne suis pas convaincu que vous ayez été franc et honnête relativement aux renseignements que vous avez fournis à l’appui de la demande. À l’entrevue, votre obligation de dire la vérité et d’être honnête vous a été expliquée clairement dès le début. Malgré tout, vous avez présenté des renseignements qui n’étaient pas crédibles. En particulier, les renseignements que vous avez présentés durant l’entrevue sur ce que vous faisiez en Égypte ne concordaient pas avec ceux que vous avez fournis dans votre réponse à la lettre d’équité procédurale. Durant l’entrevue, vous avez également présenté des renseignements qui n’étaient pas crédibles en ce qui concerne votre départ du Soudan et votre retour dans ce pays.

[Non souligné dans l’original.]

[18]  L’agent a fondé sa conclusion sur une autre préoccupation, sans offrir au demandeur la chance de s’expliquer. Contrairement aux instructions, l’agent n’a pas abordé les divergences non résolues ni ses doutes concernant une explication. En effet, même les questions concernant l’entrée et la sortie figurant dans la réponse du demandeur à la lettre d’équité n’ont pas été abordées par l’agent. En fait, il a simplement affirmé que les déplacements n’étaient [traduction« pas crédibles ».

[19]  En l’espèce, l’erreur commise par l’agent de ne pas aviser adéquatement le demandeur de ses préoccupations quant à la crédibilité rappelle celle analysée par le juge Southcott dans la décision Ge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 594 [Ge], qui a conclu que l’agente aurait dû fournir aux demandeurs du statut de résident permanent une deuxième occasion de répondre aux préoccupations qui avaient été soulevées à la suite de leur réponse à la première lettre d’équité procédurale. Dans la décision Ge, comme en l’espèce, les préoccupations de l’agente quant à la crédibilité découlaient de la réponse des demandeurs à la lettre d’équité procédurale. Ces préoccupations, qui ont été fatales à la demande, n’avaient aucun lien avec les préoccupations qu’elle avait précédemment soulevées dans la lettre (voir Ge, au par. 27). Le juge Southcott a écrit ce qui suit au paragraphe 29 :

À mon avis, les doutes sur lesquels le défendeur se fonde pour défendre les décisions de l’agente soulèvent manifestement la question de la crédibilité, car elle a conclu que les réponses des demandeurs aux lettres relatives à l’équité procédurale manquaient de franchise. Par contre, les demandeurs n’ont pas été informés de ces doutes puisqu’ils sont apparus seulement après que l’agente a reçu leurs réponses, et elle a rendu ses décisions sans avoir tenté de communiquer de nouveau avec eux.

[Non souligné dans l’original.]

[20]  En l’espèce aussi, j’estime que les nouvelles préoccupations soulevées aux points a) à e), qui différaient de celles soulevées dans la lettre d’équité, auraient dû être présentées au demandeur afin de lui donner la possibilité d’y répondre. Autrement dit, l’agent aurait dû présenter une deuxième lettre d’équité procédurale.

[21]  Le défendeur soutient qu’au final, aucune histoire crédible ne permet d’étayer la demande. Il rappelle qu’il n’était pas nécessaire de revoir tous les points avec le demandeur dans une autre lettre, ce qui aurait créé un cycle incessant d’avis relatifs à l’équité.

[22]  Je garde à l’esprit que, dans des circonstances occasionnelles, une décision peut être maintenue malgré une violation de l’équité procédurale, lorsque le résultat est inévitable (Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada-Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, au par. 53). En l’espèce, j’estime que nous ne sommes pas en présence d’une telle conclusion inéluctable, puisque le demandeur aurait pu être en mesure d’expliquer les divergences (voir aussi Olah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 316, au par. 28).

[23]  Cela dit, je tire cette conclusion avec prudence et à la lumière de trois facteurs très particuliers qui établissent une distinction entre le demandeur en l’espèce et le demandeur de résidence permanente moyen. Premièrement, le demandeur a été parrainé à titre privé par un groupe de Canadiens et il demandait l’asile à l’étranger. Deuxièmement, le demandeur avait déjà été reconnu comme réfugié par le HCR, puisqu’il vivait dans un autre pays. Troisièmement, ni le demandeur ni le groupe de répondants canadiens n’étaient représentés par un avocat. Ensemble, ces facteurs donnent à penser que le demandeur se trouve dans une situation de vulnérabilité, et celle-ci diffère donc d’une demande de résidence permanente canadienne ordinaire présentée à l’étranger par un demandeur, que ce soit en tant que travailleur qualifié ou en tant que membre de la catégorie du regroupement familial ou d’une autre catégorie. Je tiendrai compte des mises en garde du défendeur en ce qui concerne la retenue à l’égard des conclusions quant à la crédibilité, et particulièrement de celles tirées en l’espèce.

[24]  Le demandeur a soulevé une autre question d’équité procédurale relativement à la qualité de l’interprétation, tant durant l’entrevue que dans l’exposé circonstancié original, qui aurait eu une incidence sur l’équité, selon lui. Le défendeur s’est opposé à ces arguments. Je ne vais pas aborder le bien‑fondé de la question de l’interprétation, étant donné le manque d’équité qui découle simplement de la nature des conclusions tirées quant à la crédibilité et de l’impossibilité d’expliquer les divergences. En effet, à mon avis, si le demandeur avait eu la possibilité d’expliquer les divergences, les questions de l’interprétation et de la traduction auraient vraisemblablement été réglées.

[25]  De même, il n’est pas nécessaire d’aborder le bien‑fondé de la deuxième question soulevée, soit le caractère raisonnable de la décision. Toutefois, je dirai que, si jamais cette question était soulevée dans la nouvelle décision relative à la demande de visa, dans un cas où la personne a déjà été reconnue comme un réfugié par le HCR, comme le demandeur en l’espèce, l’agent d’IRCC devrait aborder, en termes clairs, la question de savoir si le demandeur serait exposé à un risque de persécution (au titre de la CRCOF) ou à un risque connexe (au titre de la CPPA) à l’avenir, en fonction du profil du demandeur. Il existe des différences entre la première et la deuxième catégorie. S’il rejette la demande, l’agent d’examen devrait expliquer — même brièvement — pourquoi le demandeur n’est pas exposé à un risque à l’avenir au titre de chaque catégorie, à la lumière de son profil (voir Khedri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 326, aux par. 19‑20).

IV.  Conclusion

[26]  En résumé, dire que l’agent s’est conformé aux exigences de l’équité consisterait à accorder la priorité à la forme plutôt qu’au contenu : même si le demandeur a été traité équitablement du fait qu’il a bénéficié d’une entrevue, a eu accès à un interprète, a reçu une lettre d’équité et a pu transmettre sa réponse, l’équité était illusoire, puisque le rejet reposait sur des motifs qui n’ont pas été soulevés avant le prononcé de la décision. Puisque j’estime que cette question d’équité procédurale est déterminante, aucune conclusion ne sera tirée quant au caractère raisonnable de la décision.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2180‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire sera renvoyée à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour qu’un autre agent procède à un nouvel examen.

  3. Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de janvier 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2180‑19

 

INTITULÉ :

ABUZAR MUSA ABASHER c. LE MINISTRE DE LA citoyenneté ET DE L’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 11 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Rekha McNutt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Shiroky

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.