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Date : 20050208

Dossier : IMM-2851-04

Référence : 2005 CF 203

Toronto (Ontario), le 8 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                          ALIAKSANDR VALERIEVICH PANKOU

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Aliaksandr Valerievich Pankou prétend craindre avec raison d'être persécuté au Bélarus du fait de ses opinions politiques. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande d'asile parce qu'il n'avait pas produit d'éléments de preuve crédibles suffisants au soutien de celle-ci.

[2]                M. Pankou prétend que plusieurs des conclusions déterminantes qui ont été tirées par la Commission relativement à la crédibilité étaient entachées d'erreurs et que la décision qu'elle a rendue devrait être annulée en conséquence.

[3]                Après avoir traité de la question de la norme de contrôle applicable, j'examinerai chacune des conclusions contestées.

La norme de contrôle

[4]                La plupart des conclusions contestées sont des conclusions de fait. C'est donc la décision manifestement déraisonnable qui doit s'appliquer comme norme : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

Le profil politique de M. Pankou

[5]                La Commission a jugé que M. Pankou n'avait pas produit d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi démontrant qu'il avait suffisamment le profil d'un activiste politique au sein du mouvement politique « Charte 97 » pour attirer l'attention de la police ou des autorités militaires. En tirant cette conclusion, la Commission a fait remarquer que M. Pankou n'avait fourni aucun document confirmant qu'il était bien membre de l'organisation.

[6]                M. Pankou a indiqué dans son témoignage qu'il avait bien tenté d'obtenir de tels documents, mais que ses anciens amis au sein de l'organisation avaient refusé de l'aider parce qu'ils considéraient qu'il avait trahi le mouvement en quittant le Bélarus.

[7]                Cette explication n'était pas vraisemblable aux yeux de la Commission étant donné le degré de persécution dont M. Pankou aurait été victime et son prétendu engagement envers la cause.

[8]                Pour démontrer pourquoi il n'avait pas été en mesure d'obtenir des documents de ses anciens collègues de Charte 97, M. Pankou a produit une copie d'un article de journal du Bélarus devant la Commission. Cet article décrit les problèmes qu'a eus une autre personne à obtenir des documents de ses anciens partenaires politiques au Bélarus pour étayer sa demande d'asile. Selon l'article, les anciens partenaires de la personne en question avaient été aussi réticents à l'aider à obtenir des documents au soutien de sa demande parce qu'ils jugeaient qu'elle avait trahi la cause.

[9]                La Commission pouvait rejeter cette preuve, mais elle ne pouvait pas simplement n'en tenir aucun compte, étant donné que celle-ci corroborait dans une certaine mesure le témoignage de M. Pankou concernant son profil politique : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.). Ce faisant, la Commission commettait une erreur susceptible de contrôle, à mon avis.

[10]            L'avocate du défendeur a porté à mon attention d'autres éléments de preuve contenus dans le dossier qui, d'après elle, étayent la conclusion de la Commission selon laquelle M. Pankou n'a pas établi son profil politique. À cet égard, je fais miens les commentaires suivants formulés par le juge O'Reilly dans Ako c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 5 : « [L]a décision et les motifs de la Commission doivent se justifier par eux-mêmes. Le défendeur ne peut pas invoquer d'autres motifs, qui n'ont pas été reconnus par la Commission, pour justifier les conclusions de celle-ci. La décision de la Commission ne peut reposer sur des motifs dont elle n'a même pas fait mention. »

L'importance du rôle de M. Pankou au sein de Charte 97

[11]            La Commission a tiré une conclusion défavorable de ce qui constitue, selon elle, une contradiction entre la prétention de M. Pankou selon laquelle il était un participant mineur aux activités de Charte 97 et son témoignage selon lequel il était un membre actif et important du groupe.

[12]            J'ai examiné avec soin le Formulaire de renseignements personnels de M. Pankou et le témoignage qu'il a fait devant la Commission. Bien qu'il ait employé différentes expressions pour décrire son rôle dans Charte 97, la preuve de M. Pankou sur ce point n'est pas réellement contradictoire : il a toujours dit qu'il était un membre actif mais mineur de Charte 97.


Le défaut de M. Pankou de signaler à Charte 97 les mauvais traitements qu'il avait subis

[13]            La Commission a conclu que M. Pankou n'avait pas signalé à Charte 97 les mauvais traitements que lui aurait fait subir la police parce qu'il n'avait pas subi ces mauvais traitements.

[14]            Le défendeur admet que la Commission a commis une erreur à cet égard en ne tenant pas compte des raisons données par M. Pankou pour expliquer pourquoi il ne s'était pas plaint à Charte 97 des mauvais traitements que lui avait fait subir la police. Il soutient néanmoins que cette erreur n'est pas suffisamment importante en soi pour que la décision de la Commission soit annulée.

[15]            Cela est peut-être vrai, mais ce n'est pas la seule erreur que la Commission ait commise dans son évaluation de la crédibilité de M. Pankou. Deux autres erreurs au moins peuvent être relevées, dont l'une a trait à la question fondamentale du profil politique de M. Pankou.

[16]            Je ne peux pas dire avec certitude que la Commission serait arrivée à la même conclusion si elle n'avait pas commis ces erreurs. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


Certification

[17]            Aucune partie n'a proposé une question à des fins de certification, et aucune question semblable n'est soulevée en l'espèce.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'elle fasse l'objet d'une nouvelle décision;

2.          qu'aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                                  « A. Mactavish »                    

                                                                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-2851-04

INTITULÉ :                                                             ALIAKSANDR VALERIEVICH PANKOU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 7 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                             LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                            LE 8 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Hilary Evans Cameron                                       POUR LE DEMANDEUR

Alison Engel-Yan                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VanderVennen Lehrer                                       POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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