Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20060628

Dossier : IMM-3375-06

Référence : 2006 CF 831

Toronto (Ontario), le 28 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

 

ENTRE :

SHAUNE DWANE HIGGINS

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, citoyen jamaïcain, est entré au Canada en juin 2004 muni d’un visa de travailleur saisonnier dans une exploitation agricole. Quelques jours plus tard, il a quitté son emploi et est entré dans la clandestinité. Un mandat d’arrestation et une mesure d’exclusion ont été délivrés en février 2005. En juin 2005, le demandeur s’est présenté aux autorités de l’Immigration dans le but de demander l’asile. Sa demande était irrecevable parce que le demandeur se trouvait sous le coup d’une mesure d’exclusion. Il a été arrêté, puis libéré après que sa future épouse, Charlene Rose Bedassie, eut fourni une caution de 3 000 $. Le couple avait commencé à faire vie commune en décembre 2004; le demandeur et Mme Bedassie se sont mariés en octobre 2005. En novembre, Mme Bedassie, qui est citoyenne canadienne, a présenté une demande de parrainage au Canada en faveur de son époux.

 

[2]               Mme Bedassie a un fils de 9 ans d’une union antérieure. Cet enfant n’a aucun contact avec son père biologique et désigne le demandeur comme son père.

 

[3]               Selon une preuve par affidavit non contestée, on a récemment diagnostiqué chez l’enfant [traduction] « une déficience sociale et comportementale ». Il éprouve des difficultés d’apprentissage et souffre d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Il fait continuellement l’objet de renvois temporaires de l’école. 

 

[4]               Le demandeur, qui n’est pas autorisé à travailler, demeure à la maison et s’occupe de l’enfant. Mme Bedassie occupe actuellement deux emplois; elle pourvoit seule aux besoins de la famille. Elle attend un enfant, qui doit naître en décembre 2006.

 

[5]               Si le demandeur était renvoyé du Canada, Mme Bedassie devrait quitter son emploi, étant donné l’attention constante que requiert son fils de 9 ans. Comme elle n’est retournée sur le marché du travail qu’en décembre 2005, si elle devait quitter son emploi, elle ne serait pas admissible aux prestations d’assurance-emploi et elle n’aurait pas droit aux prestations de maternité ni aux prestations parentales, n’ayant pas travaillé un nombre d’heures suffisant pour y être admissible. 

 

[6]               L’enfant est souvent renvoyé de l’école pour de brèves périodes. Sa mère fait régulièrement appel à des gardes d’enfant et à des travailleurs auprès des jeunes; récemment, l’enfant a été inscrit à un programme spécial d’une durée de six semaines au Blue Hills Child and Family Centre.

 

[7]               Le fait que le demandeur soit à la maison et s’occupe de son enfant a permis à Mme Bedassie de continuer à travailler.

 

[8]               Il convient aussi de souligner que depuis le mariage et du fait que le demandeur vit à la maison, l’accès à plusieurs programmes d’aide a été retiré, et il pourrait s’écouler jusqu’à un an avant que l’enfant puisse y être réadmis.

 

[9]               Le demandeur allègue que l’agent de renvoi n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’avocate du ministre répond que l’intérêt supérieur de l’enfant a bien été pris en compte et qu’il suffit à cet égard de consulter les notes au dossier présentées par l’agent. Celui-ci laisse entendre que les problèmes de comportement de l’enfant se sont aggravés depuis que le demandeur vit à la maison.

 

[10]           Je ne suis pas convaincu que la preuve était suffisante pour permettre de tirer cette conclusion. L’agent fait aussi remarquer qu’il ressort d’une lettre du Blue Hills Child and Family Center que l’enfant, Nathan, continue de recevoir le counseling thérapeutique nécessaire. Ce n’est pas tout à fait exact, souligne l’avocate du demandeur; le programme, en effet, ne durait que 6 semaines et a pris fin le 21 juin 2006.

 

[11]           Je suis convaincu que le demandeur apporte une aide précieuse dans les soins de base que reçoit l’enfant; s’il n’était pas présent, la mère devrait quitter son emploi et renoncer à toutes les prestations d’assurance-emploi auxquelles elle pourrait avoir droit au moment de la naissance de son enfant, en décembre 2006.

 

[12]           La demande de parrainage d’un époux au Canada est maintenant engagée depuis quelque 7 mois et pourrait faire l’objet d’une décision d’une journée à l’autre.

 

[13]           J’estime qu’il existe une question sérieuse à trancher, que le renvoi du Canada du demandeur occasionnerait un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

 

[14]           Je suis d’avis que le préjudice causé à la famille et particulièrement à l’enfant se révélerait à long terme irréparable; comme l’énonce l’arrêt Toth, le préjudice irréparable peut comprendre le préjudice subi par des tiers et n’est pas limité à celui que risque la personne dont le renvoi est imminent.


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit accueillie.

           

 

 

« Paul Rouleau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3375-06

 

INTITULÉ :                                       SHAUNE DWANE HIGGINS

c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE

LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 juin 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE ROULEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 juin 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hilary Evans Cameron

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Maria Burgos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANDERVENNEN LEHRER

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.