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Date : 20191211


Dossier : T-396-19

Référence : 2019 CF 1589

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

FRASER LEISHMAN ET

GRAY GREENWAY

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET

L’AGENCE PARCS CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, M. Fraser Leishman et M. Gary Greenway, introduisent la présente demande en vue de contester la décision de l’Agence Parcs Canada [Parcs Canada] de délivrer des permis d’aménagement et de construction [les permis] autorisant la construction d’un centre d’accueil dans le lotissement urbain de Waterton, en Alberta [Waterton].

[2]  Comme Waterton se situe dans le parc national des Lacs-Waterton [le parc], Parcs Canada est l’autorité responsable de la gestion de l’utilisation des terres.

[3]  Les demandeurs souhaitent obtenir une ordonnance annulant les permis, un jugement déclarant que certaines parties du centre d’accueil projeté sont illégales puisqu’elles servent à des activités interdites par le plan communautaire de Waterton de 2000 [le plan communautaire], ainsi qu’une ordonnance interdisant la construction en cours du centre d’accueil.

I.  Le contexte et la thèse des parties

[4]  Les demandeurs sont des résidents à temps partiel de Waterton. M. Leishman détient un intérêt à bail dans une propriété de loisirs à Waterton, que sa famille et lui occupent de façon saisonnière. La propriété se trouve à environ trois blocs du site de construction du centre d’accueil. M. Greenway et les membres de sa famille élargie sont également des résidents saisonniers d’un chalet de Waterton depuis longtemps, même si l’intérêt à bail en question appartient à sa mère.

[5]  Aucun des demandeurs n’a fourni d’éléments de preuve personnels pour étayer son opposition au centre d’accueil outre le fait que le centre se trouve à proximité de leurs propriétés et que la construction est illégale et devrait cesser.

[6]  Les demandeurs tentent d’empêcher la construction du centre d’accueil depuis au moins novembre 2016. À cette époque, ils avaient présenté une demande à la Cour en vue de contester la décision du surintendant du parc d’établir le centre d’accueil dans ce qui est connu comme l’îlot urbain 39 du lotissement de Waterton. Même si les demandeurs étaient au courant de la décision du surintendant prise en mars 2016, ils ont attendu huit mois pour présenter leur première demande de contrôle judiciaire.

[7]  La Cour a refusé la requête en prorogation de délai des demandeurs, et leur demande a été rejetée pour cette raison. Ils ont interjeté appel de la décision devant la Cour d’appel fédérale  (voir Leishman c Canada, 2017 CAF 206), sans succès. Toutefois, la Cour n’a pas écarté la possibilité que les décisions ultérieures nécessaires à l’avancement du projet de centre d’accueil fassent l’objet d’un contrôle judiciaire. C’est grâce à cette possibilité que la présente demande a été introduite le 28 février 2019, dans laquelle les demandeurs contestent la légalité des permis dans la mesure où ils ont autorisé les travaux suivants :

[traduction]

Le projet d’aménagement sur les lots 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 13, 14, 15, 16 de l’îlot urbain 39 (404, Cameron Falls Drive) conformément aux plans de construction qui figurent à l’annexe 1 pour :

La construction d’un centre d’accueil comprenant un immeuble à usages multiples, des toilettes publiques, des espaces récréatifs et d’interprétation extérieurs, des bureaux administratifs, de l’aménagement paysager et un stationnement.

[8]  Par ailleurs, il est relativement important de dire que, selon l’affidavit du gestionnaire du lotissement urbain de Waterton à Parcs Canada, Robert Elliott, souscrit le 8 avril 2019, le contrat de soumission devait être accordé le 15 avril 2019 pour la construction du centre d’accueil, et la construction devait commencer le 11 mai 2019 ou vers cette date. Selon l’affidavit de M. Elliott, en date du 31 mars 2019, les dépenses et les engagements contractuels préalables à la construction totalisaient déjà 4 543 400 $. Il est regrettable qu’aucun élément de preuve plus à jour n’ait été déposé concernant l’état actuel du projet, même si nul ne conteste que la construction est en cours depuis plusieurs mois. Pareil élément de preuve aurait pu être utile pour accorder un bref de prérogative, particulièrement dans une situation comme celle‑ci, où les demandeurs n’ont pas réussi à obtenir une injonction provisoire, mais demandent à la Cour d’arrêter pour de bon un projet qui est maintenant bien avancé.

[9]  Les demandeurs contestent la décision du surintendant d’octroyer les permis pour des motifs d’équité procédurale et de légalité. Leurs arguments concernant l’équité sont fondés sur des plaintes au sujet du caractère adéquat des consultations de Parcs Canada. Leurs principales préoccupations sont fondées sur l’affirmation selon laquelle le surintendant ne pouvait pas autoriser légalement la construction du centre d’accueil à des fins autres que celles permises sur l’îlot urbain 39 et reconnues dans le plan communautaire.

[10]  Les défendeurs contestent la qualité des demandeurs pour intenter la présente demande, faisant valoir qu’ils n’ont pas d’intérêt suffisant pour introduire la présente instance en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et qu’ils ne satisfont pas aux exigences de qualité pour agir dans l’intérêt public. Pour ce qui est du bien‑fondé de l’affaire, les défendeurs affirment que la décision du surintendant de délivrer des permis relève entièrement de son vaste pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions relatives à l’utilisation des terres dans le parc, et que la décision était, à tous les égards, raisonnable.

[11]  Il est bien établi que l’aménagement des terres dans le parc relève des activités générales de surveillance et de gestion de Parcs Canada. La décision de délivrer un permis de construction appartient au surintendant du parc agissant au titre de l’article 5 du Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux, CRC, c 1114. Aucun pouvoir explicite n’existe en ce qui a trait à la délivrance d’un permis d’aménagement, même si la nécessité d’en obtenir un est reconnue dans le plan communautaire. Toutefois, cette distinction n’est pas pertinente en l’espèce.

[12]  Les demandeurs affirment que les permis délivrés par le surintendant autorisant la construction du centre d’accueil ne sont pas conformes aux restrictions relatives à l’utilisation des terres qui s’appliquent à l’îlot urbain 39. Selon eux, le surintendant ne pouvait pas légalement approuver tout aménagement sur cette parcelle qui n’était pas strictement conforme aux utilisations permises par le plan communautaire.

[13]  Nul ne conteste que, selon le plan communautaire, l’îlot urbain 39 est désigné comme une réserve récréative. La réserve récréative vise à fournir des espaces verts pour les activités récréatives et culturelles.

[14]  Selon le plan communautaire, une réserve récréative peut être aménagée pour les utilisations suivantes :

  • a) théâtres d’interprétation;

  • b) services récréatifs de plein air;

  • c) terrains de jeux;

  • d) parcs publics;

  • e) toilettes publiques;

  • f) toute autre utilisation indispensable aux activités récréatives et culturelles.

[15]  Les éléments de preuve dont je dispose indiquent que, avant l’approbation du centre d’accueil, l’îlot urbain 39 avait été utilisé principalement comme forêt-parc, dans laquelle se trouvait un terrain de jeu ainsi que des toilettes et des espaces de stationnement.

[16]  Les demandeurs font valoir que les permis autorisent des aménagements qui ne sont pas permis sur une réserve récréative, y compris une aire d’accueil pour les visiteurs, des bureaux administratifs et des espaces commerciaux de détail. Initialement, les demandeurs se sont opposés à la présence d’espaces de stationnement sur place. Dans leur plaidoirie, ils sont revenus sur leur position et ont reconnu qu’un stationnement est et a toujours été une utilisation accessoire autorisée sur l’îlot urbain 39. Les demandeurs étaient toujours préoccupés par le théâtre d’interprétation, faisant valoir qu’il pourrait servir à des fins non récréatives et non culturelles, par exemple pour des rencontres politiques. Cet argument n’a absolument aucun fondement juridique. Le plan communautaire autorise la construction d’un théâtre d’interprétation sur l’îlot urbain 39. Le plan communautaire ne limite pas exclusivement l’utilisation d’un théâtre à des fins récréatives et culturelles, mais même si d’autres utilisations étaient expressément interdites, le risque que le théâtre serve à des « fins abusives » ne permet pas d’empêcher la construction d’une structure autorisée.

[17]  Il reste donc à déterminer si l’autorisation de la construction d’un centre d’accueil, de bureaux administratifs et d’espaces commerciaux de détail relève du pouvoir discrétionnaire du surintendant et si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé légalement.

[18]  Les demandeurs affirment que le plan communautaire lie le surintendant de la même manière que les règlements de zonage imposent des mécanismes de contrôle obligatoires sur l’utilisation des terres municipales. Les répondants font valoir que le plan communautaire n’est pas un instrument réglementaire. Il s’agit plutôt d’un document d’orientation sur l’utilisation des terres et que, à ce titre, il ne peut légalement lier le surintendant dans l’exercice de son pouvoir de décision sur l’utilisation des terres. De fait, d’après cet argument, un décideur ne peut appliquer des lignes directrices opérationnelles ou des politiques à l’exclusion d’autres facteurs applicables.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[19]  Les motifs justifiant la délivrance des permis pour le centre d’accueil figurent dans une note d’information signée par le surintendant (voir le dossier des défendeurs, vol. 1, aux p. 227‑231). Dans ce document, la décision est motivée comme suit :

[traduction]

Contexte

Il y a longtemps qu’un nouveau centre d’accueil est nécessaire au parc national du Canada des Lacs‑Waterton. Ce besoin a été reconnu dans le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton de 2010. L’ancienne installation a été ouverte en 1958. D’après les normes actuelles, il s’agissait d’une petite structure et, en 2000, la structure était totalement insuffisante pour répondre aux besoins du nombre croissant de visiteurs. En outre, l’installation était adjacente au point de départ du sentier le plus achalandé du parc, ce qui occasionnait une congestion majeure, dans un corridor principal de surcroît, ce qui avait une incidence sur le déplacement des animaux sauvages. La destruction de cette installation lors du feu de forêt de Kenow en 2017 n’a fait qu’accroître la nécessité d’aménager un nouveau centre d’accueil.

Le 7 mars 2016, Parcs Canada a annoncé que le nouveau centre d’accueil serait situé sur l’îlot urbain 39 du lotissement urbain. Les tentatives de contester la décision relative à l’emplacement du centre d’accueil par contrôle judiciaire devant la Cour fédérale ont été vaines.

Le 31 août 2017, le secrétaire parlementaire de Parcs Canada a rencontré à Waterton des organismes communautaires concernant la décision de Parcs Canada. Le ministre a par la suite fait une déclaration le 15 novembre 2017 confirmant la décision de construire le nouveau centre d’accueil sur l’îlot urbain 39 du lotissement urbain.

En août 2016, à la suite d’un processus concurrentiel, Parcs Canada a accordé le contrat de conception du nouveau centre d’accueil à FWBA Architects. FWBA Architects a préparé trois options de conception pour le nouveau centre d’accueil. Au cours d’une période de consultation de six semaines, Parcs Canada a recueilli les commentaires du public sur ces options au moyen d’un site Web de participation en ligne ainsi que d’une journée portes ouvertes au sein de la collectivité le 27 avril 2017. Le 12 janvier 2018, Parcs Canada a annoncé que, après avoir examiné les commentaires reçus et tenu compte des trois options de conception, l’option Town Plaza avait été choisie comme nouveau centre d’accueil. FWBA Architects a maintenant terminé 99 % des dessins architecturaux et techniques du concept choisi qui sont requis pour la délivrance des permis d’aménagement et de construction.

Le nouveau centre d’accueil couvrira une superficie de 12 147 mètres carrés sur 11 lots de l’îlot urbain 39. La superficie au sol combinée des trois bâtiments sera de 988 mètres carrés (8,1 % de la surface totale). L’espace de stationnement s’étendra sur 1 960 mètres carrés (16,1 % de la surface totale). Un espace vert couvrira le reste de la surface. Le terrain sera aménagé, et il y aura des activités d’interprétation, dont certains feront aussi office de structures de jeux pour enfants.

Considérations

Le surintendant du parc national du Canada des Lacs‑Waterton a le pouvoir de délivrer des permis de construction et d’aménagement. Selon la politique (le plan communautaire de Waterton), le promoteur d’un projet d’aménagement doit se procurer un permis d’aménagement auprès du surintendant. Selon le règlement (le Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux), le promoteur doit se procurer un permis de construction avant le début des travaux. En l’espèce, Parcs Canada est le promoteur du projet d’aménagement et l’Agence suit le même processus d’examen des aménagements et les mêmes exigences que ceux qui s’appliqueraient à un tiers promoteur.

Pour décider s’il devait accorder les permis, le surintendant a tenu compte des ressources et des documents suivants :

● la Loi sur les parcs nationaux du Canada;

● les principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada;

● le Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux;

● le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton de 2010;

● le plan communautaire de Waterton de 2000;

● les lignes directrices sur l’architecture et le motif architectural pour le parc national des Lacs‑Waterton;

● le plan d’aménagement des paysages du lotissement urbain de Waterton.

Selon moi, il est dans l’intérêt supérieur du parc de délivrer des permis de construction et d’aménagement pour le centre d’accueil. Le nouveau centre d’accueil fera en sorte que Parcs Canada puisse offrir une meilleure expérience aux visiteurs, y compris un large éventail de services d’information et de programmes d’interprétation tout au long de l’année. Le nouveau centre d’accueil commémorera le patrimoine national et culturel du parc, faisant en sorte que les Canadiens et les visiteurs des quatre coins du monde vivront la meilleure expérience possible au parc. J’ai également tenu compte du fait que les visiteurs ne pourront pas bénéficier d’un centre d’accueil au parc jusqu’à ce qu’un nouveau complexe soit construit, compte tenu de la destruction de l’ancien centre d’accueil lors du feu de forêt de Kenow en septembre 2017.

Pour déterminer s’il faut délivrer les permis de construction et d’aménagement, Parcs Canada ne réexaminera pas l’emplacement du nouveau centre d’accueil. La décision relative à l’emplacement a été prise par Parcs Canada en mars 2016 et a été confirmée par le ministre en novembre 2017.

Principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada

Les principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada prévoient que les services et les installations offerts au public doivent venir compléter de façon directe les occasions offertes, ils doivent être considérés comme essentiels, ils doivent tenir compte des limites à la croissance, et ils ne doivent pas compromettre l’intégrité écologique et commémorative, ni la qualité des expériences vécues par les visiteurs. De plus, ils doivent être conformes aux plans de gestion approuvés. Ils doivent également traduire les normes nationales qui visent la protection de l’environnement et du patrimoine, ainsi que les services de haute qualité, la diversité des marchés, les possibilités d’accès pour les personnes handicapées et les visiteurs qui peuvent avoir des niveaux de revenu très différents. Le nouveau centre d’accueil respecte ces principes.

Intégrité écologique

Selon le paragraphe 8(2) de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, LC 2000, c 32, l’intégrité écologique est la priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs. Parcs Canada applique une série de mesures réglementaires, de politiques et d’outils opérationnels pour respecter l’esprit et l’intention de la loi. D’un point de vue stratégique, le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton (2010) énonce le système de zonage pour l’utilisation des terres et les principales stratégies de gestion du parc et de préservation de l’intégrité écologique. À l’échelle du projet, pour s’assurer que les répercussions potentielles du centre d’accueil projeté sur les ressources écologiques (et culturelles) sont comprises et atténuées, Parcs Canada a procédé à une évaluation de base des impacts sur l’environnement conformément à la Directive de Parcs Canada sur l’évaluation des impacts (2015). Aucun problème ayant une incidence sur l’intégrité écologique n’a été relevé. Le site du nouveau centre d’accueil se trouve dans la zone aménagée du lotissement urbain de Waterton, et le site de construction est déjà perturbé.

Une fois le centre d’accueil achevé, le théâtre d’interprétation existant sera enlevé, et l’emplacement sera restauré et transformé en espace vert, lequel augmentera la taille de l’aire de fréquentation diurne de Cameron Falls. En outre, le bureau de lotissement urbain sera aussi enlevé. Il sera remplacé par un espace de stationnement supplémentaire et une route de sortie pour le secteur congestionné de la marina. L’élimination de ces trois structures, y compris l’ancien centre d’accueil qui a été ravagé par le feu, sera conforme au principe d’absence d’effets nuisibles sur l’environnement et d’intendance environnementale. En outre, la perte de l’ancien centre d’accueil et la restauration subséquente du site ont engendré un gain sur le plan écologique.

Plan directeur

L’article 4.6 du plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton actuel (2010) fournit des directives précises pour améliorer les infrastructures d’orientation des visiteurs et d’information. L’achèvement du centre d’accueil constituera un pas dans cette direction.

À l’article 5.2.4, le plan directeur indique que le plan communautaire de Waterton de 2000 continuera à servir de guide à la communauté conformément à ce plan directeur, à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et à son règlement d’application.

Plan communautaire

Le plan communautaire de Waterton (2000) indique que le parc a besoin d’un nouveau centre d’accueil et précise que le centre sera situé dans la collectivité. En outre, le plan communautaire indique que le nouveau centre d’accueil offrira des installations pédagogiques, sociales, culturelles convenant à un parc national (page 28).

Les 11 lots visés par le projet d’aménagement sont actuellement désignés comme zones de réserve récréative dans le plan communautaire de Waterton. L’objectif est d’offrir des espaces verts à des fins récréatives et culturelles. Anciennement, ces lots comportaient des terrains de jeux pour enfants, des aires de jeux aquatiques, des terrains de tennis, un panier de basketball et une toilette publique. Ces installations ont été déplacées ailleurs dans le lotissement urbain. Le reste était constitué d’un champ gazonné non aménagé et d’espaces de stationnement non officiels. Les utilisations permises dans cette zone incluent les théâtres d’interprétation, les services récréatifs de plein air, les terrains de jeux, les parcs publics et les toilettes publiques. Le projet d’aménagement du nouveau centre d’accueil comporte tous ces éléments. Le plan communautaire de Waterton interdit tout aménagement, sauf les aménagements indispensables aux activités récréatives et culturelles. Je suis convaincu que le nouveau centre d’accueil est conforme au plan communautaire.

[20]  À la lumière de ces motifs et des autres documents au dossier, il est évident que le surintendant n’a pas limité l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à l’examen des utilisations des terres permises par le plan communautaire. Il a également tenu compte des avantages découlant du retrait et de la restauration de plusieurs installations existantes présentes dans des zones écosensibles du parc et de l’utilisation des terres déjà perturbées sur l’îlot urbain 39. Il a également souligné la directive du plan de gestion de 2010 consistant à « améliorer les orientations des visiteurs et l’infrastructure de l’information », ce que le centre d’accueil est censé respecter en partie.

III.  Analyse

A.  La norme de contrôle

[21]  Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que la façon dont le surintendant a interprété et appliqué les directives sur l’utilisation des terres concernant le parc national de Waterton devrait être assujettie à la norme de la décision correcte. Comme je l’ai déjà mentionné, le surintendant dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire d’examiner les facteurs pertinents avant de délivrer des permis d’aménagement et de construction pour des projets dans le parc. L’exercice de ce pouvoir ne l’oblige pas à trancher une question de droit isolée, mais l’oblige plutôt à tenir compte de nombreux éléments factuels propres à la saine gestion d’un parc national. Les tribunaux ont conclu à maintes reprises que ce type de décision devrait être examiné selon la norme de la décision raisonnable : voir Grandjambe c Canada (Parcs), 2019 CF 1023, au par. 32, 308 ACWS (3d) 871; Société pour la nature et les parcs du Canada c Maligne Tours Ltd., 2016 CF 148, au par. 26, 263 ACWS (3d) 1058 [Maligne]; Sunshine Village Corporation c Agence Parcs Canada, 2014 CF 604, au par. 30, 242 ACWS (3d) 3, et Burley c Canada (Procureur général), 2008 CF 588, aux par. 33‑40, 167 ACWS (3d) 1006.

B.  La qualité pour agir

[22]  Les défendeurs font valoir que les demandeurs n’ont pas qualité pour introduire la présente demande, car ils n’ont pas suffisamment d’intérêt dans la décision du surintendant pour la contester. Je suis d’accord pour dire que, au vu des éléments de preuve présentés à la Cour, les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils sont « directement touchés » par la délivrance des permis. La simple occupation d’une propriété à Waterton en vertu d’un intérêt à bail qui n’est pas touché ne suffit pas à établir que les demandeurs sont visés par l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Cela dit, je suis prêt à statuer sur la présente demande sur le fondement du droit hypothétique des demandeurs d’agir dans l’intérêt public. Je leur accorde le bénéfice du doute quant à cette question, sans la trancher, car il est important qu’elle ne soit pas résolue pour des motifs purement techniques.

C.  Le plan d’aménagement et le plan communautaire lient‑ils le surintendant?

[23]  Les demandeurs ont fourni très peu de sources pour étayer leur argument selon lequel les dispositions relatives à l’utilisation des terres figurant dans le plan communautaire lient en droit le surintendant. Même si le plan communautaire utilise certains termes impératifs sur l’application de ses zones d’aménagement, il ne se veut pas un instrument réglementaire. En fait, le terme utilisé est « directive » et fait partie d’une liste de « règlements », « lignes directrices », « plans » et « politiques » : voir le dossier des demandeurs, vol. 1, à la p. 109.

[24]  L’idée selon laquelle les zones d’aménagement désignées dans le plan communautaire ont un effet réglementaire et contraignant serait étayée par la définition du terme « règlement » au paragraphe 2(1) de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21. Les demandeurs font valoir que le terme « autre [instrument] » est suffisamment large pour inclure un plan communautaire. On peut voir que cet argument ne tient pas la route dans l’arrêt Lukács c Canada (Office des transports), 2014 CAF 76, aux paragraphes 32‑33, 239 ACWS (3d) 2, de la Cour d’appel fédérale :

[32]  En premier lieu, la définition du mot « règlement », que l’on trouve au paragraphe 2(1) de la Loi d’interprétation, est précédée de la formule introductive « les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi ». À la différence de cette disposition, les définitions qui figurent au paragraphe 35(1) de la Loi d’interprétation « s’appliquent à tous les textes ». Comme l’on ne trouve pas le mot « règlement » au paragraphe 35(1), il s’ensuit logiquement que la définition contenue au paragraphe 2(1) n’est pas censée s’appliquer aux autres textes.

[33]  De même, la Loi sur les textes réglementaires ne définit le mot « règlement » que pour l’application de cette loi.

[25]  Toutefois, certaines sources jurisprudentielles appuient fortement la thèse des défendeurs selon laquelle ce type de documents constitue des lignes directrices non contraignantes. Dans la décision Brewster Mountain Pack Trains Ltd. v Canada (Minister of Environnement), [1993] FCJ No 700, au paragraphe 27, 41 ACWS (3d) 761, le juge Andrew MacKay a affirmé ce qui suit à propos de la nature d’un plan de gestion d’un parc national :

[traduction]

27  Quel est alors le statut et la nature du plan de gestion? J’accepte l’argument, au nom de l’intimé, que dès son approbation par le ministre en novembre 1988, le plan de gestion du parc est entré en vigueur. Le dépôt à la Chambre des communes, en l’espèce fait en décembre 1989, constitue une obligation juridique en vertu de la Loi, mais le ministre a l’entière responsabilité de la gestion et de l’administration du parc, et de l’élaboration d’un plan de gestion dans le cadre de cette responsabilité. Il lui incombe également d’examiner le plan périodiquement et de déposer des modifications à la Chambre. Il a été suggéré par l’avocat de l’intimé qu’une fois approuvé, le plan de gestion devenait obligatoire de la même façon que le règlement d’application de la Loi le serait, mais je ne suis pas convaincu qu’il en soit ainsi. Les exigences relatives à un plan sont incluses avec d’autres dispositions de l’article 5 pour l’administration des parcs, qui relève de l’autorité du ministre, pas de l’article 7, qui fournit un large éventail de questions sur lesquelles le gouverneur en conseil, et non le ministre, peut adopter des règlements. En outre, la nature d’un plan de gestion est généralement de fournir un cadre de principes, de normes ou d’objectifs qui doivent être suivis comme des lignes directrices pour des décisions particulières à prendre à l’avenir. Plus les dispositions d’un plan sont détaillées, par exemple sur le plan de la désignation de ceux qui seront reconnus comme fournisseurs des services, plus il est probable que le plan devra être modifié, car les conditions, y compris les principaux acteurs, changent. Ainsi, à mon avis, le fait que le plan approuvé stipule que les pourvoiries résidantes seront limitées à deux ne peut pas légalement être plus que des conseils destinés au ministre et à ceux qui agissent en son nom dans le cadre du plan. Le ministre demeure responsable de l’administration et de la gestion du parc de manière continue à la lumière des conditions telles qu’elles peuvent évoluer, indépendamment de ce que le plan de gestion qu’il a préalablement approuvé peut fournir.

Voir également Maligne, précitée, aux paragraphes 91‑92.

[26]  Je souscris entièrement à l’analyse du juge MacKay quant à l’autorité d’un plan de gestion, qui s’applique tout autant à un plan communautaire de parc national.

[27]  L’allégation des demandeurs selon laquelle les zones d’aménagement des terres désignées dans le plan communautaire équivalent à un règlement municipal sur le zonage est contredite par le fait que, contrairement à Waterton, la ville de Jasper dispose d’un règlement sur le zonage : voir le Règlement sur le zonage du périmètre urbain de Jasper, CRC, c 1111, créé sous le régime de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Un autre aspect important est le fait que l’article 5 du Règlement sur les bâtiments des parcs nationaux indique que le surintendant « peut » refuser de délivrer un permis de construction pour plusieurs motifs. Il s’agit clairement d’un libellé permissif et non impératif. En outre, rien dans l’article 5 n’indique que le surintendant doit se conformer aux plans de gestion ou aux plans communautaires; il doit se conformer uniquement aux dispositions de zonage.

[28]  À première vue, le plan communautaire est un document ambitieux visant à créer « une vision et un plan d’action stratégique afin d’instaurer une collectivité modèle de parc national ». Il indique aussi qu’il « repose et fait fond sur les politiques et les initiatives présentées dans les Principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada ». Il s’agit du libellé d’une orientation stratégique et non d’un règlement.

[29]  Le plan directeur de 2010 décrit également le plan communautaire comme un document d’orientation et reconnaît Parcs Canada comme « l’autorité compétente qui est chargée de la planification communautaire, de l’exploitation des terres, du développement et des enjeux environnementaux » : voir le dossier des demandeurs, aux p. 208 et 243. Le plan directeur propose une vision stratégique pour le parc et énonce une liste de priorités et d’objectifs à atteindre et à mesurer sur une période allant de 5 à 15 ans. Manifestement, il s’agit d’un document stratégique de haut niveau décrivant les résultats souhaités et non les résultats prescrits : voir l’article 11 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

[30]  L’effet non contraignant des documents d’orientation stratégique a été décrit dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 60, 305 ACWS (3d) 888, de la manière suivante :

[60]  Cependant, comme cela a été expliqué aux paragraphes 20 à 25 ci‑dessus, les décideurs auxquels une loi confère un vaste pouvoir discrétionnaire ne peuvent en entraver l’exercice en s’appuyant exclusivement sur une politique administrative (Thamotharem, précité, au paragraphe 59; Maple Lodge Farms, précité, à la page 6; Dunsmuir, précité (tel qu’expliqué au paragraphe 24)). Une politique administrative n’est pas une loi. Elle ne peut restreindre le pouvoir discrétionnaire que la loi confère à un décideur. Elle ne peut pas modifier la loi du législateur. Une politique peut aider ou guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu d’une loi, mais elle ne peut dicter de façon obligatoire comment ce pouvoir discrétionnaire s’exerce.

[31]  Selon moi, ni le plan directeur ni le plan communautaire ne constituent un instrument législatif imposant des obligations au surintendant en ce qui a trait à l’utilisation des terres. Ce sont plutôt des documents d’orientation stratégique qui ne lient pas, et ne doivent pas lier, le surintendant.

[32]  Par conséquent, le surintendant est libre de déroger au plan communautaire lorsqu’il le juge indiqué. Le surintendant était autorisé – en fait, il était astreint – à tenir compte de tous les facteurs pertinents au moment de délivrer les permis pour le centre d’accueil, notamment les gains d’efficience, les avantages écologiques et les autres avantages qui pourraient découler du fait de consolider plusieurs activités de Parcs Canada dans un seul centre situé dans le lotissement urbain. D’autres facteurs qui semblent avoir été pris en considération dans la décision d’autoriser la construction du centre d’accueil sur l’îlot urbain 39 figurent dans un bulletin d’information de 2016 (FAQ) publié par Parcs Canada :

[traduction]

Q. Pourquoi le choix s’est‑il arrêté sur l’îlot urbain 39?

R. L’emplacement du village a été choisi afin d’offrir une meilleure expérience aux visiteurs du parc et pour atteindre les objectifs clés de Parcs Canada :

1.  Cet emplacement offre un lieu central, est facile d’accès et est bien situé pour mettre en valeur l’importance écologique, culturelle et historique du parc.

2.   Le nouveau centre d’accueil permettra d’accroître considérablement les services offerts aux centaines de milliers de visiteurs qui viennent au parc annuellement. Grâce à cet emplacement, Parcs Canada sera mieux disposée à établir des liens directs, et à maintes reprises, avec le plus grand nombre de visiteurs possible au cours d’un même séjour, et ce, en leur offrant des services d’accueil et d’orientation et toute une gamme de programmes d’interprétation.

3.  Puisque tous les visiteurs du parc vont au village, l’emplacement du nouveau centre d’accueil réduira la congestion de la circulation pendant les mois occupés de l’été et facilitera l’accès à pied à partir de n’importe quel endroit du village.

4.  L’emplacement du village offre la meilleure valeur pour les contribuables puisqu’il permet la consolidation et le retrait subséquent de jusqu’à trois installations désuètes de Parcs Canada (le centre d’accueil existant, les bureaux administratifs situés au village et éventuellement le théâtre d’interprétation).

5.  Un nouveau centre d’accueil situé au village met en application le Plan communautaire de Waterton et est complètement conforme au Plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton ainsi qu’à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et à son Règlement.

[33]  Même si j’ai tort à propos de l’effet non contraignant du plan directeur et du plan communautaire, je suis également convaincu que l’ajout d’une aire d’accueil, d’un espace commercial et de bureaux administratifs sur l’îlot urbain 39 par le surintendant est raisonnablement conforme aux utilisations permises d’une réserve récréative. Les bâtiments projetés occupent une superficie au sol relativement petite (8,1 %) à l’intérieur d’une surface beaucoup plus grande d’espaces verts récréatifs grandement améliorés. Les utilisations contestées par les demandeurs ne sont pas expressément désignées comme permises, mais il n’était pas déraisonnable pour le surintendant de conclure que le projet était conforme au plan communautaire au titre de la catégorie des utilisations discrétionnaires « indispensables aux activités récréatives et culturelles ». C’était probablement la raison pour laquelle le surintendant a conclu que le centre d’accueil était conforme aux utilisations permises d’une réserve récréative.

D.  Équité

[34]  Les demandeurs font valoir que Parcs Canada a manqué à son devoir d’équité du fait qu’elle n’a pas avisé ni consulté les représentants communautaires après avoir reçu la demande de permis. Ce « devoir » découlerait de l’article 3.3 du plan communautaire. Les demandeurs se plaignent également que l’examen du projet d’aménagement ne respectait pas la procédure d’examen des aménagements de Parcs Canada établie en 1997, laquelle exigeait la création d’une commission consultative sur l’aménagement [la CCA]. Le rôle de la CCA était d’effectuer une analyse publique du centre d’accueil et de faire savoir au surintendant si le projet devait aller de l’avant ou pas. Cela n’a pas été fait.

[35]  Je conviens avec les défendeurs que le surintendant n’avait aucune obligation procédurale envers les demandeurs, outre celles qui auraient pu s’appliquer à tout résident préoccupé de Waterton, et que les consultations qui ont eu lieu suffisaient amplement pour satisfaire à l’obligation prévue au paragraphe 12(1) de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

[36]  D’après le dossier dont je dispose, Parcs Canada a mené de vastes consultations auprès de la collectivité avant de délivrer les permis, lesquelles remontent à au moins 2015 (voir le dossier des défendeurs, vol.1, aux p. 98‑99). En novembre 2015, le surintendant a rencontré les responsables de l’association des titulaires de domaine à bail sur les Lacs-Waterton, ce qui a donné lieu à la formation d’un comité de travail composé de six titulaires de domaine à bail (voir le dossier des défendeurs, vol. 1, aux p. 101‑102). Après une rencontre publique de deux jours tenue les 18 et 19 juin 2016, il a été proposé de construire le centre d’accueil sur l’îlot urbain 39. Parmi les sujets abordés, mentionnons la sécurité, la circulation, le stationnement, la préservation des espaces verts et la consolidation des activités de Parcs Canada sur l’îlot urbain 39. 

[37]  Entre le 3 avril et le 12 mai 2017, Parcs Canada a mené une consultation en ligne pour obtenir l’avis du public sur les diverses conceptions du projet. Plusieurs répondants ont remis en question l’utilisation proposée de l’îlot urbain 39, mais on a jugé que ces répondants ne répondaient pas à la question de la conception du projet.

[38]  Le 31 août 2017, le secrétaire parlementaire de Parcs Canada a rencontré des représentants de la collectivité à Waterton et a discuté avec eux, entre autres, de l’utilisation proposée de l’îlot urbain 39. Dans une lettre du 15 novembre 2017, le secrétaire parlementaire a décrit la portée de la participation communautaire de Parcs Canada et a motivé sa décision d’utiliser l’îlot urbain 39 de la manière suivante :

[traduction]

Enjeu soulevé par STWF : « Il n’y a pas eu suffisamment de consultations au sein de la collectivité au sujet de l’emplacement du centre d’accueil. »

Réponse : Toute décision concernant le centre d’accueil à Waterton doit être fondée sur le rôle que joue le lotissement urbain de Waterton en tant que centre de services aux visiteurs du parc national, tel qu’énoncé dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada, le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton et le plan communautaire de Waterton. La Loi, le plan directeur et le plan communautaire ont aussi fait l’objet de vastes consultations nationales.

Plus particulièrement, le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton reflète les attentes que les Canadiens ont clairement exprimées en ce qui a trait à la gestion actuelle et future du parc.

Avant que Parcs Canada ne prenne une décision quant à l’emplacement du centre d’accueil et aussi après la prise de cette décision, Parcs Canada a mené des discussions directes avec de nombreux intervenants et titulaires de domaines à bail.

En ce qui a trait aux consultations publiques menées avant le 7 mars 2016, l’annonce visait les groupes suivants :

● l’Association communautaire du parc des Lacs-Waterton (août 2015);

● l’Association des titulaires de domaines à bail sur les Lacs‑Waterton (septembre 2015, novembre 2015, décembre 2015);

● la chambre de commerce du parc des Lacs-Waterton (septembre 2015);

● le Club Rotary de l’International Peace Park (septembre 2015);

● le Club Rotary de Lethbridge East (novembre 2015);

● le chef et le conseil de la Première Nation Kainai (Gens‑du‑sang) (novembre 2015).

En ce qui a trait aux consultations publiques menées après le 7 mars 2016, l’annonce était aussi exhaustive et visait les groupes suivants :

● le chef et le conseil de la Première Nation Kainai (Gens‑du‑sang) (mars 2016).

● les intervenants mobilisés (mai 2016), y compris : Alberta Southwest Regional Alliance, Improvement District #4, Save the Waterton Field, Travel Alberta, Waterton Biosphere Reserve Association, la chambre de commerce de Waterton, l’Association communautaire du parc des Lacs-Waterton, l’Association des titulaires de domaines à bail sur les Lacs‑Waterton, et Waterton Natural History Association.

● le chef et le conseil de la Première Nation Piikani (juin 2016).

● Une séance d’information publique a été tenue à Waterton les 18 et 19 juin 2016. Lors de la séance, le public était invité à présenter toute information que Parcs Canada n’avait pas encore examinée. Un rapport de la séance d’information publique est disponible sur le site Web de Parcs Canada.

L’un des emplacements possibles que vous avez mentionnés et qui a fait l’objet d’une étude et d’une évaluation était le complexe d’exploitation de Parcs Canada. Toutefois, en tant qu’emplacement pour un centre de services et d’information pour les visiteurs, le complexe d’exploitation soulève un certain nombre de préoccupations en ce qui a trait à la qualité de l’expérience des visiteurs et à la sécurité de ces derniers et a été jugé inapproprié comme emplacement pour le centre de services et d’information aux visiteurs. Plus précisément :

● Le complexe est le centre de toutes les activités opérationnelles de Parcs Canada dans le parc, y compris la gestion des égouts et des déchets, de sorte qu’il y a beaucoup de circulation. Cela pose des risques pour la sécurité des visiteurs et suscite des préoccupations en ce qui a trait au bruit et aux distractions.

● L’accès au complexe d’exploitation se fait directement à partir de la seule route du parc national, donc les véhicules qui y vont et qui en viennent peuvent causer des ralentissements et de la congestion. Ce problème pourrait être exacerbé si le site abrite un centre d’accueil.

● Ensemble, les visiteurs et la circulation liée à l’exploitation du complexe pourraient vraisemblablement compromettre la vitesse des services, lesquels sont essentiels à la collectivité.

● Le complexe d’exploitation ne se trouve pas à une distance de marche raisonnable du lotissement. Ainsi, les visiteurs qui souhaitent participer aux activités d’interprétation ou obtenir de l’information devraient se rendre en voiture au complexe, ce qui exacerberait la congestion sur la route principale de Waterton de même que dans le lotissement.

J’aimerais souligner le fait que la décision de Parcs Canada quant à l’emplacement du nouveau centre d’accueil était fondée sur quatre critères principaux : a) la façon de mieux servir les visiteurs du parc; b) la façon de mieux atteindre les objectifs de Parcs Canada; c) la façon de mieux rentabiliser l’investissement; d) le rôle que joue le lotissement de Waterton en tant que centre des services aux visiteurs du parc national, tel qu’énoncé dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada, le plan directeur du parc national des Lacs‑Waterton et le plan communautaire de Waterton.

L’emplacement a été choisi comme le meilleur site possible par Parcs Canada étant donné qu’il offre aux visiteurs et aux résidents la meilleure expérience possible tout en assurant l’atteinte des nombreux autres objectifs importants, en particulier :

● Un nouveau centre d’accueil permettra d’accroître considérablement les services offerts aux centaines de milliers de visiteurs qui viennent au parc national des Lacs‑Waterton annuellement. Grâce à ce choix d’emplacement, Parcs Canada sera mieux disposée à établir des liens directs, et à maintes reprises, avec le plus grand nombre de visiteurs possibles au cours d’un même séjour, et ce, en leur offrant des services d’accueil et d’orientation et toute une gamme de programmes d’interprétation. Parmi les améliorations, mentionnons la capacité de partager des renseignements importants quant à la façon d’éviter que des gens soient touchés par des feux de forêt et les conséquences qui en découlent fréquemment.

● La présence d’un centre d’accueil au lotissement encouragera aussi les visiteurs à se déplacer à pied et restreindra l’utilisation de véhicules sur le lotissement (c.‑à‑d. que les gens pourront marcher de leur lieu d’hébergement jusqu’au centre d’accueil plusieurs fois pendant leur séjour).

● Puisque 98 % des visiteurs du parc se rendent au lotissement urbain, son emplacement permettra un rapprochement avec la plupart des visiteurs, réduira la congestion routière pendant les mois occupés de l’été sur la route principale menant au village et facilitera l’accès à pied à partir de n’importe quel endroit du village.

● L’emplacement du lotissement urbain offre la meilleure valeur pour les contribuables, car il permet la consolidation et le retrait subséquent d’au plus trois installations désuètes de Parcs Canada (le centre d’accueil actuel, les bureaux administratifs situés au lotissement et éventuellement le théâtre d’interprétation).

● L’emplacement du lotissement offre de meilleures perspectives pour minimiser les incidences sur l’environnement et l’écosystème, car il fait partie de la superficie déjà développée de la collectivité de Waterton. Par conséquent, le nouveau centre n’empiétera pas sur les terres faisant l’objet de travaux de conservation; de plus, il s’agit de l’un des rares endroits qui est suffisamment large pour abriter un centre d’accueil.

Après avoir vu personnellement les autres options potentielles d’emplacement et après avoir examiné les avantages et les désavantages des principaux emplacements potentiels, je conviens que l’îlot urbain 39 est l’emplacement qui convient le mieux. Il s’agit d’un emplacement qui permettra au parc national de s’acquitter de son mandat d’une manière qui convient également à la collectivité locale.

De manière générale, en ce qui concerne l’emplacement d’un nouveau centre d’accueil dans le lotissement urbain, après avoir écouté et examiné attentivement vos commentaires et vos préoccupations ainsi que ceux des autres intervenants, et après avoir examiné et évalué encore une fois de quelle manière Parcs Canada en est venue à sa décision, je tiens à vous dire que, selon moi, un nouveau centre d’accueil pour le parc national des Lacs‑Waterton devrait être construit sur l’îlot urbain 39 dans le lotissement urbain de Waterton. Pour en arriver à cette décision, j’ai étudié attentivement les préoccupations qui ont été soulevées et je suis d’avis que ces préoccupations ont déjà été dissipées ou qu’elles le seront durant le processus de planification de la gestion en cours.

[39]  Le 15 novembre 2017, la ministre de Parcs Canada, Catherine McKenna, a publié une déclaration confirmant la décision d’établir le centre d’accueil des Lacs‑Waterton sur l’îlot urbain 39. Le surintendant a ensuite procédé à la délivrance des permis le 7 février 2019.

[40]  D’après le dossier dont je dispose, il est évident que les résidents de Waterton intéressés et mobilisés auraient été au courant de la décision de Parcs Canada d’établir un centre d’accueil et des bureaux administratifs sur l’îlot urbain 39 bien avant la décision du surintendant de délivrer les permis. Les demandeurs n’ont pas soutenu le contraire et, de fait, ils ont tenté d’arrêter le projet en 2016 pour les mêmes raisons que celles qu’ils ont soulevées dans la présente instance. Leurs affidavits n’indiquent pas la portée des efforts informels qu’ils ont déployés pour persuader Parcs Canada de protéger l’îlot urbain 39, mais il est indéniable que les demandeurs et d’autres résidents partageant les mêmes idées ont eu plusieurs possibilités d’exprimer leurs points de vue. Le dossier démontre effectivement que certains résidents se sont opposés à l’utilisation de l’îlot urbain 39, mais il démontre aussi que Parcs Canada a tenu compte de ces points de vue.

[41]  Dans la mesure où les demandeurs ont bénéficié d’un droit de participation, le processus de consultation mené par Parcs Canada était amplement suffisant pour permettre à l’Agence de s’acquitter de son devoir d’équité procédurale.

[42]  L’autre argument des demandeurs selon lequel Parcs Canada était tenue de respecter à la lettre toutes les étapes du processus de consultation définies dans le plan directeur et le plan communautaire ainsi que par la CCA n’est pas fondé. Ces documents ne créent pas d’obligations contraignantes, et Parcs Canada était libre d’adhérer à toute autre mesure consultative adéquate. Sa seule obligation était de tenir compte de l’opinion du public en faisant preuve de bonne foi et, en l’espèce, l’Agence s’est acquittée de cette responsabilité.

[43]  Les demandeurs ont demandé au surintendant de les informer à l’avance de la délivrance des permis, mais ils en ont été informés après coup. Il ne s’agit pas d’un manquement à l’équité procédurale, car le surintendant n’a aucune obligation particulière envers les demandeurs. Le surintendant a informé les demandeurs de l’existence des permis quelques jours après leur délivrance simplement par courtoisie. Quoi qu’il en soit, cette question n’est pas pertinente. Les demandeurs ont toujours été libres de contester le pouvoir du surintendant d’autoriser la construction du centre d’accueil sur l’îlot urbain 39. De fait, au moment où les permis ont été délivrés, toutes les parties intéressées, y compris les demandeurs, étaient bien au courant de l’intention de Parcs Canada d’inclure une aire de réception et des bureaux administratifs dans le projet d’aménagement et qu’elle ne considérait pas qu’il s’agissait d’utilisations interdites de l’îlot urbain 39. La délivrance des permis signifiait seulement qu’une décision susceptible de contrôle avait été prise, une décision que les demandeurs ont rapidement contestée en introduisant la présente demande.

IV.  Mesure de réparation

[44]  Même si la décision du surintendant avait été illégale, déraisonnable ou viciée par un manquement à l’équité procédurale, je n’aurais pas accordé les réparations sollicitées par les demandeurs. J’accepte leur argument selon lequel, par principe, la revendication de la primauté du droit va habituellement l’emporter lorsqu’une agence gouvernementale agit de manière illégale. Toutefois, dans certains cas, comme celui qui nous occupe, la prépondérance des inconvénients penche tellement d’un côté que des considérations d’intérêt public plus générales doivent s’appliquer.

[45]  En l’espèce, les intérêts juridiques personnels des demandeurs n’ont pas été lésés ni touchés par la délivrance des permis. Par ailleurs, Parcs Canada a dépensé des millions de dollars des contribuables pour le projet de centre d’accueil et s’est engagée à en dépenser des millions supplémentaires. On peut présumer que des membres de la collectivité de Waterton et d’ailleurs ne partagent pas les préoccupations des demandeurs, particulièrement vu l’état d’avancement du projet.

[46]  Les demandeurs avaient également la possibilité de demander une injonction provisoire. Comme ils ne l’ont pas fait et n’ont pas non plus démontré que leurs intérêts légaux ont été lésés, la responsabilité financière éclipse complètement toute préoccupation générale au sujet de la présence d’un centre d’accueil (y compris un modeste point de vente au détail) et de certains bureaux administratifs sur l’îlot urbain 39 : voir Mines Alerte Canada c Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2010 CSC 2, au par. 52, [2010] 1 RCS 6.

[47]  Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée. Les défendeurs sollicitent des dépens au titre de la colonne III du tarif. Je vais accorder cinq jours aux demandeurs pour qu’ils énoncent par écrit leur position quant aux dépens. Les défendeurs disposeront de cinq jours pour répondre par écrit. Aucune des observations ne doit excéder dix pages.

 


JUGEMENT dans le dossier T-396-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée;

  2. La question des dépens est prise en délibéré en attendant la réception des observations écrites des parties.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de janvier 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-396-19

 

INTITULÉ :

FRASER LEISHMAN ET GRAY GREENWAY c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE et L’AGENCE PARCS CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 NOVEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 11 DÉCEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Kimberley Wakefield

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Cameron G. Regehr

Keelan Sinnott 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dentons Canada LLP

Edmonton (Alberta)

 

pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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