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Date : 20010507

Dossier : IMM-4181-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 MAI 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

MUHAMMAD ALI KOMBO

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                          ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W.P. McKeown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010507

Dossier : IMM-4181-00

Référence neutre : 2001 CFPI 439

ENTRE :

MUHAMMAD ALI KOMBO

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 11 juillet 2000 par la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), dans laquelle la Commission a estimé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La Commission n'était « pas persuadée, selon une prépondérance des probabilités, que le revendicateur a démontré une crainte justifiée de persécution pour les motifs énoncés » .


[2]                Les points en litige sont les suivants :

           1)         La Commission a-t-elle commis une erreur et s'est-elle rendue incompétente par le fait qu'elle n'a pas tiré de conclusion concernant la race du demandeur (un Bajuni) et qu'elle n'a pas décidé si le demandeur a ou non raison de craindre des persécutions dans le pays dont il est ressortissant (la Somalie)?

           2)         La Commission a-t-elle tiré des conclusions de fait abusives et arbitraires, plus précisément en ce qui a trait aux aspects suivants : le demandeur n'a pas expliqué l'absence de M. Awad en tant que témoin clé de son identité; la preuve médicale n'a pas établi que l'incapacité actuelle du demandeur est le résultat des tortures qu'il a subies en Somalie en 1987; enfin le demandeur n'a pas démontré qu'il n'était pas en mesure d'obtenir une protection de remplacement au Kenya?


[3]                Le demandeur est un citoyen somalien âgé de cinquante ans qui a résidé au Kenya au cours des onze années qui ont précédé son arrivée au Canada. Il s'est marié avec une citoyenne kenyane et a deux enfants kenyans. Il affirme ne pas avoir réussi à faire régulariser sa situation au Kenya et avoir vécu dans la crainte d'être harcelé par les autorités et d'être expulsé vers la Somalie. Il a témoigné que son statut de résident illégal le mettait à la merci des fonctionnaires gouvernementaux, auxquels il versait des pots-de-vin lorsqu'ils le menaçaient d'expulsion.

[4]                L'avocat du demandeur affirme que, une fois que la Commission est arrivée à la conclusion que le demandeur était un ressortissant somalien, elle était tenue de trancher la question centrale dont elle était saisie : le demandeur a-t-il ou non raison de craindre des persécutions en Somalie, et la race ou l'identité ethnique du demandeur était-elle ou non la race bajuni?

[5]                La Commission a énoncé cette position au premier paragraphe de ses motifs :

Muhammad Ali Kombo, âgé de 50 ans, fonde sa revendication de statut de réfugié au sens de la Convention sur son identité en sa qualité de résident de longue date du Kenya et pour qui il est impossible d'obtenir un statut dans ce pays à cause de sa citoyenneté somalienne. Il craint d'être persécuté au Kenya et d'en être déporté aux mains des autorités gouvernementales. Comme membre du clan de la minorité Bajuni et en raison de son opinion politique perçue, il craint la persécution et la mort, en Somalie, aux mains de clans majoritaires armés, contre lesquels il ne bénéficie d'aucune protection de l'État.

La Commission affirmait, à la page 2, qu'elle :

détermine que Muhammad Ali Kombo n'est pas un réfugié au sens de la Convention parce que le tribunal qui a entendu sa revendication n'a pas cru à sa relation des événements qui ont conduit à soumettre sa revendication.

La Commission a ensuite donné cinq motifs à l'appui de sa conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible. Elle s'est de nouveau exprimée ainsi, à la page 3 :

Nous croyons que le revendicateur n'est pas un témoin crédible ou digne de foi et nous avons conclu, pour les motifs suivants, que nous ne pouvions pas nous fier à son témoignage non appuyé.


Je suis persuadé, au vu des pièces soumises à la Commission, que celle-ci avait toute latitude de tirer de telles conclusions.

[6]                La Commission a conclu ainsi, à la page 8 :

En nous fondant sur les éléments de preuves qu'il nous a communiqués nous ne sommes pas convaincus qu'il a quitté le Kenya dans le but d'obtenir la protection internationale. Nous ne croyons pas le rapport que le revendicateur fait des événements qui ont conduit à sa revendication. À la lumière des éléments de preuves qui nous ont été soumis nous ne pouvons exclure la possibilité qu'il ait quitté le Kenya pour obtenir des soins médicaux au Canada.

Après l'examen attentif de tous les éléments de preuves et pour les motifs énoncés plus haut, nous ne sommes pas persuadés, selon une prépondérance des probabilités, que le revendicateur a démontré une crainte justifiée de persécution pour les motifs énoncés.

[7]                Le demandeur affirme que, nonobstant les conclusions de la Commission concernant sa crédibilité, les conclusions en question n'étaient pas au coeur de la revendication et, selon lui, la Commission aurait dû examiner la preuve objective touchant la Somalie. Je ne partage pas le point de vue selon lequel les conclusions de la Commission n'étaient pas au coeur de sa revendication. Le demandeur a passé onze ans au Kenya et il avait dans ce pays une famille pour s'occuper de lui. Toutefois, comme il est indiqué dans l'arrêt Ward c. M.E.I., [1993] 2 R.C.S. 689 (C.S.C.), le demandeur doit prouver une crainte subjective de persécution et cette crainte doit être objectivement fondée. Monsieur le juge La Forest s'exprime ainsi au paragraphe 64 de l'arrêt Ward :

Ce critère a été formulé et appliqué par le juge Heald dans l'arrêt Rajudeen, précité, à la p. 134 :

L'élément subjectif se rapporte à l'existence de la crainte de persécution dans l'esprit du réfugié. L'élément objectif requiert l'appréciation objective de la crainte du réfugié pour déterminer si elle est fondée.


Dans l'affaire Ward, la Commission avait jugé que le demandeur était un témoin crédible, de telle sorte que la seule question véritable restante concernait l'appréciation objective de la crainte du demandeur.

[8]                La Commission avait le droit de se fonder sur ses conclusions portant sur la crédibilité du demandeur, conformément aux arrêts Yassine c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 949 (C.A.) et Mathiyabaranam c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 1676 (C.A.).

[9]                En conséquence, puisque la Commission a estimé que le demandeur n'était pas crédible, le demandeur n'a pas satisfait à l'élément subjectif du critère de la crainte fondée de persécution. La Commission n'était donc pas tenue de considérer les faits attestés entourant la situation des Bajuni en Somalie, et elle a tiré une conclusion sur la question de la crainte objective.


[10]            Le demandeur a expliqué que la Commission avait tiré des conclusions de fait abusives et arbitraires sous trois aspects différents. D'abord, le fait que le demandeur n'a pas expliqué l'absence de M. Awad en tant que témoin clé de son identité. Le demandeur a été prié, au moyen du formulaire de présélection de la Commission, d'appeler M. Awad à l'audience en tant que témoin de son identité. M. Awad ne s'est pas présenté et la Commission est fondée à conclure de son absence que son témoignage n'aurait pas permis d'éclaircir les divers points sur lesquels il devait témoigner. Après avoir reçu la demande par le moyen du formulaire de présélection, il appartenait au demandeur d'expliquer l'absence de M. Awad.

[11]            Deuxièmement, à mon avis, la Commission avait toute latitude de tirer la conclusion selon laquelle, contrairement à ce qu'il avait prétendu, le demandeur n'était pas arrivé au Kenya avec des lésions médullaires. Aucun des rapports médicaux n'a pu établir la cause de ces lésions. Il appartenait au demandeur de prouver, selon une prépondérance des probabilités, qu'il avait subi ces lésions avant son arrivée au Kenya. Je note également que la Commission a examiné minutieusement, à la page 5 de ses motifs, la preuve médicale produite.

[12]            Troisièmement, la Commission n'a pas commis d'erreur en disant que le demandeur n'avait pas démontré qu'il lui était impossible d'obtenir une protection de remplacement au Kenya. Sur ce point, les conclusions de la Commission étaient très détaillées. Elle s'exprime ainsi à la page 6 :


Compte tenu de la preuve documentaire selon laquelle la citoyenneté et le statut de résidence kenyan ne sont pas accordés aux mâles issus d'un mariage d'un étranger avec une femme kenyane, nous admettons que le revendicateur, même avec son mariage, n'y était pas admissible. Nous croyons que, de temps en temps, des agents kenyans s'en prennent aux citoyens somaliens qui sont au Kenya illégalement. Or, le revendicateur n'a rien fait pour demander la protection internationale même après qu'il a été arrêté et menacé de déportation s'il ne payait pas de pots de vin. Il prétend que, durant cette période, il n'a pu s'inscrire comme réfugié à un camp de réfugié à cause des limites que lui imposait son déficit moteur. Il a témoigné qu'il n'avait pas pensé s'inscrire auprès du HCR à Mombassa. Nous trouvons que cette explication n'est pas plausible si le revendicateur n'avait aucun statut au Kenya et s'il devait continuellement faire face à la possibilité d'être déporté. Nous trouvons raisonnable son explication selon laquelle il ne voulait pas s'inscrire de crainte d'attirer l'attention des autorités. Il ne peut pas avoir raison sur les deux plans. Soit qu'il a été arrêté puis détenu parce qu'il était citoyen somalien sans statut légal, dans lequel cas les autorités étaient déjà au courant ou soit que durant onze ans il avait une autre solution et ne courait aucun danger particulier. Nous ne croyons pas qu'il ne pouvait pas recevoir le statut de résident au Kenya.

[13]            À mon avis, la Commission affirme dans la dernière phrase ci-dessus que, même si le statut de résident n'était pas accessible au demandeur en raison de son mariage à une ressortissante kenyane, il avait d'autres possibilités d'obtenir le statut de résident, sous une forme ou une autre. J'observe que la Commission a dit également que, au cours des onze années que le demandeur se trouvait au Kenya, il n'a été exposé à aucun danger particulier. Il était donc loisible à la Commission de conclure qu'il n'avait pas démontré qu'il ne pouvait obtenir une protection de remplacement au Kenya.

[14]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W.P. McKeown »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 7 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                        IMM-4181-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                      Muhammad Ali Kombo c. M.C.I.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                         le 26 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : Monsieur le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                le 7 mai 2001

ONT COMPARU

M. Michael Brodzky                                       POUR LE DEMANDEUR

Mme Negar Hashemi                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Michael Brodzky                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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