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                                                          IMM-3253-95

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 19 NOVEMBRE 1996

 

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

 

 

 

ENTRE :

 

                             ANITA MITRA,

requérante,

 

                                  et

 

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATION,

intimé.

 

 

                              ORDONNANCE

 

 

     La décision d'ordonner une enquête est annulée. Il s'ensuit donc que la décision de l'arbitre ne peut être maintenue. L'affaire doit être renvoyée aux autorités de l'immigration pour être traitée en conformité avec la politique de l'intimé.

 

 

      «P. ROULEAU»    

JUGE

 

 

Traduction certifiée conforme                                  

Louise Dumoulin-Clark


 

 

 

 

 

 

                                                          IMM-3253-95

 

 

ENTRE :

 

                             ANITA MITRA,

requérante,

 

                                  et

 

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATION,

intimé.

 

                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE ROULEAU

 

           Il s'agit d'une demande d'ordonnance annulant la décision de M. Brice Gurney qui a ordonné la tenue d'une enquête de l'immigration sur la requérante, enquête qui a donné lieu aux procédures de renvoi prises contre elle.

 

           Le 19 avril 1991, Mme Mitra a demandé un visa dans le cadre du Programme concernant les employés de maison étrangers. Pour répondre aux conditions d'entrée au Canada en qualité d'employée de maison, elle a fait de fausses déclarations à l'égard de son âge, de son état matrimonial et de la question de savoir si elle avait des enfants. Mme Mitra a été admise au Canada, où elle a par la suite vécu et travaillé en qualité d'employée de maison.

 

           Les autorités de l'immigration canadienne ont pour politique de ne pas prendre de mesures de renvoi contre les personnes qui sont venues au Canada en vertu du Programme concernant les employés de maison étrangers et qui ont fait de fausses déclarations à l'égard de leur état matrimonial et de la question de savoir si elles ont des enfants. La requérante, une fois informée de cette politique, a avisé le gérant du Centre d'immigration de Prince George (Colombie‑Britannique), M. Brice Gurney, qu'elle avait fait de fausses déclarations.

 

           Subséquemment, Mme Mitra a eu une entrevue, le 23 novembre 1992, avec un agent d'immigration, M. Rick Baylis, au sujet de ses fausses déclarations et de son statut au Canada. Elle a fait une déclaration statutaire concernant des détails qui avaient trait à ses fausses déclarations. Le 18 octobre 1993, M. Gurney a avisé la requérante que si elle obtenait un divorce de son mari, elle recevrait le droit d'établissement.

 

           Le 22 novembre 1993, après avoir reçu l'approbation de la Legal Services Society de la Colombie‑Britannique, la requérante a retenu les services d'un avocat spécialisé en droit de la famille pour engager une procédure de divorce contre son époux aux Philippines. L'avocat en question a adressé une lettre à Immigration Canada, déclarant qu'une procédure de divorce était engagée.

 

           Afin d'obtenir de l'aide dans ses démêlés avec les autorités de l'immigration, la requérante s'est adressée, le 18 janvier 1994, à la West Coast Domestic Workers Association, un organisme financé par le public dont l'objectif est d'aider les employés de maison. Mme Jessie Horner, avocate, a été chargée du cas de la requérante. Le 7 mars 1994, Mme Horner a adressé une lettre à M. Gurney pour faire valoir des arguments en faveur de Mme Mitra. Quatre jours plus tard, le 11 mars 1994, M. Gurney a ordonné la tenue d'une enquête.

 

           À l'enquête, l'avocate de Mme Mitra a concédé que sa cliente avait fait de fausses déclarations, mais elle s'est opposée à la régularité des procédures. Elle a fait valoir auprès de l'arbitre que la directive concernant la tenue de l'enquête n'avait pas été donnée conformément aux principes de justice naturelle et que M. Gurney avait manqué à son obligation d'équité en décidant s'il y avait lieu de tenir une enquête. L'essentiel des griefs de la requérante est exposé comme suit dans la lettre de son avocate en date du 5 janvier 1995 :

 

[TRADUCTION] Mme Mitra s'est adressée aux dirigeants du CIC de Prince George et leur a dit spontanément qu'elle avait fait de fausses représentations à l'égard de son âge et de son état matrimonial lorsqu'elle a demandé à venir au Canada en qualité de membre de la catégorie des employés de maison résidants (appelée à l'époque la catégorie des employés de maison étrangers). MM. Gurney et Rick Baylis lui ont alors dit que si elle obtenait un divorce de son époux aux Philippines, elle obtiendrait le droit d'établissement en qualité de résidente permanente puisqu'elle avait rempli les autres conditions applicables à l'établissement prévues par la Loi sur l'immigration et ses règlements.

 

J'inclus une lettre de l'un de vos prédécesseurs, John Watson, qui indique que le CIC ne prend pas de mesures de renvoi contre les personnes dans une situation semblable à celle de Mme Mitra. L'auteur de cette lettre était conscient du fait que certaines des exigences du Programme concernant les employés de maison étrangers étaient discriminatoires et qu'il n'était pas logique de punir ceux qui avaient fait de fausses déclarations à l'égard d'exigences discriminatoires.

 

Pour l'assister dans ses démêlés avec les autorités de l'immigration, Mme Mitra a retenu les services de Jessie Horner, avocate et procureure, qui exerce sa profession auprès de la West Coast Domestic Worker's Association. En février 1994, Mme Horner a appelé le CIC de Prince George et elle a parlé à M. Baylis. Quelques jours plus tard, Mme Horner a adressé la lettre ci‑jointe en date du 25 février 1994 au CIC de Prince George. Mme Horner a reçu la réponse ci‑jointe indiquant que les autorités de l'immigration à Prince George avaient décidé de procéder à une enquête.

 

Cette affaire est passée au stade de l'enquête, dans le cadre de laquelle j'ai soutenu que l'ordre de tenir une enquête avait été donné de mauvaise foi parce qu'il procédait du seul fait que Mme Mitra avait décidé de recourir aux services d'une avocate. Mme Horner a juré auprès du tribunal qu'elle croyait à regret que la décision de tenir une enquête avait été prise uniquement parce qu'elle avait été engagée pour s'occuper de l'affaire, et pour nulle autre raison. Mme Mitra a témoigné sous serment qu'elle croyait que les autorités du CIC de Prince George avaient manqué à la promesse qu'elles lui avaient faite.

 

           Dans une décision en date du 7 décembre 1994, l'arbitre a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour faire l'examen de la procédure suivie ayant provoqué la directive prévoyant la tenue d'une enquête. Elle a alors pris une mesure d'interdiction de séjour contre Mme Mitra.


 

           La requérante recherche maintenant l'annulation de la décision de M. Gurney aux motifs qu'elle a été prise de mauvaise foi et contrairement aux principes d'équité et de justice naturelle.

 

           J'accueille la demande. La preuve montre clairement que l'intimé appliquait une politique en vertu de laquelle les personnes dans la même situation que la requérante n'étaient pas renvoyées. Il ne fait aucun doute que l'intimé peut appliquer une politique de cette nature pour l'aider à exercer son pouvoir discrétionnaire de décideur. Après l'avoir fait, cependant, il incombe au ministre d'appliquer cette politique à tous les intéressés de façon équitable et uniforme. Une autorité publique doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec justice et impartialité.

 

           En l'espèce, la requérante faisait tout en son possible pour respecter les exigences de la politique en cause en obtenant le divorce nécessaire de son époux. Elle n'a pas été avisée à l'avance qu'une directive prévoyant la tenue d'une enquête allait être donnée, et l'intimé n'a donné aucune explication raisonnable de la raison pour laquelle, étant donné les circonstances, M. Gurney a pris cette décision. Ce que montre la preuve, c'est qu'il y avait une certaine mauvaise foi de la part de M. Gurney, et que la décision d'ordonner la tenue d'une enquête a été prise parce que la requérante a retenu les services d'un avocat pour l'assister. Je suis persuadé qu'il y a bel et bien eu un manquement à l'obligation d'équité envers la requérante.


           Par ces motifs, la décision d'ordonner l'enquête est annulée. Il s'ensuit donc que la décision de l'arbitre ne peut être maintenue. L'affaire doit être renvoyée aux autorités de l'immigration pour être traitée conformément à la politique de l'intimé.

 

 

      «P. ROULEAU»    

JUGE

 

OTTAWA (Ontario)

Le 9 novembre 1996

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                  

Louise Dumoulin-Clark


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

No DU GREFFE :IMM-3253-95

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Anita Mitra c. M.C.I.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :               Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               le jeudi 24 octobre 1996

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR Monsieur le juge Rouleau

 

EN DATE DU :19 novembre 1996

 

 

ONT COMPARU :

 

M. Ian Goldmanpour la requérante

Mme Kim Shanepour l'intimé

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kang & Companypour la requérante

Vancouver (C.-B.)

 

 

 

M. George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général

  du Canada

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