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Date : 20191214

Dossier : IMM‑7466‑19

Référence : 2019 CF 1615

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

MERAB SURMANIDZE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur sollicite le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi vers la Géorgie prise contre lui, prévue le 16 décembre 2019.

[2]  Comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après, le demandeur n’a pas été en mesure de présenter une demande d’asile et, comme il a été réputé s’être désisté de sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), cette demande n’a donc pas été examinée au fond. Il a présenté une demande sollicitant le report de l’exécution de la mesure de renvoi, laquelle a été refusée le 11 décembre 2019. Le demandeur a déposé deux demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire : la première se rapporte à la décision prononçant le désistement de sa demande d’ERAR et la seconde, au refus de sa demande sollicitant le report de l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui.

[3]  Le demandeur a également déposé une requête par laquelle il sollicite une ordonnance sursoyant à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre lui, en attendant l’issue des deux demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire. La requête a été déposée le 12 décembre 2019, et instruite le lendemain.

[4]  Pour les motifs exposés ci‑après, je fais droit à la demande de sursis.

I.  Contexte

[5]  Le demandeur est arrivé au Canada le 6 août 2019 en qualité de membre d’équipage du navire MI Astra. Lorsque le navire a quitté le port, il ne se trouvait pas à bord comme l’exige l’alinéa 184(2)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [RIPR]; le 9 août 2016, un mandat d’arrestation a été délivré parce qu’il n’avait pas embarqué à bord du navire.

[6]  Le demandeur fait valoir qu’il a quitté le navire parce qu’il voulait présenter une demande d’asile; le 16 août 2019, il s’est rendu au Bureau de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) pour faire sa demande. Il a alors été informé que sa demande d’asile était irrecevable parce qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation. Des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ont arrêté le demandeur et l’ont mis en détention.

[7]  Lorsqu’il était en détention, le demandeur a été informé qu’il pouvait soumettre une demande d’ERAR. Le 16 septembre 2016, il a déposé des observations écrites à l’appui de sa demande d’ERAR, alléguant que s’il retournait en Géorgie, il serait blessé ou assassiné. Il a fourni dans un affidavit son exposé circonstancié, dans lequel il précisait qu’il avait été torturé à deux reprises, que son épouse avait été agressée physiquement et que son domicile familial avait été réduit en cendre.

[8]  Le demandeur a été détenu parce qu’il était considéré comme présentant un risque de fuite, étant donné qu’il n’avait ni argent ni adresse fixe ni famille au Canada. Le 22 septembre 2016, sa supervision a été confiée au Programme de cautionnement de Toronto [Programme de cautionnement], auquel il a été admis en s’engageant au respect de certaines conditions. Le demandeur a signé un formulaire dans lequel ces conditions étaient énoncées, et il a été remis en liberté le 7 octobre 2019. Le 20 octobre suivant, les responsables du Programme de cautionnement ont informé l’ASFC qu’ils mettaient fin à la supervision du demandeur parce qu’il n’avait pas respecté les conditions de sa mise en liberté. Le 24 octobre 2016, un mandat a été délivré en vue de son arrestation.

[9]  Pour les raisons que je préciserai, il est important de souligner que l’obligation de résider dans un refuge sis au 101, rue Ontario, Toronto (Ontario), M5A 2V2, était l’une des conditions assortissant la mise en liberté du demandeur. Il n’a pas respecté cette condition et, selon les responsables du Programme de cautionnement, il n’était possible de joindre ni le demandeur ni son avocat. C’est l’une des raisons pour lesquelles les responsables du Programme de cautionnement ont mis fin à la supervision du demandeur.

[10]  CIC poursuivait en parallèle le traitement de sa demande d’ERAR, et l’agent responsable de l’examen de sa demande a tenté de communiquer avec lui pour l’informer qu’il devait se présenter à une entrevue le 28 mai 2019. Une lettre d’invitation a été envoyée à son avocat, lequel a toutefois répondu qu’il ne représentait plus le demandeur. Cet avocat a fourni le nom du nouveau cabinet qui représentait le demandeur, et indiqué qu’il transmettrait la lettre au nouvel avocat. Cependant, étant donné que le demandeur n’avait pas déposé le formulaire Recours aux services d’un représentant pour son nouvel avocat, CIC n’a pas communiqué avec le cabinet.

[11]  CIC a envoyé une seconde lettre de notification à la dernière adresse connue du demandeur : 505‑101, rue Ontario, Toronto (Ontario), M5A 2V2. Le demandeur ne l’a pas reçue, car il ne résidait plus à cette adresse (contrevenant ainsi aux conditions de sa mise en liberté) et il n’avait fourni de nouvelle adresse ni à CIC ni à l’ASFC.

[12]  Comme le demandeur n’a pas assisté à l’audience, le désistement de sa demande d’ERAR a été prononcé le 11 septembre 2018. La lettre de décision visant à l’en informer a été transmise à l’ASFC, afin qu’elle puisse être remise au demandeur lors de son entrevue préalable au renvoi, mais cela n’a pas été possible, étant donné que l’ASFC n’avait aucun moyen de communiquer avec lui. Je tiens toutefois à faire remarquer que les numéros de l’adresse du demandeur inscrite sur cette lettre de CIC étaient inversés (mais le code postal et les autres détails étaient les bons). L’adresse inscrite était la suivante : 101‑505, rue Ontario, Toronto (Ontario), M5A 2V2. La lettre de CIC n’a toutefois jamais été envoyée; conformément à ses politiques, elle a été remise à l’ASFC, qui a plutôt envoyé au demandeur une lettre lui demandant de se présenter à leurs bureaux pour que la décision écrite rendue à l’issue de l’ERAR lui soit remise. La lettre de l’ASFC a été envoyée à la dernière adresse connue du demandeur, et l’adresse figurant sur cette lettre est la bonne. Là encore, le demandeur ne l’a pas reçue parce qu’il ne résidait plus à l’adresse en question.

[13]  Le demandeur a ensuite attiré l’attention des autorités de l’immigration parce que des agents de la police régionale de York ont informé l’ASFC du fait qu’ils avaient eu une interaction avec le demandeur et avaient remarqué qu’il était visé par un mandat d’arrestation non exécuté. Le demandeur a été arrêté le 30 novembre 2019, date à laquelle lui a été remise la lettre l’informant de la décision de CIC prononçant le désistement de sa demande d’ERAR. Je tiens à souligner que le demandeur a ensuite bénéficié d’une mise en liberté assortie de conditions.

[14]  Le 9 décembre 2019, le demandeur a été informé que la mesure prise pour le renvoyer en Géorgie serait exécutée le 16 décembre 2019. Il a déposé une demande sollicitant le report de l’exécution de cette mesure, laquelle a été refusée le 11 décembre 2019.

[15]  Enfin, je tiens également à observer que durant son séjour au Canada, le demandeur s’est engagé dans une union de fait avec une résidence permanente canadienne, et ils ont à présent un enfant âgé de huit mois.

[16]  Comme je l’ai déjà indiqué, le demandeur a déposé des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision prononçant le désistement de sa demande d’ERAR et du refus de sa demande de report. Il a également sollicité un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant l’issue de ces deux demandes.

II.  Questions en litige

[17]  La seule question à trancher est celle de savoir si le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi doit être octroyé dans les circonstances.

III.  Analyse

[18]  La présente affaire commande l’examen attentif de deux principes fondamentaux qui guident notre Cour dans l’évaluation des demandes de sursis aux mesures de renvoi. Premièrement, le demandeur sollicite une mesure discrétionnaire extraordinaire en equity. Une telle mesure a pour corollaire l’obligation de faire une divulgation complète et fidèle, laquelle est particulièrement importante dans ce type de recours généralement présenté à court préavis et instruit sur le fondement d’un dossier limité. Elle a aussi pour corollaire l’obligation pour le demandeur d’être « sans reproche ». Ces deux  éléments sont présents en l’espèce, comme je l’expliquerai plus loin.

[19]  Un deuxième examen fondamental est nécessaire étant donné que le demandeur fait essentiellement valoir que le risque auquel il serait exposé à son retour en Géorgie n’a jamais été examiné au fond, et que l’exécution de la mesure de renvoi avant un tel examen constituerait une atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne que lui garantit l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 du Canada (R.‑U.), 1982, c 11. L’évaluation du risque avant renvoi a été qualifiée d’« impératif constitutionnel » et d’après le demandeur, il doit s’agir, en l’espèce, du principal élément à examiner.

[20]  J’examinerai d’abord l’obligation d’être sans reproche et l’obligation de divulgation; l’évaluation du risque sera ensuite abordée dans l’analyse de la question sérieuse.

A.  Le demandeur est-il sans reproche et a‑t‑il fait une divulgation complète et fidèle?

[21]  Le défendeur soutient que tous les éléments qui doivent être examinés en l’espèce sont inextricablement liés à la conduite du demandeur, et que la mesure qu’il sollicite doit lui être refusée, étant donné qu’il n’est pas sans reproche. Le fait que des éléments clés de ses antécédents d’immigration n’ont pas été divulgués dans les documents qu’il a déposés à l’appui de la présente requête, et que la description qu’il a donnée de ses antécédents au Canada était inexacte au point d’être trompeuse, est à cet égard pertinent.

[22]  Cet argument est fondé sur trois faits essentiels : le demandeur n’a pas respecté ses conditions de mise en liberté et n’a pas informé les autorités de sa nouvelle adresse; il s’est soustrait aux autorités pendant trois ans, durant lesquels ses activités et l’endroit où il se trouvait sont demeurés inconnus; il n’a pas révélé le non-respect des conditions de sa mise en liberté, ou il ignorait que son ERAR avait été refusé, parce qu’il ne résidait plus à la seule adresse qu’il avait fournie aux autorités. Les documents du demandeur font grand cas du fait que les numéros de son adresse ont été inversés dans une lettre, mais il ne mentionne pas que l’adresse même est celle qu’il avait fournie.

[23]  Pour le défendeur, ces éléments devraient priver le demandeur du droit à une mesure discrétionnaire. Il s’agit d’un aspect dont la Cour tient compte au moment d’évaluer la prépondérance des inconvénients – troisième volet du critère régissant l’octroi d’un sursis –, mais en l’espèce, il est inextricablement lié à l’ensemble de la démarche.

[24]  Le demandeur ne tente ni de réfuter ni d’expliquer un grand nombre de ces faits. Il nie avoir eu des raisons de se soustraire aux autorités, puisque le dépôt de sa demande d’ERAR opérait, par l’application de la loi, un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Son avocat actuel, qui ne le représentait pas à l’époque, fait valoir qu’il a eu des interactions limitées avec son client, étant donné que le demandeur était en détention jusqu’à tout récemment. Le demandeur fait aussi valoir que les avis de convocation à l’entrevue de son ERAR étaient inadéquats et n’étaient pas conformes aux exigences énoncées dans le RIPR. Par conséquent, la décision prononçant le désistement de sa demande d’ERAR est fondamentalement viciée. De plus, aucune évaluation des risques auxquels il est exposé n’a été effectuée dans la décision portant refus de sa demande de report. Le demandeur fait valoir que l’obligation d’être sans reproche et l’obligation de divulgation ne peut l’emporter sur ces considérations fondamentales.

[25]  Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’ai décidé de juger la requête en sursis sur le fond, malgré mes graves réserves quant à la conduite du demandeur. J’entame mon analyse en précisant que le demandeur se présente devant la Cour pour demander une mesure interlocutoire extraordinaire en equity. Chacun de ces mots est important dans le présent contexte.

[26]  Le sursis à une mesure de renvoi est une mesure extraordinaire, car il rompt le statu quo, c’est-à-dire qu’il fait obstacle au renvoi dont l’exécution prévue est généralement imminente. Le sursis est octroyé malgré qu’il soit impératif d’exécuter « dès que possible » (par. 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]) les mesures de renvoi prises à l’égard de personnes n’ayant aucun droit de demeurer au Canada (Chiarelli c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 711). Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité – comme nous le verrons plus loin concernant le volet de la « prépondérance des inconvénients » du critère : le renvoi immédiat des personnes qui n’ont aucun droit de demeurer au Canada est l’un des éléments qui permettent d’assurer l’intégrité du régime d’immigration et d’asile, et de maintenir la confiance du public.

[27]  Le sursis à une mesure de renvoi est de nature interlocutoire, étant donné qu’il est octroyé avant que la demande sous-jacente ne fasse l’objet d’une instruction approfondie sur le fond. Comme le démontre la présente affaire, la Cour doit souvent se prononcer à très court préavis, et le dossier dont elle dispose est plutôt limité comparativement à celui dont elle disposera au moment de statuer sur le fond de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. L’obligation de faire une divulgation complète et fidèle à la Cour est d’autant plus importante dans ces circonstances (Donaire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1189).

[28]  L’octroi ou le refus d’un sursis suppose l’exercice d’une compétence d’equity. Le fait que l’equity soit souple et qu’elle ait pour objet de rendre justice aux parties est inhérent à cette compétence. La Cour suprême du Canada a récemment fait les remarques suivantes, lorsqu’elle a examiné les trois éléments du critère relatif aux injections interlocutoires : « En définitive, il s’agit de déterminer s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire » (Google Inc. c Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34 [Google], au par. 1). L’une des mesures de sauvegarde imposée par les tribunaux contre l’usage inapproprié de ce recours est l’obligation de faire une divulgation complète et fidèle. Le respect de cette exigence est d’autant plus important lorsque la mesure est demandée ex parte, sans donner avis à l’autre partie. Elle ne se limite toutefois pas à cette seule situation.

[29]  La jurisprudence appuie soit le refus d’instruire l’affaire soit le refus d’accorder la mesure demandée s’il est établi que le demandeur n’est pas sans reproche. L’arrêt souvent cité, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2006 CAF 14, énonce aux paragraphes 9 et 10 les critères à examiner à cet égard :

[9] [...] [S]i la juridiction de contrôle est d’avis qu’un demandeur a menti, ou qu’il est d’une autre manière coupable d’inconduite, elle peut rejeter la demande sans la juger au fond ou, même ayant conclu à l’existence d’une erreur sujette à révision, elle peut refuser d’accorder la réparation sollicitée.

[10] Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s’efforcer de mettre en balance d’une part l’impératif de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d’empêcher les abus de procédure, et d’autre part l’intérêt public dans la légalité des actes de l’administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne. Les facteurs à prendre en compte dans cet exercice sont les suivants : la gravité de l’inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d’une dissuasion à l’égard d’une conduite semblable, la nature de l’acte prétendument illégal de l’administration et la solidité apparente du dossier, l’importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l’acte administratif contesté est confirmée.

[Souligné dans l’original.]

[30]  La Cour applique ces facteurs lorsqu’elle est saisie de demandes de contrôle judiciaire dans les affaires d’immigration et de demandes d’asile, et de demandes de sursis à une mesure de renvoi  (voir, par exemple, Khasria c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 773, Debnath c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 332, Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 779, et Mahuroof c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CanLII 36998 (CF)).

[31]  Dans Canada (Revenu national) c Cameco Corporation, 2019 CAF 67, la Cour d’appel fédérale a récemment précisé au paragraphe 37 que [traduction] « pour justifier le refus d’accorder une mesure, la conduite antérieure doit être directement liée à l’objet même de la demande ». Ce même passage a été cité par le juge Norris dans Nsungani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1172, qui a ensuite conclu que l’existence d’une déclaration de culpabilité prononcée contre le demandeur et son défaut plus récent de s’acquitter des obligations que prévoit le processus d’immigration ne le privaient pas du droit de demander une mesure de réparation en equity sous la forme d’un sursis (au par. 13). Dans cette affaire, le juge Norris a tiré la conclusion suivante : « L’examen de la requête en sursis ne pourrait raisonnement signifier que la Cour ferme les yeux sur l’inconduite passée du demandeur ou qu’elle la récompense. »

[32]  Dans l’ensemble, j’estime, après avoir appliqué les facteurs énoncés précédemment, et malgré que je sois troublé par le comportement du demandeur, qu’il est également pertinent de tenir compte du fait que sa demande principale soulève l’existence d’un risque qu’il soit soumis à la torture ou qu’il soit persécuté s’il était renvoyé en Géorgie. De plus, le fait que ce risque n’a jamais été examiné au fond est pertinent. Enfin, je tiens à souligner qu’au final, comme le défendeur a fourni à la Cour, quoique tardivement, le dossier complet, j’ai bénéficié d’un portrait plus complet des faits.

[33]  Comme je l’expliquerai plus loin, s’il semble en l’espèce que le demandeur est lui-même responsable d’une grande partie de son malheur, qu’il a délibérément enfreint les lois canadiennes en ne respectant pas les conditions de sa mise en liberté, et qu’il n’a pris aucune mesure pour régulariser sa situation au cours des dernières années, il n’en demeure pas moins que ces éléments n’empêchent pas que ses droits fondamentaux jouissent de la protection constitutionnelle. Par conséquent, j’ai décidé d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de statuer sur le fond de la demande de sursis.

B.  La Cour doit-elle surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi?

[34]  Pour décider si elle doit surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, la Cour applique le même critère qui doit être appliqué aux injonctions interlocutoires. La Cour suprême du Canada a récemment reformulé le critère comme suit :

À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

(R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, au par. 12, renvois omis)

[35]  Ce critère en trois volets bien connu était énoncé dans des arrêts précédents de la Cour suprême (Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110; RJR — MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR — MacDonald]). Il a également été appliqué au contexte de l’immigration dans Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988) 86 NR 302, 1988 CanLII 1420 (CAF). Bien entendu, l’application de ce critère commande une analyse éminemment contextuelle et tributaire des faits. Il est utile de rappeler l’essentiel récemment souligné par la Cour suprême du Canada : « En définitive, il s’agit de déterminer s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire » (Google, au par. 1).

(i)  Questions sérieuses

[36]  Dans de nombreux cas, le volet du critère qui concerne la question sérieuse n’est pas exigeant. Cependant, dans les affaires où la demande de sursis est présentée après un refus de la demande de report de l’exécution de la mesure de renvoi, il a été établi que la norme à satisfaire est plus rigoureuse, et qu’en conséquence le demandeur doit démontrer, relativement à la demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire, « qu’il est vraisemblable que la demande [...] soit accueillie » ou qu’il a « des arguments assez solides » à faire valoir (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682 [Wang]; et Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au par. 67 [Baron]; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au par. 43).

[37]  En l’espèce, comme le demandeur a présenté deux demandes de contrôle judiciaire, sa demande de sursis repose donc à la fois sur la contestation de la décision rendue à l’issue de l’ERAR (évaluée selon la norme usuelle moins rigoureuse qui consiste à déterminer si la demande semble « frivole ou vexatoire »), et sur la contestation du refus de sa demande de report (évaluée selon la norme plus rigoureuse des « arguments assez solides »). Selon la jurisprudence, il n’est pas clair si de telles affaires commandent l’application de l’une ou l’autre de ces normes (la plus rigoureuse ou la moins rigoureuse) ou si la démarche consiste simplement à les examiner l’une à la suite de l’autre. Il n’est pas nécessaire que je tranche cette question, étant donné que je conclus que le demandeur satisfait à la norme plus rigoureuse que commande le refus de la demande de report.

[38]  Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de l’agent de refuser la demande de report soulève une question sérieuse. L’existence d’une question sérieuse doit être évaluée dans le contexte du régime juridique en vertu duquel l’agent a pris sa décision. Le juge Walker a récemment résumé les principes pertinents dans Toney c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1018, au paragraphe 50. Pour les besoins de l’espèce, les points essentiels sont les suivants : la portée restreinte du pouvoir discrétionnaire; l’exigence d’examiner principalement les facteurs qui, à court terme, influent sur le moment choisi pour exécuter le renvoi, plutôt que d’examiner au fond la demande sous-jacente; et le passage souvent cité de l’arrêt Baron (au par. 51, citant Wang), qui donne le ton de l’examen à effectuer, suivant lequel l’exercice du pouvoir discrétionnaire de reporter l’exécution du renvoi doit être réservé aux situations où le défaut de le faire exposerait le demandeur « à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain ».

[39]  Selon le défendeur, le demandeur n’a pas fait valoir d’« arguments assez solides » étayant sa contestation de la décision de l’agent. Le pouvoir discrétionnaire de l’agent est restreint et il a été exercé de manière raisonnable en l’espèce. L’agent a étayé ses conclusions par des éléments de preuve et il a manifestement tenu compte de tous les faits pertinents.

[40]  Le demandeur se fonde essentiellement sur deux arguments pour contester le refus de sa demande de report : il affirme, premièrement, que l’agent a commis une erreur de droit parce qu’il n’a pas tenu compte des risques auxquels il serait exposé s’il était renvoyé en Géorgie; et, deuxièmement, que l’agent a ignoré et mal interprété les éléments de preuve liés au préjudice que subiraient l’épouse et l’enfant du demandeur.

[41]  S’agissant du risque, l’agent retrace les antécédents d’immigration du demandeur, notamment son arrestation et sa mise en liberté en 2016 et précise que le demandeur [traduction] « s’est soustrait à a évité l’ASFC pendant près de trois ans ». Il souligne ensuite que le demandeur [traduction] « ne s’est pas présenté à ses audiences [relatives à l’ERAR] pendant la période où il s’est délibérément soustrait à l’ASFC ». Après avoir fait cette mise en contexte, l’agent analyse la question du risque et tire sa conclusion à cet égard :

[traduction]
Je tiens à faire remarquer que selon les antécédents d’immigration de M. Sumanidze, il a eu la possibilité de faire évaluer le risque auquel il se disait exposé par un décideur compétent, mais il n’a pas suivi la procédure appropriée. Il est clair que le droit de M. Sumanidze à une procédure équitable a pleinement été respecté quant au risque auquel il s’est dit exposé.

Je tiens à souligner que, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je me prononce, par écrit, sur la demande de report du renvoi; cette décision ne doit pas être interprétée comme étant une évaluation connexe du risque. Aucun pouvoir me permettant d’évaluer les risques ne m’a été délégué. Ma tâche consiste à évaluer si des éléments de preuve convaincants m’ont été présentés pour justifier que l’exécution de la mesure de renvoi soit reportée de manière à ce qu’il soit procédé à l’évaluation. J’estime qu’il n’y a pas lieu de reporter la mesure de renvoi du Canada prise contre M. Sumanidze avant qu’il ne soit statué sur sa demande sa demande de réexamen de la décision prononçant le désistement de sa demande d’ERAR.

[42]  Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur de droit lorsqu’il a écrit : [traduction] « Aucun pouvoir me permettant d’évaluer les risques ne m’a été délégué. » C’est précisément ce que l’agent est tenu de faire en l’espèce, d’autant plus que les risques auxquels le demandeur est exposé n’ont jamais été évalués précédemment.

[43]  Je ne suis pas convaincu, après avoir pris connaissance de l’ensemble de la décision de l’agent, qu’il a commis l’erreur que lui reproche le demandeur. Compte tenu des énoncés qui précèdent et qui suivent la phrase retenue par le demandeur, j’estime que l’agent a simplement rappelé qu’il n’est pas chargé d’examiner la demande d’ERAR. Il a bien énoncé le droit applicable. Cela dit, il se peut que sa façon de l’exprimer dans la phrase soit plutôt inélégante et qu’elle constitue un énoncé incomplet des obligations qui lui incombent.

[44]  Premièrement, l’agent est manifestement un fonctionnaire délégataire de pouvoirs. Deuxièmement, même si le pouvoir d’examiner la demande d’ERAR ne lui est pas délégué, il est tenu d’évaluer le risque auquel le demandeur est exposé, puisque la Cour a précisé dans l’arrêt Baron qu’un élément essentiel du pouvoir discrétionnaire de reporter l’exécution du renvoi consiste à se demander si le défaut de le faire exposerait le demandeur « à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain ». La Cour a confirmé l’existence de cette obligation dans plusieurs décisions subséquentes. Troisièmement, comme je l’indiquerai plus loin, la jurisprudence indique clairement que l’agent est tenu d’effectuer une évaluation plus approfondie du risque lorsque les risques auxquels l’intéressé est exposé n’ont pas été examinés au fond par d’autres décideurs compétents.

[45]  En l’espèce, l’agent a principalement conclu, s’agissant du risque, qu’il n’y avait pas lieu de reporter le renvoi du demandeur avant qu’il ne soit statué sur sa demande de réexamen de la décision prononçant le désistement de sa demande d’ERAR. Cette conclusion, en soi, peut très bien être raisonnable. Or, l’agent ne se livre pas ensuite à une évaluation, véritable ou approfondie, des risques auxquels le demandeur serait réellement exposé. J’estime que le demandeur satisfait à la norme plus rigoureuse qui consiste à faire valoir des « arguments assez solides » relativement à cet aspect de la décision.

[46]  Comme il s’agit d’une question qui pourra être examinée au fond si le demandeur est autorisé à présenter sa demande de contrôle judiciaire sous-jacente, je ne me livrerai pas à un examen approfondi des arguments et de la jurisprudence. Je tiens simplement à faire remarquer que nul ne conteste que le demandeur allègue, sur le fondement de son vécu en Géorgie, qu’il est exposé à un grave risque de préjudice. Le défendeur soutient que les éléments de preuve se rapportent à des événements survenus il y a plusieurs années, mais force est de constater que les agressions violentes et les incidents de torture seraient survenus entre 2014 et 2016, ce qui signifie qu’ils ne sont donc pas si éloignés dans le temps. De plus, le demandeur allègue que les problèmes ont perduré après qu’il a quitté le pays. Je tiens toutefois à préciser qu’aucun de ces éléments de preuve n’a été mis en doute, contesté ou évalué – il s’agit simplement d’allégations faites par le demandeur. Ces allégations sont toutefois faites sous serment dans un affidavit, que le demandeur a rédigé avec l’aide de son avocat, et il faut donc, à ce stade‑ci, leur ajouter foi dans une certaine mesure.

[47]  Le demandeur cite la jurisprudence de notre Cour et celle de la Cour d’appel fédérale suivant laquelle l’obligation pour le Canada d’évaluer les risques avant le renvoi est un impératif constitutionnel, et « pour que la décision de renvoyer une personne du Canada soit valide, il faut au préalable qu’une évaluation du risque ait été effectuée et qu’une décision ait été prise à cet égard, conformément aux principes de justice fondamentale » (Atawnah c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2016 CAF 144, au par. 12 [Atawnah], citant Faradi c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2000] ACF no 646, 257 NR 158, au par. 3). Ce raisonnement a été confirmé dans une série de décisions subséquentes, dont certaines, très récentes, de notre Cour (voir Fraige c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1217; Thuo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 48 [Thuo]; Abdulrahman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 842).

[48]  Le défendeur soutient que la décision de l’agent est raisonnable, car les obligations constitutionnelles consistent à fournir l’occasion d’effectuer une telle évaluation du risque, ce qui a été fait en l’espèce. Dans l’affaire qui nous occupe, le demandeur n’a pas respecté les conditions de sa mise en liberté, il s’est soustrait aux autorités de l’immigration et l’exécution de la loi pendant plusieurs années, et il n’a pris aucune mesure pour donner suite à l’audience prévue pour l’ERAR, laquelle lui aurait donné l’occasion de faire valoir ses droits constitutionnels. La Cour ne doit pas ignorer ce comportement. Le défendeur soutient que l’allégation du demandeur selon laquelle les risques auxquels il est exposé n’ont jamais été examinés doit être rejetée, car ses agissements délibérés et inexpliqués constituent l’unique raison pour laquelle l’audience prévue pour l’ERAR n’a pas eu lieu. Si ce comportement ne constitue pas une renonciation en bonne et due forme à ses droits constitutionnels, il doit à tout le moins ne doit pas être ignoré.

[49]  Je suis certes sensible aux arguments du défendeur, mais j’estime que l’impératif constitutionnel dans ce cas particulier doit être la considération primordiale. Le demandeur allègue qu’il serait exposé à de graves risques s’il était renvoyé en Géorgie, et il fonde ses craintes sur des événements relativement récents qui constituaient selon lui de la torture. Ces faits n’ont jamais été examinés au fond, et j’estime que le demandeur a soulevé une question sérieuse, soit celle de savoir si le défaut de l’agent d’examiner la demande de report était raisonnable.

[50]  Compte tenu de mes conclusions sur cette question, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres arguments relativement à la décision donnant suite à la demande de report, ni la question distincte de savoir si une question sérieuse a été soulevée à l’égard de la décision rendue à l’issue de l’ERAR. Ce constat m’amène au deuxième élément du critère régissant l’octroi d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi.

(ii)  Préjudice irréparable

[51]  Le préjudice irréparable est celui qui ne peut être dédommagé par de l’argent; c’est la nature plutôt que l’ampleur du danger qui doit être examinée (RJR — MacDonald, à la p. 135). Dans le contexte d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, le préjudice est généralement lié au risque que l’intéressé soit exposé à un danger après son renvoi du Canada. Peuvent notamment être visés des dangers particuliers démontrés à l’égard des personnes directement touchées par le renvoi et qui resteront au Canada (Tesoro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148).

[52]  Les éléments de preuve et les arguments se rapportant à la première question et ceux qui concernent le préjudice irréparable se recoupent sensiblement, et je ne reprendrai pas mon analyse précédente. Le droit exige que le préjudice irréparable soit établi sur le fondement de la preuve, et non d’affirmations ou de conjectures (Atwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 427). En l’espèce, la preuve par affidavit déposée par le demandeur consiste en un exposé de faits qui, s’ils sont avérés, confirment le risque qu’il subisse un préjudice s’il est renvoyé en Géorgie. Rien d’autre n’est requis à ce stade-ci, et il n’appartient pas à la Cour d’évaluer s’il s’agit d’une preuve crédible (voir Atawnah, aux par. 31 et 32; Thuo, aux par. 26 et 27).

[53]  Je tiens toutefois à souligner que la preuve étayant le préjudice irréparable que pourraient subir l’épouse et le fils du demandeur est beaucoup moins détaillée, et elle n’aurait peut-être pas pu appuyer cet aspect de la demande s’il s’était agi du seul élément. La preuve médicale concernant l’état de santé actuel de l’épouse n’est pas suffisamment détaillée, et les observations soumises par le demandeur à ce sujet constituaient des extrapolations et des conjectures qui allaient au‑delà de ce que disait la preuve. Il en est de même de la situation de l’enfant.

[54]  Cependant, je conclus que la preuve du demandeur quant au risque auquel il serait exposé s’il était renvoyé en Géorgie est « un risque crédible étayé par des éléments de preuve » (motifs du juge Grammond dans Thuo, au par. 21), et elle suffit à remplir ce volet du critère.

(iii)  Prépondérance des inconvénients

[55]  Compte tenu de mes conclusions précédentes, j’estime que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

[56]  Il ne fait aucun doute que l’intérêt du Canada commande le renvoi rapide des personnes dont les demandes d’asile n’ont pas été acceptées (conformément au paragraphe 48(2) de la LIPR précitée), et qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple question de commodité administrative; l’intérêt public plus général exige plutôt que la confiance dans l’intégrité du régime d’immigration dans son ensemble soit maintenue (Vieira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 626; Ghanaseharan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 261, au par. 22).

[57]  En revanche, le Canada a un intérêt important à veiller au respect des droits et libertés de la personne, notamment le droit fondamental à ce que l’évaluation des risques allégués soit faite conformément aux principes de justice fondamentale. Cet exercice consiste à veiller à ce que le Canada s’acquitte, complètement et véritablement, des obligations qu’il s’est engagé à respecter en promulguant la Charte canadienne des droits et libertés ou en étant signataire des instruments internationaux en matière de droits de la personne, en particulier – pour les besoins de l’espèce –la Convention relative au statut des réfugiés.

[58]  Cet exercice incombe, dans des affaires semblables à la présente espèce, à l’agent qui doit évaluer les risques dans le contexte d’une décision donnant suite à la demande de report. Il s’agit d’une obligation légale dont doivent s’acquitter les agents lorsque les risques n’ont pas déjà été évalués par un autre décideur. Cette évaluation n’a pas eu lieu en l’espèce. La prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

[59]  La conduite du demandeur aurait pu l’empêcher d’obtenir la mesure qu’il sollicite; elle aurait aussi raisonnablement pu être prise en compte par l’agent dans son évaluation globale du risque, dans la mesure où elle peut influer sur l’évaluation de sa crédibilité, par exemple. Sa conduite ne constitue toutefois pas, dans les circonstances particulières de la présente affaire, une renonciation à ses droits fondamentaux. Je conviens avec le défendeur que le caractère définitif d’une décision est dans l’intérêt public, et que le fait de se soustraire aux autorités, de témoigner une irrévérence et un mépris fondamentaux des lois canadiennes sont des considérations graves qui pèsent contre le demandeur. Cependant, elles ne l’emportent pas sur l’obligation légale d’évaluer avant son renvoi du Canada les risques auxquels il serait exposé, étant donné qu’ils ne l’ont jamais été auparavant.

[60]  Par conséquent, j’octroie un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7466‑19

LA COUR STATUE que la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accueillie en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.

« William F. Pentney »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de janvier 2020

 

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7466‑19

INTITULÉ :

MERAB SURMANIDZE c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 DÉCEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Nikolay Chsherbinin

POUR Le demandeur

Aleksandra Lipska

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chsherbinin Litigation

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR Le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR Le défendeur

 

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