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Date : 20011114

Dossier : IMM-4073-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1259

ENTRE :

                                                              YEOUNG SOOK PARK

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision en date du 26 juin 2000 par laquelle l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse à titre d'entrepreneur.

[2]                 La question à trancher est de savoir si l'agent a rendu une décision non raisonnable au motif qu'il a omis de tenir compte des facteurs pertinents et qu'il a pris en compte des facteurs non pertinents.


LES FAITS

[3]                 La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente à titre d'entrepreneur. L'agent des visas a mené une entrevue par l'entremise d'un interprète, étant donné que la demanderesse ne pouvait s'exprimer en anglais. Au cours de l'entrevue, la demanderesse a mentionné à l'agent que son époux la rejoindrait ici au Canada d'ici deux ou trois ans en raison des engagements commerciaux qu'il avait en Corée. Toutefois, même après son arrivée au Canada, il demeurerait propriétaire de son entreprise en Corée. De plus, a-t-elle mentionné, elle a exploité un motel en Corée et 6,92 p. 100 des actions de cette entreprise lui appartiennent. Les autres actions appartiennent à son époux.

[4]                 La demanderesse a également fait savoir à l'agent qu'elle avait investi un montant de 1 050 000 $ dans un restaurant du Canada appelé Centre Island Food Services Ltd. Selon les renseignements qu'elle avait fournis dans sa demande, elle avait l'intention d'investir une somme de 300 000 $ et d'y ajouter subséquemment un autre montant de 600 000 $. Toutefois, elle a dû injecter la somme d'argent supplémentaire plus tôt que prévu, parce que l'entreprise en avait besoin et que plusieurs actionnaires avaient abandonné la société, en raison de la faiblesse du rendement de celle-ci.


[5]                 Lorsque la demanderesse a été interrogée au sujet du rôle qu'elle jouerait dans l'entreprise canadienne, elle a répondu qu'elle s'occuperait de la tenue de livres et des caisses. Interrogée sur la façon dont elle procéderait, étant donné qu'elle ne parle pas l'anglais, elle a mentionné qu'elle avait l'intention d'apprendre l'anglais. Elle a ajouté que l'autre actionnaire, Mme Song (qui détient 80 p. 100 des actions), parle le coréen et que c'est en cette langue que les communications entre elles sont échangées.

[6]                 La demanderesse a ajouté que ses connaissances des pratiques commerciales canadiennes étaient très restreintes et qu'elle n'avait aucune expérience dans le domaine de l'alimentation. Lorsqu'elle s'est fait demander comment son expérience liée à l'exploitation du motel en Corée l'aiderait au Canada, elle n'a formulé aucun commentaire, sauf pour souligner que sa seule expérience en matière de gestion était celle qu'elle avait acquise dans le cadre de l'exploitation du motel. Elle a semblé avoir une connaissance très restreinte de l'entreprise et a mentionné qu'elle comptait prendre une retraite paisible au Canada. À ce sujet, elle a précisé que l'entreprise était fondamentalement une entreprise saisonnière dont la période de pointe était les mois de juin à septembre et qu'elle ne serait pas très occupée le reste de l'année.

[7]                 L'agent des visas a exprimé des doutes au sujet de la capacité de la demanderesse de participer de façon continue à la gestion de l'entreprise. La demanderesse a souligné que son mari la rejoindrait ici dans deux ans et qu'il s'occuperait de la gestion de l'entreprise; elle a aussi précisé qu'elle répondait aux questions de l'entrevue en remplacement de son mari.

[8]                 Dans sa lettre de décision datée du 26 juin 2000, l'agent des visas a formulé les commentaires suivants :


[TRADUCTION] À mon avis, vous ne respectez pas la définition du mot « entrepreneur » , parce que vous ne m'avez pas convaincu que vous avez la capacité et l'intention de participer de façon active et constante à la gestion de l'entreprise ou de l'opération commerciale au Canada. Je vous ai fait part de mes préoccupations au cours de votre entrevue. Vous m'avez dit que votre mari vous rejoindra dans deux ans et qu'il s'occupera de la gestion de l'entreprise. Vous m'avez mentionné aussi que vous participiez à l'entrevue en remplacement de votre mari. Je vous ai dit que, si c'est votre époux qui a l'intention de participer à la gestion de l'entreprise, c'est lui qui devrait présenter une demande en qualité d'entrepreneur lorsqu'il sera prêt à s'établir au Canada.

ANALYSE

[9]                 Un entrepreneur est tenu d'établir ou d'acheter une entreprise ou d'y investir une somme importante et doit avoir l'intention et être en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise. Selon le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, un entrepreneur est défini comme un immigrant :


a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture;


[10]            Dans la présente affaire, il est évident que la demanderesse a respecté le critère énoncé à l'alinéa a). La véritable question à trancher est de savoir si l'agent des visas a interprété l'alinéa b) de façon erronée.


[11]            À mon avis, l'agent des visas a rendu une décision raisonnable et a tenu compte des facteurs pertinents. Dans une affaire similaire, soit l'arrêt Yeung c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 792, le juge Wetston s'est exprimé comme suit :

L'agent des visas a soigneusement examiné les antécédents en affaires du demandeur pour déterminer s'il pouvait gérer efficacement l'entreprise une fois établi au Canada. Compte tenu des éléments de preuve, la conclusion que le demandeur ne pouvait gérer efficacement l'entreprise était celle que l'agent des visas pouvait tirer. Autrement dit, l'agent des visas se préoccupait davantage de ce que le demandeur était en mesure de participer efficacement à la gestion de l'entreprise, plutôt que de sa capacité d'établir celle-ci.

[12]            Dans l'arrêt Abad c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1842, le juge en chef adjoint Jerome a examiné plusieurs facteurs qui sont semblables à ceux de l'affaire dont je suis saisi. Voici comment il s'exprime au paragraphe 4 de son jugement :

Les préoccupations de l'agent se fondent sur plusieurs facteurs; les capacités ou difficultés d'ordre linguistique du requérant; son manque de connaissance du Canada; et, en outre, son expérience limitée en tant que propriétaire ou exploitant d'une entreprise de nature similaire, et il est certainement de la responsabilité de l'agent des visas d'examiner toutes ces questions


[13]            Il était loisible à l'agent de conclure que le fait que la demanderesse participait à l'exploitation du motel et avait investi une somme d'argent élevée dans l'entreprise au Canada n'indique pas pour autant qu'elle a l'intention et est en mesure de fournir cette participation à la gestion d'un restaurant. La majeure partie de la preuve indique plutôt le contraire. La demanderesse avait une connaissance très restreinte de l'entreprise canadienne. Elle a également mentionné que c'est Mme Song, qui détient 80 p. 100 des actions, qui prendra les décisions en matière de gestion. De plus, elle a souligné que son mari s'occupera de la gestion de l'entreprise lorsqu'il arrivera et qu'elle aimerait prendre une retraite paisible au Canada. Il était parfaitement raisonnable de la part de l'agent des visas de conclure comme il l'a fait.

[14]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. P. McKeown »

                                                                                                           JUGE

Toronto (Ontario)

Le 14 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-4073-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Yeoung Sook Park

demanderesse

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le mardi 6 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      Monsieur le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                     le mercredi 14 novembre 2001

COMPARUTIONS :

M. Jegan Mohan                                                               POUR LA DEMANDERESSE

M. James Brender                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mohan & Mohan

Avocats

225-3300 McNicoll Ave.

Scarborough (Ontario) M1V 5J6                                     POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20011114

Dossier : IMM-4073-00

TORONTO (ONTARIO), LE 14 NOVEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE W.P. McKEOWN

ENTRE :

                                    YEOUNG SOOK PARK

                                                                                              demanderesse

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   « W. P. McKeown »

                                                                                                           JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

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