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Date : 19990331


Dossier : T-1378-98

ENTRE :


JOSÉ PEREZ,

demandeur,


- et -


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) qui a rejeté les plaintes du demandeur en vertu du sous-alinéa 44(3)b )i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne1 (la Loi) sans en avoir ordonné l"examen.

[2]      Le demandeur, José Perez, est un récupérateur de grumes qui exerce ses activités à partir du port de Snug Cove, à Bowen Island (Colombie-Britannique). Dans une plainte présentée à la Commission, il allègue que le ministère des Transports a exercé une discrimination contre lui en l"assujettissant à un traitement différent dans la fourniture de services et en le harcelant au motif de son origine nationale ou ethnique, en violation respectivement des articles 5 et 14 de la Loi. Une plainte a aussi été déposée contre le présumé harceleur, M. Richard King, directeur du port de Snug Cove et employé du ministère.

[3]      Les plaintes comportent trois allégations. Premièrement, le demandeur prétend que le directeur du port l"a empêché de ravitailler son bateau en carburant et d"utiliser le courant électrique au quai de Snug Cove alors que des réparations s"avéraient nécessaires. De plus, il prétend avoir fait l"objet de commentaires désobligeants. Finalement, lorsqu"il a essayé de discuter des actes de vandalisme commis contre son bateau, le directeur du port a refusé de l"écouter et ne lui a fourni aucune aide.

[4]      La Commission a enquêté sur les plaintes et a conclu qu"elles devaient être rejetées à cause d"un manque de preuve. Plus particulièrement, aucune preuve n"indique que d"autres individus se sont vu refuser l"accès au courant électrique des installations du quai. En fait, la preuve a démontré qu"il n"était pas traité différemment. Il n"y avait pas de preuve non plus pour appuyer son allégation de harcèlement. De plus, la preuve a révélé que le directeur du port avait informé la police des actes de vandalisme commis contre son bateau.

[5]      Dans son résumé des faits et à l"audience, le demandeur, qui se représente lui-même, a fait valoir deux points. Premièrement, il laisse à entendre que la Commission n"a pas tenu compte du fait que M. King a procédé à l"enlèvement de ses estacades flottantes. Dans ses représentations adressées à la Commission en réponse à la position prise par le défendeur (en date du 10 avril 1997), le demandeur allègue que ses estacades flottantes en trois endroits différents ont été démontées par le directeur du port sans qu"il en soit avisé, entre avril 1996 et février 1997. Il s"agit de la différence de traitement la plus dommageable qu"il ait subie, cela lui ayant fait perdre son moyen de subsistance.

[6]      Deuxièmement, même s"il n"y avait aucun témoin des incidents relatifs au harcèlement, il prétend que la preuve circonstancielle appuie tout de même son allégation.

[7]      En vertu du sous-alinéa 44(3)b)i), la Commission a le pouvoir de rejeter une plainte " si elle est convaincue [...] que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié ". Il est de droit bien établi que le pouvoir de la Commission de rejeter une plainte est entièrement discrétionnaire et que l"exercice de ce pouvoir fait par conséquent l"objet d"un haut degré de retenue judiciaire. On n"annulera la décision de la Commission que dans les cas où l"enquête n"a pas tenu compte d"une preuve décisive et qu"il y a de graves omissions dans le dossier2, ou quand la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d"une manière abusive (c"est-à-dire en cas de déni d"équité procédurale, quand la décision a été prise de mauvaise foi, ou lorsque la décision se fonde sur des motifs non pertinents ou extérieurs)3.

[8]      Dans le cas sous étude, le demandeur ne fait ressortir aucune omission déraisonnable de la part de la Commission quant au dossier, sauf pour ce qui est de l"allégation relative aux estacades flottantes. Cependant, cela ne faisait pas partie de la plainte originale et la Commission n"avait pas à l"examiner. Néanmoins, l"enquêteur a pris connaissance de la plainte et a conclu que la preuve indiquait que les estacades flottantes avaient été enlevées parce que le demandeur n"avait pas obtenu d"approbation préalable en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables4.

[9]      Il n"y a pas non plus de preuve d"un déni d"équité procédurale ou d"un exercice abusif du pouvoir discrétionnaire. En fait, si on considère le rapport de l"enquêteur et les autres faits pertinents, la décision de la Commission ne semble pas déraisonnable.

[10]      Il s"ensuit que dans de tels cas, la Cour doit donner effet au grand pouvoir discrétionnaire de la Commission.


[11]      En l"espèce, il n"a pas été démontré à la Cour que la décision de la Commission devrait être annulée. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


(Signature) " Pierre Denault "

JUGE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 31 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1378-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          JOSÉ PEREZ

                         c.

                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L"AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 31 MARS 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU 31 MARS 1999

ONT COMPARU :

M. José Perez                          en son propre nom

M. Malcolm Palmer                      pour le défendeur

AVOCATS AU DOSSIER :

M. José Perez                          en son propre nom

C.P. 3036, Main Post Office

Vancouver (Colombie-Britannique)

V6B 3X5

M. Morris Rosenberg                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. H-6.

2Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, à la page 600 (1re inst.), conf. par (26 mars 1996), A-116-94 (C.A.F.); Jennings c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995) F.T.R. 10 (C.F. 1re inst.); Tahmourpour c. Canada (Ministre du Revenu national) (10 septembre 1998), T-164-98 (C.F. 1re inst.); Gotslow c. Canada (Forces armées canadiennes) (30 décembre 1998), T-163-98 (C.F. 1re inst.).

3Slattery, ibid., page 610; Morrisset c. Commission canadienne des droits de la personne et al. (1991) 52 F.T.R. 190 (C.F. 1re inst.); Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.

4Slattery      Voir le dossier du Tribunal à la page 749.

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