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                                                                                 Date : 1998112--

                                                                                 Dossier : 98-T-51

ENTRE :

                              RÉGENT MILLETTE, domicilié et résidant au

2080, rue Berthier à Laval, district de Laval,

province de Québec, H7E 1G8

Demandeur

C.

REVENU Canada, Centre des services fiscaux,

sis au 3131 boulevard St-Martin ouest à Laval,

district de Laval, province de Québec, H7T 2A7

                                                                                          Défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]    Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir une prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire de deux décisions du Ministre du Revenu rendues le 26 mars 1998 et le 6 avril 1998 (voir les pages 12 et 13 de la demande du demandeur).

[2]                      Le demandeur agit en son propre nom.


[3]                      La décision datée du 26 mars 1998 est une demande formelle de paiement envoyée à la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA) par laquelle celle-ci est tenue de payer, pour fins d'impôt dû, les sommes qu'elle doit ou devra au demandeur. Le défendeur demande que 30 % de toutes les sommes payables au demandeur soient envoyées au ministre en guise d'impôt sur le revenu que le demandeur doit prétendument au défendeur, qui s'élève au total à 546 615,20 $ plus intérêts.

[4]                      La décision datée du 6 avril 1998 est également une demande formelle de paiement envoyée à la Caisse d'économie Laval St-Laurent pour un montant de 769,16 $, soit le solde du compte du demandeur.

[5]                      Le demandeur, après avoir été avisé des décisions susmentionnées, a tenté de contester ces dernières devant la Cour supérieure du Québec. La Cour supérieure n'a pas la compétence pour entendre une telle affaire.

[6]                      Le demandeur a essayé de déposer une opposition devant la Cour fédérale, mais il a échoué parce qu'il ne s'agissait pas, comme il en a été décidé, de la bonne procédure.

[7]                      Le demandeur dépose maintenant la présente demande afin de pouvoir déposer une demande de contrôle judiciaire.


[8]          Dans la décision 047424 NB Inc. et autres c. Le ministre du Revenu national, T-1143-98, T-1159-98, 11 septembre 1998, non publiée, C.F. 1re inst., à la page 5, le juge MacKay énonce le critère applicable pour déterminer si une prorogation de délai peut être accordée :

Le critère applicable à la prorogation de délai est celui qu'a défini la Cour d'appel dans Grewal c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1985), 63 N.R. 106 (C.A.F.). Parmi les facteurs à prendre en considération, il y a le fait que le demandeur ait eu l'intention, à l'intérieur du délai imparti, d'entamer la procédure en vue de présenter une demande et ait maintenu cette intention par la suite, la durée de la prorogation demandée et le préjudice qu'entraînerait la prorogation pour l'autre partie. Il s'agit, en définitive, pour reprendre les termes du juge en chef Thurlow dans Grewal, de déterminer « si ... la prorogation du délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties » (63 N.R., à la page 110). Selon le juge Marceau dans le même arrêt (63 N.R., à la page 116), il faut établir un équilibre entre tous les facteurs à considérer dans les circonstances, notamment la nature des droits en jeu, pour exercer le pouvoir discrétionnaire d'accorder une prorogation de délai.

[9]          Il faut ajouter à ce qui précède que le demandeur doit, au moins, avoir une cause défendable à présenter à la Cour.

[10]     Le défendeur a d'ailleurs très bien formulé ces exigences dans son argumentation écrite.

Pour réussir sur sa requête en prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire, le demandeur doit premièrement expliquer le retard à prendre son recours en contrôle judiciaire et deuxièmement persuader le tribunal qu'il a une cause soutenable et une chance raisonnable d'avoir gain de cause;

[11]     Comme je l'ai déjà mentionné, je suis convaincu que le demandeur a toujours eu l'intention de contester les saisies ordonnées par le Ministre du Revenu.


[12]     Le problème auquel fait face le demandeur dans la présente affaire est que je dispose de très peu d'éléments de preuve me permettant de croire qu'il a des chances d'avoir gain de cause.

[13]     Le demandeur est d'avis que les saisies sont illégales parce qu'elles n'obéissent pas aux lois provinciales du Québec. Le demandeur déclare :

Les sommes saisies sont insaisissables en vertu de l'article 553(7), (8) et (11) du Code de procédure civile du Québec.

Les sommes saisies sont insaisissables en vertu de l'article 77 de la Loi sur le régime de retraite des enseignants.

Les sommes saisies sont insaisissables en vertu de l'article 1215 du Code civil du Québec.

Les sommes saisies son insaisissables en vertu des articles 2457 et 2458 du Code civil du Québec.

[14]     Il est manifeste que le demandeur souhaite fonder entièrement sa demande de contrôle judiciaire sur les lois du Québec.

[15]            Dans Ghislaine Carlos Perron c. Sa Majesté la Reine Aux Droits du Canada, T-1911-89, 14 mai 1990, non publiée, C.F. 1re inst., une affaire semblable à la présente, le juge Denault énonce à la page 2 :


La Cour n'accepte pas la proposition du procureur de la requérante à l'effet que la Couronne est soumise à la règle d'insaisissabilité prévue à L'article 553(4) du Code de procédure civile. (Voir St-Cyr v. Société d'administration et de fiducie [1951 C.S. 245]). Cette disposition n'affecte pas les droits et privilèges de la Couronne car le législateur n'a pas spécialement prévu que la Couronne devait y être assujettie (art. 9 du Code civil & art. 17 de la Loi d'interprétation SR. Ch. I-23), et l'amendement au Code de procédure civile, en 1965, qui a fait disparaître la procédure de la pétition de droit n'a pas eu cet effet. Par ailleurs le Parlement n'a pas autorisé la Couronne, dans le cadre d'une saisie-arrêt faite en vertu de l'art. 224 de la Loi de l'impôt sur le revenu, à se soumettre à l'insaisissabilité décrétée par la loi provinciale, comme elle l'a par ailleurs fait dans le cadre d'une saisie de biens mobiliers, en vertu de l'art. 225(5).

La requête de la requérante est rejetée avec dépens.

[16]     Le 13 mai 1996, dans l'affaire T-1082-96, le juge Joyal a autorisé le défendeur à agir conformément aux alinéas a) à g) du paragraphe 225.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu « afin de percevoir et/ou garantir le paiement par Régent Millette d'une somme totale de $563,135.95 plus intérêts... » .

[17]     Je suis convaincu que, conformément au paragraphe 224(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le défendeur « peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu'ils deviennent payables, au receveur général au titre de l'obligation du débiteur fiscal [...] » et ce, nonobstant les articles du Code civil du Québec précités par le demandeur.

[18]     Le juge Denault, dans l'affaire Perron, traite du paragraphe 553(4) du Code de procédure civile. Il ne parle pas des autres articles du Code de procédure civile du Québec cités par le demandeur, et il n'aborde ni l'article 77 de la Loi sur le Régime de retraite des enseignants, ni l'article 1215 du Code civil du Québec.


[19]     Il ne m'appartient pas, à ce stade-ci de l'instance, de décider du bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire.

[20]     Je ne peux pas affirmer que le demandeur n'a aucune chance de succès.

[21]     Par conséquent, comme la preuve démontre clairement que le demandeur a toujours eu l'intention de contester les saisies ordonnées, je suis convaincu que, dans l'intérêt de la justice, le demandeur devrait être autorisé à présenter sa demande de contrôle judiciaire.

[22]     Je comprends que le demandeur agit en son propre nom. Toutefois, ce n'est pas une raison pour lui permettre de déposer devant la Cour des documents qui ne sont pas conformes aux Règles de la Cour fédérale, ni de déposer ces documents en dehors des délais prévus par la loi.


[23]     Le demandeur est autorisé à signifier et à déposer sa demande de contrôle judiciaire à l'intérieur d'un délai de sept jours à compter d'aujourd'hui.

                                                                

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le     décembre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                        98-T-51

INTITULE.                                    RÉGENT MILLETTE c.

REVENU CANADA

REQUÊTE ENTENDUE SANS COMPARUTION PERSONNELLE

MOTIFS DU JUGEMENT DE L'HONORABLE JUGE TEITELBAUM EN DATE DU 18 DÉCEMBRE 1998

COMPARUTIONS

RÉGENT MILLETTEPOUR LE DEMANDEUR

MARIA GRAZIA BITTICHESUPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

SOUS PROCUREUR-GÉNÉRAL DU CANADA               POUR LE DÉFENDEUR OTTAWA, ONTARIO


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