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Date : 20000811


Dossier : IMM-6143-99


ENTRE :

     MAHAMAT AHMAT

     demandeur

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) datée du 2 novembre 1999, par laquelle la SSR a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]          Le demandeur, un citoyen du Tchad, est arrivé au Canada le 26 avril 1998 et a immédiatement présenté une demande de statut de réfugié au sens de la Convention. Le 20 octobre 1998, il a comparu avec un avocat devant un tribunal formé de deux personnes de la SSR. Un interprète tchadien/anglais a aidé le demandeur, mais il y a eu des problèmes d'interprétation, de sorte qu'une audience de novo a été fixée. Cette audience a eu lieu devant un tribunal formé d'une personne de la SSR le 22 juin 1999.

[3]          À la nouvelle audience, le demandeur a témoigné que ses problèmes avec le gouvernement du Tchad étaient dus à ses liens familiaux et à son appartenance à la tribu Arabe. Son cousin avait vécu en Libye pendant bon nombre d'années avant de retourner au Tchad en novembre, et il a demeuré avec le demandeur à N'djamena. Une semaine après le retour de son cousin, la police politique tchadienne, l' « agence nationale de sécurité » (l'ANS) s'est présentée au domicile du demandeur et a arrêté ce dernier et son cousin. Ils ont été emmenés à la prison centrale, ils ont été séparés, le demandeur a été interrogé et il a été accusé d'être membre du groupe d'opposition armé connu sous le nom de « FNT » (Front national du Tchad). Les agents ont dit au demandeur que son cousin était un partisan du FNT et qu'il avait recueilli des appuis pour le FNT pendant qu'il se trouvait en Libye. Selon le témoignage du demandeur, les agents ont exigé les noms des agents du FNT au Tchad mais il n'en connaissait aucun, de sorte qu'il a été soumis à des interrogatoires cruels pendant toute la durée de son emprisonnement.

[4]          Le 12 avril 1998, le demandeur a pu s'évader après que sa famille eut soudoyé l'un des gardiens de sécurité afin de permettre sa libération. Il ne sait toujours pas ce qu'il est advenu de son cousin.

[5]          Le tribunal a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention et a jugé fausses les allégations faites à l'appui de sa revendication en raison des incohérences et des contradictions découlant de son témoignage. Dans sa décision, le tribunal a expliqué avoir rejeté la prétention que le cousin du demandeur était recherché car il était soupçonné d'être un agent du FNT et que le demandeur a été arrêté en raison de son association avec son cousin.

[6]          Le demandeur soutient d'abord que le tribunal a contrevenu à son obligation d'impartialité et a manqué d'objectivité en l'interrogeant de façon agressive, en mettant en doute la véracité de l'interprétation au cours de l'audience et en demandant la tenue d'une enquête sur l'interprète sans en informer les avocats.

[7]          J'estime que l'examen attentif de la transcription n'indique pas que le membre du tribunal a interrogé le demandeur de façon agressive. Le membre du tribunal a pu interrompre l'avocat du demandeur à quelques reprises, mais j'estime qu'il l'a fait en vue de clarifier des contradictions ainsi que les réponses imprécises données par l'interprète et, essentiellement, pour mieux comprendre la demande.

[8]          Quant à l'allégation que le membre du tribunal en mis en doute la véracité de l'interprétation au cours de l'audience, je ne suis pas d'accord. Une fois de plus, la transcription indique que, de temps à autre, le demandeur tentait de répondre aux questions avant que celles-ci ne soient dûment traduites, de sorte que le membre du tribunal intervenait en l'avisant d'attendre jusqu'à ce que l'interprète ait fini de traduire.

[9]          Je suis convaincue que ces événements n'ont pas donné lieu à une crainte raisonnable de partialité, mais qu'ils démontrent plutôt que le membre du tribunal a cherché avec soin à recueillir et à comprendre la preuve qui lui a été présentée.

[10]          Quant à la vérification ordonnée par le membre du tribunal, je suis d'avis qu'étant donné que l'audience précédente tenue devant une autre formation du tribunal avait dû être annulée en raison des craintes soulevées par l'avocat du demandeur relativement à la qualité et à l'exactitude de l'interprétation ayant eu lieu, il était prudent de la part du membre du tribunal d'effectuer cette vérification. En outre, l'avocat du demandeur a eu l'entière possibilité de faire des observations sur les résultats de la vérification1.

[11]          Dans les circonstances, je suis donc d'avis que la conduite du membre était équitable et objective dans les faits et qu' « une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » 2 n'estimerait pas qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part du membre du tribunal.

[12]          Le demandeur a également soutenu que le tribunal avait mal interprété la preuve dont il était saisi.

[13]          Le membre du tribunal a rejeté la revendication du statut de réfugié faite par le demandeur essentiellement en raison des incohérences et des contradictions relevées dans sa version de même qu'en raison de l'absence de preuve crédible présentée à l'appui de cette revendication.

[14]          Il est bien établi en droit que les questions relatives à la crédibilité et au poids devant être accordé à la preuve relèvent de la compétence de la Section du statut de réfugié en tant que juge des fait et que la Cour n'interviendra pas dans la mesure où les conclusions tirées par la Commission ne sont pas déraisonnables3. Elles ne le sont pas dans la présente affaire.

[15]          Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 août 2000.


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-6143-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mahamat Ahmat c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 10 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              11 août 2000

ONT COMPARU

M. Joel Etienne                      pour le demandeur
Mme Cheryl Mitchell                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Lawrence Cohen                      pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Dossier certifié du tribunal, aux pages 60 et 70.

2      Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie [1978] 1 R.C.S. 369.

3      Brar c. M.E.I. (1993), 152 N.R. 157 (C.A.F.).; Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

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