Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990305

     Dossier : IMM-889-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 MARS 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MARC NADON

Entre :

     MANEESHA MAHADEO et VISHARAD MAHADEO,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]      Les demandeurs, qui sont âgés respectivement de 17 et 18 ans, demandent un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi prise contre eux par le défendeur. Ce dernier a l'intention de les renvoyer du Canada à 22h45 le 5 mars 1999.

[2]      Dans l'arrêt Toth c. Canada (M.E.I.), 86 N.R. 302 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a statué que, pour obtenir gain de cause dans une telle demande, le demandeur doit démontrer qu'il y a une question grave à instruire, qu'il subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé et, finalement, que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur. Étant donné que je suis d'avis que les demandeurs n'ont pas fait la preuve qu'ils subiront un préjudice irréparable si l'ordonnance qu'ils réclament ne leur est pas accordée, leur demande doit être refusée.

[3]      L'avocat des demandeurs soulève plusieurs questions concernant le préjudice irréparable. Tout d'abord, il fait valoir que la séparation des demandeurs de leur mère pendant les mois au cours desquels elle demeurera au Canada en attendant l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre elle leur causera un préjudice irréparable. Je ne peux accepter cette position. La séparation entre la mère et ses enfants peut se limiter au temps qu'il faudra à la mère pour retourner en Guyane et se rendre ensuite à Trinité pour les retrouver, étant donné qu'elle a le statut de résidente permanente dans ce pays, ou subsidiairement, au temps qu'il faudra aux demandeurs pour obtenir un passeport guyanais du consulat à Trinité et se rendre en Guyane. La mère des demandeurs pourrait également quitter le Canada le plus vite possible, en abrégeant la période supplémentaire qui lui a été accordée en raison de sa grossesse, réduisant ainsi davantage la durée de la séparation entre elle et les demandeurs. Quelle que soit la solution retenue, la séparation entre la mère et ses enfants peut être de brève durée, que j'estime entre trois et cinq mois. Considérant que les demandeurs ont 17 et 18 ans, je ne peux conclure que cette séparation leur causera un préjudice irréparable.

[4]      Le deuxième moyen qu'a fait valoir l'avocat des demandeurs est que ses clients subiront un préjudice irréparable du fait de l'interruption de leurs études étant donné que la mesure de renvoi sera exécutée avant la fin de l'année scolaire. Des difficultés personnelles de cette nature, bien qu'elles causent des désagréments, ne constituent pas à mon avis un préjudice irréparable. Dans l'arrêt Chatterjee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (16 août 1996), [C.F. 1re inst.) (Ottawa : IMM-2454-96)], le juge Richard, maintenant juge en chef adjoint, a déclaré que les difficultés personnelles ne constituent pas un préjudice irréparable :

         Le requérant connaîtrait certainement des inconvénients et des difficultés personnels sérieux s'il était expulsé. Il y aurait perte de chances de faire des études et il retournerait en Inde où il n'aurait plus de liens familiaux proches ni de perspectives économiques. Toutefois, la jurisprudence de cette cour, comme le montre la décision rendue par mon collègue le juge MacKay dans l'affaire Kerrutt v. M.E.I., (1992) 53 F.T.R. 93, établit que les difficultés personnelles ne constituent pas un préjudice irréparable, aussi sérieuses qu'elles peuvent être pour le requérant.                 

[5]      Quitter l'école avant la fin de l'année scolaire leur causera sans aucun doute des inconvénients et les obligera presque certainement à reprendre cette année scolaire. Toutefois, cela ne constitue pas un préjudice irréparable.

[6]      Je dois ajouter que j'ai de sérieuses réserves au sujet de la crédibilité de la mère des demandeurs et, partant, au sujet de la crédibilité de ceux-ci, plus particulièrement quant à la relation qui existe entre les demandeurs et leur père, et quant à savoir si leur père peut les prendre en charge à Trinité, où il vit actuellement, et s'il le fera. Dans son affidavit, la mère déclare que son mari a été violent envers elle et ses enfants. Cette affirmation est un peu surprenante étant donné qu'elle n'en n'a pas fait état dans sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, ni dans sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Dans son affidavit, la mère essaie d'expliquer cette divergence en déclarant que, lorsqu'elle a quitté Trinité pour le Canada, elle avait obtenu de son mari la permission de le quitter à condition qu'elle ne parle à personne de ses actes de violence envers elle et ses enfants. Si tel est le cas, pourquoi la mère en fait-elle état maintenant devant la Cour ? Malheureusement, je ne crois pas l'explication de la mère sur ce point.

[7]      Dans son affidavit, la mère déclare également que ni elle ni ses enfants n'ont eu de contact avec le père depuis plus de deux ans. Étant donné les circonstances inusitées en vertu desquelles les demandeurs et leur mère ont quitté Trinité, le harcèlement présumé du père, le contact maintenu par les demandeurs dans les deux années qui ont suivi [1995 et 1996] et les circonstances difficiles que traverse actuellement la famille en raison du retour des demandeurs à Trinité, je trouve assez surprenant que la mère n'ait fait apparemment aucun effort pour communiquer avec son mari. Si tel est le cas, je pense que sa conduite est totalement irresponsable. Toutefois, je doute fort de la véracité de cette affirmation de la mère.

[8]      Finalement, je tiens à souligner que la mesure d'expulsion contre la mère et ses enfants a été prise le 31 octobre 1995. Cette ordonnance était conditionnelle à la décision concernant les revendications du statut de réfugié de la mère et des demandeurs. Le 27 mars 1997, la section du statut de réfugié a rejeté les revendications. Dans une lettre datée du 10 juin 1998, la mère et ses enfants ont été informés par un agent de révision des revendications refusées qu'ils ne faisaient pas partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Par conséquent, depuis la réception de cette lettre, les demandeurs et leur mère ont été informés que la mesure d'expulsion pouvait être exécutée à n'importe quel moment. La mère n'a rien fait pour essayer de préparer son retour ou celui de ses enfants en Guyane ou à Trinité. Dans son affidavit du 26 février 1999, elle indique qu'elle a parlé à une voisine " il y a environ une semaine " et que celle-ci a accepté " d'accueillir les enfants à l'aéroport et de les garder chez elle ". Encore une fois, je ne peux décrire la conduite de la mère autrement qu'en la qualifiant de totalement irresponsable. Toute cette situation est infiniment regrettable, mais le défendeur ne peut en être tenu responsable.

[9]      Par ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

                             " MARC NADON "

                            

                             JUGE

Ottawa (Ontario)

le 5 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-889-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Maneesha Mahadeo et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 2 mars 1999

ORDONNANCE ET MOTIFS

DE L'ORDONNANCE PAR :              le juge Nadon

DATE :                          le 5 mars 1999

ONT COMPARU :

Avi J. Sirlin                              pour les demandeurs

Ian Hicks                              pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Avi J. Sirlin

Toronto (Ontario)                          pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  pour le défendeur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.