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                                                                                                                                           Date : 20020625

                                                                                                                                       Dossier : T-195-01

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 707

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                    LE DOCTEUR NOËL AYANGMA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

1                      La Cour a devant elle trois requêtes, dont deux en jugement sommaire déposées conformément à l'article 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), DORS/98-106.

2                      La première requête, déposée par le demandeur le 4 juillet 2001, vise à une ordonnance de jugement sommaire et/ou à la détermination d'un point de droit en application de l'article 220 des Règles.


3                      La deuxième requête, déposée par la défenderesse le 28 février 2002, vise à une ordonnance de jugement sommaire rejetant avec dépens la déclaration modifiée du demandeur.

4                      Une troisième requête, également déposée par la défenderesse, est devant la Cour. La requête, déposée le 4 avril 2002, vise à une ordonnance selon le paragraphe 70(4) des Règles pour que le demandeur soit condamné aux dépens parce qu'il a déposé un exposé des faits et du droit d'une longueur de plus de trente (30) pages.

Les faits

5                      Le demandeur, le docteur Noël Ayangma, qui n'est pas représenté par un avocat, a introduit contre Sa Majesté la reine une action en dommages-intérêts pour la somme de 2 000 000 $, en réparation d'un préjudice résultant d'une procédure fautive suivie par Santé Canada et par la Commission de la fonction publique, procédure qui a rendu impossible sa nomination à un poste au sein de Santé Canada pour lequel il avait posé sa candidature à la suite d'un concours public qui avait été annoncé.

6                      Le concours avait été lancé le 24 mars 2000 et, lorsqu'il avait posé sa candidature le 18 avril 2000, le demandeur avait indiqué qu'il était membre d'une minorité visible et que sa première langue était le français.


7                      Le jury de sélection établi pour le concours comprenait trois membres. L'un venait de la Commission de la fonction publique, le deuxième de Santé Canada et le troisième était un consultant. Deux de ces membres étaient d'ascendance autochtone et un seul était en mesure de conduire en français l'entrevue du demandeur. Le demandeur affirme qu'aucun des membres n'appartenait à une minorité visible.

8                      Un total de cinq candidats, dont le demandeur, ont subi une entrevue pour le poste, et le demandeur fut informé le 26 juin 2000 qu'il n'était pas le candidat retenu. Le candidat retenu était Mme Monique Charron. Mme Charron avait occupé ce poste à titre intérimaire depuis 1997, à la suite d'un concours intérimaire à l'issue duquel elle avait été la candidate retenue. Son statut intérimaire avait été prorogé trois fois jusqu'à sa désignation à temps plein après la tenue du concours aujourd'hui contesté.

9                      Le demandeur a fait appel au comité d'appel de la fonction publique contre la nomination de Mme Charron, en alléguant partialité du processus, contravention à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP), L.R.C. (1985), ch. P-33 , et à la Charte canadienne des droits et libertés, annexe B, qui constitue la partie I de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982 (R.-U.), ch. 11 (la Charte), et entorse à la décision Alliance de la capitale nationale sur les relations interraciales c. Canada (Santé et Bien-être), [1997] C.H.R.D. No. 3 (la décision ACNRI).


10                  La décision ACNRI a été rendue le 19 mars 1997 par le Tribunal canadien des droits de la personne, qui a prononcé une ordonnance (ci-après l'ordonnance ACNRI) enjoignant Santé Canada de régler plusieurs failles de son processus de dotation en personnel et qui a prescrit une série de mesures correctives et de procédures de contrôle. Ces mesures et procédures visaient à permettre aux membres des minorités visibles d'avoir des possibilités d'avancement au sein de Santé Canada, d'une manière compatible avec l'article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

11                  Le demandeur n'était pas partie à l'instance ACNRI et n'était pas un employé de Santé Canada et de la fonction publique au moment de l'enregistrement de l'ordonnance ACNRI. Le demandeur est devenu un employé en janvier 1999.

12                  Le comité d'appel de la fonction publique, par l'entremise de son président, M. Pierre Baille, a fait droit, dans une décision datée du 31 octobre 2000, à l'appel du demandeur, au motif que les membres du jury de sélection n'avaient pas une connaissance suffisante du français pour communiquer avec le demandeur durant son entrevue, contrairement au paragraphe 16(2) de la LEFP. Nonobstant cette conclusion, le président a jugé également que l'élimination du demandeur du concours était juste et équitable parce que le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait l'expérience requise pour le poste.

13                  À la suite de la décision du comité d'appel, la Commission de la fonction publique a proposé des mesures correctives, auxquelles le demandeur s'est opposé puisque ces mesures, de l'avis du demandeur, ne visaient qu'à réévaluer Mme Charron et à la favoriser davantage.

14                  À la suite des oppositions écrites du demandeur aux mesures correctives proposées, la Commission de la fonction publique a révisé les mesures correctives et annulé tout le processus et elle s'est proposé de conduire un nouveau concours, avec de nouveaux instruments d'évaluation et un nouveau jury de sélection.


15                  Une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d'appel, introduite le 29 novembre 2000 par le demandeur, fut interrompue le 1er février 2001, en raison semble-t-il de certaines déclarations faites au demandeur par la défenderesse.

16                  Bien qu'on lui offrît de subir une nouvelle entrevue pour le poste dans la langue officielle de son choix, le demandeur refusa expressément d'être réévalué et de subir une nouvelle entrevue pour le poste ou de poser sa candidature à d'autres concours.

17                  Le demandeur a refusé de participer au nouveau processus, en affirmant qu'il était injuste, dans la mesure où la nomination de Mme Charron n'était pas annulée. La position du demandeur était que le maintien de Mme Charron dans le poste jusqu'à l'achèvement du nouveau processus donnait à Mme Charron un avantage injuste même pour le cas où sa nomination serait révoquée si d'aventure elle n'était pas la candidate retenue. L'argument du demandeur est que de toute façon la nomination de Mme Charron était illégale et que tout le processus était illégal puisqu'il n'y avait pas de poste vacant à combler vu que Mme Charron occupait le poste au moment du lancement du concours.

18                  Le nouveau concours alla de l'avant et fut mené à terme comme prévu, et Mme Charron fut éventuellement choisie pour le poste.


19                  Dans sa déclaration modifiée, le demandeur affirme que la défenderesse a contrevenu à la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.) (la LLO), à la LEFP et à l'article 15 de la Charte, parce qu'on ne l'avait pas embauché à la suite d'un concours administré dans la fonction publique. Le demandeur affirme aussi que Sa Majesté la reine et certaines personnes contreviennent à l'ordonnance ACNRI.

20                  Le demandeur introduisit le 13 juillet 2001 une procédure d'outrage pour que Sa Majesté et certaines personnes désignées et non désignées soient enjointes d'exposer les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas être convaincues d'outrage pour contravention présumée à l'ordonnance ACNRI. Monsieur le juge MacKay, de la Cour fédérale, a rejeté la requête du demandeur le 25 janvier 2002, parce que selon lui toute contravention à l'ordonnance ACNRI avait été corrigée par les procédures établies conformément à la LEFP. Le demandeur a fait appel à la Cour d'appel fédérale contre l'ordonnance rejetant la procédure d'outrage.

21                  Points en litige

           (i)         La défenderesse soulève-t-elle, s'agissant de sa défense, une véritable question litigieuse?

           (ii)        Le demandeur soulève-t-il, s'agissant de sa réclamation, une véritable question litigieuse?

Analyse


22                  Le demandeur sollicite une ordonnance, conformément à l'alinéa 220(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998), qui déclarerait recevables comme preuve les transcriptions de deux instances antérieures. La première, datée du 3 octobre 2000, était une instance introduite devant le comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada (le comité d'appel). Les parties à cette instance étaient les mêmes que dans la présente instance. La deuxième était une audience tenue devant le Tribunal canadien des droits de la personne qui s'est déroulée de décembre 1995 à mai 1996 et qui avait conduit à la décision et à l'ordonnance ACNRI. Les parties à cette instance étaient l'Alliance de la capitale nationale sur les relations interraciales (ACNRI), en tant que plaignant, et Santé et Bien-être Canada, la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor, en tant que défendeurs. Le demandeur n'était pas partie à ces instances, et il n'y a pas non plus témoigné personnellement.

23                  La recevabilité des conclusions du comité d'appel, ou de celles du Tribunal des droits de la personne dans la décision ACNRI, n'est pas en litige. Cependant, la défenderesse s'oppose à la recevabilité des transcriptions des témoignages rendus au cours de l'une ou l'autre instance.

24                  Dans l'arrêt Re c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043, à la page 1029, la Cour suprême du Canada a confirmé que l'arrêt de principe sur la recevabilité, dans une procédure civile, de tels témoignages était l'arrêt Walkertown (Town) c. Erdman (1894), 23 R.C.S. 352.

... Dans cet arrêt, le demandeur avait intenté une action contre la ville et un interrogatoire de bene esse avait eu lieu avant le procès. Cependant, M. Erdman était ensuite décédé et son épouse avait intenté une action distincte contre la ville. Même en l'absence d'une règle législative, notre Cour a statué que le dossier de l'interrogatoire était admissible parce que la ville avait eu la possibilité de contre-interroger M. Erdman (et elle l'avait fait) et que les deux actions portaient sur les mêmes questions.

25                  La Cour suprême a donc établi les trois conditions qui doivent être remplies avant qu'un témoignage antérieur ne puisse être admis dans une procédure subséquente :


(1)        la partie adverse actuelle doit avoir eu la possibilité de contre-interroger les témoins lors de la première procédure, et elle les a effectivement contre-interrogés;

(2)        les points importants auxquels se rapporte la preuve doivent être sensiblement les mêmes dans les deux procédures; et

(3)        les deux procédures doivent opposer les mêmes parties.

26                  La défenderesse n'a pas eu l'occasion de procéder à un contre-interrogatoire sur cette preuve. Il serait donc préjudiciable à la défense de permettre que cette preuve soit versée dans le dossier avant que la défense ait eu la possibilité de s'assurer de sa véracité.

27                  S'agissant de la transcription de l'instance introduite le 3 octobre 2000 devant le comité d'appel de la fonction publique du Canada, les faits essentiels concernant ladite instance et ceux concernant la présente instance sont différents. Dans la première, aucune preuve de discrimination n'a été produite, et la procédure n'a pas donné à la défenderesse l'occasion de contre-interroger le demandeur.

28                  S'agissant de la transcription de la décision ACNRI, le demandeur n'était pas partie à cette instance, et les faits propres à la requête actuelle n'étaient pas en question dans ladite instance. De plus, le concours lui-même qui a conduit à la plainte du demandeur dans la présente instance n'avait pas encore eu lieu.


29                  Je suis d'avis que le demandeur ne remplit pas les conditions énoncées par la Cour suprême du Canada pour la recevabilité des transcriptions des instances susmentionnées.

30                  Je suis également d'avis que les deux transcriptions des instances antérieures peuvent être qualifiées de preuve par ouï-dire, dans l'hypothèse où le demandeur tente de les introduire pour la vérité de leur contenu.

31                  Je suis également d'avis que l'application de l'approche flexible en matière de preuve par ouï-dire qui a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Kham, [1990] 2 R.C.S. 531, ne viendra pas en aide au demandeur dans la présente affaire.

32                  Aucune nécessité ne contraint à l'utilisation de ces transcriptions car le demandeur est en mesure de témoigner personnellement. Il n'est pas non plus démontré que d'autres témoins importants ne peuvent être assignés.

33                  Au vu de la preuve, je suis convaincu que l'irrecevabilité de ces transcriptions n'empêcherait pas le demandeur de présenter à la Cour toute la preuve pertinente. Leur recevabilité nierait en revanche à la Cour l'avantage d'un témoignage de première main, et leur utilisation serait indûment préjudiciable à la défenderesse.

34                  Pour les motifs susmentionnés, les transcriptions en question ne seront pas recevables dans la présente instance.


35                  Le demandeur affirme qu'il n'y a pas de point à décider dans la défense produite par la défenderesse. Le demandeur invoque la décision du comité d'appel de la fonction publique, qui avait accueilli son appel, et invoque aussi la décision ACNRI, pour affirmer que sa revendication telle qu'elle est plaidée dans sa déclaration modifiée a déjà été résolue en sa faveur et que les points soulevés dans la défense sont chose jugée en raison de conclusions antérieures résultant de la décision du comité d'appel de la fonction publique et de la décision ACNRI.

36                  Je suis d'avis que l'argument du demandeur ne lui est d'aucune utilité. La propre conclusion du demandeur est que des décisions antérieures ont déjà fait droit à sa revendication. Il n'est pas contesté que ces décisions antérieures ont été rendues par des organes qui étaient compétents pour décider les points qui leur étaient soumis et pour prononcer sur les recours ou mesures correctives qui s'imposaient. L'affaire a été décidée et elle est donc chose jugée. Le demandeur ne peut solliciter un autre redressement en sus de celui qui a déjà été prononcé.


37                  La défenderesse affirme qu'il n'y a pas de véritable question litigieuse entre le demandeur et la défenderesse, puisque l'affaire est chose jugée. La défenderesse affirme que les points soulevés dans la revendication ont déjà été soulevés devant le comité d'appel de la fonction publique et devant la Cour fédérale dans une demande de contrôle judiciaire, dont le demandeur s'est désisté le 1er février 2001. Selon la défenderesse, le demandeur voudrait, par cette action, un redressement autre que celui déjà accordé par la Commission de la fonction publique et dont il a refusé de se prévaloir. La défenderesse soutient que l'introduction d'une telle action simplement parce que le demandeur n'aimait pas le redressement accordé par la Commission de la fonction publique constitue un abus de la procédure.

38                  À l'audition de la présente affaire, la défenderesse a soutenu que le seul point de la revendication qui échapperait au principe de l'autorité de la chose jugée est celui de savoir si les pratiques d'embauche de Santé Canada et de la Commission de la fonction publique contrevenaient à l'article 15 de la Charte.

Critère des requêtes en jugement sommaire

39                  Il est utile de reproduire ici l'article 216 des Règles, qui concerne les jugements sommaires.


216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.


(2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est    :

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

    (a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

   (a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

   (b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

   (b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.


(3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.

(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.

(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.


40                  Dans l'arrêt Guarantee Co. of North America c. Gordon Capital Corp., [1999] 3 R.C.S. 423, au paragraphe 27, la Cour suprême du Canada exposait le critère à appliquer pour une requête en jugement sommaire :

Le critère qu'il convient d'appliquer à une motion visant à obtenir un jugement sommaire est respecté lorsque le requérant démontre qu'il n'y a aucune véritable question de fait importante qui requiert la tenue d'un procès et qu'il est donc opportun que le tribunal examine s'il y a lieu d'accorder un jugement sommaire.

41                  Il est bien établi également en jurisprudence que la partie qui répond à une requête en jugement sommaire doit réagir promptement au moment de l'instruction de la requête en déposant un affidavit ou en produisant d'autres preuves attestant l'existence d'une véritable question litigieuse. [Voir le jugement Baron c. R (29 février 2000), dossier T-1905-96 (C.F. 1re inst.); confirmé le 21 février 2001, dossier A-147-00, 2001 CAF 38 (C.A.F.)].

42                  L'obligation pour la partie intimée de produire des éléments de preuve est également prévue par l'article 215 des Règles, ainsi rédigé :



215. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.

215. A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.


43                  Une requête en jugement sommaire doit être appuyée par des preuves précises et crédibles et doit révéler une raison sérieuse de renvoyer l'affaire à procès. Les parties ne peuvent simplement s'en remettre à leurs actes de procédure. [Voir le jugement White c. Canada (1998), 152 F.T.R. 39 (1re inst.); confirmé par (1999), 252 N.R. 388 (C.A.F.)].

44                  La défenderesse soutient qu'il n'a pas été démontré à la Cour que la défenderesse a contrevenu à la Charte, à la LLO ou à la LEFP, et que par conséquent la Cour devrait accorder à la défenderesse sa requête en jugement sommaire.

45                  Au soutien de sa requête, le demandeur voudrait introduire la preuve documentaire suivante :

i)          l'affidavit du demandeur;

ii)         la décision ACNRI du 19 mars 1997;

iii)         la transcription de l'audience ACNRI;

iv)        la décision du 31 octobre 2000 du comité d'appel de la fonction publique;

v)         la transcription de l'audience du comité d'appel du 3 octobre 2000;

vi)        les documents mentionnés dans la décision du comité d'appel;

vii)        l'affidavit de Madame Diane Claing;

viii)       les documents et l'ordonnance mentionnés dans la présente instance; et

           ix)         divers précédents.


46                  Plus haut dans les présents motifs, j'ai déclaré irrecevables les transcriptions de l'instance introduite devant le comité d'appel et celles de l'instance qui a donné lieu à la décision ACNRI.

47                  La décision ACNRI et la décision du comité d'appel sont des documents publics mais ne suffisent pas en elles-mêmes, dans le contexte de la présente affaire, à établir un ensemble de preuves attestant une véritable question litigieuse.

48                  Le demandeur s'en rapporte aussi à l'affidavit de Diane Claing produit en même temps que le dossier de requête de la défenderesse en jugement sommaire. Mme Claing était la préposée aux Ressources humaines chargée du concours contesté. La preuve produite par Mme Claing dans cet affidavit donne une chronologie détaillée d'événements et de faits qui essentiellement ne sont pas en litige, mais qui n'aident guère le demandeur à établir une véritable question litigieuse.


49                  J'ai attentivement aussi examiné l'affidavit du demandeur, dont une bonne part porte sur la décision ACNRI et sur la décision du comité d'appel et qui relate des faits largement admis entourant le concours contesté. La chronologie des événements et la correspondance échangée entre les parties sont également exposées en détail. Cependant, je ne vois dans l'affidavit aucune preuve directe qui puisse appuyer la prétention du demandeur telle qu'elle apparaît dans sa déclaration, à savoir que la défenderesse a contrevenu à la LLO, à la LEFP, à l'article 15 de la Charte et à l'ordonnance ACNRI. Je suis également d'avis que certaines affirmations apparaissant dans l'affidavit du demandeur ne peuvent être qualifiées que d'affirmations intéressées. Dans l'arrêt Guarantee Co., précité, à la page 437, la Cour suprême du Canada a jugé que de telles affirmations ne suffisent pas à établir une question litigieuse en l'absence de faits détaillés et de preuves à l'appui. Dans son affidavit, le demandeur exprime des opinions appuyées par d'autres documents de son dossier de requête. Ces documents ne relatent pas des faits connus du demandeur, mais plutôt constituent un ouï-dire offert au soutien de ses opinions.

50                  J'aborderai tout à tour chacune des affirmations apparaissant dans la déclaration modifiée du demandeur.

Contravention à l'ordonnance ACNRI

51                  Dans sa déclaration modifiée, le demandeur fait plusieurs affirmations imputant à la défenderesse une contravention à l'ordonnance ACNRI, à savoir :

           i)          il n'y avait aucun membre d'une minorité visible dans le jury de sélection constitué pour le concours;

           ii)         la défenderesse a autorisé des nominations intérimaires illégales, en violation de l'ordonnance ACNRI, qui imposait la nomination de membres de minorités visibles à des postes intérimaires de quatre mois.

52                  Il n'existe aucune preuve de l'affirmation du demandeur selon laquelle les nominations intérimaires sont « illégales » et aucune preuve non plus de l'inobservation de l'ordonnance ACNRI dans la mesure où elle concerne les nominations intérimaires. Le fait que le demandeur n'a pas été nommé ne prouve pas qu'il y a eu violation de l'ordonnance.


53                  D'ailleurs, l'ordonnance ACNRI ne dit pas, contrairement à ce qu'affirme le demandeur, qu'un membre des minorités visibles doit siéger à chaque jury de sélection. Les mesures correctives permanentes énoncées dans l'ordonnance prévoient ce qui suit :

¶ 192(2) ... Dans la mesure du possible, S.C. (Santé Canada) devrait faire appel à des jurys de sélection dont la composition sera hétérogène » . (Parenthèse ajoutée)

Comme l'a fait observer la défenderesse, le jury de sélection était hétérogène puisqu'il comprenait une femme de race blanche et deux hommes autochtones.

54                  Au vu de la preuve, je suis convaincu que le demandeur n'a pas établi le fondement factuel de son argument selon lequel on pouvait conclure que la défenderesse avait contrevenu à l'ordonnance ACNRI.

55                  Selon la défenderesse, même si une telle contravention était établie, le demandeur ne peut exiger l'exécution de l'ordonnance ACNRI puisqu'il n'était pas partie à cette ordonnance et qu'il n'était même pas un employé de la défenderesse au moment où l'ordonnance a été enregistrée. Même si l'argument de la défenderesse peut paraître fondé, il ne m'est pas nécessaire, aux fins de la présente requête, de décider ce point, puisque je suis arrivé à la conclusion que le demandeur n'a pas établi une contravention à l'ordonnance ACNRI selon aucun des moyens avancés par lui.

Chose jugée / Préclusion pour question déjà tranchée


56                  Le demandeur a eu gain de cause dans l'appel qu'il a interjeté selon l'article 21 de la LEFP contre le concours en question. Le demandeur a refusé les mesures correctives fixées par la Commission de la fonction publique à la suite de la décision du comité d'appel, conformément au paragraphe 21(3) de la LEFP. Je souscris à l'argument de la défenderesse selon lequel la question du recours approprié est par conséquent chose jugée car le recours relève de la seule compétence de la Commission de la fonction publique.

57                  Le demandeur a introduit et plus tard abandonné une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d'appel. La correspondance sur laquelle le demandeur s'appuie pour affirmer qu'il a été amené à se désister de sa demande par une lettre de la défenderesse n'appuie tout simplement pas cette conclusion. Je suis d'avis que cet aspect de la prétention du demandeur relève des procédures de redressement prévues par la LEFP. Le demandeur n'a pas épuisé les recours que lui offrait la LEFP. J'arrive à la conclusion que la Cour n'a pas compétence pour juger une action qui se rapporte à des affirmations liées aux méthodes de recrutement de la fonction publique.

58                  Le demandeur affirme aussi, dans sa déclaration modifiée, que la défenderesse a nié ses droits linguistiques, contrevenant ainsi au paragraphe 16(2) de la LEFP, ainsi rédigé :

Langues de l'examen

16(2) Les examens, épreuves ou entrevues prévus au présent article, lorsqu'ils ont pour objet d'établir les titres et qualités du candidat visés à l'article 12, à l'exception de la langue, se tiennent en français ou en anglais, ou dans les deux langues, au choix du candidat.


59                  Ce point a été abordé par le comité d'appel et résolu en faveur du demandeur. En conséquence, la Commission de la fonction publique a pris des mesures correctives comme le prévoit le paragraphe 21(3) de la LEFP. Les mesures correctives ont été refusées par le demandeur, lequel s'est désisté le 1er février 2001 de la demande de contrôle judiciaire qu'il avait introduite le 4 décembre 2000 à l'encontre de la décision du comité d'appel. Je suis d'avis que ce recours, qui a lui aussi été examiné par le comité d'appel, est chose jugée, et la Cour n'est donc pas compétente pour en disposer.

           Loi sur les langues officielles

60                  Dans sa déclaration modifiée, le demandeur affirme que le mécanisme de dotation en personnel utilisé dans le concours contesté était discriminatoire et qu'il a nié les droits linguistiques que lui reconnaissent les articles 21, 22, 28 et 39 de la LLO, avec ses modifications.

61                  Il est utile de reproduire ici ces dispositions de la Loi :


21. Le public a, au Canada, le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services conformément à la présente partie.

21. Any member of the public in Canada has the right to communicate with and to receive available services from federal institutions in accordance with this Part.

22. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux - auxquels sont assimilés, pour l'application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services - situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante.

22. Every federal institution has the duty to ensure that any member of the public can communicate with an obtain available services from its head or central office in either official language, and has the same duty with respect to any of its other offices or facilities

   (a) within the National Capital Region; or

   (b) in Canada or elsewhere, where there is significant demand for communications with an services from that office or facility in that language.

...

...


28. Lorsqu'elles sont tenues, sous le régime de la présente partie, de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux ou recevoir les services de ceux-ci ou de tiers pour leur compte, dans l'une ou l'autre langue officielle, il incombe aux institutions fédérales de veiller également à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public, notamment par entrée en communication avec lui ou encore par signalisation, avis ou documentation sur les services, que ceux-ci lui sont offerts dans l'une ou l'autre langue officielle, au choix.

28. Every federal institution has the duty to ensure that, where services are provided or made available by another person or organization on its behalf, any member of the public in Canada or elsewhere can communicate with and obtain those services from that person or organization in either official language in any case where those services, if provided by the institution, would be required under this Part to be provided in either official language.

...

...

39. (1) Le gouvernement fédéral s'engage à veiller à ce que _:

39.(1) The Government of Canada is committed to ensuring that

a) les Canadiens d'expression française et d'expression anglaise, sans distinction d'origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales;

(a) English-speaking Canadians and French-speaking Canadians, without regard to their ethnic origin or first language learned, have equal opportunities to obtain employment and advancement in federal institutions; and

b) les effectifs des institutions fédérales tendent à refléter la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle, compte tenu de la nature de chacune d'elles et notamment de leur mandat, de leur public et de l'emplacement de leurs bureaux.

(b) the composition of the work-force of federal institutions tends to reflect the presence of both the official language communities of Canada, taking into account the characteristics of individual institutions, including their mandates, the public they serve and their location.

(2) Les institutions fédérales veillent, au titre de cet engagement, à ce que l'emploi soit ouvert à tous les Canadiens, tant d'expression française que d'expression anglaise, compte tenu des objets et des dispositions des parties IV et V relatives à l'emploi.

(2) In carrying out the commitment of the Government of Canada under subsection (1), federal institutions shall ensure that employment opportunities are open to both English-speaking Canadians and French-speaking Canadians, taking due account of the purposes and provisions of Parts IV and V in relation to the appointment and advancement of officers and employees by those institutions and the determination of the terms and conditions of their employment.

(3) Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au mode de sélection fondé sur le mérite.

(3) Nothing in this section shall be construed as abrogating or derogating from the principle of selection of personnel according to merit.



62                  Trois des quatre articles invoqués par le demandeur, à savoir les articles 21, 22 et 28 de la LLO, se trouvent dans la partie IV de la Loi. La partie IV concerne l'accès du public aux « services » fédéraux. Je suis d'avis que les articles 21, 22 et 28 de la LLO ne sont pas applicables ici. Rien ne permet d'affirmer qu'un concours interne destiné à pourvoir un poste serait considéré comme un « service » au sens de ces dispositions.

63                  Toutefois, l'article 39 de la LLO parle des droits linguistiques dans l'emploi ou dans l'avancement au sein des institutions fédérales. L'article 39 n'établit pas cependant de droits, ni d'obligations correspondantes, c'est une déclaration d'engagement du gouvernement du Canada. L'article 39 a été exclu du paragraphe 77(4) de la LLO, la disposition réparatrice.

64                  L'article 77 est ainsi rédigé :


77. (1) Quiconque a saisi le commissaire d'une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV ou V, ou fondée sur l'article 91 peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

77.(1) Any person who has made a complaint to the Commissioner in respect of a right or duty under sections 4 to 7, sections 10 to 13 or Part IV or V, or in respect of section 91, may apply to the Court for a remedy under this Part.

(2) Sauf délai supérieur accordé par le tribunal sur demande présentée ou non avant l'expiration du délai normal, le recours est formé dans les soixante jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l'enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou de l'avis de refus d'ouverture ou de poursuite d'une enquête donné au titre du paragraphe 58(5).

(2) An application may be made under subsection (1) within sixty days after

(a) the results of an investigation of the complaint by the Commissioner are reported to the complainant under subsection 64(1),

(b) the complainant is informed of the recommendations of the Commissioner under subsection 64(2), or

(c) the complainant is informed of the Commissioner's decision to refuse or cease to investigate the complaint under subsection 58(5),

or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those sixty days, fix or allow.


(3) Si, dans les six mois suivant le dépôt d'une plainte, il n'est pas avisé des conclusions de l'enquête, des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou du refus opposé au titre du paragraphe 58(5), le plaignant peut former le recours à l'expiration de ces six mois.

(3) Where a complaint is made to the Commissioner under this Act but the complainant is not informed of the results of the investigation of the complaint under subsection 64(1), of the recommendations of the Commissioner under subsection 64(2) or of a decision under subsection 58(5) within six months after the complaint is made, the complainant may make an application under subsection (1) at any time thereafter.

(4) Le tribunal peut, s'il estime qu'une institution fédérale ne s'est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu'il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

(4) Where, in proceedings under subsection (1), the Court concludes that a federal institution has failed to comply with this Act, the Court may grant such remedy as it considers appropriate and just in the circumstances.

(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d'action.

(5) Nothing in this section abrogates or derogates from any right of action a person might have other than the right of action set out in this section.


65                  La Cour fédérale a jugé que la liste des dispositions du paragraphe 77(1) est une liste limitative. [Voir le jugement Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice), [2001] A.C.F. no 431 (C.F. 1re inst.)]. J'arrive donc à la conclusion que, même si une contravention à l'article 39 était établie, la Cour n'aurait pas compétence pour accorder la réparation que prévoit l'article 77 de la LLO.

66                  Le demandeur avait le choix, selon l'article 58 de la LLO, de déposer une plainte auprès du Commissaire aux langues officielles. La preuve montre qu'une telle plainte a été déposée par le demandeur, puis par la suite retirée.


67                  J'arrive à la conclusion que la prétention du demandeur fondée sur la LLO ne peut réussir. Le demandeur s'est déjà vu accorder un redressement par la Commission de la fonction publique pour le même manquement et sur les mêmes faits que ceux qu'il a allégués au regard de la LLO. Je suis d'avis que la prétention est empêchée par le principe de l'autorité de la chose jugée.

68                  Dans sa déclaration modifiée, le demandeur affirme que le processus de dotation en personnel utilisé par la défenderesse pour combler le poste de directeur auquel le demandeur avait posé sa candidature contrevenait à la LEFP et à la LLO et qu'il était également discriminatoire. À mon avis, ces affirmations sont sans fondement.

69                  D'abord, la Cour suprême du Canada a jugé que la contravention à une disposition législative n'entraîne pas nécessairement responsabilité. [Voir l'arrêt Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205 (C.S.C.), et l'arrêt Gklashe c. O'Donnel, [1994] 1 R.C.S. 670 (C.S.C.)]. On pourra dans certains cas, sur la foi d'une telle contravention, conclure à une faute. En l'espèce, le demandeur n'a pas, dans sa déclaration modifiée, prétendu qu'il y avait eu faute.

70                  Deuxièmement, la common law ne reconnaît pas que la discrimination puisse constituer une cause d'action. Le demandeur aurait pu présenter à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) une plainte de discrimination dans l'emploi. C'est la voie qu'a instituée le législateur fédéral pour ce genre de revendications.

Contravention à la Charte


71                  Le demandeur affirme aussi, dans sa déclaration modifiée, que le processus utilisé par la défenderesse en vertu de la LEFP pour pourvoir le poste de directeur, Politiques et Planification (EX-1), auprès de Santé Canada en mars 2000 était directement, défavorablement et systématiquement discriminatoire et qu'il contrevenait par conséquent à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

72                  Le paragraphe 15(1) de la Charte est ainsi rédigé :

... la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

73                  Dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, le juge MacIntyre, de la Cour suprême du Canada, définissait ainsi la discrimination, aux pages 174-175 :

... la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont rarement. (Non souligné dans le texte)

74                  Cette interprétation a par la suite été confirmée par le juge Iacobucci dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497. Dans cette affaire, le magistrat a aussi indiqué, à la page 524, paragraphe 39, qu'un tribunal qui est appelé à statuer sur une allégation de discrimination selon le paragraphe 15(1) devrait se poser les trois grandes questions suivantes :


... Premièrement, la loi contestée (a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou (b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles? Si tel est le cas, il y a différence de traitement aux fins du paragraphe 15(1). Deuxièmement, le demandeur a-t-il subi un traitement différent en raison d'un ou de plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? Et, troisièmement, la différence de traitement était-elle réellement discriminatoire, faisant ainsi intervenir l'objet du paragraphe 15(1) de la Charte pour remédier à des fléaux comme les préjugés, les stéréotypes et le désavantage historique? Les deuxième et troisième questions servent à déterminer si la différence de traitement constitue de la discrimination réelle au sens du paragraphe 15(1).

75                  Il est clairement établi dans la jurisprudence que celui qui invoque la Charte a le fardeau de prouver la négation de ses droits avant que l'État ne soit appelé à justifier ladite négation. Il est également établi en jurisprudence que la discrimination doit être prouvée d'une manière fondamentale, autrement que par une simple preuve de distinction fondée sur des motifs énumérés ou analogues. Le plaignant doit aussi montrer que la discrimination porte atteinte à sa dignité humaine ou à sa liberté.

76                  En l'espèce, le demandeur n'a pas exposé les faits propres à fonder une accusation de discrimination. Il n'est donc pas nécessaire de faire un examen détaillé des trois grandes questions exposées dans l'arrêt Law. Le demandeur n'a pas établi que le processus contesté de dotation en personnel renfermait un traitement différencié qui l'a discriminé d'une manière fondamentale. Si le demandeur n'a pas obtenu le poste pour lequel il avait posé sa candidature, c'est parce qu'il n'avait pas les qualités requises, non parce qu'il était un membre d'une minorité visible. Le comité d'appel de la fonction publique a rejeté son accusation de discrimination, et le demandeur s'est désisté de sa demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d'appel. Le demandeur ne peut plus aujourd'hui prétendre qu'il y a eu discrimination. Je ne puis voir aucune preuve dans le dossier, ni aucun fondement factuel, qui soit de nature à valider son accusation de discrimination.


Conclusion

77                  Au vu du dossier, et pour les motifs susdits, je suis convaincu que la déclaration modifiée du demandeur ne soulève aucune véritable question litigieuse, et par conséquent j'accorderai la requête de la défenderesse en jugement sommaire.

78                  J'examinerai maintenant la requête de la défenderesse pour que le demandeur soit condamné aux dépens en application du paragraphe 70(4) des Règles de la Cour fédérale (1998), parce qu'il n'a pas obtenu l'autorisation de la Cour à deux reprises, le 14 août 2001 et le 19 mars 2002, lorsqu'il a produit deux exposés des faits et du droit qui tous deux dépassaient 30 pages.

79                  Le 14 août 2001, dans le cadre de son dossier de requête modifiée, le demandeur a déposé un exposé des faits et du droit qui contenait 77 pages.

80                  En réponse à la requête de la défenderesse en jugement sommaire en date du 19 mars 2002, le demandeur a déposé, pour son dossier de requête, un exposé des faits et du droit de 136 pages.

81                  Le demandeur a manifestement contrevenu au paragraphe 70(4) des Règles de la Cour fédérale (1998), et, à l'audition de cette affaire, il n'a présenté à la Cour aucune explication raisonnable justifiant cette contravention. Par conséquent, j'accorderai la requête de la défenderesse et condamnerai le demandeur aux dépens, selon le tarif maximal autorisé par la partie II de la colonne V du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998), au titre des articles 19 (mémoire des faits et du droit) et 21a) (honoraires d'avocat pour la requête) du tarif.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La requête du demandeur en jugement sommaire est rejetée;

2.         La requête de la défenderesse est accordée, et la défenderesse obtiendra un jugement sommaire, et l'action du demandeur est rejetée pour l'ensemble de ses prétentions. La défenderesse obtiendra ses dépens pour sa requête en jugement sommaire.

3.         À la requête de la défenderesse, le demandeur est également condamné aux dépens en application du paragraphe 70(4) des Règles de la Cour fédérale (1998), selon le tarif maximal autorisé par la partie II de la colonne V du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998), au titre des articles 19 (mémoire des faits et du droit) et 21a) (honoraires d'avocat pour la requête) du tarif.

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »        

                                                                                                                                                                 Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-195-01

INTITULÉ :                                        Le docteur Noël Ayangma c. Sa Majesté la reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 24 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                      le 25 juin 2002

COMPARUTIONS :

Dr Noël Ayangma                                                                  POUR LE DEMANDEUR

James Gunvaldsen Klassen                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dr Noël Ayangma                                                                  POUR LE DEMANDEUR

25 England Circle

Charlottetown (Î.-P.-É.)    C1E 1W6

Morris Rosenberg                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau 1400, Tour Duke

5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse)    B3J 1P3

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