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     T-2826-93

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 SEPTEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

ENTRE

     RANDOLPH EDWARD LIEB,

     demandeur,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     JUGEMENT

         L'action est rejetée avec dépens.

                                

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     T-2826-93

ENTRE

     RANDOLPH EDWARD LIEB,

     demandeur,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

         Le 3 décembre 1993, le demandeur a intenté la présente action contre Sa Majesté la Reine. Agissant pour son propre compte, il a rédigé sa propre déclaration, et il a plaidé sa cause devant la Cour. Le document initial contenant 32 paragraphes a substantiellement été réduit sur ordonnance de la Cour rendue le 26 mai 1994 par suite d'une requête en radiation fondée sur la règle 419(1)b).

         Les principaux motifs de l'action du demandeur semblent reposer sur un présumé complot entre deux agents de la GRC , un pédiatre local et un travailleur social. Le but du complot est exposé comme suit au paragraphe 8 de la déclaration :

         [TRADUCTION]
         8) Les agents H. Dalton et G. Bambury de la GRC ont ourdi un complot avec le pédiatre, le Dr Marie Hay, et le travailleur social Harry J. Smith. Ce complot visait :
         a)      à priver le demandeur de sa femme et de ses enfants sans qu'il y ait procédure équitable,
         b)      à prendre le demandeur au piège,
         c)      à refuser au demandeur toute possibilité de prendre des mesures appropriées, tel l'engagement d'un avocat, en lui cachant ce qui s'était déroulé dans l'affaire.

         Les faits sont inhabituels, pour ne pas dire plus. Le demandeur, originaire de Suisse, réside pendant plus de vingt ans à Woody Island, une île isolée et presque déserte dans Placentia Bay (Terre-Neuve). Le demandeur, un pêcheur, a rencontré sa femme en 1975 au moyen d'une annonce dans les journaux. Il avait alors 39 ans et elle n'avait que 21 ans. Ensemble, ils ont élevé quatre enfants dans une maison où il n'y avait pas d'eau courante, d'électricité, de téléphone, de réfrigérateur ni de téléviseur.

         En juillet 1988, Mme Lieb a pris une semaine de vacances dans l'Île française Saint-Pierre où elle a rencontré un jeune ingénieur français et avait une liaison avec lui, liaison qu'elle a révélée au demandeur lorsqu'elle est rentrée à la maison.

         En décembre 1988, le fils de 8 ans du couple a attrapé le diabète juvénile. Il a été admis au Clarenville Hospital sur le continent à 5 h un matin, ayant été amené de Woody Island par ses parents dans un bateau non couvert sous une température glaciale. Le docteur Marie Hay, une pédiatre locale, a dit dans son [TRADUCTION "avis professionnel que s'il y avait eu un retard d'une autre durée de deux ou de trois heures, Graene serait probablement mort". À l'hôpital, Mme Lieb a avoué au Dr Hay qu'elle-même, ainsi que les enfants, avait extrêmement peur de son mari parce que lorsqu'il était furieux, on ne pouvait le contrôler. Lorsqu'elle a été au courant des conditions de vie à Woody Island, le Dr Hay en a avisé la GRC et le ministère des services sociaux terre-neuvien. Harry J. Smith, le travailleur social local, a conclu que Mme Lieb devrait être aidée à quitter son mari et à emmener ses enfants à sa maison familiale au Manitoba.

         Il ressort de la preuve que la GRC, à la demande du travailleur social, a simplement joué un rôle protecteur au cas où le demandeur deviendrait violent et s'opposerait au départ de sa femme et de ses enfants. À vrai dire, l'assistance de la GRC n'était pas requise et Mme Lieb et ses enfants ont pu partir sans que le demandeur intervienne.

         Il n'existe aucune preuve, soit documentaire soit viva voce, que les agents Dalton ou Bambury ont comploté avec le Dr Hay, ou avec le travailleur social Smith, ou avec quelqu'un d'autre, pour priver le demandeur de sa famille ou pour le prendre au piège, ou pour lui refuser la possibilité d'engager les services d'un avocat. Ni le Dr Hay ni Mme Lieb n'ont été convoqués pour témoigner au procès mais, selon le témoignage de M. Smith, qui a effectivement rendu son témoignage, Mme Lieb est partie pour le Manitoba de son propre gré.

         Selon M. Smith, à la suite de sérieuses accusations portées par Mme Lieb contre son mari, il a discuté de la question avec son surveillant, et le ministère des Services sociaux terre-neuvien a décidé de fournir de l'aide financière à Mme Lieb et à ses enfants pour qu'ils regagnent le Manitoba. Il a également pris contact avec les services sociaux manitobains pour s'assurer de leur coopération. Aucune pression n'a été exercée sur Mme Lieb, et personne n'a jamais été appréhendé. Mme Lieb et ses enfants sont partis librement.

         M. Smith a également corroboré le témoignage du demandeur selon lequel, après le départ de sa famille, il a intenté une action contre le gouvernement terre-neuvien relativement à cette affaire, et la province a décidé de procéder à une transaction pour payer au demandeur 7 000 $ sans qu'elle reconnaisse sa responsabilité.

         Selon le propre témoignage du demandeur, après le départ de sa femme, il a vécu avec une autre femme avec qui il a eu un enfant, et puis s'est marié encore avec une troisième femme avec qui il a eu deux enfants [TRADUCTION] "et un troisième qui allait naître".

         Quant aux services d'un avocat, le demandeur lui-même a témoigné qu'il n'avait pas besoin d'un avocat, qu'il n'avait pas les moyens d'en engager un et qu'il était parfaitement capable de représenter lui-même. En fait, il s'est remarquablement bien débrouillé à l'audition étant donné son manque d'éducation formelle, mais pas assez bien pour avoir gain de cause puisqu'il n'a réellement pas de cause d'action contre Sa Majesté la Reine.

         Quelle que soit la cause d'action qu'il croyait avoir contre le travailleur social de la province de Terre-Neuve, elle a été tranchée sans qu'il y ait eu reconnaissance de responsabilité. Il n'a pas intenté une action directe contre le Dr Marie Hay et ne pouvait, bien entendu, le faire parce que celle-ci n'était pas une fonctionnaire fédérale. La seule possible action dont la Cour aurait pu être saisie aurait été celle reposant sur la conduite des agents de la GRC en tant que mandataires de la Couronne et, encore une fois, la preuve indique qu'ils n'ont fait qu'exercer leur fonction, qui s'est révélée très limitée dans les circonstances.

         En dernier lieu, par suite du rapport du Dr Hay et des plaintes de Mme Lieb, la GRC avait l'intention de mener une enquête sur le demandeur, selon la procédure normale, mais puisque Mme Lieb avait quitté la province et informé la GRC qu'elle ne retournerait pas à Terre-Neuve et ne coopérerait pas dans une enquête, la GRC n'a pas poursuivi l'affaire.

         Par ces motifs, l'action est rejetée avec dépens.

OTTAWA

Le 10 septembre 1997                                          Juge

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      T-2826-93
INTITULÉ DE LA CAUSE :              RANDOLPH EDWARD LIEB c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :              St.John's (T.-N.)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 2 septembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DUBÉ

EN DATE DU                      10 septembre 1997

ONT COMPARU :

Randolph E. Lieb              pour son propre compte

James D. Hughes              pour la défenderesse

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Randolph E. Lieb              pour son propre compte

Swift Current (T.-N.)

James D. Hughes

HUGHES & BRANNAN

Clarenville (N-F)          pour la défenderesse

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