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Date : 20051130

Dossier : IMM-6871-05

Référence : 2005 CF 1631

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                               MOHAMMAD TAGHIE AZADVALA

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                            défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur demande à la Cour de suspendre la décision prise par l'agent d'exécution D. M. Gauthier (l'agent Gauthier), en date du 10 novembre 2005, de refuser, en conformité avec le paragraphe 47(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-207 (le Règlement), la somme de 150 000 $ qu'il voulait donner en garantie. L'agent Gauthier était d'avis qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que cette somme avait été obtenue illégalement. Le demandeur demande également d'être mis en liberté jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue relativement à sa demande de contrôle judiciaire.


[2]                La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision datée du 10 novembre 2005 de l'agent Gauthier et la présente requête en suspension de cette décision font partie du même dossier.

[3]                Les faits suivants sont importants pour comprendre la présente situation :

-           le demandeur, Mohammad Taghie Azadvala, est aussi connu sous le nom de Mohammad Taghie Kakwand;

-           il est un citoyen de l'Iran et des États-Unis et un résident des Émirats arabes unis;

-           il est arrivé au Canada avec un visa de visiteur le 20 octobre 2005;

-           parti de Toronto en direction de Montréal le 29 octobre 2005, il a été intercepté pour excès de vitesse par la Police provinciale de l'Ontario;


-           la police a vérifié son permis de conduire et a constaté qu'il était recherché par le Federal Bureau of Investigation aux États-Unis pour fraude électronique, fraude bancaire et fraude hypothécaire de 27 millions de dollars;

-            le demandeur a été placé en détention le 29 octobre 2005 en vue de son enquête;

-            les motifs de sa détention ont été contrôlés 48 heures plus tard, soit le 1er novembre 2005, et il a été maintenu en détention;

-            les motifs de sa détention ont été contrôlés à nouveau sept jours plus tard, soit le 8 novembre 2005. Le commissaire Dubé a alors ordonné sa libération, à la condition, notamment, qu'il fournisse une garantie d'exécution de 150 000 $;

-            le 10 novembre 2005, l'avocat du demandeur a présenté à l'agent Gauthier un mandat établi au montant de 150 000 $. L'agent Gauthier a refusé d'accepter ce mandat en vertu du paragraphe 47(3) du Règlement parce qu'il avait des motifs raisonnables de croire que cette somme avait été obtenue illégalement;

-            le 17 novembre 2005, le demandeur a déposé une requête afin d'obtenir un redressement semblable à celui qu'il sollicite maintenant. La Cour fédérale a refusé d'entendre cette requête;

-            le demandeur a déposé la requête en suspension d'instance le 24 novembre 2005;

-            le prochain contrôle des motifs de sa détention et sa prochaine enquête sont fixés au 5 décembre 2005. Les motifs de détention doivent être contrôlés tous les 30 jours, conformément au paragraphe 57(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).


[4]                La suspension d'instance et l'injonction interlocutoire sont des redressements de même nature qui confèrent au juge du procès le pouvoir discrétionnaire de rendre la décision qui convient (voir Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, à la page 126). Il ne s'agit cependant pas de la procédure appropriée pour le contrôle de la décision de l'agent Gauthier. Une requête en suspension d'instance peut être présentée relativement à une procédure qui doit avoir lieu ou pour empêcher qu'une action soit prise par suite de la décision d'un décideur. Une telle requête pourrait être présentée, par exemple, dans le but de faire suspendre une procédure se déroulant devant un tribunal administratif ou le renvoi d'un étranger après qu'une date de renvoi a été fixée par un agent d'immigration et a été communiquée.

[5]                En l'espèce, le demandeur demande à la Cour de suspendre la décision d'un agent d'exécution de refuser la somme fournie en garantie parce qu'il existe des motifs sérieux de croire que cette somme a été obtenue illégalement. Une telle décision n'est pas une procédure qui doit avoir lieu, ni une décision qui exige une action de la part du demandeur. Elle ne peut donc pas faire l'objet d'une requête en suspension d'instance. Les faits de l'espèce ne justifient d'aucune façon l'octroi d'une suspension. La décision de l'agent Gauthier fait déjà l'objet d'une demande d'autorisation relative au contrôle judiciaire. Si la présente requête était accueillie, le demandeur serait mis en liberté alors que l'une des principales conditions qui lui ont été imposées n'est pas remplie. En gardant la garantie de 150 000 $ dans le compte de l'avocat du demandeur, la condition imposée par le commissaire Dubé ne serait pas respectée.


[6]                Quoi qu'il en soit, le demandeur doit, pour obtenir une suspension, établir que l'affaire soulève une question sérieuse à trancher, qu'il subirait un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients lui est favorable (voir Toth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 587).

[7]                À mon avis, même si l'affaire soulevait une question sérieuse, qui doit être examinée dans le cadre de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente, je ne dispose d'aucune preuve d'un préjudice irréparable. La perte d'une somme d'argent et le fait que le demandeur ne pourra pas exploiter son entreprise, tel que plaidé, ne constituent pas un préjudice irréparable (voir Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182).

[8]                En outre, la prépondérance des inconvénients est favorable aux défendeurs. Trois faits importants m'amènent à cette conclusion. D'abord, le demandeur fait toujours l'objet d'un mandat d'arrestation aux États-Unis pour des fraudes totalisant 27 millions de dollars. Ensuite, le demandeur ne s'est pas conformé à une ordonnance lui enjoignant de comparaître le 28 octobre 2004. Finalement, un autre contrôle des motifs de détention et une autre enquête auront lieu le 5 décembre 2005. Le demandeur aura alors la possibilité de présenter d'autres observations conformément à l'article 57 de la LIPR. Tous ces faits étant favorables aux ministres, il en va de même de la prépondérance des inconvénients.


[9]                La Cour a suggéré que la demande d'autorisation relative au contrôle judiciaire visant la décision de l'agent Gauthier soit traitée de manière accélérée. Les parties ont accepté cette suggestion et se sont entendues sur le calendrier suivant :

-           le dossier du demandeur doit être signifié et déposé au plus tard le 12 décembre 2005;

-           le dossier des défendeurs doit être signifié et déposé au plus tard le 20 janvier 2006;

-           la réponse du demandeur doit être signifiée et déposée au plus tard le 25 janvier 2006.

[10]            La Cour transmettra le présent dossier à l'administrateur judiciaire de façon à ce que l'affaire puisse être déférée à un juge de la Cour pour qu'il statue sur la demande d'autorisation. Il est dans l'intérêt de la justice que la demande de contrôle judiciaire soit entendue le plus rapidement possible si l'autorisation est accordée. Aussi l'administrateur judiciaire devrait-il fixer une date d'audience dans les plus brefs délais.

[11]            Les défendeurs ont demandé les dépens, mais il ne convient pas, dans les circonstances, de statuer sur cette question.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-           La requête visant à faire suspendre la décision prise par l'agent d'exécution Gauthier en date du 10 novembre 2005 est rejetée.

-           Le calendrier suivant est adopté avec l'accord des parties :

-           le dossier du demandeur doit être signifié et déposé au plus tard le 12 décembre 2005;

-           le dossier des défendeurs doit être signifié et déposé au plus tard le 20 janvier 2006;

-           la réponse du demandeur doit être signifiée et déposée au plus tard le 25 janvier 2006.

-           Le dossier est transmis à l'administrateur judiciaire de façon à ce qu'il puisse être déféré à un juge pour que celui-ci statue sur la demande d'autorisation. Si l'autorisation est accordée, la demande de contrôle judiciaire doit être entendue rapidement.


-           Aucun dépens ne sont adjugés.

                  « Simon Noël »                  

               Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6871-05

INTITULÉ :                                                    MOHAMMAD TAGHIE AZADVALA

                        c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 29 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 30 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Zarko Tatomirovic-Manula                                POUR LE DEMANDEUR

Elizabeth Kikuchi                                              POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zarko Tatomirovic-Manula                                POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

John H Sims, c.r.                                               POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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