Décisions de la Cour fédérale

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     Date : 19981013

     Dossier : T-11979-96, T-2057-96, T-2537-97

ENTRE :      T-1979-96

     IRVINE FORREST,

     Demandeur,

     - et -

     LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (RÉGION DE L'ONTARIO),

     Défendeurs.

ET ENTRE :      T-2057-96

     IRVINE FORREST,

     Demandeur,

     - et -

     LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (RÉGION DE L'ONTARIO),

     Défendeurs.

ET ENTRE :      T-2537-97

     IRVINE FORREST,

     Demandeur,

     - et -

     LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (RÉGION DE L'ONTARIO),

     Défendeurs.


     MOTIFS DES ORDONNANCES

Le juge MacKAY

[1]      Les présents motifs visent trois demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée. Les deux premières demandes, dans les dossiers T-1979-96 et T-2057-96, ont été déposées le 5 septembre 1996 et le 16 septembre 1996, respectivement; le 4 décembre 1996, le juge Dubé a ordonné qu'elles soient entendues l'une à la suite de l'autre. Ces deux demandes ont été entendues lors d'une même audience tenue le 30 septembre 1997. Par la suite, le 21 novembre 1997, une troisième demande de contrôle judiciaire a été déposée, puis modifiée avec l'autorisation de la Cour, compte tenu d'un changement de la situation du demandeur. Lorsque l'autorisation de modifier la troisième demande de contrôle judiciaire a été accordée, l'avocat du demandeur a demandé que la Cour réserve sa décision concernant les deux premières demandes, alors en délibéré, et qu'elle les tranchent au même moment où elle rendrait sa décision concernant la troisième demande. J'ai acquiescé à cette demande. L'argumentation concernant la troisième demande a été entendue lors d'une audience tenue le 22 avril 1998 et le 5 mai 1998.

[2]      Dans les demandes T-1979-96 et T-2057-96 qu'il a déposées, le demandeur sollicite à la fois un certiorari et un jugement déclaratoire relativement au rejet de sa demande de visites familiales privées, pendant sa détention au pénitencier de Joyceville en 1996 (T-1979-96), et à la décision subséquente de procéder à son transfèrement imposé au pénitencier de Kingston (T-2057-96). Toutefois, le 30 septembre 1997, avant l'audition de ces demandes à Toronto, le demandeur a été autorisé à recevoir des visites familiales privées au pénitencier de Kingston et il a été informé qu'il serait transféré de Kingston à une prison à sécurité moyenne. En conséquence, au cours de sa plaidoirie orale devant moi, l'avocat du demandeur a retiré sa demande de certiorari visant l'annulation des décisions contestées dans chacune de ces demandes, mais il a maintenu sa demande de jugement déclaratoire fondée sur les articles 7 et 15 de la Charte des droits et libertés (la Charte). Le changement de la situation du demandeur a entraîné l'examen d'une question préliminaire lors de la plaidoirie orale, soit celle de savoir si les demandes portaient sur des questions devenues purement théoriques.

[3]      Le transfèrement du demandeur du pénitencier de Kingston n'ayant pas été effectué, il a présenté une demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-2537-97, sollicitant notamment une ordonnance annulant le rejet, daté du 2 décembre 1997, de sa demande de transfèrement à l'établissement de Warkworth, une prison à sécurité moyenne, ainsi qu'une ordonnance de mandamus ordonnant son transfèrement à une prison à sécurité moyenne. Le demandeur sollicite en outre, comme dans ses autres demandes, un jugement déclaratoire portant que le refus de procéder à son transfèrement a porté atteinte aux droits que lui garantissent les articles 7 et 15 de la Charte des droits et libertés.

Contexte

[4]      Le demandeur purge des peines d'environ dix-huit ans d'emprisonnement dans des établissements fédéraux pour possession d'une arme à autorisation restreinte, utilisation d'une arme à feu, port d'une arme dissimulée, possession de stupéfiant en vue d'en faire le trafic, voies de faits, agression armée, séquestration, menaces de mort et tentative de meurtre. Le demandeur a commis ces infractions contre plusieurs victimes, dont beaucoup ne lui étaient pas inconnues. Un Rapport sur le profil criminel, préparé pendant son incarcération à Joyceville et daté du 16 février 1996, a révélé que les actes de violence commis par le requérant étaient teintés d'agressivité à caractère sexuel.

[5]      La première déclaration de culpabilité pour laquelle il est actuellement détenu a été prononcée le 25 octobre 1994. Il a commencé à purger sa peine à l'établissement de Millhaven en mai 1995. Il a été transféré à Joyceville en août 1995; par la suite, le 11 septembre 1996, on a ordonné son transfèrement imposé au pénitencier de Kingston, où il est demeuré au moins jusqu'au dernier jour des audiences, en mai 1998.

Le rejet de la demande de visites familiales privées (T-1979-96)

[6]      Le demandeur a présenté une demande de visites familiales privées (VFP) pour la première fois pendant qu'il était détenu à Joyceville, en août 1995, afin de recevoir des visites de sa conjointe de fait, avec laquelle il avait eu un enfant, et des enfants de sa conjointe, auprès desquels il avait joué le rôle d'un père. Après des délais imputables à des questions de procédure, son agent de gestion des cas (AGC), Rick Rogers, l'a avisé qu'il devait suivre jusqu'au bout un programme de formation intitulé "Vivre sans violence" avant d'être autorisé à recevoir des VFP. De nouveaux délais liés à la procédure ont suivi et le demandeur a déposé des griefs. Lorsqu'il a exposé ses préoccupations au directeur de l'établissement, l'adjoint administratif du directeur lui a répondu, dans une lettre datée du 8 janvier 1996, qu'il devait suivre jusqu'au bout un programme de formation avant de recevoir des VFP. Lorsque sa demande a été rejetée formellement, le 7 mars 1996, le demandeur a porté cette décision en appel.

[7]      Le 25 mars 1996, le sous-commissaire principal a rejeté l'appel du demandeur en raison des facteurs de risque qui ressortaient de son dossier, c'est-à-dire de ses antécédents de comportement violent, et notamment du fait qu'il avait commis des abus, proféré des menaces et tenté d'exercer un contrôle contre des membres de sa famille, et qu'il n'avait pas réglé ses problèmes de violence familiale, dont son plan correctionnel faisait état.

[8]      Le 29 avril 1996, le demandeur a terminé le programme " Vivre sans violence " offert aux détenus de son établissement. Il a alors présenté une nouvelle demande afin de recevoir des visites familiales privées. Un Rapport récapitulatif de l'évolution du cas a été préparé par les principaux agents chargés de son cas le 22 mai 1996, relativement à sa deuxième demande. Le Rapport récapitulatif faisait à nouveau mention de nombreuses inquiétudes exprimées dans le refus intérieur, et notamment du fait que beaucoup des crimes du demandeur étaient dirigés contre des personnes qu'il connaissait et que bon nombre des infractions qu'il avait commises avaient une forte connotation sexuelle et comportaient des éléments de violence et de contrôle et d'autres aspects caractéristiques de la violence familiale. Selon le résultat de son évaluation, le demandeur avait des besoins et présentait des risques élevés; il a été jugé irréaliste de tenir pour acquis qu'un programme de sensibilisation et d'éducation d'une durée de dix jours, "Vivre sans violence", aurait un effet significatif sur son comportement. Les agents chargés du cas de demandeur ont recommandé que sa demande de visites familiales privées soit rejetée.

[9]      L'affaire a été renvoyée au Comité de gestion des cas de l'unité et, de là, au Comité d'examen des droits de visite. Les membres de ce dernier Comité n'appartiennent pas à l'unité du détenu, afin d'en assurer l'impartialité. Le 12 juin 1996, le Comité d'unité a décidé, à l'unanimité, de refuser la demande de VFP. Son rapport répétait que les infractions pour lesquelles le demandeur purgeait une peine comportaient des actes de violence à connotation sexuelle et qu'il connaissait ses victimes. Une fois encore, le demandeur a été encouragé à participer à un programme sur la violence familiale. Le Comité a souligné que le demandeur avait suivi le cours " Vivre sans violence ", mais qu'il avait quelque peu dérangé et tenté de contrôler le groupe des participants au programme. Le Comité d'examen des droits de visite a souscrit à cette décision, indiquant que le demandeur devait apparemment régler certains problèmes avant que sa demande de participation au programme de visites familiales privées soit approuvée.

[10]      La décision du Comité, approuvée par le Comité d'examen, a été communiquée au demandeur le 26 juin 1996. Le demandeur a porté cette décision en appel auprès du sous-commissaire principal, qui a confirmé le rejet le 31 juillet. C'est cette décision du sous-commissaire principal que le demandeur conteste en s'appuyant sur la Constitution dans le dossier no T-1979-96. Par la suite, en mai 1997, avant que sa demande soit entendue, le demandeur qui se trouvait au pénitencier de Kingston a été informé que sa demande de visites familiales privées avait été approuvée.

Les événements à l'origine du transfèrement imposé (T-2057-96)

[11]      Le demandeur affirme que, pendant sa détention à Joyceville, il a milité pour qu'il soit remédié à de présumés manquements au mandat de réadaptation de l'établissement. Il a déposé plusieurs plaintes et griefs contre les gardiens, y compris contre son AGC, Rick Rogers. Il a également demandé à l'enquêteur correctionnel d'examiner le rejet de sa demande de visites familiales privées et il a écrit au bureau du Solliciteur général, au gouvernement de la Jamaïque et à la Commission canadienne des droits de la personne pour dénoncer le racisme qu'il avait cru constater lors de son séjour à Joyceville.

[12]      Le demandeur soutient que ces activités lui ont valu d'être victime d'injustice. Sa demande de transfert discrétionnaire de fonds entre son compte d'épargne et son compte courant a été rejetée, ce qui est exceptionnel. Il soutient avoir été expulsé de la salle de classe en raison d'un retard dans ses devoirs, ce qui est aussi exceptionnel. Il a communiqué avec une certaine Linda Cross, membre de l'équipe chargée de la gestion de son cas, pour lui demander son appui concernant une autre demande de visites familiales privées, mais celle-ci le lui a refusé. Il affirme qu'il a été surveillé étroitement par les gardiens pendant ces visites; qu'il a été accusé à tort d'avoir volé un livre de la bibliothèque, ce qui l'aurait exposé au risque que les autres détenus s'en prennent à sa vie; que son courrier confidentiel a été ouvert; et qu'on lui aurait imposé des restrictions injustes pendant son temps libre dans la cour.

[13]      À la fin du mois de juillet 1996, le demandeur a été mêlé à des incidents inquiétants à Joyceville. Le 26 juillet, des membres de la Black Inmates and Friends Association (la BIFA) et des membres du Comité des détenus de Joyceville ont communiqué avec le surveillant correctionnel et l'ont avisé que le demandeur serait victime de voies de faits s'il demeurait parmi la population carcérale générale à Joyceville. Environ 15 minutes plus tard, les agents de correction qui allaient escorter le demandeur et le placer en isolement ont constaté qu'il avait été agressé et qu'il avait des coupures aux mains et au genou. Le demandeur n'a pas voulu révéler quoi que ce soit relativement à ses blessures et il a été placé en isolement, censément pour sa protection.

[14]      Toujours le 26 juillet, le demandeur a été interrogé par son ancien AGC, Rick Rogers, qui exerçait alors les fonctions d'agent de sécurité préventive interne. Monsieur Forrest a révélé à l'agent Rogers qu'il avait été agressé par plusieurs détenus noirs en raison d'une divergence d'opinions entre lui et les autres membres du BIFA. Il n'a pas précisé leur nom ni demandé que des accusations soient déposées contre eux. Le même jour, les agents de correction ont appris qu'un autre détenu avait subi des coupures au cours de l'altercation. Au moins quatre détenus ont affirmé à l'enquêteur que le demandeur avait été agressé au moment où, après être entré dans le local du BIFA et avoir tiré un couteau de sa ceinture, il avait poignardé un autre détenu dans le dos. Les détenus ont également affirmé que tous savaient que le demandeur portait régulièrement un couteau et qu'il avait encouragé un détenu à en tuer un autre, ce qui avait entraîné un meurtre la veille; ce meurtre n'a toutefois pas apparemment été relié à l'altercation du 26 juillet impliquant le demandeur. Le demandeur a été décrit comme victime d'ostracisme de la part des autres membres du BIFA.

[15]      Le demandeur et le détenu qui a été poignardé ont été interrogés par la police provinciale le 30 juillet 1996, mais ils n'ont donné aucun renseignement additionnel et aucun d'eux ne voulait que des accusations soient déposées. En conséquence, l'enquête policière a été close.

Le transfèrement imposé du demandeur

[16]      L'équipe de gestion du cas du demandeur s'est réunie le 29 juillet 1996. Elle a conclu que les récents événements, ajoutés à la nature des infractions à l'origine de son incarcération, laissaient croire que le demandeur présentait un risque qui ne pouvait plus être géré dans un établissement à sécurité moyenne. Le demandeur a été informé de cette conclusion et il a avisé les dirigeants du service correctionnel qu'il avait l'intention de réfuter une recommandation de transfèrement imposé. Il a reçu, apparemment le 6 août 1996, une copie du Rapport récapitulatif préparé par son équipe de gestion de cas et daté du 30 juillet 1996, relativement aux événements survenus à la fin du mois de juillet.

[17]      Le 6 août, un Avis de recommandation de transfèrement imposé a été préparé; il recommandait l'examen du dossier du demandeur en vue de son transfèrement au pénitencier de Kingston, un établissement à sécurité maximale, en raison de renseignements fiables indiquant que le requérant portait régulièrement une arme et qu'il était responsable des coups de couteau reçus par le détenu blessé le 26 juillet. Ce comportement et la nature des infractions à l'origine de la déclaration de culpabilité du demandeur commandaient qu'il soit plutôt incarcéré dans un établissement à sécurité élevée.

[18]      Le même jour, le demandeur a été avisé de la recommandation de transfèrement et on lui a apparemment accordé 48 heures pour présenter des observations. L'avocat du demandeur a écrit une lettre au directeur de Joyceville pour lui faire part de ses préoccupations à l'égard du transfèrement projeté vers Kingston. Le 8 août 1996, son avocat a écrit à nouveau au directeur pour réitérer les inquiétudes dont il lui avait déjà fait part le 6 août 1996, et pour demander une copie du Rapport récapitulatif.

[19]      Les personnes chargées de la gestion du cas du demandeur ont reçu un rapport sur les renseignements de sécurité préparé par l'agent Rogers et, le 8 août 1996, un supplément au Rapport récapitulatif a été préparé pour résumer les conclusions du Rapport de sécurité et réitérer la recommandation des personnes chargées de la gestion du cas du demandeur portant qu'il devait être transféré à un établissement à sécurité élevée. L'établissement appartenant à cette catégorie qui était le plus rapproché était le pénitencier de Kingston.

[20]      Le 13 août 1996, le demandeur a préparé une réfutation du transfèrement projeté et du Rapport récapitulatif sur l'évolution du cas. Une copie de cette réfutation et du supplément au Rapport récapitulatif a été envoyée par télécopieur à l'avocat du demandeur le 15 et le 16 août 1996. L'avocat du demandeur a alors écrit une lettre au directeur de l'établissement, datée du 16 août 1996 et expédiée le 19 août 1996. Cette lettre révélait que le président du BIFA avait déclaré à l'agent chargé de l'enquête, Rick Rogers, que le demandeur n'avait pas poignardé le détenu blessé. L'avocat a également souligné qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de Rick Rogers étant donné que le demandeur avait déjà déposé des griefs et des plaintes contre lui. L'avocat du demandeur a réclamé une enquête plus approfondie relativement aux coups de couteau reçus par le détenu et, si les circonstances le justifiaient, le dépôt d'accusations contre le demandeur de façon qu'il ait la possibilité de contre-interroger la victime et, censément, d'autres personnes.

[21]      Le 20 août 1996, le directeur a recommandé que l'administrateur régional, Opérations dans la collectivité et dans les établissements, examine le dossier du demandeur en vue de son transfèrement. Le directeur a souligné qu'une équipe multidisciplinaire de l'établissement avait étudié la réfutation du demandeur et noté les remarques de son avocat. Le demandeur a été avisé de cette recommandation le jour même.

[22]      La recommandation de transfèrement a été examinée par le Comité régional des transfèrements qui a approuvé le transfèrement du demandeur le 11 septembre 1996. Le Comité a pris cette décision en tenant compte des documents dont il disposait et notamment de la réfutation du demandeur et des lettres rédigées par son avocat les 6, 8 et 16 août. Le demandeur a été avisé de son droit d'appel dans un délai de 30 jours. Il n'a pas interjeté appel.

[23]      Le demandeur déclare que les renseignements sur lesquels le Comité s'est appuyé pour rendre sa décision ne lui ont jamais été communiqués. Le demandeur a reçu avis de son transfèrement le 15 septembre 1996; on lui a montré l'ordre de transfèrement, mais on ne lui en a pas remis de copie. Il a refusé de signer la décision, et il a demandé qu'elle soit envoyée à son avocat, ce qui a été fait. Les motifs sur lesquels s'est appuyé le Comité pour approuver le transfèrement portaient notamment que le demandeur avait été identifié par cinq sources indépendantes dignes de foi comme la personne responsable des coups de couteau administrés au détenu et que des renseignements crédibles révélaient que le demandeur portait un couteau à l'intérieur de l'établissement.

[24]      C'est cette décision que le demandeur conteste dans le dossier T-2057-97.

La demande de transfèrement vers un établissement à sécurité moyenne (T-2537-97)

[25]      Pendant l'été 1997, avant l'audition des deux premières demandes de contrôle judiciaire, le demandeur, qui se trouvait au pénitencier de Kingston, a demandé son transfèrement vers l'un ou l'autre de deux établissements à sécurité moyenne, dont l'établissement de Warkworth. Le 12 août 1997, son agent de gestion de cas à Kingston a préparé un Rapport récapitulatif sur l'évolution du cas qui recommandait ce transfèrement.

[26]      Le transfèrement a d'abord été approuvé par les directeurs des établissements de Warkworth et de Kingston, mais le directeur de Warkworth, ayant réexaminé le dossier du demandeur, s'est ravisé et a finalement refusé d'approuver le transfèrement le 25 septembre 1997. Ce refus est survenu quelques jours après que le demandeur a, censément, fait des allégations d'injustice envers les détenus noirs incarcérés à Kingston et que ces allégations ont été rapportées par les médias.

[27]      À la fin du mois d'octobre, le demandeur a reçu une Feuille de décision relative au transfèrement indiquant que son transfèrement à l'établissement de Warkworth n'avait pas été approuvé. Il a déposé un grief relativement à cette décision le 27 octobre 1997, puis il a été informé, par une note apparemment reçue le 24 novembre 1997, que l'affaire était renvoyée à l'administratrice régionale, Opérations correctionnelles, la fonctionnaire chargée de rendre une décision lorsque les directeurs des établissements entre lesquels un détenu est transféré ne réussissent pas à s'entendre sur la réponse à donner à une demande de transfèrement sollicité.

[28]      Une feuille de décision relative au transfèrement (sollicité) interpénitentiaire, datée du 2 décembre 1997, fait état des remarques formulées par le directeur de Warkworth, le 25 septembre 1997, selon lesquelles les antécédents du demandeur le préoccupaient, et de la Décision définitive, signée par l'administratrice régionale, Opérations correctionnelles. Voici le libellé de cette décision :

         [Traduction] Après son transfèrement imposé effectué d'urgence vers le pénitencier de Kingston le 16 septembre 1996, M. Forrest a été déclaré coupable (4 mars 1997; 10 juillet 1997) de deux accusations graves (relativement aux incidents survenus le 20 décembre 1996 et le 27 mars 1997) et une autre accusation portée contre lui a été retirée le 17 avril 1997, parce que l'agent qui avait déposé les accusations n'était pas disponible (concernant un incident qui serait survenu le 26 mars 1997). Il a aussi été déclaré coupable (18 novembre 1997 - x2; 28 juillet 1997) de trois accusations mineures (relativement à des incidents survenus le 28 juillet 1997, le 14 octobre 1997 et le 31 octobre 1997) et son comportement a en outre justifié le dépôt de cinq rapports d'incidents en juillet 1997 (concernant respectivement des incidents survenus le 6 juillet, le 11 juillet, le 15 juillet, le 22 juillet et le 30 juillet), et d'un autre au mois d'août (04). Compte tenu de ces renseignements et de l'impossibilité d'établir de façon certaine l'existence d'un lien significatif entre la participation au programme et un comportement amélioré dans l'établissement pendant une période prolongée, j'estime qu'il n'existe pas suffisamment de motifs actuellement pour justifier une réduction de la cote de sécurité (d'élevée à moyenne). Les cotes existantes en ce qui concerne le risque d'évasion et la sécurité du public ne sont pas contestées ... Le transfèrement à l'établissement de Warkworth n'est pas approuvé.                 

C'est cette décision que le demandeur conteste dans le dossier T-2537-97.

[29]      Dans un affidavit à l'appui de sa demande, le demandeur soutient que les incidents survenus le 20 décembre 1996 et le 27 mars 1997 dont fait mention la décision de l'administratrice régionale sont exagérés. En ce qui a trait à l'incident du 27 mars 1997, l'accusation a finalement été abandonnée; en effet, le demandeur a été placé en isolement à la suite de cet incident, parce que considéré initialement comme l'agresseur en cause dans une altercation grave, mais on a finalement conclu qu'il n'était pas l'agresseur, on a mis fin à son isolement et il est retourné parmi la population carcérale générale.

[30]      Le 22 janvier 1998, le demandeur a été informé par son agent de gestion de cas qu'on lui avait attribué une nouvelle cote, la cote de sécurité moyenne, une fois de plus, et qu'il serait transféré à l'établissement de Warkworth. Dans l'intervalle, le 18 février 1998, un agent de sécurité aurait vu le demandeur agresser un autre détenu, ce qui a donné lieu au dépôt d'accusations disciplinaires contre le demandeur. À la suite de cet incident, le 10 mars 1998, le directeur de l'établissement de Kingston a approuvé une recommandation formulée par l'équipe de gestion de cas du demandeur, portant que le demandeur devait demeurer dans un établissement à sécurité maximale et que la cote de sécurité maximale devait lui être attribuée. Le 16 avril 1998, le demandeur a été informé par le directeur que la preuve relative au rôle qu'il avait joué dans l'agression était insuffisante pour que des accusations disciplinaires ou criminelles soient examinées, mais que l'incident justifiait une enquête approfondie et de la prudence dans la détermination du moment où l'isolement du demandeur devait prendre fin.

[31]      Un Comité d'examen externe, chargé plus tôt d'enquêter sur l'une des plaintes formulées par le demandeur, a conclu dans un rapport daté du 6 janvier 1998, mais que le demandeur n'a apparemment reçu que le 20 avril 1998, que l'attitude de certains membres du personnel envers le demandeur pouvait être due à l'attitude de confrontation que M. Forrest adoptait envers "le système". Compte tenu des plaintes déposées par le demandeur, ce rapport a recommandé la tenue d'une enquête externe sur les préoccupations exprimées par le demandeur, selon lesquelles il y avait du racisme à Kingston.

[32]      Pendant son séjour à Kingston, le demandeur a continué son travail au sein de la BIFA et il s'est employé à défendre les intérêts des détenus noirs. Il prétend que cela lui a valu d'être victime de discrimination, qui s'est manifestée notamment par le rejet de sa demande de VFP et d'augmentation de son niveau de rémunération, ainsi que par le refus de lui donner accès à de la nourriture, à des soins infirmiers et au personnel.

Les questions en litige

[33]      Dans sa plaidoirie orale concernant les dossiers T-1979-96 et T-2057-96, le défendeur a fait valoir que les deux décisions contestées étaient devenues purement théoriques au moment de l'audition des demandes, en septembre 1997, compte tenu que le demandeur avait reçu l'autorisation de recevoir des visites familiales privées et que son transfèrement de l'établissement de Kingston vers un établissement à sécurité moyenne devait être effectué. Lorsque la troisième demande dans le dossier T-2537-97 a été entendue, le refus de procéder au transfèrement prévu en décembre 1997, a pu rendre l'argument du caractère purement théorique inapplicable, compte tenu de la question fondamentale en cause dans le dossier T-2057-96, c'est-à-dire celle de savoir si le demandeur devait être incarcéré dans un établissement à sécurité maximale, mais le contrôle de la décision en cause, rendue en septembre 1996, ne peut de toute évidence donner un résultat utile. Une question est purement théorique lorsque la situation problématique, découlant de la décision contestée, n'existe plus1. Il est clair que dans le cas de la décision portant sur le transfèrement, la situation problématique, soit la conclusion que le demandeur doit être détenu dans un établissement à sécurité maximale, existe toujours, mais elle est imputable non pas à la décision contestée dans le dossier T-2057-96, mais à la décision découlant des incidents survenus au pénitencier de Kingston en février 1998. En conséquence, lorsque la troisième demande dans le dossier T-2537-97 a été entendue, la décision en cause, rendue en décembre 1997, concernant la demande de transfèrement du demandeur, était elle aussi devenue purement théorique. L'intervention de la Cour relativement à la décision contestée dans chacune de ces demandes ne pouvait avoir aucun effet sur la situation du demandeur, ni sur ses droits à la suite de la dernière décision, rendue en mars 1998, selon laquelle il devait demeurer dans un établissement à sécurité maximale en raison de l'incident survenu en février 1998.

[34]      Bien que ces trois demandes soulèvent des questions purement théoriques quant à l'une des réparations demandées, soit l'annulation de décisions particulières, elles sollicitent aussi un jugement déclaratoire et l'avocat du demandeur s'appuie sur les événements décrits dans les trois demandes pour presser la Cour de conclure qu'il y a eu violation des droits garantis au demandeur par les articles 7 et 15 de la Charte. En ce qui a trait à cette réparation, les présents motifs traiteront des questions qui suivent :

A.      Dans les dossiers T-1879-96 et T-2057-96 :
     Les décisions concernant les visites familiales privées et le transfèrement du demandeur au pénitencier de Kingston sont-elles imputables à de la discrimination systémique et au ciblage du demandeur à Joyceville, de sorte qu'il y aurait eu atteinte aux droits du demandeur à l'égalité devant la loi, contrairement à l'article 15 de la Charte, et à un traitement équitable, contrairement à l'article 7?
B.      Dans le dossier T-2537-97 :
     Le refus de procéder au transfèrement sollicité du demandeur a-t-il porté atteinte aux droits que lui garantissent les articles 7 et 15 de la Charte?

Le cas échéant, quelle est la réparation convenable?

[35]      Je note, pour que cela soit consigné au dossier, que rien n'indique qu'un avis d'une question constitutionnelle n'a été signifié aux procureurs généraux conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. La réparation demandée ne consiste pas à déclarer une disposition législative ou réglementaire inconstitutionnelle ou inopérante; en conséquence, cette disposition exigeant la signification d'un avis ne semble pas applicable.

T-1879-96 et T-2057-96

[36]      Pour contester les deux décisions en cause, le demandeur invoque l'atteinte portée à son droit à l'égalité devant la loi, que lui garantit le paragraphe 15 de la Charte, et à son droit à un traitement équitable en vertu de l'article 7, compte tenu de l'oppression systémique et du ciblage dont il a été victime de la part du personnel de l'établissement de Joyceville. Il soutient que ce traitement inégal était fondé sur sa race et son appartenance au groupe des détenus noirs des pénitenciers fédéraux.

[37]      Le demandeur formule plusieurs allégations d'inégalité. Sa dénonciation du traitement inéquitable des détenus noirs et sa participation au BIFA, en qualité de président, puis de secrétaire, à Joyceville, justifient selon lui que la Cour examine les actes du personnel et les allégations du demandeur quant à la possibilité qu'ils aient été complices des incidents survenus le 26 juillet 1996, lorsqu'un autre détenu a été poignardé et que le demandeur en a ensuite été considéré responsable. De l'avis du demandeur, il n'est pas déraisonnable de se demander, compte tenu de son militantisme, si l'attaque dont il a été victime par des détenus noirs a pu être provoquée par les gardiens qui auraient encouragé les détenus à lui donner une leçon. Le demandeur soutient que l'établissement a fermé les yeux sur les blessures qu'il a subies lors de cet incident et sur la complicité éventuelle des personnes qui l'ont désigné comme celui qui avait poignardé la victime. Je note qu'aucun autre élément de preuve n'étaye ces allégations du demandeur.

[38]      Le critère d'appréciation d'un manquement à l'article 15 de la Charte a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Andrews c. Law Society of B.C.2, et interprété dans l'affaire plus récente Miron c. Trudel3. Le processus en deux étapes retenu par quatre juges dans l'arrêt Miron a depuis été approuvé à l'unanimité par la Cour suprême dans l'affaire Benner c. Canada (Secrétaire d'État)4. Plus récemment, l'évolution de la jurisprudence concernant l'article 15 a fait l'objet des remarques suivantes, formulées par la majorité dans l'arrêt Vriend c. Alberta5 :

         Les exigences essentielles établies dans ces affaires sont respectées si l'on se demande, premièrement, s'il y a une distinction entraînant la négation du droit à l'égalité devant la loi ou dans la loi ou la négation du droit à la même protection ou au même bénéfice de la loi et, deuxièmement, si cette négation constitue une discrimination fondée sur un motif énuméré au par. 15(1) ou sur un motif analogue.                 

[39]      En m'appuyant sur ces sources, je conclus que le demandeur doit démontrer en l'espèce qu'on l'a privé de " la même protection " ou du " même bénéfice " de la loi, comparativement à une autre personne. Deuxièmement, il doit démontrer que cette négation constitue de la discrimination, c'est-à-dire, qu'elle est fondée sur l'un des motifs énumérés au paragraphe 15(1) ou sur un motif analogue, de sorte que le traitement inégal se fonde sur l'application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe qui ressortent de ces motifs.

[40]      Je ne suis pas convaincu que la preuve établit que le demandeur a été privé de la même protection ou du même bénéfice que la loi. Il fait valoir avec insistance que le comportement des gardiens qui ont appliqué la loi et les règlements l'a privé de la même protection et du même bénéfice de la loi en raison de sa race et de sa couleur. Le demandeur soutient avoir été traité différemment de plusieurs façons, en ce qui a trait à son accès à la cour, au présumé vol d'un livre, à son expulsion de la salle de classe, à l'examen tardif de sa demande de visites familiales personnelles et à la manière dont il a été traité à la suite de l'incident de juillet 1996 au cours duquel un détenu a été poignardé. Il demande à la Cour de déduire qu'il y a eu discrimination fondée sur la race du fait que le demandeur a été traité différemment des autres détenus en général, parce qu'il est noir et parce qu'il a joué un rôle de premier plan dans la dénonciation du présumé racisme dans l'établissement. Or, pour qu'il y ait atteinte aux droits garantis par l'article 15, des éléments de preuve doivent appuyer les allégations de traitement différent et établir que ce traitement différent était fondé sur l'un des motifs énumérés à l'article 15 ou sur un motif analogue. En l'espèce, aucun élément de preuve ne justifierait la conclusion que le demandeur a été traité différemment ou qu'il a été victime de discrimination fondée sur la race ou la couleur.

[41]      La prétention du demandeur selon laquelle il ne serait pas déraisonnable de conclure qu'il a été attaqué sur l'ordre des gardiens en raison de son militantisme s'appuie sur une présomption de mauvaise foi de la part du personnel. Pour établir la mauvaise foi, le demandeur ne peut, selon moi, se contenter de démontrer qu'il existe un simple soupçon ou un mobile éventuel. Aucun élément de preuve n'a été produit pour établir la complicité du personnel concernant l'attaque du 26 juillet 1997 et je ne suis pas convaincu que les actes présumés des gardiens dont le demandeur se plaint démontrent leur mauvaise foi. Plus précisément, selon moi, ni le fait que les dirigeants de la prison ont insisté pour que le demandeur participe à un programme sur la violence familiale avant de recevoir des visites familiales privées, ni la façon dont a été menée l'enquête sur les incidents du 26 juillet, ni le fait que l'ancien AGC du demandeur, l'agent Rogers, a rédigé le rapport de sécurité interne sur les incidents du 26 juillet, bien qu'il ait déjà fait l'objet de griefs déposés par le demandeur, ne dénotent qu'il y a eu mauvaise foi. Rien ne me permet de conclure que les dirigeants de la prison ont ainsi agi de façon déraisonnable en s'efforçant d'assurer la sécurité des personnes et la sécurité de l'établissement comme l'exige la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20.

[42]      En ce qui concerne l'article 7, le demandeur soutient que la décision de le transférer d'un établissement à sécurité moyenne à une prison à sécurité maximale mettait en cause son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et que, pour cette raison, le processus d'examen du transfèrement doit respecter les principes de justice fondamentale. Cette règle est bien établie par la jurisprudence6. Le demandeur prétend qu'il ne connaissait pas tous les éléments invoqués contre lui parce qu'on ne lui a pas communiqué tous les renseignements obtenus auprès des personnes qui l'ont accusé avant l'approbation de son transfèrement. De plus, l'établissement aurait fait preuve de mauvaise foi en le transférant malgré l'existence d'une preuve contraire, qui n'a apparemment pas été vérifiée, selon laquelle le demandeur n'avait pas poignardé le détenu blessé.

[43]      Le demandeur affirme de plus que, malgré l'article 12 du Règlement7, qui fixe la procédure à suivre avant un transfèrement et qui peut permettre au détenu de répondre par écrit, sans toutefois lui donner droit à une audience, les circonstances justifiaient en l'espèce la tenue d'une audience avant le transfèrement. Le demandeur affirme que des questions de crédibilité étaient en jeu et qu'une audience devait donc avoir lieu ou que l'établissement aurait dû déposer des accusations contre le demandeur pour lui donner la possibilité d'attaquer la crédibilité des détenus qui l'ont désigné comme l'auteur des coups de couteau.

[44]      Je ne suis pas d'accord pour affirmer qu'il y a eu atteinte aux droits garantis par l'article 7 en l'espèce. Selon moi, la procédure suivie n'était pas contraire aux principes de justice fondamentale. Les règles de la justice fondamentale varient selon les circonstances; elles ont été examinées à plusieurs reprises dans le contexte d'un transfèrement imposé. Monsieur le juge Marceau, qui a souscrit à l'opinion de la majorité dans l'affaire Gallant8, a précisé que la question en jeu relativement au respect de la justice fondamentale dans le cadre d'une procédure de transfèrement est le principe audi alteram partem, exigeant que la personne concernée puisse participer raisonnablement au processus décisionnel, de façon qu'elle ait la possibilité de soumettre de l'information susceptible d'aider l'instance décisionnelle à parvenir à une conclusion juste et prudente. De plus, la décision de procéder à un transfèrement ne constitue pas une déclaration de culpabilité d'une infraction. Il suffit que l'instance décisionnelle croie raisonnablement que le prisonnier doit être déplacé pour la bonne administration de l'établissement. Le processus utilisé respecte la justice fondamentale si le prisonnier peut faire valoir que la recommandation qu'il soit déplacé est déraisonnable et si cette prétention est prise en compte avant que la décision de le transférer soit rendue.

[45]      Le juge Strayer a suivi ce principe, appliqué dans l'affaire Gallant, lorsqu'il a formulé les remarques suivantes dans l'affaire Camphaug c. Canada9 :

         ... il n'incombait pas au sous-commissaire d'examiner de nouveau toutes les allégations qui avaient été faites contre le détenu en se fondant sur une preuve détaillée; il était suffisant qu'il croie raisonnablement que Camphaug doive être transféré, ce dernier ayant eu une occasion adéquate de faire des observations à ce sujet.                 

[46]      Quant à la question de savoir quels renseignements doivent être divulgués à l'occasion d'un transfèrement imposé, M. le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale, a statué, dans l'affaire DeMaria c. Comité régional de classement des détenus10, non seulement que l'obligation d'agir équitablement dans le cadre d'un transfèrement exige un avis adéquat et une véritable possibilité de répondre aux allégations, mais encore que l'avis des allégations transmis au détenu doit être le plus détaillé possible pour que son droit d'y répondre ne devienne pas tout à fait illusoire. Voici comment il s'est exprimé :

         Il ne fait naturellement aucun doute que les autorités étaient justifiées de ne pas divulguer des sources de renseignement confidentielles. Un pénitencier n'est pas un établissement pour enfants de choeur et, si certains renseignements provenaient d'indicateurs (le dossier en l'espèce ne permet de tirer aucune conclusion à ce sujet), il est important que ces derniers soient protégés. Mais, même si cela était le cas, il devrait toujours être possible de transmettre l'essentiel des renseignements tout en ne dévoilant pas l'identité de l'indicateur. Il incombe toujours aux autorités d'établir qu'elles n'ont refusé de transmettre que les renseignements dont la non-communication était strictement nécessaire à de telles fins. Outre son caractère invraisemblable, une affirmation générale, comme celle en l'espèce, voulant que [Traduction] " tous les renseignements concernant la sécurité préventive " soient " confidentiels et (ne puissent) être communiqués ", est tout simplement trop large pour être acceptée par un tribunal chargé de protéger le droit d'une personne à un traitement équitable. En dernière analyse, il s'agit de déterminer non pas s'il existe des motifs valables pour refuser de communiquer ces renseignements, mais plutôt si les renseignements communiqués suffisent à permettre à la personne concernée de réfuter la preuve présentée contre elle.                 

[47]      Monsieur le juge Rouleau a mentionné l'arrêt DeMaria dans sa décision Armstrong c. Canada (Commissaire du Service correctionnel)11. Il a écrit : " Il n'est pas toujours facile de choisir les éléments d'information qui seront divulgués à un détenu; il s'agit, en effet, de rechercher l'équilibre entre le droit à la liberté, garanti au détenu, et le droit qu'ont les autres détenus de l'établissement à la sécurité de leur personne. " Dans cette affaire, le requérant visé par un transfèrement avait été informé que des indicateurs et des enquêtes internes avaient établi qu'il avait fait entrer des stupéfiants en contrebande dans l'établissement, mais peu de détails lui avaient été fournis et l'identité des indicateurs ne lui avait pas été communiquée. En concluant que l'équité procédurale avait été respectée, le juge Rouleau a affirmé que " c'est avec raison que les autorités n'ont révélé ni l'identité des informateurs, ni le détail de leurs déclarations; ce genre d'information aurait vraisemblablement permis d'en identifier la source. J'estime que le requérant s'est vu communiquer suffisamment de renseignements... " Dans cette affaire, le requérant avait présenté une longue réfutation après avoir été informé des accusations, même s'il n'en connaissait pas les détails.

[48]      Dans l'affaire Gaudet c. Marchand12, le juge Rothman de la Cour d'appel du Québec a déclaré :

         [Traduction] L'identité et les déclarations des informateurs de police sont, bien sûr, protégés par une règle de confidentialité bien établie ... Dans le milieu carcéral, les raisons d'être de cette règle sont trop évidentes pour qu'il soit nécessaire de les expliquer. Qu'il suffise de dire que les informateurs se feraient rares si leur identité n'était pas protégée.                 

[49]      Compte tenu des faits en cause, j'estime que la preuve produite dans le dossier T-2057-96 étaye la conclusion que le Comité régional des transfèrements avait des motifs raisonnables de croire que M. Forrest devait être transféré. Le demandeur a eu une possibilité suffisante - plus de 48 heures - de présenter des commentaires avant que la décision soit rendue et les instances décisionnelles, des différents paliers, y compris le Comité régional des transfèrements, les avaient en main. Le demandeur et son avocat ont reçu le résumé récapitulatif et son supplément recommandant le transfèrement avant de présenter leurs observations le 16 août 1994, quelques semaines avant la décision du Comité. Bien que le demandeur n'ait pas reçu de copie du rapport sur les renseignements de sécurité préparé après les incidents du 26 juillet 1996, les autres rapports résumaient suffisamment les éléments importants du rapport sur les renseignements de sécurité, y compris les conclusions et les éléments pertinents de ce document qui appuyaient la recommandation de transfèrement. En somme, je crois que le demandeur disposait de renseignements suffisants et qu'on lui a donné une possibilité réelle de présenter des observations avant que la décision soit rendue relativement à son transfèrement, de sorte que les principes de justice fondamentale ont été respectés. De plus, je conclus qu'il existait des motifs permettant aux dirigeants de la prison de prendre raisonnablement la décision de transférer le demandeur.

[50]      Le demandeur soutient qu'en l'espèce, l'article 7 exige une audience formelle avant le transfèrement, afin que le demandeur puisse attaquer la crédibilité des personnes qui ont fourni des renseignements à son sujet. Il est bien établi que, règle générale, la justice fondamentale n'exige pas la tenue d'une audience formelle avant un transfèrement interpénitentiaire. Selon les termes utilisés par M. le juge Strayer, dans l'affaire Jamieson c. Canada (Commissaire du Service correctionnel)13 :

         La jurisprudence montre clairement que les décisions relatives au transfèrement interpénitentiaire des prisonniers sont assujetties à l'obligation d'agir équitablement... Il est évident que cette obligation ne s'étend pas à la tenue d'une audition formelle préalable à la décision de transfèrement... Il semble également évident que, depuis l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, l'article 7 de cette dernière s'applique mais que les " principes de justice fondamentale " ne sont pas plus exigeants que l'obligation d'agir équitablement en vertu de la common law...                 

[51]      Dans l'affaire Gaudet c. Marchand14, le requérant a tenté, en vain, de faire annuler son transfèrement d'un établissement à sécurité maximale à une unité spéciale de détention dans un autre pénitencier, après que des informateurs ont révélé que le requérant préparait une évasion. En appel, le requérant a soutenu qu'il aurait dû recevoir les déclarations des informateurs et avoir la possibilité de les confronter dans le cadre d'une audience. Les dirigeants de la prison avaient donné au requérant la possibilité de présenter des observations en personne et par écrit. En statuant que l'équité procédurale avait été respectée, la Cour d'appel du Québec a formulé les remarques suivantes :

         [Traduction] Les normes d'appréciation de l'équité procédurale ne sont pas immuables. Elles varient en fonction du contexte dans lequel elles sont invoquées ... Le contexte d'un procès criminel visant à établir la culpabilité ou l'innocence d'un accusé diffère de celui d'une audience visant à déterminer si un prisonnier doit être retiré de la population carcérale générale et placé en isolement préventif ou transféré à une unité spéciale de détention et l'audience est nécessairement différente ... En l'espèce, l'appelant a eu l'occasion de consulter un avocat et de présenter des observations en personne et par écrit relativement aux motifs du transfèrement ... À mon avis, les autorités se sont conformées à leur obligation d'agir équitablement ...                 

[52]      À mon avis, le Règlement n'est pas contraire à l'article 7 de la Charte parce qu'il permet un transfèrement sans audience préalable et l'absence d'une audience en l'espèce n'a pas porté atteinte aux droits que l'article 7 garantit au demandeur, et plus particulièrement à son droit au respect des principes de justice fondamentale en vertu de cette disposition de la Charte.

T-2537-97

[53]      Comme nous l'avons vu, le dossier T-2537-97 traite du refus de transférer le demandeur du pénitencier de Kingston au pénitencier de Warkworth, prononcé le 2 décembre 1997. Le demandeur soutient avec insistance que l'article 7 de la Charte s'applique au traitement de sa demande de transfèrement d'une prison à sécurité maximale à une prison à sécurité moyenne. Il soutient que l'examen de sa demande de transfèrement n'a pas été effectué en conformité avec les principes de justice fondamentale à plusieurs égards. Premièrement, le demandeur affirme que le directeur de l'établissement de Warkworth, qui a changé d'idée quant à la demande de transfèrement en désapprouvant une demande à laquelle il avait d'abord acquiescé, a été influencé par des facteurs extérieurs, c'est-à-dire, par l'entrevue que le demandeur a accordée aux médias. Le demandeur prétend que cette décision est entachée de mauvaise foi. À l'appui de sa prétention, il fait valoir qu'il n'est pas plausible que le directeur ait approuvé le transfèrement par inadvertance et changé d'avis par la suite. De plus, les motifs donnés par le directeur à l'appui de sa rétractation, soit le caractère prématuré du transfèrement, n'ont pas été exprimés de façon détaillée et son raisonnement n'est pas conforme aux critères utilisés pour assigner une cote de sécurité à un délinquant. Le demandeur soutient en outre qu'il pouvait légitimement s'attendre à être transféré à la suite de l'approbation initiale de sa demande de transfèrement à Warkworth. Ces arguments visent une décision du directeur de l'établissement de Warkworth, qui n'est pas en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[54]      Deuxièmement, si je comprends bien l'argument du demandeur, il prétend que l'instance décisionnelle responsable de la décision rendue le 2 décembre 1997 et contestée par la présente demande, c'est-à-dire l'administratrice régionale, n'a pas respecté les principes de justice fondamentale en s'appuyant à tort sur les présumées déclarations de culpabilité du demandeur énumérées dans ses motifs, dont certaines ne sont pas décrites avec exactitude. Certaines des déclarations de culpabilité mentionnées par l'administratrice régionale concernent des incidents dont les personnes chargées de la gestion du cas du demandeur n'avaient pas tenu compte pour trancher sa demande de transfèrement. De plus, l'administratrice régionale n'a pas examiné la question de savoir si le demandeur présentait le profil d'un détenu qui doit être incarcéré dans un établissement à sécurité maximale, comme l'exigeaient les directives du Commissaire.

[55]      Troisièmement, le demandeur fait valoir que les délais fixés par la politique du Service correctionnel n'ont pas été respectés, de sorte qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale. À cet égard,la décision relative au transfèrement sollicité a été prononcée 112 jours après la formulation de sa demande, plutôt que dans un délai de 60 jours en conformité avec la politique et les règlements. Pour cette raison, l'instance décisionnelle a tenu compte d'infractions et de problèmes survenus en octobre et novembre 1997, soit après l'expiration du délai de 60 jours fixé par la politique. D'autres mesures prévues par la politique n'ont pas été respectées, y compris l'obligation du directeur de l'établissement où le détenu doit être transféré qui n'approuve pas le transfèrement d'en aviser le directeur de l'établissement d'où le détenu provient afin que celui-ci examine les motifs du rejet et réexamine l'affaire, puis rende une nouvelle décision et en avise le prisonnier dans un délai de cinq jours. Le demandeur affirme que cette procédure n'a pas été suivie.

[56]      Quant à lui, le défendeur soutient que les droits conférés au demandeur par l'article 7 ne sont pas en jeu dans la présente demande, car la décision contestée en l'espèce ne prive pas le demandeur de quelque liberté résiduelle que ce soit, étant donné que sa situation n'a pas été modifiée puisqu'il continue à être détenu dans un établissement à sécurité maximale comme c'était le cas avant la décision. Quoi qu'il en soit, le défendeur soutient que les principes de justice fondamentale ont été respectés. Le demandeur a eu la possibilité de prendre connaissance de la décision du directeur de Warkworth avant l'intervention de l'administratrice régionale et de présenter des commentaires à cet égard. Le demandeur a été informé de la décision, il a reçu les motifs écrits à l'appui de celle-ci et il a été avisé de son droit d'avoir recours au processus interne d'examen des griefs des détenus. Je suis d'accord pour affirmer qu'il n'y a pas eu manquement à l'article 7 de la Charte. Il n'est pas obligatoire de donner au demandeur la possibilité de répondre aux remarques de l'instance décisionnelle autrement que par le dépôt d'un grief.

[57]      Enfin, le défendeur demande à la Cour de ne pas délivrer d'ordonnance de la nature d'un mandamus, enjoignant que le transfèrement du demandeur soit effectué comme ce dernier le demande, parce que la décision en cause est de nature discrétionnaire et que l'instance décisionnelle n'a pas l'obligation claire d'agir d'une façon déterminée. De plus, l'intimé fait valoir qu'aucune ordonnance ne devrait être délivrée parce que le demandeur pouvait exercer un autre recours pour obtenir réparation, en utilisant le processus interne d'examen des griefs.

[58]      Si la question en litige n'était pas devenue purement théorique, j'estime que, selon la jurisprudence, la demande serait prématurée. Le demandeur pouvait exercer un autre recours pour faire examiner la décision en cause, en utilisant le processus interne d'examen des griefs. Le demandeur a été informé de ce processus lorsqu'il a reçu avis de la décision de l'administratrice régionale, mais il n'a pas déposé de grief. Il soutient que l'expérience décevante qu'il a vécue lorsqu'il a déposé des griefs relativement à de nombreux incidents à l'occasion desquels les agents correctionnels auraient agi de façon fautive, plus particulièrement en ce qui a trait à leur présumé comportement raciste, explique pourquoi il ne désire pas exercer à nouveau ce type de recours. De plus, il soutient que le règlement prévoit la suspension de la procédure interne d'examen des griefs jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue dans les autres recours exercés relativement aux mêmes faits.

[59]      Dans la décision Fortin c. Établissement de Donnacona, (dossier T-2052-95, 30 janvier 1997, [1997] A.C.F. no 138 (C.F. 1re inst.), mon collègue le juge Teitelbaum a statué que le processus interne d'examen des griefs des détenus constitue une autre voie de recours qui, si elle n'est pas utilisée, exclut le recours extraordinaire par voie de contrôle judiciaire, en l'absence d'un déni manifeste de justice naturelle. En l'espèce, il n'y a pas eu déni manifeste de justice naturelle qui justifierait l'intervention exceptionnelle de la Cour. Bien que le demandeur ait le sentiment d'avoir été traité de façon injuste en raison de sa couleur, ce sentiment ne s'appuie sur aucun élément de preuve produit dans la troisième demande, ni dans une demande antérieure. Enfin, je suis d'accord avec l'avocat du défendeur pour dire qu'une ordonnance de la nature d'un mandamus, prescrivant le transfèrement du demandeur, ne peut être délivrée en l'espèce parce que la décision contestée relevait du pouvoir discrétionnaire de l'administratrice régionale.

[60]      L'avocat du demandeur a souligné une préoccupation du demandeur, dans le cadre de la présente demande, tout comme à l'occasion des deux demandes de contrôle judiciaire antérieures, savoir que l'expérience qu'il a vécue dans les établissements correctionnels démontre que des actes discriminatoires fondés sur la race s'y produisent à répétition et portent atteinte à ses droits à l'égalité contrairement à l'article 15 de la Charte. Son avocat soutient qu'il a été victime de harcèlement et d'un traitement injuste, et que les événements et les accusations mentionnés dans la décision de l'administratrice régionale, contestée dans le dossier T-2537-97, dénotent de la discrimination raciale exercée contre lui par les agents correctionnels. De plus, dans sa plaidoirie orale, l'avocat du demandeur a fait état d'événements et d'actes survenus après le prononcé de la décision en cause, en décembre 1997, ce qui démontre, d'après lui, que le demandeur est toujours victime d'un traitement injuste et de discrimination.

[61]      Les événements postérieurs ne sont pas pertinents à l'examen de la décision rendue le 2 décembre 1997 sur laquelle porte le présent recours. De plus, en ce qui a trait à la préoccupation du demandeur concernant le traitement discriminatoire qu'il aurait subi, ni une demande de contrôle judiciaire, qui porte sur une décision unique, ni un recours semblable visant l'obtention d'un jugement déclaratoire ne constituent un recours convenable pour faire examiner une série d'événements ou de décisions invoqués par le demandeur pour fonder sa demande de réparation, mais les faits relatifs à ces événements sont contestés. Bien que le demandeur puisse avoir le sentiment d'avoir été victime de discrimination raciale, aucun véritable élément de preuve n'appuie cette prétention dans le cadre de sa demande, ni dans le cadre de ses trois demandes de contrôle judiciaire considérées ensemble. En l'espèce, le demandeur n'a pas établi le bien-fondé d'une conclusion de traitement discriminatoire à son égard, essentielle pour que la Cour statue qu'il y a eu manquement à l'article 15 de la Charte.

[62]      Il est toutefois clair que les rapports entre le demandeur et les agents correctionnels sont difficiles. Dans un affidavit déposé en l'espèce, le gestionnaire de l'unité du demandeur à l'établissement de Kingston déclare que le demandeur est [Traduction] " un détenu très difficile à gérer " et qu'il [Traduction] " conteste continuellement l'autorité des agents correctionnels ainsi que des règles de l'établissement et allègue que pratiquement toutes les décisions sont fondées sur le racisme et discriminatoires, même lorsqu'elles visent simplement à appliquer les règles de l'établissement... "

[63]      Un comité d'examen externe a déjà recommandé un examen approfondi des plaintes de discrimination raciale à Kingston, formulées par le requérant. Une telle enquête serait vraisemblablement menée par un organisme indépendant. Ce processus faciliterait l'examen de la situation vécue par le demandeur et d'autres personnes pendant une certaine période, et serait mieux adapté que le processus de contrôle judiciaire à l'étude générale des pratiques suivies.

Conclusion

[64]      Des ordonnances rejetant les demandes de contrôle judiciaire seront délivrées dans chaque dossier. La demande d'annulation des décisions contestées a été retirée dans les deux premières demandes, mais la question en cause dans la troisième demande de contrôle judiciaire (dossier T-2537-97) était devenue purement théorique au moment de l'audition. De plus, pour les motifs exposés, je ne suis pas convaincu que la preuve établit que le refus de visites familiales privées, prononcé le 31 juillet 1996 (T-1979-96), le transfèrement imposé à Kingston en septembre 1996 (T-2057-96) ou la décision rendue le 2 décembre 1997 par l'administratrice régionale (T-2537-97) pour rejeter la demande de transfèrement du demandeur à un établissement à sécurité moyenne ont porté atteinte aux droits que les articles 7 et 15 de la Charte garantissent au demandeur.

[65]      Au moment de l'audition, le demandeur a demandé que les dépens soient adjugés en sa faveur sur la base procureur-client, parce que la présumée victimisation systémique du demandeur par les agents correctionnels constitue une raison spéciale aux fins de l'adjudication des dépens. Je ne suis pas convaincu que la preuve en l'espèce justifie une conclusion portant que le demandeur a été victimisé comme il le prétend. Selon moi, aucune raison spéciale, au sens de la Règle 1618, alors applicable, ne justifierait que la Cour examine l'opportunité d'adjuger les dépens en faveur du demandeur. De plus, aucun retard ni aucun acte irrégulier de la part du ministre ou du Service correctionnel, c'est-à-dire des défendeurs, relativement aux demandes de contrôle judiciaire, ne peut justifier l'adjudication des dépens sur la base procureur-client. Comme c'était l'usage dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire au moment où les présentes demandes ont été entendues, en l'absence de raison spéciale, il n'y aura pas d'adjudication de dépens, conformément à la Règle 1618 des Règles de la Cour fédérale, C.R.C. 1978, ch. 663, modifiées, qui s'appliquaient à l'époque pertinente.

[66]      J'ordonne qu'une copie des présents motifs soit déposée dans chacun des dossiers T-1979-96, T-2057-96 et T-2537-97.

                                         " W. Andrew MacKay "

                                         Juge

TORONTO (ONTARIO)

13 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :              T-1979-96, T-2057-96, T-2537-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          IRVINE FORREST
                         - et -
                         LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (RÉGION DE L'ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE

DU DOSSIER T-1979-96          LE MARDI 30 SEPTEMBRE 1997
                         (T-1979-96 et T-2057-96)
                         LE MARDI 5 MAI 1998
                         (T-1979-96, T-2057-96, T-2537-97)
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY

DATE DE L'ORDONNANCE :          LE MARDI 13 OCTOBRE 1998

ONT COMPARU :

Le mardi 30 septembre 1997 et

Le mardi 16 mai 1998 :          M e Osborne G. Barnwell,
                             pour le demandeur
Le mardi 30 septembre 1997 :      Me Charleen Brenzall
Le mardi 5 mai 1998 :          M e C. Brenzall et Me G. Sinclair
                             pour les défendeurs
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Ferguson, Barnwell
                         Avocats et notaires publics
                         515, chemin Consumers, bureau 310
                         North York (Ontario)
                         M2J 4A2
                             pour le demandeur
                         Morris Rosenberg
                         Sous-procureur général du Canada
                             pour les défendeurs

                                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                              Date : 19981013
                                                         Dossiers :      T-1979-96, T-2057-96, T-2537-97
                                                              Entre :
                                                              IRVINE FORREST,
                                                              Demandeur,
                                                              - et -
                                                              LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (RÉGION DE L'ONTARIO),
                                                              Défendeurs.
                                                        
                                                         MOTIFS DES ORDONNANCES
                                                        
__________________

1      Cross c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 111 F.T.R. 304, 33 Imm. L.R. (2d) 251 (C.F. 1re inst.).

2      [1989] 1 R.C.S. 143, 56 D.L.R. (4th) 1, 91 N.R. 255 (C.S.C.).

3      [1995] 2 R.C.S. 418, 124 D.L.R. (4th) 693, 181 N.R. 253.

4      [1997] 1 R.C.S. 358, 143 D.L.R. (4th) 577, 208 N.R. 81 (C.S.C.).

5      [1998] 1 R.C.S. 493, à la page 539, 156 D.L.R. (4th) 385, à la page 419 (C.S.C.), 224 N.R. 1, aux pages 54 et 55.

6      Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel), [1989] 3 C.F. 329, à la page 337, 92 N.R. 292, à la page 298, 36 Admin. L.R. 261, à la page 269, le juge Pratte de la Cour d'appel (C.A.F.).

7      Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620.

8      Précité, note 6, à la page 343 C.F., aux pages 300 et 301 N.R., aux pages 273 et 274, Admin. L.R.

9      (1990), 34 F.T.R. 165 (C.F. 1re inst.).

10      [1987] 1 C.F. 74, à la page 77, 69 N.R. 135, à la page 137, 21 Admin. L.R. 227, à la page 231 (C.A.F.).

11      (1994), 79 F.T.R. 299, aux pages 2301 et 302 (C.F. 1re inst.).

12      (1994), 63 Q.A.C. 286, 94 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Qué.), confirmé par [1994] 3 R.C.S 514.

13      (1986), 2 F.T.R. 146, à la page 148, 51 C.R. (3d) 155, aux pages 159 et 160 (C.F. 1re inst.).

14      Précité, note 12.

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