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     Date : 19991210

     Dossier : IMM- 414-99

OTTAWA (Ontario), le 10 décembre 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     HUI LU

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur





     ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle judiciaire et de bref de certiorari pour faire annuler la décision de l"agent des visas au dossier du défendeur, no B035 356 764;

     ET VU les prétentions des avocats, entendues à Winnipeg le 27 octobre 1999;

     LA COUR accueille la demande et renvoie l"affaire de la demanderesse pour nouvel examen par un agent des visas différent.

     LE DÉFENDEUR paiera la somme de 1 300 $ à titre de dépens à la demanderesse, plus les débours nécessaires.




F.C. Muldoon

juge




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier



     Date : 19991210

     Dossier : IMM- 414-99


ENTRE :

     HUI LU

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur





     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Cette demande, présentée en vertu de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , L.C. 1990, ch. 8, article 5, sollicite le contrôle judiciaire de la décision d"un agent des visas, rendue le 3 décembre 1998, rejetant la demande de résidence permanente de la demanderesse dans la catégorie indépendante de biologiste, microbiologiste, bactériologiste et immunologiste. La demanderesse sollicite la délivrance d"un bref de certiorari annulant la décision de l"agent des visas, et elle demande le renvoi de son dossier à un agent des visas différent pour nouvel examen et décision.

Les faits

[2]      La demanderesse est citoyenne de la République populaire de Chine. Elle a déposé sa demande de résidence permanente à l"ambassade du Canada à Manille en avril 1997, sous la catégorie indépendante d"immunologiste et de bactériologiste médicale. La demanderesse a été convoquée à une entrevue le 9 septembre 1998 à Makati City, entrevue à laquelle elle s"est présentée.

[3]      À l"entrevue, la demanderesse a apporté un certain nombre de documents dont un curriculum vitae . Toutefois, le bureau des visas n"a pas conservé ce document après avoir expédié la lettre de refus à la demanderesse. Par conséquent, il n"est pas au dossier certifié. À l"audience, les deux parties se sont toutefois entendues pour s"en remettre à une copie du curriculum vitae jointe comme pièce à l"affidavit de la demanderesse. Ce curriculum vitae contient trois pages, où l"on trouve une description très détaillée des fonctions de la demanderesse depuis dix ans, alors qu"elle travaillait au " Liaoning Health and Anti-Epidemic Station " à Shenyang. Le relevé des notes de la demanderesse à l"université médicale de Chine n"est pas non plus au dossier certifié. L"avocate du défendeur ne s"est toutefois pas opposée au relevé inscrit au dossier par la demanderesse suite à une ordonnance du protonotaire Hargrave en date du 2 septembre 1999.

[4]      La demanderesse soutient qu"à l"entrevue elle a décrit sa formation et son travail de médecin spécialiste en médecine préventive, notamment les examens des patients et la surveillance des assistants de laboratoire qui analysaient les échantillons de sang. Les notes STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d"immigration) ne décrivent que superficiellement l"expérience de travail de la demanderesse (dossier certifié, 3) :

     [traduction]

     - PRÉLÈVE DES ÉCHANTILLONS POUR FAIRE DES TESTS DE RACHITISME
     - A TROIS ASSISTANTS TRAVAILLANT EN LABORATOIRE AVEC ELLE ...

[5]      L"agent des visas a aussi décrit brièvement l"idée qu"il se faisait de l"expérience de la demanderesse alors qu"on l"a contre-interrogée (dossier de demande, 40) :

     [traduction]

     41      Q      Oui. Mais elle -- mais elle a décrit ses fonctions comme étant des fonctions de recherche dans le domaine des épidémies et des maladies, est-ce exact?
         R      Je dirais qu"elle était quotidiennement à la station de recherche, traitant de -- oui, ne traitant pas avec des gens mais plutôt avec les virus comme tels, ils recherchent les virus ainsi que --
     42      Q      Les bactéries ou quelque chose du genre?
         R      Oui.

[6]      L"agent des visas, M. John Acheson, a apprécié la demanderesse en tant que bactériologiste, immunologiste, biologiste et microbiologiste, qui sont toutes des professions se trouvant à la Classification nationale des professions , Ottawa : Développement des ressources humaines Canada, 1993 (ci-après CNP), sous le chapitre 2121 de la CNP - Biologistes et autres scientifiques. On trouve aussi ces professions dans la Classification canadienne descriptive des professions, Ottawa : Emploi et Immigration Canada, 1977 (ci-après CCDP).

[7]      L"agent des visas admet qu"il ne croyait pas que la demanderesse exécutait la majorité des fonctions énumérées au chapitre 2121 de la CNP . Ses notes STIDI, écrites après l"entrevue, sont toutefois équivoques (dossier certifié, 3) :

     [traduction]

     AIT EXPLIQUÉ À IE QUE MÊME SI ELLE EXÉCUTAIT LE TRAVAIL [...]

[8]      Le projet de lettre de refus de l"agent des visas, qu"on trouve dans ses notes STIDI du 9 janvier 1998, laisse supposer que le refus était lié aux études de la demanderesse et non à son expérience de travail (dossier certifié, 4) :

     [traduction]

     - BP PRIÈRE DE NOTER DANS LE REFUS "Aucun point ne vous a été accordé pour l"expérience puisque vous ne possédez pas une maîtrise en immunologie. Vous avez aussi été appréciée comme microbiologiste et bactériologiste, mais encore une fois vous n"avez pas le diplôme de maîtrise requis."

[9]      En contre-interrogatoire, l"agent des visas a expliqué qu"il avait tout simplement présumé, aux fins de l"entrevue, que la demanderesse avait l"expérience requise.

[10]      Les études requises dans le cadre des professions pour lesquelles on appréciait la demanderesse sont précisées au chapitre 2121 de la CNP, sous l"appellation " conditions d"accès à la profession ". Elles comprennent au minimum un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe. Les disciplines connexes choisies par l"agent des visas comprenaient la bactériologie, l"immunologie et la microbiologie. Les notes STIDI écrites après l"entrevue contiennent ses impressions au sujet des études de la demanderesse (dossier certifié, 3 et 4) :

     [traduction]

     [...] JE NE CONSIDÈRE PAS QUE LE BACCALAURÉAT EN MÉDECINE DE CINQ ANS EST ÉQUIVALENT À UN BACCALAURÉAT EN SCIENCE DE QUATRE ANS, SUIVI D"UNE MAÎTRISE, COMME L"EXIGENT LES NORMES CANADIENNES (CCDP ET CNP)


[11]      Lorsque le consultant de la demanderesse a été saisi des conclusions de l"agent des visas, il est entré en rapport avec ce dernier le 15 septembre 1998 pour lui indiquer que la CNP n"exigeait pas la possession d"un diplôme de maîtrise. Il a souligné que la seule exigence portait sur un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe. Toutefois, l"agent des visas a conclu que le diplôme de médecine de la demanderesse n"était pas l"équivalent d"un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe à la biologie (dossier certifié, 4) :

     [traduction]

     - PARMI LES COURS SUIVIS PAR IE AU PREMIER CYCLE, IL N"Y A QU"UN COURS DE BIOLOGIE ET UN DEUXIÈME COURS DE MICROBIOLOGIE
     - JE NE CROIS PAS QUE CELA SUFFISE COMME ÉQUIVALENT D"UN DIPLÔME DANS UNE "DISCIPLINE CONNEXE"

[12]      L"agent des visas semble alors avoir commencé à considérer que l"expérience de travail de la demanderesse n"était pas vraiment celle d"un biologiste (dossier certifié, 4) :

     [traduction]

     - DE PLUS, L"EMPLOI DE IE EST CELUI DE "MÉDECIN RESPONSABLE", NON DE BIOLOGISTE
     [...]
     - IE EST MÉDECIN EN RPC, ET NON BIOLOGISTE [...]

[13]      La demande de résidence permanente de la demanderesse a été rejetée dans une lettre datée du 3 décembre 1998. L"agent des visas a donné ses raisons définitives pour justifier le refus de la façon suivante (dossier de demande, 17) :

     [traduction]

     Votre demande est rejetée parce que vous n"avez pas démontré que vous étiez qualifiée pour la profession visée au Canada, telle que définie dans la CCDP et la CNP [...] Par conséquent, vous n"obtenez aucun point sous le facteur Expérience pour deux raisons : votre diplôme de premier cycle est en médecine et non en biologie ou dans une discipline connexe, et vous travaillez comme médecin.


Les questions de droit

[14]      La demanderesse soulève trois questions. Premièrement, elle soutient que le refus qu"on lui a opposé le 3 décembre 1998 ne visait qu"à justifier un projet de refus antérieur où l"agent des visas avait commis une erreur. Deuxièmement, elle soutient que l"agent des visas a commis une erreur en concluant qu"elle n"avait pas les études prévues à la CNP pour aucune des professions pour lesquelles elle a été appréciée. Troisièmement, la demanderesse soutient que l"agent des visas a commis une erreur en concluant qu"elle n"avait pas d"expérience pertinente pour les professions pour lesquelles elle a été évaluée.

[15]      La première allégation de la demanderesse se fonde sur son affirmation que l"agent des visas a modifié ses motifs de refus après qu"on l"eut informé que sa décision originale contenait une erreur. Elle soutient que ce changement dans les motifs invoqués ressemble fort à la justification d"une décision antérieure erronée. Le défendeur soutient que l"agent des visas n"a jamais changé ses motifs de refus.

[16]      Le défendeur a raison de souligner qu"on ne peut déclarer avec certitude que l"expérience de travail de la demanderesse ait jamais été considérée suffisante. À ce sujet, l"agent des visas a fourni une explication raisonnable de la formulation équivoque qu"on trouve dans ses notes STIDI. De plus, on ne peut démontrer que l"agent des visas ait jamais considéré un diplôme en médecine comme équivalent à un diplôme en biologie. En l"absence d"une preuve plus solide de mauvaise foi dans la prise de la deuxième décision de l"agent des visas, la Cour peut difficilement contester sa motivation à ce sujet.

[17]      L"allégation de la demanderesse portant que l"agent des visas a commis une erreur en concluant qu"elle n"avait pas fait les études requises est fondée sur deux affirmations. La première affirmation porte que les cours suivis par la demanderesse sont équivalents à un diplôme en biologie ou, subsidiairement, à un diplôme dans une discipline connexe à la biologie, telle que la bactériologie, l"immunologie ou la microbiologie. La deuxième affirmation est que la médecine est une discipline connexe à la biologie. L"avocate du défendeur admet qu"un certain nombre de cours suivis par la demanderesse sont connexes à la biologie. Elle soutient toutefois qu"ils ne sont pas en assez grand nombre pour constituer un diplôme en biologie ou dans une discipline connexe. De plus, le défendeur soutient que la médecine n"est pas une discipline connexe à la biologie.

[18]      La demanderesse et le défendeur soutiennent tous deux que la décision en cause est une conclusion de fait. La demanderesse soutient que la norme de contrôle de la décision est donc celle qui est énoncée dans Re Rohm et Haas, A-568-77, le 30 juin 1978 (C.A.F.) (ci-après Re Rohm). Le défendeur soutient que la Cour doit s"appuyer sur Lim c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), A-351-89, le 8 janvier 1991 (C.A.F.) (ci-après Lim), ce qui fait que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable. Si le litige portait sur une question de fait, la Cour serait effectivement liée par Lim, précité. Toutefois, la Cour n"est pas convaincue que la question en litige en est une de fait.

[19]      Dans Lim, précité, un agent des visas a conclu que le demandeur n"avait jamais exercé les fonctions décrites au chapitre pertinent de la CCDP . La décision était fondée uniquement sur une comparaison des antécédents de travail fournis par le demandeur et des fonctions énumérées dans le chapitre en cause de la CCDP. Toutefois, la décision à l"étude ici porte sur le fait de savoir si les cours suivis sont l"équivalent d"un diplôme en biologie ou dans une discipline connexe à la biologie. Pour savoir ce qui constitue un diplôme en biologie ou un diplôme dans une discipline connexe, il faut se rapporter à la définition donnée à ces termes dans la CNP ou dans la Loi sur l"immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2. Le deuxième aspect de la décision, savoir si un diplôme en médecine est un diplôme dans une discipline connexe à la biologie, dépend aussi de la définition qu"on donne aux termes discipline connexe.

[20]      Le fait qu"on doive utiliser une définition ou recourir au sens nous indique que la décision ne porte pas simplement sur une question de fait, mais qu"elle porte sur l"application des faits à la législation. Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc. , [1997] 1 R.C.S. 748, le juge Iacobucci déclare ceci :

     En résumé, les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s'est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique.

[21]      La demanderesse désire que la Cour examine la question de savoir si l"agent des visas a commis une erreur en concluant d"abord que les cours qu"elle a suivis ne rencontrent pas la norme fixée pour les études au chapitre 2121 de la CNP , et ensuite que son diplôme en médecine n"est pas compris dans la définition des termes " discipline connexe ". Par conséquent, les conclusions portant sur ces questions sont des questions de droit et de fait.

[22]      La norme de contrôle prévue dans Lim, précité, a été adoptée dans le contexte d"une question de fait et elle ne lie pas la Cour lorsque celle-ci traite de questions de droit et de fait. Toutefois, on peut déterminer la norme de contrôle applicable en utilisant le critère pragmatique et fonctionnel : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 (ci-après Pushpanathan). En appliquant ce critère, la Cour note qu"elle est saisie d"une question de fait et de droit et qu"il n"y a pas de clause privative portant sur les décisions de l"agent des visas. Ces faits militent à l"encontre de la retenue judiciaire face à la décision de l"agent des visas. Le paragraphe 9(2) de la Loi sur l"immigration indique clairement que l"expertise d"un agent des visas constitue à déterminer si un demandeur répond aux critères énoncés dans la CNP , ce qui indique que la Cour devrait faire preuve de retenue judiciaire face à la conclusion de l"agent des visas. Un autre facteur qui milite en faveur de la retenue judiciaire en l"instance est le fait que l"agent des visas détermine les droits de la demanderesse plutôt que de traiter d"une question polycentrique. En pondérant tous ces facteurs, la Cour conclut que la norme de contrôle applicable est celle de la décision déraisonnable.

[23]      L"agent des visas a conclu que parmi tous les cours portés au relevé de notes de la demanderesse, seuls les cours en biologie et en microbiologie étaient liés à un diplôme en biologie, en bactériologie, en immunologie ou en microbiologie. L"agent des visas ne mentionne aucun autre cours. Toutefois, le relevé de notes de la demanderesse fait état de plusieurs cours enseignés dans des programmes de biologie, bactériologie, immunologie ou microbiologie, enseignés dans les universités canadiennes. La Cour relève notamment le fait que la demanderesse a étudié la chimie organique, la biochimie et la microbiologie de la santé, qui sont tous des cours qu"un étudiant de premier cycle en biologie pourrait prendre. Le cours d"épidémiologie et celui qui porte sur les maladies infectieuses sont clairement reliés à un diplôme en immunologie. L"avocate du défendeur admet que le nombre de cours pertinents dans le cadre d"un diplôme dans un des quatre domaines en cause pourrait être aussi élevé que six. La demanderesse soutient que ce nombre est beaucoup plus grand.

[24]      La Cour n"a pas besoin de déterminer le nombre exact de cours qui sont pertinents dans le cadre des diplômes en question. Elle doit tout simplement déterminer si les motifs de l"agent des visas peuvent résister à un examen sérieux : Southam , précité. Ce n"est pas le cas. Toutefois, la conclusion de l"agent des visas n"est pas seulement déraisonnable. Comme l"erreur se situe au niveau même de la conclusion, il faut la qualifier de manifestement déraisonnable. Même si la Cour se trompait en jugeant que la question en cause porte sur les faits et le droit, cette conclusion de fait reste contestable.

[25]      La deuxième allégation de la demanderesse porte que la médecine est une discipline connexe à la biologie. L"avocat de la demanderesse renvoie au chapitre 3111 de la CNP , qui décrit les études requises pour être médecin spécialiste et les fonctions à exercer. L"avocat parle spécifiquement des spécialistes en médecine de laboratoire, une des catégories énumérées de médecin spécialiste, comme exerçant certaines des fonctions exercées par les biologistes, microbiologistes, immunologistes et bactériologistes. À titre d"exemple, une des fonctions énumérées au chapitre 3111 de la CNP est rédigée comme suit :

     " Etudier la nature, la pathogenèse et l"évolution des maladies chez les humains, ainsi que les changements structurels et fonctionnels causés par les maladies.

Ceci est analogue à la première des fonctions pertinentes énumérées au chapitre 2121 de la CNP :

     " Faire des recherches sur la structure, les fonctions, l'écologie, la biotechnologie et la génétique des micro-organismes, y compris les bactéries, les champignons, les protozoaires et les algues ...

La deuxième allégation se fonde aussi sur l"argument qui veut que le titulaire d"un diplôme en médecine a les compétences requises pour assumer certaines des fonctions d"un microbiologiste qui sont prévues au chapitre 2121 de la CNP .

[26]      Dans ses prétentions écrites, le défendeur soutient qu"il faut examiner les connaissances acquises dans l"obtention d"un diplôme plutôt que s"appuyer sur la terminologie utilisée dans les titres des diplômes pour déterminer si un diplôme est équivalent à un autre. Dans ses plaidoiries orales, le défendeur a soutenu que les personnes qui étudient la médecine n"acquièrent pas une connaissance aussi détaillée de la biologie que ceux qui étudient la biologie, mais qu"ils se concentrent surtout sur des sujets comme la chirurgie et l"anatomie. En conséquence, les titulaires d"un diplôme de médecine ne peuvent assumer les fonctions d"un biologiste. Selon le défendeur, on trouve la justification de ce point de vue dans le fait qu"un biologiste n"a besoin que d"un baccalauréat alors qu"un spécialiste en médecine en laboratoire doit être titulaire d"un baccalauréat et d"un diplôme de médecine, et faire une année d"internat et une résidence de quatre ans.

[27]      On ne trouve aucune définition d"un diplôme en biologie ou dans une discipline connexe. Le défendeur a toutefois démontré à la Cour qu"il est peu probable qu"un diplôme de médecine soit l"équivalent d"un diplôme en biologie ou dans une discipline connexe. Les exigences très élevées d"études pour devenir un spécialiste en médecine de laboratoire laissent supposer que, nonobstant les ressemblances superficielles entre les fonctions que l"on trouve aux chapitres 3111 et 2121 de la CNP , le contenu de ces fonctions sera assez différent. Les deux programmes d"études vont mener à une carrière centrée sur l"étude des organismes vivants et la recherche connexe. Ces carrières vont effectivement porter sur des aspects différents des organismes vivants. Par conséquent, on ne peut considérer que la conclusion de l"agent des visas portant qu"un diplôme en médecine n"est pas un diplôme dans une discipline connexe soit totalement raisonnable.

[28]      La deuxième allégation principale de la demanderesse porte que l"agent des visas a commis une erreur en concluant qu"elle n"avait aucune expérience pertinente aux professions de bactériologiste, immunologiste, biologiste ou microbiologiste. Cette allégation se fonde sur l"affirmation que l"agent des visas n"a pas étudié en profondeur l"expérience de travail de la demanderesse, mais qu"elle s"est limitée à une analyse superficielle. Elle est aussi fondée sur l"affirmation que l"agent des visas croyait que le chapitre 2121 de la CNP exigeait qu"on exerce plus d"une des fonctions énumérées.

[29]      Les deux parties soutiennent que cette question en est une de fait. Toutefois, la réclamation de la demanderesse se fonde sur l"affirmation de son avocat que l"agent des visas n"a pas tenu compte de tous les renseignements qu"on trouve au curriculum vitae de la demanderesse. Le fait qu"un agent des visas doit tenir compte de toute la preuve pertinente qui lui est présentée est une question de compétence. La Cour ne peut donc accepter l"avis des parties qu"il s"agit ici simplement d"une question de fait.

[30]      La conclusion en cause a un aspect douteux par suite de l"absence d"une description détaillée de l"expérience de la demanderesse par l"agent des visas, ainsi que de l"utilisation répétée du titre de médecin. Prise dans son ensemble, la preuve n"indique pas que l"agent des visas aurait négligé de tenir compte de certaines parties du curriculum vitae de la demanderesse. Le fait qu"un agent des visas puisse consigner de façon assez informelle, même cavalière, ses impressions, ne veut pas du tout dire qu"il n"a pas envisagé la documentation pertinente. Si la preuve démontre que les actions de l"agent des visas peuvent tomber sous le coup de la première partie de cette proposition, elle ne démontre pas nécessairement qu"elle tombe sous le coup de la seconde. Par conséquent, la preuve ne permet pas de conclure que l"agent des visas a commis une erreur quant à sa compétence.

[31]      La deuxième partie de l"allégation principale de la demanderesse porte que l"agent des visas a cru à tort que le chapitre 2121 de la CNP exigeait qu"un candidat exerce plus d"une des fonctions énumérées. Le défendeur n"a pas abordé cette question directement. L"avocat de la demanderesse considère que cette erreur de l"agent des visas est une erreur de droit. En conséquence, la norme de contrôle applicable en l"instance est celle du bien jugé.

[32]      Le paragraphe introductif du chapitre 2121 de la CNP inclut dans les fonctions des immunologistes, bactériologistes et autres scientifiques de la liste, les recherches de base et appliquées pour approfondir les connaissances sur les organismes vivants. Les immunologistes et bactériologistes sont décrits sous ce chef comme des biologistes qui se spécialisent au niveau cellulaire ou moléculaire. Leurs fonctions principales, ainsi que celles des microbiologistes, sont décrites comme comprenant les fonctions suivantes ou certaines d"entre elles (dossier de demande, onglet 1) :

     " Faire des recherches sur la structure, les fonctions, l'écologie, la biotechnologie et la génétique des micro-organismes, y compris les bactéries, les champignons, les protozoaires et les algues;
     " Faire des recherches sur la structure et le fonctionnement des tissus et des cellules humaines, animales et végétales;
     " Faire des études pour identifier les organismes pathogènes et les toxines qui affectent les humains, les végétaux et les animaux, étudier leurs effets et mettre au point des mesures de contrôle;
     " Faire des essais cliniques ou de laboratoire pour la mise à l'épreuve, l'évaluation et le dépistage des drogues et des produits pharmaceutiques
     " Faire des études de biologie moléculaire ou de biochimie et des expériences sur l'expression des gènes, leur manipulation et la technologie de recombinaison de l'A.D.N.;
     " Surveiller, au besoin, les travaux de technologues et de techniciens en biologie ainsi que d'autres scientifiques.

[33]      L"agent des visas déclare aussi que la demanderesse n"exerçait pas la majorité des fonctions décrites dans les chapitres pertinents de la CNP ou CCDP. Ceci laisse supposer que l"agent des visas considère que les qualifications prévues au chapitre 2121 de la CNP comprennent une exigence d"exercice de la majorité de fonctions énumérées. Toutefois, ce n"est pas ce que le chapitre exige. Il exige simplement qu"un demandeur exerce certaines des fonctions énumérées.

[34]      Il serait irréaliste d"exiger qu"un biologiste, microbiologiste, immunologiste ou bactériologiste ait à exercer la majorité des fonctions énumérées. Il serait aussi irréaliste de s"attendre à ce que tous les scientifiques puissent exercer plus qu"une petite partie des fonctions qui sont énumérées dans les chapitres en question. La spécialisation inhérente au travail scientifique exclut une telle éventualité. Pour ces motifs, l"erreur commise par l"agent des visas dans l"interprétation des exigences du chapitre 2121 de la CNP vicie sa décision de façon irrémédiable.

Dispositif

[35]      La Cour, ayant conclu que l"agent des visas a commis une erreur en arrivant à deux de ses conclusions, doit accueillir la demande et renvoyer l"affaire à un agent des visas différent pour nouvel examen et décision.

[36]      Dans leurs prétentions au sujet des dépens, les parties ont convenu qu"ils devraient suivre l"issue de la cause et être fixés par la Cour en conformité de la colonne 3 du tarif B. En conséquence, la Cour établit les dépens à payer par le défendeur à 1 300 $, en sus des débours nécessaires de la demanderesse.



     F. C.Muldoon

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 10 décembre 1999



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              IMM-414-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Hui Lu c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 27 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :              10 décembre 1999



ONT COMPARU


M. Edward Rice                          POUR LA DEMANDERESSE

Mme Sharlene Telles-Langdon                  POUR LE DÉFENDEUR




AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


M. Edward Rice                          POUR LA DEMANDERESSE

Winnipeg (Manitoba)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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