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Date : 20010216

Dossier : T-1794-99

Référence neutre : 2001 CFPI 86

ENTRE :

                                           JOSE LIMA

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1] Le 18 août 1999, l'honorable K.E. Meredith, membre de la Commission d'appel des pensions (la CAP) désigné en vertu du paragraphe 83(2.1) du Régime de pensions du Canada (le Régime) L.R.C. (1985) ch. C-8, a rendu une ordonnance refusant au demandeur la permission d'interjeter appel de la décision par laquelle le tribunal de révision a rejeté, le 14 décembre 1998, sa demande de prestations d'invalidité en vertu du Régime.


[2] Voici les termes utilisés par le membre de la CAP pour refuser au demandeur la permission d'interjeter appel :

[Traduction] Malgré la demande d'interjeter appel, très longue et très détaillée, j'ai conclu que les motifs du Tribunal de révision doivent être corrects et, pour ce motif, la permission d'interjeter appel est refusée. Je crois que, dans l'ensemble, les faits étayent les conclusions du Tribunal de révision selon lesquelles :

La preuve objective versée au dossier et examinée par différents médecins et évaluateurs de la capacité fonctionnelle n'explique pas le degré d'invalidité déclaré par M. Lima.

J'ai la certitude que toute formation de la Commission d'appel des pensions tirerait la même conclusion.

[3] Dans son mémoire, le demandeur énonce ainsi la question à trancher :

[Traduction]13.       Pour décider si la permission d'interjeter appel à la Commission d'appel des pensions devait être accordée, le membre a posé les mauvaises questions et a répondu aux mauvaises questions, commettant ainsi une erreur de principe.

[4] La première question à trancher est celle de savoir si le membre de la CAP a appliqué le critère approprié. Je crois que si. Bien que le membre n'utilise pas les mots « il n'a pas de cause défendable » , il dit, en termes non équivoques, qu'aucune formation de la CAP ne serait d'avis d'écarter la conclusion tirée par le tribunal de révision. Cette affirmation signifie selon moi que, de l'avis du membre de la CAP, l'appel ne soulève pas de question défendable. Le demandeur échoue donc sur ce point.


[5]         Malgré ma conclusion que le membre de la CAP a appliqué le critère approprié, j'estime qu'il a commis une erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire du fait qu'il ne semble pas avoir examiné l'argument du demandeur selon lequel il souffre du syndrome de douleur chronique et que, de ce fait, il n'est plus capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[6]         Par souci d'exhaustivité et pour favoriser une bonne compréhension, je reproduirai la décision du tribunal de révision. Voici les motifs donnés par la formation de trois membres :

[Traduction] Le ministre était représenté par Mme Julie Imada. M. Lima a comparu avec sa représentante, Mme Sheila Puga.

Une personne ne peut être considérée invalide que si elle est déclarée de la manière prescrite atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n'est grave, au sens du Régime de pensions du Canada (RPC) que si elle rend la personne visée régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Le ministre a rejeté la demande de M. Lima parce qu'il a conclu que, bien qu'incapable d'occuper son emploi habituel, il pouvait encore effectuer régulièrement un certain type de travail adapté à son état, ce qui signifie que l'invalidité ne répondait pas au critère du caractère « grave » .

Pour satisfaire aux exigences concernant les cotisations du RPC, M. Lima doit avoir versé des cotisations au RPC pendant au moins cinq des dix dernières années de sa période cotisable ou pendant au moins deux des trois dernières années de sa période cotisable s'il est réputé invalide avant janvier 1998 et après septembre 1986. Les exigences fixées par la loi ont été modifiées en janvier 1998 par le projet de loi C2. S'il est réputé invalide après janvier 1998, il doit avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins quatre des six dernières années de sa période cotisable. Sa période cotisable se termine le mois où il est réputé être devenu invalide. Ayant versé des cotisations en 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, M. Lima satisferait aux exigences concernant les cotisations minimales en décembre 1997 au plus tard.


M. Lima n'a pas travaillé depuis le 14 juillet 1993, date à laquelle il s'est blessé au dos pendant qu'il travaillait comme finisseur de ciment. Il s'est fait traité dans une clinique pour le dos et s'est prêté à différentes tentatives de résoudre ses douleurs au dos et à la jambe qui, selon ses prétentions, l'empêchent de recommencer à occuper tout type d'emploi. M. Lima a dit dans son témoignage qu'il n'a pas envisagé sérieusement d'autres possibilités de travail qui tiennent compte de l'état de son dos. Il a affirmé qu'un tel emploi exigerait que l'employeur lui permette de s'étendre sur le dos pendant des périodes de trois à quatre heures pour soulager son dos. La Columbia Back Pain clinic dit toutefois qu'il devrait être capable de retourner travailler. La preuve objective versée au dossier et examinée par différents médecins et évaluateurs de la capacité fonctionnelle n'explique pas le degré d'invalidité déclaré par M. Lima.

Le tribunal a examiné la preuve versée au dossier et présentée à l'audience; il a conclu que la preuve n'étayait pas une conclusion portant que M. Lima est incapable de détenir régulièrement toute occupation rémunératrice. L'appel a donc été rejeté.

[7]         On constate que la conclusion citée par le membre de la CAP dans ses motifs semble être tirée de la fin du dernier paragraphe des motifs du tribunal de révision. Cette conclusion ne règle pas, à mon humble avis, la question soulevée par le demandeur dans sa demande d'autorisation d'interjeter appel. Comme l'avocat du demandeur l'affirme au paragraphe 21 de son mémoire, l'affirmation du tribunal de révision - que le membre de la CAP partage – selon laquelle la preuve médicale n'explique pas le degré d'invalidité déclaré par le demandeur, ne correspondait pas à la question soumise au tribunal de révision ni à la question soulevée dans sa demande d'autorisation. Comme l'avocat le dit au paragraphe 22 de son mémoire, le syndrome de douleur chronique ne peut, par définition, s'expliquer par une preuve médicale objective. En d'autres termes, le demandeur ne conteste pas le fait que la preuve médicale objective n'étaye pas sa demande.


[8]         À l'appui de ses prétentions devant la CAP et devant moi, le demandeur a mentionné la décision rendue par la CAP dans l'affaire The Minister of National Health & Welfare v. Densmore, CCH Canadian Employment Benefits and Pension Guide Reports, no 8508. Le demandeur s'est reporté plus précisément à l'extrait de cette décision figurant aux pages 5971 à 5973 :

[Traduction] La question en litige est épineuse parce que son règlement dépend de l'opinion adoptée en définitive par la Commission quant à l'authenticité de symptômes strictement subjectifs. En effet, la décision prise généralement sans l'aide de signes cliniques objectifs tiendra à la crédibilité, selon les faits propres à chaque espèce, concernant la gravité de la douleur dont une personne se plaint.

L'opinion de la Commission, souvent exprimée dans ses décisions, veut qu'il ne suffise pas de conclure à l'existence du syndrome de douleur chronique. La douleur doit être telle qu'elle empêche la personne qui la ressent de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Nous faisons également la mise en garde suivante : il revient aux personnes qui ont demandé des prestations de démontrer qu'elles ont essayé de se faire traiter et qu'elles ont fait des efforts pour remédier à leur douleur. En conséquence, il est souhaitable pour le demandeur, bien qu'aucunement essentiel dans tous les cas, et utile pour la Commission qu'une preuve de nature psychologique, psychiatrique ou psysiatrique soit produite de la part de médecins qui, en raison de leur expérience et de leur expertise générale dans ce domaine difficile de la médecine, sont en mesure d'aider la Commission.

[9]         Par conséquent, la question que devait examiner le membre de la CAP était celle de savoir si le demandeur avait une cause défendable quant au fait qu'il souffrait du syndrome de douleur chronique et qu'il ne pouvait plus, pour cette raison, détenir une occupation véritablement rémunératrice. À la lecture des motifs de K. E. Meredith, qui a refusé au demandeur la permission d'interjeter appel, je ne puis conclure qu'il a tranché ni même examiné cette question avant de rendre sa décision.


[10]       J'accueillerai donc la demande de contrôle judiciaire du demandeur et je renverrai l'affaire à la CAP pour réexamen. Il va sans dire que je ne conclus pas, ni même ne suggère, que le demandeur a une cause défendable. C'est au membre de la CAP qu'il appartient de trancher cette question à partir de la preuve qui lui sera soumise.

                                                                                        Marc Nadon

                                                                                                   JUGE

OTTAWA (Ontario)

16 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                     T-1794-99       

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Jose Lima c. Le ministre du Développement des ressources humaines du Canada           

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (C.-B.)       

DATE DE L'AUDIENCE :                   23 novembre 2000       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE NADON

EN DATE DU :                                     16 février 2001

ONT COMPARU :

Me Rod Holloway                                              POUR LE DEMANDEUR

Me John Vaissi Nagy                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Service du contentieux                           POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

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