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Date : 20010322

Dossier : IMM-374-00

Référence neutre: 2001 CFPI 228

ENTRE :

SURINDER PAUL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas S.K. Brady (l'agente des visas), au consulat général du Canada, à Detroit, Michigan, a refusé, le 14 décembre 1999, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada selon les critères applicables à la sélection des immigrants indépendants.


LES FAITS

[2]         Le demandeur, qui est citoyen de l'Inde, a présenté une demande à titre de parent aidé en déclarant prévoir exercer la profession de commis de banque polyvalent (no 4135-182 de la CCDP). La demande a été reçue au consulat général du Canada, à Detroit, Michigan, le 29 avril 1997.

[3]         Le demandeur a effectué cinq années d'études primaires et six années d'études secondaires, en Inde. Il a obtenu un baccalauréat ès arts de trois ans à l'université Gury Nanak Dev, à Amritsar, Panjab.

[4]         De 1980 jusqu'à ce qu'il arrive au Canada en 1997, le demandeur a travaillé à titre de commis de banque polyvalent auprès de la Banque nationale de Patiala, en Inde. Depuis le mois de juillet 1998, le demandeur occupe un poste de direction au Ravi's Airport Shell, à Indianapolis.

[5]         L'agente des visas Halina Roznawski a effectué la première appréciation de la demande. Cette demande a été refusée par une lettre en date du 9 octobre 1998. Toutefois, le 6 octobre 1999, le juge Campbell a conclu à l'existence d'une erreur susceptible de révision dans l'application du critère linguistique prévu à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 et a ordonné que l'affaire soit renvoyée à un autre agent des visas pour réexamen.


[6]         Lors de la première entrevue, le demandeur a présenté trois lettres d'entreprises canadiennes lui offrant un emploi. Il avait présenté une offre d'emploi à titre de commis de bureau de SCAS Electronic Air Cleaners, une autre offre d'emploi à titre de comptable adjoint de Five Sun Furniture Ltd. et une offre d'emploi à titre de représentant de Quality International Foods.

[7]         Le 22 novembre 1999, le demandeur a eu une entrevue avec l'agente des visas, S.K. Brady. Il a alors présenté une nouvelle offre d'emploi pour un poste de direction dans une station-service Petro V Plus.

[8]         On a informé le demandeur, par une lettre en date du 14 décembre 1999, que la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada était refusée.

DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[9]         Le demandeur a été apprécié, comme il l'avait demandé, à l'égard de la profession de commis de banque polyvalent (no 4135-182 de la CCDP).

[10]       Le demandeur a obtenu 67 points à l'égard de la profession de commis de banque polyvalent (no 4135-182 de la CCDP) :

Âge                                                         10

Facteur professionnel                          01

Études - Formation                               11

Expérience                                              06

Emploi réservé                                       00

Études                                                     15

Facteur démographique                       05

Anglais                                                   06

Français                                  00

Points supplémentaires                        05

Personnalité                                           05

---

Total                                                        67


[11]       L'agente des visas a également apprécié la demande à l'égard des professions envisagées de commis de banque polyvalent (no 1434.1 de la CNP), de caissier des services financiers (no 1433 de la CNP, no 4133-110 de la CCDP) et de gérant de station-service (no 0621 de la CNP, no 5130-118 de la CCDP), étant donné que le demandeur avait de l'expérience dans ces professions. Les appréciations n'étaient pas favorables.

[12]       L'agente des visas a expliqué que tous les facteurs étaient examinés ensemble, sans qu'un facteur influe à lui seul sur la décision. Dans le cas du demandeur, l'agente des visas estimait que l'appréciation avait démontré que les chances du demandeur de s'installer facilement en permanence n'étaient pas bonnes.

LES POINTS LITIGIEUX

[13]       1.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des capacités linguistiques du demandeur?

2.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en n'attribuant que cinq points au demandeur pour la personnalité?


ANALYSE

1. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des capacités linguistiques du demandeur?

[14]       Dans l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (QL) (C.A.), la Cour d'appel fédérale a reconnu que la norme de contrôle à appliquer à la décision d'un agent des visas était la même que celle qui était énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 :

Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, le juge McIntyre déclare ce qui suit au nom de la Cour:

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[15]       Compte tenu de la décision que la Cour suprême du Canada vient de rendre dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, il semble maintenant reconnu que la norme de contrôle à appliquer à la décision de l'agent des visas est celle de la décision raisonnable simpliciter.


[16]       Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de ses capacités linguistiques compte tenu du test d'écriture et de lecture qu'elle lui a fait passer ainsi que du fait qu'il a étudié l'anglais à l'école pendant dix ans et qu'il habite en Amérique du Nord depuis un certain temps.

[17]       Je souscris aux remarques figurant dans la décision Mehrabani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 345 (QL) (1re inst.), où le juge Lemieux a dit ce qui suit :

Je ne peux simplement pas substituer mes opinions à celles de l'agent des visas sur ce que le demandeur a écrit. Le demandeur doit démontrer que l'évaluation est sans fondement. Dans plusieurs décisions, la Cour a reconnu que l'agent des visas était beaucoup mieux placé qu'elle pour évaluer la qualité de la langue d'un demandeur (voir Ali c. Canada (M.C.I.), IMM-4873-97, le 22 juillet 1998; Ashraf c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. 1561).

[18]       En l'espèce, le demandeur n'a pas démontré que l'appréciation était viciée. Voici les notes que l'agent des visas a consignées dans le CAIPS :

[TRADUCTION]

Je lui ai présenté un paragraphe. Que signifie « souligner » ? « Les choses les plus importantes. » Comprend-il de quoi il s'agit? « Cela explique d'une façon plus détaillée les lois canadiennes aux gens. » Quoi d'autre? « La brochure montre qu'ils peuvent facilement comprendre les lois canadiennes et leurs droits, au moyen de ce livre. »

Je lui ai dit que j'appréciais également sa capacité de s'exprimer oralement en anglais; il n'avait pas une connaissance courante parce qu'il ne comprenait pas un grand nombre des questions que je lui posais et que je me suis fréquemment vue obligée de donner des explications et de répéter. Il dit qu'il apprendra. Je lui ai expliqué que l'appréciation est fondée sur la situation actuelle, plutôt que sur des possibilités futures.

[19]       En fait, les notes consignées dans le CAIPS montrent que l'agente des visas a souvent dû répéter et expliquer ses questions et que le demandeur ne comprenait pas les questions.


[20]       Quant au test écrit, voici ce que le demandeur a écrit :

[TRADUCTION]

À qui de droit :

Chère madame,

Je m'appelle Surinder Paul et je suis citoyen de l'Inde. J'ai demandé à résider en permanence au Canada. Je suis arrivé au Canada au mois de janvier 1997. Après être parvenu au Canada, j'ai décidé de m'établir au Canada.

[21]       Je crois que l'agente des visas est bien mieux placée que la Cour pour prendre une décision au sujet des capacités linguistiques du demandeur. La preuve dont disposait l'agente des visas étayait son appréciation des capacités linguistiques du demandeur et je ne puis conclure que les conclusions qu'elle a tirées sont déraisonnables. Le demandeur n'a pas démontré que l'appréciation de l'agente des visas était sans fondement.

2.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en n'attribuant au demandeur que cinq points pour la personnalité?


[22]       Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en appréciant sa personnalité. Le demandeur a affirmé que le fait qu'il avait vécu au Canada pendant un an et demi, qu'il avait au Canada des parents qui voulaient l'aider et qui étaient prêts à l'aider à s'intégrer, qu'il exerçait un bon emploi aux États-Unis depuis le mois de juillet 1998, qu'il avait déjà reçu quatre offres d'emploi d'entreprises canadiennes, qu'il avait effectué des recherches au sujet des possibilités d'emploi dans le domaine bancaire au Canada et qu'il avait même obtenu une confirmation verbale d'un directeur de banque qui déclarait être prêt à l'embaucher s'il obtenait le droit d'établissement, montrait qu'il dépassait clairement la moyenne sur le plan de la motivation, de l'ingéniosité et de la faculté d'adaptation et qu'il aurait donc dû se voir attribuer un plus grand nombre de points.

[23]       L'agente des visas a attribué cinq points au demandeur pour la personnalité. Il s'agit de savoir si cette appréciation était raisonnable. Il faut faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de l'agente des visas et je ne dois substituer mes conclusions aux siennes que si je les juge déraisonnables.

[24]       Compte tenu de la preuve dont disposait l'agente des visas et de l'examen des notes figurant dans le CAIPS, je ne puis conclure que la façon dont l'agente des visas a apprécié la personnalité du demandeur ait été déraisonnable. L'agente des visas a posé de nombreuses questions et, compte tenu des réponses données par le demandeur ainsi que des divers documents et éléments de preuve que celui-ci a présentés, je suis convaincu que l'agente des visas pouvait avec raison arriver aux conclusions qu'elle a tirées.

[25]       En outre, le demandeur lui-même déclare, dans son affidavit, qu'il croit avoir droit à au moins cinq ou six points d'appréciation pour la personnalité. L'appréciation de l'agente des visas est conforme au propre point de vue du demandeur en ce qui concerne ce facteur.

[26]       La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[27]       Ni l'une ni l'autre avocate n'a proposé la certification de questions.

                                                                                                                                           Pierre Blais                              

                                                                                                                                                     Juge                                   

OTTAWA (ONTARIO)

Le 22 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-374-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Surinder Paul et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 6 mars 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS EN DATE DU 22 MARS 2001.

ONT COMPARU :

Chantal Desloges                                              pour le demandeur

Cheryl D. Mitchell                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                                            pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                             pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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