Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051006

Dossier : T-1397-04

Référence : 2005 CF 1366

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE Madame la juge Snider

ENTRE :

JOHN NORTH

demandeur

et

WEST REGION CHILD AND FAMILY SERVICES INC.

défenderesse

Dossier T-1422-04

ENTRE :

WEST REGION CHILD AND FAMILY SERVICES INC.

demanderesse

et

JOHN NORTH

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. John North (M. North ou l'employé) a été embauché en 1997 par la West Region Child and Family Services Inc. (WRCFS ou l'employeur) en tant que personne-ressource aux termes d'un contrat d'entreprise. M. North a travaillé pour la WRCFS jusqu'au 13 juillet 2001, date à laquelle il a été informé que son emploi prenait fin. Le 18 juillet 2001, M. North a déposé une plainte aux termes de la Partie III du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code du travail). Sa plainte a été entendue et rejetée par l'arbitre Douglas A.S. Paterson, c.r., dans une décision arbitrale en date du 29 juin 2004. M. North demande le contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre de rejeter sa plainte.

[2]         La WRCFS demande également le contrôle judiciaire de la décision parce que sa demande de dépens a été rejetée. La demande de contrôle judiciaire déposée par la WRCFS a été engagée dans une procédure distincte sous le numéro T-1422-04. Aux termes de l'ordonnance du protonotaire Tabib en date du 4 octobre 2004, les deux dossiers ont été joints.

Les questions en litige

[3]         Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

  1. L'arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que M. North pouvait être congédié même en l'absence [traduction] « d'une décision conjointe du coordonnateur exécutif de la WRCFS et du chef et du Conseil et/ou du comité des services à l'enfance et à la famille de la Bande où l'employé dispense ses services » , comme le prévoit le guide de politique générale de la West Region Child & Family Services Inc., en date de novembre 1990 (le guide de politique générale)?

  1. L'arbitre a-t-il commis une erreur en s'appuyant sur des motifs de congédiement qui allaient au-delà de ceux invoqués par l'employeur?

  1. L'arbitre a-t-il commis une erreur en s'appuyant sur des considérations non pertinentes, c'est-à-dire sur des éléments de preuves ayant trait à l'ensemble des antécédents professionnels de M. North?

  1. L'arbitre a-t-il commis une erreur en ne fournissant pas les motifs pour lesquels il n'a rendu aucune ordonnance adjugeant les dépens en faveur de la WRCFS?

Question préliminaire

[4]         Les parties ont toutes deux demandé que, aux termes de l'article 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, j'ordonne que l'affidavit de M. North déposé dans la présente demande soit traité sous le sceau de la confidentialité. L'affidavit renferme de nombreuses références au nom des clients servis par la WRCFS. Je suis convaincue que ces renseignements, étant donné leur nature délicate, doivent être traités sous le sceau de la confidentialité, malgré l'intérêt du public à des procédures judiciaires ouvertes et accessibles à tous. Par conséquent, j'ordonnerai que l'affidavit, à l'exception de la pièce A (la décision arbitrale) et la pièce C36 (le guide de politique générale), soit considéré comme confidentiel.

Les dispositions légales pertinentes

[5]         Les dispositions pertinentes du Code canadien du travail sont reproduites à l'annexe A des présents motifs.

La norme de contrôle

Principes généraux

[6]         Il n'y a pas de désaccord entre les parties sur le fait que les décisions d'un arbitre prises aux termes du Code du travail appellent la plus grande déférence. En présence de la disposition privative sans équivoque énoncée à l'article 243 du Code du travail et vu l'expertise des arbitres choisis pour s'acquitter de ce travail hautement spécialisé, fondé sur l'analyse des faits, les cours de justice ont constamment statué que la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est la décision manifestement déraisonnable pour les conclusions de fait. Selon cette norme, je ne peux modifier la décision que si celle-ci, considérée dans son entier, n'est aucunement appuyée par la preuve.

[7]         Toutefois, comme l'enseigne la Cour suprême du Canada (Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 21; Barreau du Nouveau- Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 21), la norme de contrôle applicable doit être établie sur la base d'une analyse pragmatique et fonctionnelle. En outre, la même norme de contrôle ne s'applique pas nécessairement à chaque décision de l'arbitre (Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers' Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, au paragraphe 19).

[8]         La méthode pragmatique et fonctionnelle suppose l'examen de quatre facteurs contextuels : (1) la présence ou l'absence d'une disposition privative ou d'un droit d'appel prévu dans la loi; (2) la connaissance spécialisée du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; (3) les buts de la loi et de la disposition en cause en particulier; et (4) la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. Heureusement, je peux m'appuyer sur l'analyse méticuleuse des quatre facteurs qui a été faite dans le contexte des questions de relations de travail par les tribunaux supérieurs dans la jurisprudence récente.

[9]         Sans se livrer expressément à une analyse pragmatique et fonctionnelle, la Cour d'appel fédérale a exprimé, dans l'arrêt Mihalicz c. Banque Royale du Canada, [2000] A.C.F. no 781, au paragraphe 3, l'opinion selon laquelle il n'est pas certain qu'une question mixte de fait et de droit soit susceptible de contrôle mais, en supposant qu'elle le soit, que la norme de contrôle applicable « ne peut pas être plus exigeante que celle du caractère raisonnable » .

[10]       Plus récemment, dans l'arrêt Baldrey c. H & R Transport Ltd., 2005 CAF 151, la Cour d'appel fédérale a examiné la norme de contrôle applicable aux décisions prises par un arbitre en vertu du Code canadien du travail. Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer les principes de common law applicables à la question de savoir si un employé avait été congédié. La Cour d'appel a conclu, au paragraphe 7, que la norme de contrôle appropriée était la décision correcte puisque la question exigeait une interprétation de la « loi générale par opposition à la loi des parties, un domaine qui, en général, n'appelle aucune déférence » .

[11]       Dans l'arrêt Baldrey, précité, la Cour d'appel s'est appuyée sur l'analyse de la juge Sharlow dans l'arrêt Dynamex Canada Inc. c. Mamona et al (2003), 305 N.R. 295 (C.A.F.) (autorisation d'en appeler refusée par la Cour suprême du Canada, [2003] S.C.C.A. no 383). Cette affaire portait sur la décision d'un arbitre rendue en vertu de la Partie III du Code canadien du travail quant à savoir si certaines personnes étaient des employés de Dynamex. La juge Sharlow a effectué un examen détaillé de la norme de contrôle qui s'appliquait aux deux aspects de la décision en question. Dans la mesure où l'arbitre était tenu d'interpréter la « loi lui donnant compétence » , la juge Sharlow a convenu, au paragraphe 40, avec le tribunal inférieur que la norme de contrôle était la décision raisonnable. Toutefois, « la décision de l'arbitre concernant les principes de common law applicables dans la détermination du statut d'employé doit être examinée en utilisant la norme de la décision correcte » (paragraphe 45). Finalement, la juge Sharlow a fait l'observation suivante au paragraphe 45 :

Toutefois, la façon dont ces principes sont appliqués aux faits, ce qui constitue une question mixte de droit et de fait, doit être examinée en utilisant la norme de la décision raisonnable. Ainsi, si la décision de l'arbitre ne contient aucune erreur en droit et que les conclusions sont jugées raisonnables après examen, la décision sera maintenue.

[12]       Dans l'arrêt Voice Construction, la Cour suprême du Canada a examiné la norme de contrôle qui devait s'appliquer à une décision d'un arbitre en relations du travail rendue en vertu du Labour Relations Code de l'Alberta. La disposition privative de la loi albertaine n'est que partielle par opposition à la disposition privative complète du Code canadien du travail. La décision de l'arbitre en relations du travail exigeait une interprétation de la convention collective. La Cour a conclu à la majorité que la norme de contrôle appropriée était la décision raisonnable simpliciter. Sur la nature de la question, le juge Major a déclaré ceci au paragraphe 27 :

En l'espèce, l'arbitre devait interpréter la convention collective. En dépit des similitudes qui existent entre les conventions collectives et les autres types de contrats, les premières se distinguent néanmoins des seconds à certains égards. Alors que l'interprétation des contrats relève clairement de l'expertise des tribunaux judiciaires, les arbitres, qui travaillent dans le domaine particulier des relations du travail, sont susceptibles d'avoir dans ce domaine plus d'expérience et d'expertise en ce qui concerne l'interprétation des conventions collectives. Par conséquent, l'interprétation et l'application des conventions par les arbitres mérite un certain degré de déférence de la part des tribunaux judiciaires.

[13]       Après examen de ces décisions, j'ai dégagé les grands principes (et d'une façon probablement trop simplifiée) suivants relativement aux décisions d'un arbitre agissant en vertu de la Partie III du Code canadien du travail :

  • une conclusion de fait est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision manifestement déraisonnable;

  • une conclusion ayant trait à une convention collective ou à un autre document établissant les relations entre l'employeur et l'employé est une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter;

  • une décision exigeant qu'un arbitre interprète les dispositions du Code canadien du travail est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter; et

  • une conclusion concernant l'applicabilité des principes de common law est susceptible de contrôle en utilisant la décision correcte comme norme, même si la manière dont ces principes sont appliqués aux faits peut faire l'objet d'un contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter.

Application au présent contrôle judiciaire

[14]       Au vu de ces principes généraux, j'aborde maintenant les questions en litige en l'espèce.

[15]       La première question exige une interprétation du guide de politique générale. À mon avis, l'acceptation apparente de l'arbitre de la position de l'employeur selon laquelle le renvoi n'exigeait pas une décision conjointe du coordonnateur exécutif de la WRCFS et du chef et du conseil et/ou du comité des services à l'enfance et à la famille de la Bande, peut faire l'objet d'un contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable. Le guide de politique générale établit certaines conditions d'emploi et, en tant que tel, c'est la « loi des parties » . En utilisant cette norme, « la décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait » ou si aucun des motifs « [n'est] capable de résister à un examen assez poussé » (Ryan, précité, paragraphe 55). Comme l'a indiqué le juge Major dans l'arrêt Voice, précité, au paragraphe 35 : « [m]ême s'il est possible de dégager des clauses de la convention collective une autre conclusion plus ou moins convaincante, cette situation ne rend pas à elle seule déraisonnable l'interprétation de l'arbitre » . Dans la demande dont je suis saisie, l'existence d'une autre interprétation contraignante des clauses de renvoi du guide de politique générale ne rend pas à elle seule la décision de l'arbitre déraisonnable. Réciproquement, l'interprétation que donne l'arbitre des clauses pertinentes du guide de politique générale devrait être maintenue à moins que ses motifs ne puissent résister à un examen « assez poussé » .

[16]       La deuxième question a trait aux motifs du renvoi de M. North. Autrement dit, pourquoi l'employeur a-t-il mis fin à l'emploi de M. North? Il s'agit d'une décision de fait qui obligeait l'arbitre à analyser la preuve dont il était saisi. À mon avis, la décision manifestement déraisonnable s'applique comme norme à cette question. Sur les questions de fait, je ne peux intervenir que si j'estime que l'arbitre « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » (Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 18.1(4)d)).

[17]       La troisième question, concernant le fait de savoir si l'arbitre avait le droit de tenir compte de l'ensemble des antécédents professionnels de M. North, a trait à l'applicabilité de la doctrine de l'incident culminant (dont je traite ci-après), qui est un principe de common law. Une conclusion concernant l'applicabilité des principes de common law est susceptible de contrôle au regard de la décision correcte comme norme. En l'espèce, l'acceptation par l'arbitre de cette doctrine selon laquelle l'employeur est autorisé à produire une preuve des antécédents professionnels de M. North ne peut être maintenue que si la décision était correcte. Toutefois, si la doctrine peut être appliquée à la cause dont il est saisi, la décision de l'arbitre quant à savoir si la preuve dont il dispose appuie l'application de la doctrine à cette cause est une question mixte de fait et de droit qui peut vraisemblablement faire l'objet d'un contrôle au regard de la décision raisonnable simpliciter.

[18]       Finalement, la décision de ne pas adjuger les dépens est une décision discrétionnaire qui ne peut être modifiée que si elle est manifestement déraisonnable.

Question no 1 : L'interprétation du guide de politique générale

[19]       Il n'est pas contesté que le guide de politique générale s'applique aux relations entre M. North et la WRCFS. Les parties ne s'entendent pas sur la procédure à suivre pour congédier M. North. L'article 23 du guide, qui traite du sujet suivant : « Mesures disciplinaires : suspension : congédiement : cessation d'emploi » , est pertinent quant à la présente demande et je l'ai reproduit ci-dessous en entier.

                [TRADUCTION]

23.      Mesures disciplinaires : suspension : congédiement : cessation d'emploi

Les situations suivantes peuvent mener à l'imposition de mesures disciplinaires, entraîner une suspension, un congédiement ou une cessation d'emploi :

a)    rendement insatisfaisant d'après l'évaluation du superviseur de l'employé et/ou du coordonnateur exécutif; dans le cas du coordonnateur exécutif, d'après l'évaluation du Conseil

b)    vol des biens d'un client ou de l'employeur

c)      consommation d'alcool ou de drogues au travail

d)     faire de fausses inscriptions dans les registres de l'agence

e)      bagarre

f)       absence non autorisée

g)     utilisation du matériel négligente et/ou abusive

h)     perpétration d'un acte qui, de l'avis de la WRCFS Inc., lui porte préjudice

i)       non-respect de la politique de conduite obligatoire des employés énoncée dans le guide de politique générale

j)       restrictions financières imprévues qui empêchent le versement des salaires

k)      accusation et/ou déclaration de culpabilité relative à une infraction criminelle

l)       emploi obtenu sur de fausses représentations

En cas de coupes nécessaires dans le personnel, le maintien de l'emploi sera décidé par le Conseil et le coordonnateur exécutif sur la base de l'ancienneté, des qualifications, de l'expérience et du rendement.

En général, un régime de mesures disciplinaires progressives sera utilisé, qui peut comprendre trois avertissements écrits, des suspensions avec ou sans salaire, et ensuite le renvoi.

D'autres solutions que le renvoi, si elles sont appropriées (par exemple le traitement en cas d'alcoolisme) peuvent être approuvées par le Conseil sur recommandation de la direction.

Le coordonnateur exécutif peut suspendre un employé, en en avisant le Conseil de préférence dans les 24 heures, mais pas plus de 3 jours après la suspension.

Le renvoi des employés des services sociaux fera l'objet d'une décision conjointe du coordonnateur exécutif de la WRCFS et du chef et du Conseil et/ou du comité des services à l'enfance et à la famille de la Bande où l'employé dispense ses services.

Le renvoi des employés de soutien administratif peut faire l'objet d'une décision du coordonnateur exécutif de la WRCFS.

Le renvoi du personnel de supervision fera l'objet d'une décision du Conseil, sur recommandation du coordonnateur exécutif.

Le renvoi du coordonnateur exécutif et/ou les mesures disciplinaires prises contre lui feront l'objet d'une décision du conseil d'administration.

Les employés peuvent être renvoyés sur-le-champ pour « un motif valable » .

Dans le cas d'un renvoi pour un « motif valable » , il n'y a pas lieu de verser deux semaines de salaire au lieu de donner un avis.

[Non souligné dans l'original.]

[20]       M. North a fait valoir devant l'arbitre et devant moi que l'article 23 fait en sorte que la décision de le renvoyer doit être une décision conjointe du coordonnateur exécutif de la WRCFS et du chef et du Conseil et/ou du comité des services à l'enfance et à la famille. Il soutient que, puisque cela n'a pas été fait, l'arbitre a commis une erreur en ne concluant pas que l'employeur avait contrevenu aux dispositions du guide de politique générale.

[21]       La WRCFS fait valoir que l'exigence quant à la décision conjointe ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'un renvoi pour un « motif valable » . L'employeur soutient que l'article secondaire auquel fait référence M. North ne s'applique que dans les situations faisant intervenir des « mesures disciplinaires progressives » , et que, dans le cas d'un congédiement pour un « motif valable » , la décision pouvait être prise par le comité de direction.

[22]       M. North a été congédié après une réunion de l'équipe de direction de la WRCFS. Il semble qu'aucune tentative n'ait été faite pour que le chef et le Conseil ou le comité des services à l'enfance et à la famille participent à la décision. Sur ce point, l'arbitre décrit, à la page 35, le témoignage de M. Crocker, directeur exécutif adjoint de la WRCFS, dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

M. Crocker affirme qu'aucune décision conjointe n'était nécessaire dans cette affaire parce qu'il ressort du même document déposé en preuve qu'un renvoi sur-le-champ pour un motif valable peut être effectué sans qu'une décision conjointe soit prise. M. Crocker est d'avis que la décision conjointe n'était pas nécessaire dans ce cas et qu'il pouvait agir sur-le-champ parce qu'il y avait un motif valable [...] De plus, en contre-interrogatoire, M. Crocker a affirmé qu'il n'avait pas eu besoin de consulter le chef ou le Conseil dans les circonstances et qu'il n'aurait pas été normal de le faire. Quoi qu'il en soit, le chef et le Conseil étaient apparemment en vacances et ne pouvaient être présents à la réunion.

[23]       La seule autre preuve pertinente quant à cette question dont il a été fait référence dans la décision semble contradictoire. Bien que M. Crocker ait affirmé dans son témoignage qu'aucune consultation n'était nécessaire, le superviseur de M. North, un autre témoin de l'employeur, aurait apparemment déclaré que [traduction] « le chef et le Conseil ont été consultés, ne serait-ce que de façon informelle, et ont approuvé la décision de mettre fin à l'emploi de John » (Décision, page 23). Finalement, en contre-interrogatoire, M. Crocker a déclaré qu'on l'avait informé que le chef ne trouvait pas acceptable qu'on mette fin à l'emploi de M. North.

[24]       Dans la partie analyse de la décision, la seule mention de l'interprétation du guide de politique générale est la conclusion de l'arbitre selon laquelle [traduction] « je suis convaincu dans l'ensemble que [l'employeur] a bien agi selon ses procédures et ses politiques » .

[25]       Comme je l'ai noté ci-dessus, il faut faire preuve d'une grande déférence à l'égard de l'arbitre quand il interprète la convention. Je ne dois intervenir que si aucun mode d'analyse ne permet d'établir un lien entre la preuve et la conclusion. En l'espèce, le problème que pose la décision de l'arbitre est qu'elle ne fournit aucun motif sur cette question. Je ne peux analyser des motifs qui n'existent pas. Il semble que l'arbitre ait accepté la position de l'employeur sur cette question. Toutefois, il n'y a ni explication ni analyse de la preuve sur laquelle l'arbitre s'est appuyé pour en arriver à ce résultat.

[26]       La décision soulève chez moi de nombreuses questions, dont les suivantes :

  • Le congédiement de M. North exigeait-il une décision conjointe et, dans l'affirmative, est-il suffisant de répondre que le chef et le Conseil étaient en vacances?

  • Si le renvoi de M. North s'est fait pour un motif valable qui n'exigeait pas une décision conjointe, qui devait prendre cette décision et, en l'espèce, qui l'a prise?

  • Pourquoi doit-on retenir l'interprétation que donne la WRCFS de la clause 23 du guide de politique générale à celle de M. North?

  • La preuve appuie-t-elle le témoignage d'un témoin de l'employeur selon lequel le chef et le Conseil étaient d'accord?

[27]       En résumé, je ne sais pas quelle interprétation du guide de politique générale l'arbitre a acceptée et sur quels éléments de preuve il s'est appuyé pour en venir à cette interprétation. Je ne sais pas si l'arbitre a même examiné l'argument de M. North selon lequel son congédiement exigeait une décision conjointe du chef et du Conseil et/ou du comité des services à l'enfance et à la famille, ou si l'arbitre a conclu que le chef et le Conseil avaient approuvé le congédiement. Aucune analyse ne me permet de répondre à ces questions. Je ne veux pas laisser entendre qu'il n'était pas loisible à l'arbitre de conclure, d'après la preuve dont il était saisi, que la meilleure interprétation à donner de la clause 23 était celle qui a été avancée par la WRCFS. Toutefois, l'arbitre en est venu à la conclusion que la WRCFS [traduction] « a bien agi » sans expliquer les facteurs sur lesquels cette conclusion se fonde. Cela rend la décision déraisonnable.

[28]       Il s'agit d'une question préliminaire. Si la WRCFS n'a pas suivi la procédure appropriée et si l'on n'a pas mis fin à l'emploi de M. North d'une façon adéquate, les questions portant sur les motifs de son renvoi et sur la justesse de ces motifs n'ont pas à être abordées. Néanmoins, dans le cas où j'aurais tort de conclure ainsi, je vais continuer de traiter des autres questions.

Question no 2 : Les motifs de renvoi

[29]       M. North fait valoir que le seul motif justifiant son renvoi a été la falsification des dossiers. À son avis, l'arbitre a commis une erreur en examinant d'autres motifs pour son renvoi. À l'appui de cette position, M. North cite le contre-interrogatoire de M. Crocker où les échanges suivants ont eu lieu :

            [traduction]

2888     Q.         Soyons clairs. Vous avez pris la décision de mettre fin à l'emploi de cet homme -

            R.          Oui.

2889     Q.         -- à cause d'une déclaration isolée figurant dans la Pièce 67 [falsification des dossiers]. C'est bien ça?

            R.          Oui.

            [. . .]

3023.    Q.         Pour être bien clair, toute l'enquête ou les conclusions ayant trait à la question de B., pour ce qui a trait aux allégations de non-disponibilité, à l'égard des allégations notées au sujet de R. ou de R.H.; il ne s'agissait pas réellement pour vous de choses que vous deviez prendre en considération dans le contexte de votre décision de mettre ou non fin à l'emploi de M. North?

            R.          Essentiellement, c'est ça. Ces autres éléments, bien qu'ils aient été graves et dans certains cas peut-être très graves, me semblent être des questions qui auraient pu, en l'absence de cette autre affaire des dossiers concernant S.H., être examinés dans le cadre d'une formation ou faire l'objet d'autres types de sanctions.

[30]       Contrairement à ce témoignage, il y a la lettre du 6 septembre 2001, écrite au nom de l'employeur. Les parties reconnaissent que cette lettre a été écrite par suite à l'exigence posée par l'article 241 du Code canadien du travail. Dans cette lettre, l'employeur s'appuie sur trois incidents comme motifs du renvoi :

  • un incident impliquant la présence de M. North au domicile de S.B. qui a eu lieu pendant le week-end des 6 et 7 juillet 2001;

  • un incident qui a eu lieu le 9 juillet 2001, dans lequel M. North n'a pas avisé les grands-parents d'une jeune fille de son état de santé et une allégation de dépôt tardif et de falsification d'un rapport ayant trait à cet incident; et

  • la perte alléguée de dossiers ayant trait à deux enfants auxquels la WRCFS dispensait des services.

[31]       J'ai un certain nombre de réserves au sujet de l'analyse faite par l'arbitre sur cette question.

[32]       Tout d'abord, j'aimerais traiter de la présentation de la décision. L'arbitre entame sa décision en détaillant la preuve sur 55 pages, sans en faire aucune analyse de cette preuve. Les conclusions de l'arbitre sont énoncées dans moins de 6 pages, qui s'ouvrent sur cette déclaration : [traduction] « J'espère que je n'ai pas mal compris ou mal interprété la preuve sur de trop nombreux points » .

[33]       Pour ce qui est des motifs du congédiement, tout particulièrement, il est impossible de trouver dans la décision une partie qui réponde directement à la question suivante : [traduction] « Pour quels motifs la WRCFS a-t-elle renvoyé M. North? » L'extrait qui s'apparente le plus à un semblant de réponse à cette question fondamentale se trouve aux pages 57 et 58 de la décision :

[TRADUCTION]

Objectivement, il est inacceptable qu'un travailleur des services à l'enfance et à la famille perde les notes d'un dossier, qu'il ne donne pas de soutient à une famille quand une petite-fille a eu une transplantation du rein dans une ville éloignée et qu'il permette à des tiers de l'accompagner pendant qu'il s'acquitte de fonctions se rapportant à des questions confidentielles et professionnelles.

À mon avis, l'employeur a démontré qu'il y avait un motif valable pour congédier l'employé et qu'il a correctement tenu compte de tous les faits et de toutes les circonstances avant d'en arriver à sa décision.

[34]       Mais cela ne donne pas les motifs sur lesquels l'employeur s'appuie. En effet, cela ne reprend même pas exactement aux motifs énoncés dans la lettre de l'employeur exigée par l'article 241; la décision ne dit absolument rien sur l'allégation de falsification des dossiers. En outre, la lettre exigée par l'article 241 ne fait aucune mention de tiers qui auraient accompagné M. North dans l'exercice de ses fonctions. Je ne peux que faire des suppositions quant à ce que l'arbitre a jugé être des incidents disciplinaires. En l'absence d'une détermination des motifs ou des incidents qui ont précipité le congédiement d'un employé, je ne vois pas comment un arbitre peut déterminer qu'un congédiement est juste ou injuste, comme l'exige l'alinéa 242(3)a) du Code canadien du travail.

[35]       En outre, l'arbitre n'a nullement essayé d'analyser la preuve dont il était saisi, au-delà de cette déclaration à l'emporte-pièce : [traduction] « lorsqu'il y a un conflit entre l'employeur et l'employé dans la preuve, je retiens la preuve de l'employeur » . Cela ne nous donne aucune explication, ni à M. North et à moi, quant à savoir pourquoi on a plutôt retenu la preuve de l'employeur. Cela n'explique pas non plus le conflit interne apparent entre le témoignage de M. Crocker, le directeur exécutif adjoint de la WRCFS, et la lettre exigée par l'article 241.

[36]       En conclusion, je suis d'avis que l'arbitre n'a pas examiné la question fondamentale dont il était saisi et qui était de savoir sur quels motifs s'était appuyé l'employeur pour renvoyer M. North. Sur cette question, la décision « est à ce point viciée qu'aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir » (Ryan, précité, paragraphe 52). La décision est manifestement déraisonnable.

Question no 3 : La prise en compte de l'ensemble des antécédents professionnels

[37]       Il ne fait aucun doute que l'arbitre a examiné l'ensemble des antécédents professionnels de M. North et qu'il s'est appuyé sur certains aspects de ces antécédents pour justifier le rejet de la plainte de M. North. Dans ses motifs, l'arbitre déclare ce qui suit : [traduction] « Dans cette affaire, je conviens que la doctrine de l'incident culminant s'applique et que des aspects importants et significatifs des antécédents professionnels d'un employé peuvent être examinés » (Décision page 60). Les antécédents professionnels auxquels l'arbitre fait référence incluaient des références à l'incapacité de M. North de [traduction] « respecter les normes et les objectifs éducatifs » . En outre, à la page 57, l'arbitre déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Son rendement sur le terrain depuis qu'il a commencé à travailler dans la région de l'Ouest jusqu'à la date de son congédiement est parsemé d'incidents de mauvaise communication, de quelques omissions importantes et d'une incapacité à travailler de façon adéquate avec des groupes communautaires, de même que de sérieux manquements à certains codes de comportement et d'éthique qui sont à la base du travail social. L'arbitre a été particulièrement préoccupé par des éléments de preuve concernant les rapports de John avec l'école locale, ses groupes d'activités, les notes de cas qu'il a perdues, l'incident avec S.H. et des manquements à la confidentialité mentionnés dans la preuve susmentionnée. On ne peut dire que le comportement de John et ses manquements dans le domaine du travail social sont des incidents mineurs et sans conséquence, compte tenu de la preuve.

[38]       Dans la demande dont je suis saisie, M. North prétend que la doctrine de l'incident culminant n'a pas été correctement appliquée par l'arbitre. Il soutient que seul le dossier disciplinaire documenté peut être utilisé à bon droit pour étayer un incident culminant; dans ce cas, ce dossier ne contient qu'un avertissement verbal vieux de trois ans et un avertissement écrit vieux de 26 mois pour des conduites non liées à l'incident culminant allégué.

[39]       À mon avis, les faits de l'espèce peuvent fort bien donner naissance à l'application de la doctrine de l'incident culminant, comme la décrivent Donald J.M. Brown et David M. Beatty dans leur ouvrage Canadian Labour Arbitration, 3e éd. (Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2004), au point 7:4310 :

[TRADUCTION]

La doctrine de l'incident culminant définit les circonstances dans lesquelles il est adéquat que l'employeur examine les antécédents professionnels d'un employé pour des questions ayant trait à la discipline [...] Plus particulièrement, la doctrine de l'incident culminant pose en principe que lorsqu'un employé a commis un acte de mauvaise conduite s'ajoutant à une série ou qu'il a maintenu une conduite pour laquelle des mesures disciplinaires peuvent être imposées, il est tout à fait approprié que l'employeur examine le dossier lourdement chargé pour déterminer la sanction qui s'impose pour ce dernier incident [...] Autrement dit, la doctrine permet à l'employeur de produire une preuve à l'égard du mauvais dossier d'emploi du plaignant afin de justifier ses mesures disciplinaires à l'occasion d'un acte d'inconduite culminant qui, pris isolément, n'aurait peut-être pas justifié la gravité de la sanction imposée.

[40]       Dans la décision Ackman c. Portage-Delta Broadcasting Co., [1998] A.C.F. 231, mon collègue le juge Campbell a déclaré ce qui suit au paragraphe 39 :

une fois que l'arbitre avait conclu qu'il existait des motifs justifiant l'imposition d'une mesure disciplinaire, il lui était certainement loisible d'examiner le dossier au complet à l'égard du mauvais rendement en vue de pouvoir déterminer si la mesure prise par l'employeur était injuste.

[41]       Toutefois, dans la demande dont je suis saisie, et comme je l'ai dit ci-dessus, l'arbitre n'a pas déterminé les motifs de renvoi. L'arbitre semble avoir consulté directement l'ensemble du dossier d'emploi de M. North sans déterminer ce qui constituait cet [traduction] « acte d'inconduite culminant » . À mon avis, ce n'est pas le rôle de l'arbitre. Sans le bénéfice de la première étape qui consiste à énoncer les incidents culminants, je ne peux savoir si les éléments de preuve sur lesquels l'arbitre s'est appuyé étaient appropriés et pertinents.

[42]       Si l'arbitre s'était acquitté de cette première étape d'énonciation des incidents culminants, je n'aurais pu accepter l'interprétation étroite que donne M. North de la doctrine, qui limite l'examen des antécédents professionnels au dossier disciplinaire. Le pouvoir de l'employeur de tenir compte de l'ensemble des antécédents professionnels dépend des faits de chaque espèce. Vu le dossier dont était saisi l'arbitre, l'employeur aurait certainement pu s'appuyer sur de nombreux antécédents professionnels de M. North, dont le dossier était dans l'ensemble mauvais. Si M. North avait eu la possibilité de répondre à ces éléments de preuve et si l'arbitre avait évalué et pondéré l'ensemble de la preuve, l'arbitre n'aurait pas été empêché d'utiliser cette preuve dans l'application de la doctrine de l'incident culminant. Toutefois, comme je l'ai noté, l'arbitre n'a jamais énoncé l'incident culminant.

[43]       Sur cette question, je conclus que l'arbitre a commis une erreur en omettant de d'énoncer l'incident culminant. En l'absence d'un tel incident, la doctrine de l'incident culminant ne peut s'appliquer.

Question no 4 : L'omission d'adjuger les dépens

[44]       L'arbitre n'a pas adjugé les dépens à la WRCFS malgré que celle-ci ait eu gain de cause à l'audience. Pour ce qui est de la question des dépens, l'arbitre déclare que [traduction] « dans les circonstances, je ne rends aucune ordonnance concernant les dépens » . La WRCFS soutient que l'arbitre a commis une erreur en ne fournissant pas de raison pour sa décision de ne pas accorder les dépens. Cette absence de motif était, de l'avis de la WRCFS, un manquement à l'équité procédurale ou une décision manifestement déraisonnable.

[45]       Je ne peux accepter cette prétention. Tout d'abord, l'adjudication des dépens est hautement discrétionnaire et la décision qui s'y rapporte ne peut être modifiée sauf dans des circonstances exceptionnelles.

[46]       En outre, et quoi qu'il en soit, quand on lit la décision dans son ensemble, je pense que l'arbitre a effectivement fourni les motifs appuyant sa décision de ne pas adjuger les dépens. Plus particulièrement, je note qu'il est assez critique des mesures prises par l'employeur pour congédier M. North [traduction] « si rapidement et pas en personne » . L'arbitre a ajouté qu'en donnant un avis à un employé et en lui accordant la possibilité de se faire entendre, cela peut [traduction] « régler le cas d'une façon ou d'une autre » . Ainsi, en utilisant les mots [traduction] « dans les circonstances » , l'arbitre faisait part de ses réserves à l'égard du comportement de l'employeur. Ce qui ressort implicitement des mots de l'arbitre, c'est que les frais de l'arbitrage auraient pu être évités si la WRCFS avait traité le congédiement d'une façon différente. Bien que l'expression [traduction] « dans les circonstances » aurait pu être rattachée plus directement à l'idée de l'arbitre selon laquelle la WRCFS avait contribué à rendre l'arbitrage nécessaire, les motifs de son omission d'adjuger les dépens sont contenus dans sa décision. Il n'y a pas d'erreur susceptible de contrôle.

[47]       Toutefois, vu mes conclusions sur les autres questions dans la présente instance, la question des dépens sera vraisemblablement examinée dans toute autre procédure d'arbitrage.

Conclusion

[48]       En résumé, j'estime que la décision de l'arbitre ne peut être maintenue pour les motifs généraux suivants :

  • la conclusion de l'arbitre selon laquelle la WRCFS [traduction] « a bien agi selon ses procédures et ses politiques » est déraisonnable parce que l'arbitre n'a pas traité adéquatement (pour peu qu'il en ait traité) de l'interprétation qu'il fallait donner au guide de politique générale et des éléments de preuve contradictoires se rapportant à cette interprétation;

  • le fait que l'arbitre n'ait pu établir les motifs pour lesquels M. North avait été congédié rend sa décision sur cette question manifestement déraisonnable;

  • l'arbitre a commis une erreur en s'appuyant sur la doctrine de l'incident culminant sans préciser quel avait été cet incident culminant.

[49]       Sur la question soulevée par la WRCFS, je conclus que la décision de l'arbitre de ne pas adjuger les dépens à l'employeur n'était pas manifestement déraisonnable.

[50]       M. North demande que la décision soit infirmée et que je rende une ordonnance le réintégrant dans son poste avec rétroactivité de salaire et lui octroyant les dépens. Dans les circonstances, compte tenu du nombre des questions qui doivent être abordées, questions qui relèvent manifestement de l'expertise et du mandat d'un arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail, je refuse d'accorder cette réparation.

[51]       La réparation subsidiaire proposée par M. North est que l'affaire soit renvoyée à l'arbitre pour nouvel examen. Bien que la réparation la plus habituelle soit de renvoyer l'affaire à un décideur différent, je crois que les erreurs relevées dans les motifs de l'arbitre proviennent de son omission de fournir une évaluation appropriée du dossier et de son incapacité de traiter de certaines questions primordiales dont il était saisi. Dans ce cas, l'arbitre Paterson est dans la meilleure position pour réexaminer la décision. Je laisse le soin à l'arbitre d'établir la procédure qui servira le mieux les intérêts des parties et permettra de mettre fin rapidement à cette procédure déjà trop longue. L'arbitre devrait faire savoir s'il a besoin d'entendre d'autres observations ou d'autres éléments de preuve des parties ou s'il peut s'acquitter de ses obligations en s'appuyant sur le dossier dont il est déjà saisi. Au cas où l'arbitre Paterson ne serait pas en mesure de réexaminer sa décision, l'affaire devrait être transmise à un autre arbitre pour nouvel examen.

[52]       Étant donné que M. North a eu gain de cause dans les deux demandes, je lui octroie les dépens pour les deux demandes au niveau habituel établi dans les Règles des Cours fédérales, soit le niveau moyen de la colonne III du tarif B.


ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

  1. L'affidavit de M. John North, à l'exception de la Pièce A (la décision arbitrale) et la Pièce C36 (le guide de politique générale), déposé à la Cour le 27 août 2004 comme document 13 dans le dossier T-1397-04, doit être considéré comme confidentiel.

  1. La demande de contrôle judiciaire déposée par M. North dans le dossier T-1397-04 est accueillie et la décision de l'arbitre en date du 29 juin 2004 est infirmée et renvoyée à l'arbitre Paterson pour nouvel examen.

  1. Au cas où l'arbitre Paterson ne serait pas en mesure de réexaminer sa décision, l'affaire doit être transmise à un autre arbitre pour nouvel examen.

  1. La demande de contrôle judiciaire déposée par la WRCFS dans le dossier T-1422-04 est rejetée.

  1. Les dépens sont accordés à M. North dans les deux demandes (les dossiers nos T-1397-04 et T-1422-04) et seront taxés conformément au niveau moyen de la colonne III du tarif B.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.



Annexe A - Dispositions légales pertinentes

            Les dispositions pertinentes du Code canadien du travail sont reproduites ci-dessous :

SECTION XIV

CONGÉDIEMENT INJUSTE

DIVISION XIV

UNJUST DISMISSAL

240.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si :

240.(1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis par une convention collective.

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

241.(1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l'employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l'employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

241.(1) Where an employer dismisses a person described in subsection 240(1), the person who was dismissed or any inspector may make a request in writing to the employer to provide a written statement giving the reasons for the dismissal, and any employer who receives such a request shall provide the person who made the request with such a statement within fifteen days after the request is made.

(2) Dès réception de la plainte, l'inspecteur s'efforce de concilier les parties ou confie cette tâche à un autre inspecteur.

(2) On receipt of a complaint made under subsection 240(1), an inspector shall endeavour to assist the parties to the complaint to settle the complaint or cause another inspector to do so.

(3) Si la conciliation n'aboutit pas dans un délai qu'il estime raisonnable en l'occurrence, l'inspecteur, sur demande écrite du plaignant à l'effet de saisir un arbitre du cas :

(3) Where a complaint is not settled under subsection (2) within such period as the inspector endeavouring to assist the parties pursuant to that subsection considers to be reasonable in the circumstances, the inspector shall, on the written request of the person who made the complaint that the complaint be referred to an adjudicator under subsection 242(1),

a) fait rapport au ministre de l'échec de son intervention;

(a) report to the Minister that the endeavour to assist the parties to settle the complaint has not succeeded; and

b) transmet au ministre la plainte, l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement et tous autres déclarations ou documents relatifs à la plainte.

(b) deliver to the Minister the complaint made under subsection 240(1), any written statement giving the reasons for the dismissal provided pursuant to subsection (1) and any other statements or documents the inspector has that relate to the complaint.

242.(1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement.

242.(1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre :

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

a) dispose du délai fixé par règlement du

gouverneur en conseil;

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre :

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

a) décide si le congédiement était injuste;

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants :

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste;

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

(b) reinstate the person in his employ; and

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

243.(1) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

243.(1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire -- notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto -- visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de l'article 242.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                       T-1397-04

                                                            T-1422-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :             JOHN NORTH c. WEST REGION CHILD AND

                                                            FAMILY SERVICES INC.

                                                            WEST REGION CHILD AND

                                                            FAMILY SERVICES INC. c. JOHN NORTH

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 20 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : la juge Snider

DATE :                                                le 6 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Paul D. Edwards                                            POUR LE DEMANDEUR/DÉFENDEUR,

                                                                    JOHN NORTH

Jeffrey F. Harris                                            POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE,

                                                                     WEST REGION CHILD AND

                                                                     FAMILY SERVICES INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duboff, Edwards Haight & Schachter             POUR LE DEMANDEUR/DÉFENDEUR,

Winnipeg (Manitoba)                                     JOHN NORTH

Myers Weinberg LLP                                    POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE,

Winnipeg (Manitoba)                                     WEST REGION CHILD AND

                                                                     FAMILY SERVICES INC.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.