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Date : 20000526


Dossier : IMM-1654-99

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2000

EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

     ZEESHAN AHMED

     demandeur

     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur

     JUGEMENT

         IL EST ORDONNÉ QUE :

     1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, datée du 3 février 1999, est annulée.
     2.      La question est renvoyée à un tribunal différent pour nouvel examen.

Eleanor R. Dawson

Juge

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




Date : 20000526


Dossier : IMM-1654-99


ENTRE :

     ZEESHAN AHMED

     demandeur


     et




     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE DAWSON


[1]      Le demandeur, qui a 19 ans, est un citoyen du Pakistan qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention au motif de sa participation à un groupe social, savoir les sympathisants ahmadis.

[2]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d"une décision d"un membre de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 3 février 1999, portant que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[3]      Une question préliminaire a été soulevée à l"audition de cette demande, portant qu"aucune transcription de l"audience devant la Commission n"a été préparée ou présentée. Le registraire de la Commission a fait savoir que lors de l"examen de l"enregistrement de l"audience pour en préparer la transcription, on a découvert que la cassette était vierge.

[4]      Les avocats du demandeur et du défendeur sont d"accord sur les conséquences juridiques qui découlent de l"absence d"une transcription de l"audience. La jurisprudence a établi qu"en l"absence d"une exigence de la loi portant sur l"enregistrement, la Cour doit déterminer si le dossier dont elle dispose lui permet de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire. Si c"est le cas, l"absence d"une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. (Voir Ville de Montréal c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, [1997] 1 R.C.S. 793.)

[5]      En l"instance, la législation ne prévoit pas le droit à un enregistrement. Par conséquent, la question à trancher est celle de savoir si le dossier soumis à la Cour lui permet de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire. S"il y a une vraie possibilité que le demandeur n"obtiendra pas un examen approprié de sa demande par suite de l"absence d"une transcription, il y a lieu d"ordonner une nouvelle audition de son affaire.

[6]      Bien que les avocats aient été du même avis quant au principe juridique en cause, ils divergeaient d"opinion quant au résultat de l"application de ce principe aux circonstances de la présente affaire, où il n"y a pas de transcription.

[7]      L"avocate du défendeur a fait état de la preuve soumise à la Cour dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, la décision de la Commission, l"affidavit du demandeur à l"appui de sa demande de contrôle judiciaire, ainsi que dans les prétentions écrites de l"avocat du demandeur préparées peu de temps après l"audience et expédiées à la Commission. L"avocate du défendeur soutient que la Cour a tous les éléments requis pour examiner la demande de contrôle judiciaire en se fondant sur cette preuve.

[8]      L"avocat du demandeur soutient que la Commission est arrivée à certaines conclusions quant à la crédibilité du demandeur, conclusions qui s"appuient sur peu d"éléments dans les motifs. En conséquence, l"avocat du demandeur soutient qu"il faudrait une transcription pour pouvoir procéder à un contrôle judiciaire équitable et qu"il y a donc lieu d"ordonner une nouvelle audition.

[9]      Après avoir entendu les arguments au sujet de la question préliminaire, j"ai dit aux avocats que j"étais prête à entendre leurs arguments sur le fond du contrôle judiciaire. Après avoir entendu ces arguments, je prononcerais mon jugement sur la question préliminaire et, si j"avais conclu que le dossier était suffisant, je trancherais la question au fond.

LA QUESTION DE FOND

[10]      Voici les paragraphes-clé de la décision de la Commission :

     [traduction]

     CONCLUSION
         Le tribunal a conclu à un manque général de crédibilité. Le tribunal a conclu que le témoignage du demandeur portant sur les éléments-clé de sa revendication n"était pas crédible. En conséquence, et pour les motifs ci-après, le tribunal a conclu qu"il n"est pas saisi d"une preuve suffisamment crédible et fiable pour pouvoir rendre une décision positive.
     ...
     ANALYSE
     ...
         À une question portant sur les liens qu"il pouvait avoir avec la communauté ahmadie, le demandeur a déclaré que Yasir, son meilleur ami, était un Ahmadi. Le demandeur a soutenu qu"à cause de son amitié avec Yasir, certains étudiants de son collège, qui appartiennent au groupe fondamentaliste Jamat-e-Islami, ont cru qu"il s"était converti. Le demandeur soutient qu"il a été sévèrement battu plusieurs fois par les membres du Jamat-e-Islami, qui l"ont aussi suivi jusqu"à Gujranwala, à une heure et demie de vol de Karachi.
         Le tribunal a conclu que le témoignage du demandeur n"était pas crédible. Il a déclaré de façon catégorique qu"il était un Musulman sunnite pratiquant et qu"il priait à la mosquée sunnite. Le demandeur a déclaré que les membres du groupe fondamentaliste considéraient ses prières comme un " simulacre ". Le tribunal n"a pas été convaincu par les explications du demandeur. Les personnes persécutant le demandeur auraient su qu"un Ahmadi ne fréquenterait pas une mosquée sunnite, puisque ces fréquentations seraient en contravention avec la croyance fondamentale ahmadie que le prophète Mahomet a été suivi par Mirza Ghulam Ahmed. Cette croyance est considérée être blasphématoire par les Musulmans sunnites. La communauté sunnite aurait su qu"il ne s"était pas converti du fait de sa fréquentation d"une mosquée sunnite. En conséquence, le tribunal n"a pu conclure à la crédibilité du témoignage du demandeur.
     ...
         La revendication présentée au tribunal était fondée sur le lien entre le demandeur et la communauté ahmadie. Le demandeur n"a pu convaincre le tribunal de la crédibilité de cet élément-clé. En conséquence, le tribunal est d"avis que sa revendication doit être rejetée.

ANALYSE

[11]      Au sujet de la conclusion que le demandeur manquait généralement de crédibilité, il est possible de considérer qu"elle diverge dans une certaine mesure de ce qui semble avoir été la conclusion de l"agent chargé de la revendication (ACR). Je tire ceci des prétentions écrites présentées par l"avocat du demandeur à la Commission suite à l"audience, où il déclare [traduction ] " En terminant sa présentation, M. Fainbloom, l"ACR, a fait remarquer que le demandeur avait bien réagi aux questions qu"il lui avait posées. Il a aussi fait remarquer que le témoignage du demandeur était cohérent, et qu"il s"accordait avec son FRP.

[12]      La décision de la Commission s"appuie surtout sur le fait qu"elle n"a pas été convaincue par le demandeur que les membres du groupe fondamentaliste en cause considéraient ses prières comme un " simulacre ". La Commission croyait que les personnes persécutant le demandeur sauraient qu"un Ahmadi ne fréquenterait pas une mosquée sunnite, puisqu"il s"agirait d"une violation fondamentale de la foi ahmadie. La Commission était aussi d"avis que la présence régulière du demandeur dans une mosquée sunnite viendrait confirmer à la communauté sunnite qu"il ne s"était pas converti. En conséquence, la Commission n"a pas trouvé que le témoignage du demandeur était crédible.

[13]      Au sujet de ces conclusions-clé, le demandeur déclare que la Commission n"a pas tenu compte de son témoignage portant qu"il était soupçonné d"être un sympathisant ahmadi. Le demandeur soutient aussi que les conclusions de la Commission étaient purement spéculatives et qu"elles ne s"appuyaient pas sur la preuve au dossier.

[14]      Le défendeur soutient que la Commission n"a pas trouvé convaincante l"explication du demandeur de la divergence entre la perception qu"on aurait eue de lui comme un Ahmadi et sa pratique régulière de la foi musulmane sunnite. Le défendeur soutient que la Commission, en sa qualité de juge des faits, peut rejeter une preuve non contredite si elle n"est pas [traduction ] " conforme aux probabilités au vu de l"ensemble de l"affaire ". De plus, le défendeur soutient que la Commission pouvait se fonder sur le seul manque de vraisemblance de la version du demandeur pour conclure à un manque de crédibilité.

[15]      Au vu de peu de preuve qui m"est présentée, je ne trouve rien qui me permettrait de conclure que la Commission a fourni au demandeur la possibilité de présenter ses observations au sujet des inquiétudes de la Commission qui semblent fondées sur sa compréhension des principes de la foi sunnite. Je ne peux toutefois évaluer ceci correctement en l"absence d"une transcription de l"audience.

[16]      De plus, les paragraphes 68(4) et (5) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, telle que modifiée, sont rédigés comme suit :

(4) The Refugee Division may, in any proceedings before it, take notice of any facts that may be judicially noticed and, subject to subsection (5), of any other generally recognized facts and any information or opinion that is within its specialized knowledge.

(4) La section du statut peut admettre d'office les faits ainsi admissibles en justice de même que, sous réserve du paragraphe (5), les faits généralement reconnus et les renseignements ou opinions qui sont du ressort de sa spécialisation.

(5) Before the Refugee Division takes notice of any facts, information or opinion, other than facts that may be judicially noticed, in any proceedings, the Division shall notify the Minister, if present at the proceedings, and the

person who is the subject of the proceedings of its intention and afford them a reasonable opportunity to make representations with respect thereto.

(5) Sauf pour les faits qui peuvent être admis d'office en justice, la section du statut informe le ministre, s'il est présent à l'audience, et la personne visée par la procédure de son intention d'admettre d'office des faits, renseignements ou opinions et leur donne la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.




[17]      Les avocats ont convenu qu"ils ne pouvaient se souvenir que la Commission ait informé le demandeur de son intention ou lui ait donné la possibilité de présenter ses observations au sujet de la croyance de la Commission quant à la réaction que les fondamentalistes auraient face à la question de savoir si un Ahmadi fréquenterait une mosquée sunnite.

[18]      Je conclus qu"en l"absence d"une transcription de l"audience, il ne m"est pas possible d"examiner la conclusion portant sur la crédibilité en général. Je ne peux pas non plus savoir si la Commission a fourni la possibilité au demandeur de répondre à ses inquiétudes, ou si elle a respecté ses obligations en vertu du paragraphe 68(5) de la Loi sur l"immigration.

[19]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[20]      La décision du 3 février 1999 de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié est annulée et la question est renvoyée à un tribunal différent pour nouvel examen.

[21]      Aucune question certifiée n"a été suggérée par les avocats. Il n"y en aura donc pas.


                                 Eleanor R. Dawson

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 26 mai 2000


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-1654-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          ZEESHAN AHMED c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 19 avril 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              26 mai 2000



ONT COMPARU                     


M. John Savaglio                          POUR LE DEMANDEUR

Mme Andrea Horton                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER         


M. John Savaglio                          POUR LE DEMANDEUR

Pickering (Ontario)



M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 20000526

         Dossier : IMM-1654-99


                             Entre :


                             ZEESHAN AHMED

     demandeur

                             et



                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur




                    

                            

        

                             MOTIFS DE JUGEMENT

                            

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