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Date : 20021115

Dossier : IMM-3344-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1188

ENTRE :

                                                             ELENA PERELMUTER

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 La présente demande sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas du Haut-commissariat du Canada à Londres, Angleterre, datée du 7 juin 2001. Par cette décision, l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse.

[2]                 La demanderesse cherche à obtenir :

a)      une ordonnance de certiorari annulant la décision de l'agent des visas; et

b)     une ordonnance de mandamus portant que le Haut-commissariat du Canada à Londres, Angleterre, est tenu de réexaminer sa demande conformément aux principes d'équité et aux dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et modifications, et du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, et modifications.


Le contexte

[3]                 La demanderesse est citoyenne d'Israël. Elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que travailleur qualifié indépendant, dans la catégorie d'ingénieure en transformation des aliments, Classification nationale des professions (CNP) 2148.4.

[4]                 La demanderesse a été reçue en entrevue au Haut-commissariat du Canada à Londres, Angleterre, le 6 juin 2001. La décision de l'agent des visas lui a été communiquée dans une lettre portant la date du 7 juin 2001. L'agent des visas a évalué la demanderesse en tant qu'ingénieure en transformation des aliments, CNP 2148.4, comme suit :

        FACTEUR                                       POINTS

Âge                                                          10

Demande professionnelle                        05

Études et formation                                 17

Expérience                                               00

Emploi réservé                           00

Facteur démographique                          08

Études                                                     16

Anglais                                        09

Français                                                  00

Boni (parent proche au Canada )           00

Personnalité                                              05

TOTAL                                      70

[5]                 Voici ce qu'a écrit l'agent des visas :

[Traduction]

Le paragraphe 11(1) du Règlement n'autorise pas la délivrance d'un visa d'immigrant aux demandeurs qui n'obtiennent aucun point d'appréciation pour le facteur « expérience acquise dans la profession pour laquelle ils possèdent les compétences et qu'ils sont prêts à exercer au Canada » , sauf si l'immigrant a un emploi réservé au Canada et possède une attestation écrite de l'employeur éventuel confirmant qu'il est disposé à engager une personne inexpérimentée pour occuper ce poste, et que l'agent des visas soit convaincu que l'intéressé accomplira le travail voulu sans avoir de l'expérience. Vous ne rencontrez pas ces exigences, puisque vous pas l'année d'expérience à temps plein requise dans la profession visée.


  

[6]                 La demande de résidence permanente de la demanderesse a été rejetée. Le présent contrôle judiciaire porte sur la décision de l'agent des visas.

Les prétentions de la demanderesse

[7]                 La demanderesse soutient que l'octroi du maximum de points pour la demande professionnelle suppose implicitement que l'agent des visas considérait qu'elle possédait les conditions d'accès à la profession d'ingénieure en transformation des aliments au Canada, telles que précisées dans la CNP, et qu'elle avait exercé un nombre substantiel des fonctions principales de cette profession, y compris celles qui sont essentielles.

[8]                 La demanderesse soutient que l'agent des visas a violé les principes de l'équité et de la justice naturelle en ne lui expliquant pas ses préoccupations, et en ne lui accordant pas l'occasion d'y répondre avant la prise de décision.

[9]                 La demanderesse soutient que l'agent des visas a limité de façon indue son pouvoir discrétionnaire en tenant compte d'éléments non pertinents et en ne tenant pas compte de la preuve pertinente qui lui était présentée au sujet de l'expérience de travail de la demanderesse.


Les prétentions du défendeur

[10]            Le défendeur soutient que l'octroi de cinq points pour le facteur demande professionnelle ne représente pas une reconnaissance implicite de l'expérience de la demanderesse, lorsqu'on le replace dans le contexte de la conclusion explicite de l'agent portant que la demanderesse n'avait pas « l'année d'expérience à temps plein requise » .

[11]            Le défendeur soutient que l'agent des visas n'a pas implicitement accepté l'expérience de la demanderesse en lui accordant 17 points pour le facteur études et formation, au vu de la formulation très claire de la lettre de rejet.

[12]            La question en litige

L'octroi de points pour le facteur demande professionnelle en vertu du Règlement sur l'immigration, précité, rend-il arbitraire le fait de n'accorder aucun point pour l'expérience?

Les dispositions pertinentes du Règlement

[13]            Les paragraphes 11(1) et (2) du Règlement sur l'immigration, précité, sont rédigés comme suit :


11. (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (5), l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immigrant selon les paragraphes 9(1) ou 10(1) ou (1.1) à l'immigrant qui est apprécié suivant les facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I et qui n'obtient aucun point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 3 de cette annexe, à moins que l'immigrant :

11. (1) Subject to subsections (3) and (5), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to subsection 9(1) or 10(1) or (1.1) to an immigrant who is assessed on the basis of factors listed in column I of Schedule I and is not awarded any units of assessment for the factor set out in item 3 thereof unless the immigrant

a) n'ait un emploi réservé au Canada et ne possède une attestation écrite de l'employeur éventuel confirmant qu'il est disposé à engager une personne inexpérimentée pour occuper ce poste, et que l'agent des visas ne soit convaincu que l'intéressé accomplira le travail voulu sans avoir nécessairement de l'expérience; ou

b) ne possède les compétences voulues pour exercer un emploi dans une profession désignée, et ne soit disposé à le faire.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l'agent des visas ne délivre un visa en vertu des articles 9 ou 10 à un immigrant autre qu'un entrepreneur, un investisseur, un candidat d'une province ou un travailleur autonome, que si l'immigrant :

a) a obtenu au moins un point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 4 de la colonne I de l'annexe I;

b) a un emploi réservé au Canada; ou

c) est disposé à exercer une profession désignée.

(a) has arranged employment in Canada and has a written statement from the proposed employer verifying that he is willing to employ an inexperienced person in the position in which the person is to be employed, and the visa officer is satisfied that the person can perform the work required without experience; or

(b) is qualified for and is prepared to engage in employment in a designated occupation.

(2) Subject to subsections (3) and (4), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to section 9 or 10 to an immigrant other than an entrepreneur, an investor, a provincial nominee or a self-employed person unless

(a) the units of assessment awarded to that immigrant include at least one unit of assessment for the factor set out in item 4 of Column I of Schedule I;

(b) the immigrant has arranged employment in Canada; or

(c) the immigrant is prepared to engage in employment in a designated occupation.


Analyse et décision

[14]            La question en litige

L'octroi de points pour le facteur demande professionnelle en vertu du Règlement sur l'immigration, précité, rend-il arbitraire le fait de n'accorder aucun point pour l'expérience?

L'agent des visas a accordé cinq points d'appréciation à la demanderesse pour le facteur demande professionnelle et aucun point d'appréciation pour le facteur expérience. Dans Dauz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 1307 (QL) C.F. 1re inst., le juge Sharlow (alors à la Section de première instance) fait les déclarations suivantes aux paragraphes 5 à 7 et au paragraphe 12 :

. . . La question qu'il y a surtout lieu de se poser est celle de savoir comment l'agent des visas en est arrivée à conclure que le demandeur n'avait droit à aucun point pour l'expérience. L'avocat du demandeur soutient que la conclusion que l'agent a tirée à cet égard est erronée en fait et en droit et qu'elle est arbitraire. Son argument est lié au rapport qui existe entre le facteur de l'expérience et celui de la profession.

Pour évaluer le facteur de la profession, l'agent des visas devait se demander quelles sont les possibilités d'emploi au Canada dans la profession :

a)             à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la CNP;

b)             pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la CNP, dont les fonctions essentielles;

c)             que le requérant est prêt à exercer au Canada.

L'agent des visas a accordé le nombre maximal de dix points pour le facteur de la profession. Je dois en inférer qu'elle a conclu que le demandeur satisfaisait aux conditions relatives à la profession d'analyste de systèmes informatiques, y compris celles concernant les études. Je dois également en inférer qu'elle a conclu que le demandeur avait exercé un nombre substantiel des fonctions principales de l'analyste de systèmes informatiques établies dans la CNP (au numéro 2162), dont les fonctions essentielles. Comment l'agent des visas a-t-elle alors pu n'accorder aucun point au demandeur pour l'expérience?

. . .


Le demandeur avait soumis à l'agent des visas certains éléments de preuve tendant à démontrer qu'il possédait de l'expérience pertinente. Ainsi, son expérience en informatique consistait en plus d'un an de travail chez Arksystems Inc. et plus d'un an chez Panama Goldencare Foundation Inc. Les éléments de preuve relatifs à l'un ou l'autre de ces emplois ou aux deux étaient suffisants pour justifier l'agent des visas d'attribuer au requérant dix points d'appréciation pour le facteur de la profession pour la profession no 2162 de la CNP. Conclure que ces mêmes éléments de preuve ne démontrent pas qu'il possédait au moins une année d'expérience se rattachant à la profession no 2162 de la CNP est illogique.

[15]            Afin d'accorder des points d'appréciation pour le facteur demande professionnelle, l'agent des visas doit avoir conclu que la demanderesse a exercé un nombre substantiel des fonctions principales d'une ingénieure en transformation des aliments. Ceci exige aussi une conclusion portant que la demanderesse avait une certaine expérience en tant qu'ingénieure en transformation des aliments, sauf si cette expérience ne s'additionnait pas à un an.

[16]            L'agent des visas a calculé l'expérience de la demanderesse comme ingénieure en transformation des aliments pour les périodes suivantes :

20 juin au 9 septembre 1992

Mars à septembre 1995

L'agent des visas a donc conclu que la demanderesse avait moins d'une année d'expérience. Un examen des notes STIDI fait ressortir que l'expérience de travail de la demanderesse comme ingénieure porte sur les périodes allant de juin à novembre 1992 et de mars à septembre 1995. Un examen du formulaire de demande de la demanderesse fait ressortir que son expérience de travail comme ingénieure porte sur les périodes allant du mois de juin au mois de novembre 1992 et du mois de mars au mois de septembre 1995.

[17]            Une des conclusions possibles face à ces dates est la suivante :

Périodes de travail                                   Nombre de mois travaillés

Juin à novembre 1992                                                   6

Mars à septembre 1995                                               7

Ceci permettrait d'accorder 13 mois d'expérience à la demanderesse et elle aurait donc plus d'une année d'expérience et serait qualifiée pour l'obtention de points d'appréciation à ce titre. Ce compte est fondé sur la présomption que la demanderesse a travaillé pendant tous les mois mentionnés. Ceci est possible, puisqu'il n'y a aucune indication du jour du mois où la demanderesse a commencé son emploi et du jour du mois où elle l'a terminé. Au vu du dossier, je ne suis pas convaincu que la demanderesse n'a pas travaillé pendant 13 mois et donc obtenu une expérience équivalente. Ceci étant, l'agent des visas a commis une erreur en ne lui accordant aucun point d'appréciation pour le facteur expérience, après lui avoir accordé cinq points d'appréciation pour le facteur demande professionnelle.

[18]            Le défendeur soutient que l'ordinateur inscrit automatiquement cinq points d'appréciation pour le facteur demande professionnelle et que l'agent des visas aurait dû ramener ce chiffre à zéro. Rien au dossier ne permet de démontrer que cette assertion est fondée.

[19]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


[20]            Les parties ont une semaine à partir de la date de cette décision pour présenter toute question grave de portée générale à mon attention pour que j'examine si elle doit être certifiée, ainsi que trois autres jours pour présenter leurs commentaires au sujet de toute question proposée par l'autre partie.

      

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 15 novembre 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                  

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

Date : 20021115

Dossier : IMM-3344-01

ENTRE :

ELENA PERELMUTER

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                                              

                      MOTIF DE L'ORDONNANCE

  

                                                                                                                              


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                 IMM-3344-01

INTITULÉ :                                                ELENA PERELMUTER

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

            

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le mardi 10 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                           Le vendredi 15 novembre 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Michael Kishinevsky                                                                POUR LA DEMANDERESSE

M. Marcel Larouche                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Michael Kishinevsky                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Pièce 219

1600 ouest, avenue Steeles

Concord (Ontario)

L4K 4M2

Ministère de la Justice                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Pièce 3400, Boîte 36

130 ouest, rue King

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

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