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                                                                                                                                  Date : 20010125

                                                                                                                       No du greffe : T-920-98

E n t r e :

                                                  MOLSON BREWERY B.C. LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD

[1]         La Cour est saisie d'un appel interjeté sous forme d'action en vertu des articles 81.2, 81.15 et 81.28 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, modifiée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7 (la Loi), dans sa rédaction en vigueur à l'époque en cause. Les dispositions applicables de ces articles sont ainsi libellées :


81.2 (1) Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, peut, au lieu d'en appeler à la Commission en vertu de l'article 81.19, appeler de la cotisation ou de la détermination à la Section de première instance de la Cour fédérale pendant la période au cours de laquelle elle aurait pu, en vertu de cet article, en appeler à la Commission.

(2) Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17 à l'égard de la partie I peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de décision concernant l'opposition, appeler de la cotisation ou de la détermination à la Section de première instance de la Cour fédérale.

81.2 Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17, other than a notice in respect of Part I, may, in lieu of appealing to the Board under section 81.19, appeal the assessment of determination to the Federal Court - Trial Division at any time when, under section 81.19, that person could have appealed to the Board.

(2) Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17 in respect of Part I may, within ninety days after the day on which the notice of decision on the objection is sent to him, appeal the assessment or determination to the Federal Court - Trial Division.


81.15 (1) Toute personne qui a fait l'objet d'une cotisation, sauf en application des paragraphes (4) ou 81.38(1), et qui s'oppose à la cotisation peut, dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de cotisation, signifier au ministre un avis d'opposition en la forme prescrite énonçant les raisons de son opposition et tous les faits pertinents sur lesquels elle se fonde. [. . .]

(5) Après avoir réexaminé une cotisation, le ministre doit envoyer à l'opposant un avis de décision en la forme prescrite, énonçant :

a) la date de la décision;

b) lorsqu'il modifie la cotisation ou en établit une nouvelle, le montant dû ou le paiement versé en trop par l'opposant;

c) les raisons concises de sa décision;

d) la période au cours de laquelle il peut être interjeté appel de la décision en vertu des articles 81.19 ou 81.2.

81.15 (1) Any person who has been assessed, otherwise than pursuant to subsection (4) or 81.38(1), and who objects to the assessment may, within ninety days after the day on which the notice of assessment is sent to him, serve on the Minister a notice of objection in the prescribed form setting out the reasons for the objection and all relevant facts on which that person relies.

[. . .]

(5) After reconsidering an assessment, the Minister shall send to the person objecting a notice of decision in the prescribed form setting out

(a) the date of the decision;

(b) the amount owing or overpayment by the person objecting, where the Minister varies the assessment or makes a reassessment;

(c) a brief explanation of the decision; and

(d) the period within which an appeal may be made under section 81.19 or 81.2.

81.28 (1) Un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu des articles 81.2, 81.22 ou 81.24 doit être interjeté :

a) dans le cas d'un appel interjeté par une personne, autre que le ministre, de la manière énoncée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale;

[. . .]

(3) Un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de la présente partie est réputé être une action devant la Cour fédérale à laquelle la Loi sur la Cour fédérale et les règles établies conformément à cette loi s'appliquent comme pour une action ordinaire, . . .

81.28 (1) An appeal to the Federal Court - Trial Division under section 81.2, 81.22 or 81.24 shall be instituted,

(a) in the case of an appeal by a person, other than the Minister, in the manner set out in section 48 of the Federal Court Act; and

[. . .]

(3) An appeal to the Federal Court - Trial Division under this Part shall be deemed to be an action in the Federal Court to which the Federal Court Act and the rules made pursuant thereto applicable to an ordinary action apply, . . .


[2]         Dans un document intitulé [TRADUCTION] « Exposé conjoint des faits et documents connexes » , qui a été déposé dans la présente action sous la cote P-1 et auquel ont été jointes les annexes A à N, les parties se sont entendues sur les faits suivants :

[TRADUCTION]

1.              La demanderesse, Molson Brewery B.C. Ltd., est une compagnie constituée en personne morale sous le régime des lois de la Colombie-Britannique.

2.              Avant le 1er août 1989, la demanderesse exploitait une entreprise de brassage et de vente de bière en Colombie-Britannique à titre de mandataire des Compagnies Molson Limitée (Molson), une compagnie constituée en personne morale sous le régime des lois du Canada. À l'époque en cause, Molson était propriétaire de 100 pour 100 des actions de la demanderesse. Le mandat (que l'on trouve à l'onglet 7 de l'affidavit de la demanderesse) est joint aux présentes sous la cote A.

3.              La défenderesse est Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre du Revenu national (l'Agence canadienne des douanes et du revenu depuis le 1er novembre 1999) dans la présente action.


4.              En tant que mandataire de Molson, la demanderesse brassait, fabriquait et produisait de la bière en Colombie-Britannique avant le 1er août 1989. La demanderesse (en sa qualité de mandataire de Molson) vendait ensuite la bière prête au débit à la British Columbia Liquor Distribution Branch and licensees (BCLDB) à un prix de vente qui comprenait une marge bénéficiaire brute (le « prix de vente pratiqué dans le cours normal des activités de l'entreprise » ).

5.              À la suite de négociations, Molson et les Brasseries Carling O'Keefe du Canada Limitée (Carling O'Keefe) ont convenu, le 17 janvier 1989, de former une association à parts égales prenant effet le 1er août 1989 en vue de fusionner leurs brasseries respectives et d'exploiter une entreprise sur tout le territoire canadien sous la dénomination de Brasseries Molson (Brasseries Molson).

6.              Molson et Carling O'Keefe ont convenu que tous les éléments d'actif, bien et entreprises des brasseries Molson et Carling O'Keefe, y compris le stock de produits finis (le stock de bière) deviendraient ceux des Brasseries Molson à compter du 1er août 1989 conformément au contrat d'association daté du 17 janvier 1989. En conséquence, les Brasseries Molson ont été constituées aux termes d'un contrat de société daté du 1er août 1989, qui a par la suite été modifié le 18 octobre 1989. Le contrat d'association (que l'on trouve à l'onglet 10 de l'affidavit de la demanderesse) est joint aux présentes à titre d'annexe B. Le contrat modifiant le contrat d'association (que l'on trouve à l'onglet 26 de l'affidavit de la demanderesse) est joint aux présentes à titre d'annexe C. Le contrat de société (qui se trouve à l'onglet 18 de l'affidavit de la demanderesse) est joint aux présentes à titre d'annexe D.

7.              Dans le cas du stock de bière, Molson et Carling O'Keefe conviennent que son prix de vente au 1er août 1989 en est la « valeur comptable » , qui correspond à un montant équivalent au coût de production du stock de bière à l'exclusion de toute marge bénéficiaire brute. Un acte translatif de propriété général et un acte de vente (que l'on trouve aux onglets 21 et 22 de l'affidavit de la demanderesse) sont joints aux présentes à titre d'annexes E et F respectivement.

8.              Comme l'exige le paragraphe 54(1) de la Loi sur la taxe d'accise (Canada) (la Loi), les Brasseries Molson ont présenté une demande de licence de fabricant et le 27 juillet 1989, le ministre du Revenu national a octroyé aux Brasseries Molson une licence de fabricant prenant effet le 1er août 1989, en conformité avec les dispositions de la Loi et avec l'article 3 duRèglement général sur les taxes de vente et d'accise. Une copie de la licence prenant effet le 1er août 1989 (que l'on trouve à l'onglet 17 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe G. Cette licence a été modifiée le 30 août 1990. Une copie de la licence modifiée (que l'on trouve à l'onglet 40 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe H.

9.              La demanderesse (en sa qualité de mandataire de Molson) a payé à la défenderesse la taxe de vente fédérale (TVF) sur l'opération conclue le 1er août 1989 au sujet du stock de bière. La demanderesse a calculé le montant de TVF exigible en fonction de la « valeur comptable » de 100 pour 100 du stock de bière.

10.            Dans les semaines qui ont suivi le 1er août 1989, le stock de bière a été vendu à BCLDB au prix de vente pratiqué dans le cours normal des activités de l'entreprise. Ce prix comprenait une marge bénéficiaire brute et était plus élevé que la « valeur comptable » du stock de bière au 1er août 1989. Ni la demanderesse ni aucune autre entité n'a payé de TVF à la défenderesse relativement à la vente du stock de bière à BCLDB.

11.            Le 26 avril 1991, la défenderesse a délivré l'avis de cotisation PAC-5359 aux Brasseries Molson (la première cotisation). Une copie de cet avis de cotisation (que l'on trouve à l'onglet 29 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe I.

12.            Le 24 juillet 1991, les Brasseries Molson se sont opposées à la première cotisation. Une copie de l'avis d'opposition (que l'on trouve à l'onglet 29 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe J.

13.            Le 30 juillet 1993, la défenderesse a délivré l'avis de cotisation PAC-0259 à la demanderesse (la seconde cotisation). Une copie de la cotisation (que l'on trouve à l'onglet 31 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe K.

14.            Le 26 octobre 1993, la demanderesse s'est opposée à la seconde cotisation. Un avis de l'avis d'opposition (que l'on trouve à l'onglet 32 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe L.


15.            Le 17 avril 1998, la défenderesse a délivré un avis de décision aux termes duquel elle a annulé en entier la première cotisation. Une copie de l'avis de décision (que l'on trouve à l'onglet 35 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe M.

16.            Le 17 avril 1998, la défenderesse a délivré un avis de décision aux termes duquel elle a modifié la seconde cotisation. Une copie de l'avis de décision (que l'on trouve à l'onglet 34 de l'affidavit de la demanderesse) est jointe aux présentes à titre d'annexe N.

17.            Le 29 avril 1998, la demanderesse a déposé une déclaration introduisant la présente action par laquelle la demanderesse interjette appel de la seconde cotisation devant la Cour fédérale (Section de première instance).

18.            Les parties conviennent que tous les documents joints à leurs affidavits respectifs sont authentiques et qu'ils ne seront pas contestés en ce qui concerne leurs expéditeurs et leurs destinataires.

[3]         Je tiens à signaler que, dans le présent jugement, je désigne les personnes en cause selon les appellations que l'on trouve dans l'exposé conjoint des faits.

[4]         À l'époque en cause, l'année 1989, le sous-alinéa 50(1)a)(i) de la Loi imposait une taxe de vente (la TVF) sur le prix de vente de toutes les marchandises produites au Canada et prévoyait que cette taxe était payable par le producteur au moment de la livraison des marchandises à l'acheteur ou au moment de la transmission de la propriété des marchandises, selon la première de ces éventualités. Voici le libellé du sous-alinéa 50(1)a)(i) :


50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,


50. (1) There shall be imposed, levied and collected a consumption or sales tax at the rate prescribed in subsection (1.1) on the sale price or on the volume sold of all goods

(a) produced or manufactured in Canada

(i) payable, in any case other than a case mentioned in subparagraph (ii) or (iii), by the producer or manufacturer at the time when the goods are delivered to the purchaser or at the time when the property in the goods passes, whichever is the earlier,


[5]         Voici les explications qui ont été fournies au recto de l'avis de cotisation PAC-0259, qui fait l'objet du présent appel, pour justifier cette cotisation :

[TRADUCTION]


Taxe de vente fédérale exigible sur la valeur taxable de la bière qui a été transférée le 1er août 1989 et qui a par la suite été vendue à des acheteurs indépendants.

[6]         À la suite de l'opposition de la demanderesse à cet avis de cotisation, la défenderesse a délivré un avis de décision par lequel elle a modifié la cotisation. Voici un extrait de cet avis de décision :

[TRADUCTION]

Votre opposition est accueillie en partie et la cotisation est modifiée. La somme que vous devez est celle qui est précisée dans le relevé ci-joint.

Votre principal argument est que la valeur taxable qui a été retenue pour rendre compte de la vente du stock de bière à la société le 1er août 1989 était appropriée. Le transfert du stock n'est pas accepté entièrement comme une vente de marchandises et la valeur n'est pas acceptée entièrement comme une valeur taxable appropriée. La cotisation a été modifiée de manière à ce qu'une partie de la taxe exigible soit calculée en fonction du coût pour la société et à ce qu'une autre partie soit calculée en fonction de la vente sans lien de dépendance des marchandises par la société.

Il a été tenu compte dans la cotisation révisée de l'acompte que vous avez versé. Il a également été tenu compte du cautionnement fourni par la compagnie pour le calcul de la pénalité et des intérêts sur le montant de la cotisation révisée.

                                                                * * * * * * * * * *

[7]         Les moyens d'appel invoqués par la demanderesse sont clairement exposés aux paragraphes 24 et 25 de la déclaration. La demanderesse soutient que, comme elle n'a pas participé aux opérations visées par la cotisation, en l'occurrence la revente du stock par les Brasseries Molson (un contribuable autonome titulaire de licence au sens de la Loi) à ses clients après le 31 juillet 1989, elle n'avait aucune TVF à payer relativement à cette vente. La demanderesse ajoute que, comme elle a vendu le stock aux Brasseries Molson le 1er août 1989, elle devait, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi, payer une taxe sur le prix de vente à l'égard de cette vente. La demanderesse affirme qu'elle a remis la TVF sur le prix de vente du stock conformément à l'acte de vente, remplissant ainsi pleinement l'obligation qui lui était imposée aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi en ce qui concerne la vente du stock aux Brasseries Molson.


[8]         À l'appui de la cotisation en question, modifiée par l'avis de décision du 17 avril 1998, la défenderesse fait valoir que, parce qu'une société de personnes n'est pas une entité juridique distincte assimilable à une personne physique ou à une personne morale, il convient de qualifier l'opération du 1er août 1989 comme une vente de la moitié du stock de bière de la demanderesse à Carling O'Keefe. Tout en reconnaissant que les parties s'entendent pour dire (bien que pour des raisons différentes) que c'est à bon droit que la défenderesse a réclamé à la demanderesse la TVF exigible sur cette vente de la moitié du stock de bière de cette dernière à Carling O'Keefe, la défenderesse ajoute que c'est à bon droit qu'elle a également réclamé à la demanderesse [TRADUCTION] « la TVF exigible sur la moitié du stock de bière que la demanderesse détenait le 1er août 1989 qui a par la suite été vendu à BCLDB au prix de vente pratiqué dans le cours normal des activités de l'entreprise » .

                                                                * * * * * * * * * *

[9]         Il est de jurisprudence constante qu'une société de personnes n'est pas une entité juridique distincte assimilable à une personne physique ou à une personne morale en common law ou au sens de la Loi d'interprétation. Une société de personnes est simplement la relation qui existe entre des personnes ou des associés qui exploitent une entreprise en commun dans un but lucratif (voir, par exemple les décisions Sadler v. Whiteman, [1910] 1 K.B. 868, à la page 889, Thorne v. New Brunswick (Workmen's Compensation Board) (1962), 33 D.L.R. (2d) 167 (C.A.N.-B.), Cattermole Timber v. British Columbia (Minister of Forests) (1994), 92 B.C.L.R. (2d) 382, à la page 384 (C.S.), conf. à (1995), 2 B.C.L.R. (3d) 108 (C.A.) et Kucor Construction & Developments & Associates v. Canada Life Assurance Co. (1998), 41 O.R. (3d) 577 aux pages 586 à 595 (C.A.)).


[10]       En droit civil, une société semblable, qui n'est pas une personne morale, possède essentiellement le même statut juridique qu'en common law, ainsi qu'il ressort de l'arrêt suivant rendu par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Ville de Québec c. La Cie d'immeubles Allard Ltée et al., [1996] R.J.Q. 1566, à la page 1571 :

La présente instance remet en cause la question fondamentale suivante : la société civile ou commerciale, autre que la société par actions, possède-t-elle une personnalité juridique propre, distincte de celle des associés, et, dans l'affirmative, peut-elle être propriétaire, par opposition à simple possesseur, d'un patrimoine propre et distinct de celui des associés ? La question pourrait être posée autrement, à savoir si ce sont les associés, par opposition à la société, qui continuent à détenir les droits de propriété indivis dans le patrimoine attribué à la gestion, sinon même à la possession de la société.

[. . .]

Pour les raisons qui suivent, et avec égards pour l'opinion contraire, dont celle du premier juge, je suis d'avis que la société civile ne constitue pas une personne juridique distincte de ses membres, et que, même si la société peut paraître posséder certains des attributs de la personnalité juridique, elle ne jouit pas de la propriété d'un patrimoine distinct de celui de ses associés.


[11]       Je ne souscris pas à l'argument de la demanderesse suivant lequel une société constitue une personne au sens de la Loi en raison de certaines dispositions précises de la Loi, de ses règlements d'application et des usages administratifs actuels suivis par le ministre en matière d'octroi de licences à des sociétés et d'imposition de ces dernières sous le régime de la Loi. À l'appui de sa thèse, la demanderesse cite les paragraphes 2(1), 2(2.1) et 2(2.2) et l'article 54 de la Loi, le paragraphe 3(3) du Règlement général sur les taxes de vente et d'accise, C.R.C. 1978, modifié, le Mémorandum ET 203 : Prix de vente raisonnable - Questions générales, paragraphe 19 et le Mémorandum ET 313 : Demande de remboursement, paragraphe 24. Je ne vois rien dans ces dispositions qui change le principe qu'une société de personnes n'est pas une entité juridique distincte aux fins limitées du paiement de la taxe prévue par la Loi. Il est également de jurisprudence constante que le principe qu'une société de personnes ne constitue pas une entité juridique distincte n'est aucunement influencé par le fait que certaines lois semblent traiter les sociétés de personnes comme si elles possédaient certains des attributs que possèdent également les personnes physiques ou les personnes morales (voir, par exemple, les décisions Adams c. Canada, (1998), 159 D.L.R. (4th) 205, aux pages 210 et 211 (C.A.F.), Metro-Can Construction Ltd c. Canada, [1998] T.C.J. No. 888 (QL), par. 4, 6 et 7, Norco Development Ltd. c. R., [1985] 1 CTC 130, à la page 135 (C.F. 1re inst.), Seven Mile Dam Contractors v. R. in Right of British Columbia (1980), 25 B.C.L.R. 183 at 187(C.A.), conf. à (1979) 104 D.L.R. (3d) 274 (C.S.C.-B.) et Wildenburg Holdings Limited v. The Minister of Revenue (1998), 98 DTC 6462 at 6466-6467 (Cour Ont. Div. Gén.), conf. à [2000] O.J. No. 2053 (QL) (C.A.)).

[12]       J'abonde par conséquent dans le sens de la défenderesse lorsqu'elle soutient que les conséquences juridiques suivantes découlent du fait que la société de personnes n'est pas une entité juridique autonome ayant une existence distincte de celle de ses associés :

a)          Les sociétés ne peuvent contracter indépendamment de leurs associés. Lorsqu'un mandataire d'une société conclut un contrat au nom de la société, tous les associés sont tenus aux obligations qui découlent du contrat ;

b)          Les sociétés ne peuvent posséder un patrimoine distinct de celui de leurs associés. Le patrimoine de la société appartient aux associés selon une sorte de copropriété en vertu de laquelle chaque associé possède une quote-part du patrimoine en proportion de la part de la société qu'il détient ;

c)          un associé ne peut être le créancier ou le débiteur de la société.

[13]       En l'espèce, Molson et Carling O'Keefe ont conclu un contrat de société à parts égales aux termes duquel elles ont convenu d'exploiter une entreprise en commun dans un but lucratif. Bien que cette société ait un nom (Brasseries Molson), elle n'a pas de personnalité juridique.


[14]       Aux termes du contrat de société, Molson et Carling O'Keefe ont convenu de transférer leurs actifs respectifs à la société. En droit, toutefois, aucune vente n'a jamais eu lieu entre Molson et les Brasseries Molson ou entre la société constituée de Carling O'Keefe et des Brasseries Molson. Au lieu de cela, le 1er août 1989, Molson et Carling O'Keefe se sont effectivement vendu l'une l'autre la moitié de leurs éléments d'actif respectifs, tout en conservant la moitié de leurs éléments d'actif respectifs. Le résultat net est que, le 1er août 1989, chacune des parties a acquis la moitié du total des éléments d'actif collectifs de Molson et de Carling O'Keefe.

[15]       C'est sur le fondement de cette qualification juridique de l'opération du 1er août 1989 que la défenderesse soutient que [TRADUCTION] « la demanderesse (en sa qualité de mandataire de Molson) a vendu la moitié de son stock à Carling O'Keefe le 1er août 1989 à un prix équivalent à la valeur comptable (c.-à-d. au prix de revient) et l'a ensuite vendu à BCLDB dans les semaines qui ont suivi le 1er août 1989 au prix de vente plus élevé qui est pratiqué dans le cours normal des activités de l'entreprise. »

[16]       La Cour prend bonne note de l'aveu de la défenderesse, qui ressort à l'évidence de l'avis de décision qui a été délivré relativement à la cotisation en question et du résumé écrit des arguments de la défenderesse, suivant lequel la demanderesse a légitimement acquitté la TVF sur la moitié du stock de bière qui a été vendu à Carling O'Keefe le 1er août 1989. Je fais également mienne l'observation de la défenderesse suivant laquelle c'est à bon droit que la demanderesse a dû payer la TVF sur cette vente de la moitié du stock de bière à Carling O'Keefe à un prix de vente équivalent à la valeur marchande (au prix de revient) et ce, même si la vente en question n'était pas, comme l'avocat de la défenderesse l'a précisé au procès, une « vente sans lien de dépendance » .


[17]       En ce qui concerne l'autre moitié du stock de bière de la demanderesse, je ne comprends pas comment la défenderesse peut prétendre que la demanderesse l'a vendue à BCLDB dans les semaines qui ont suivi le 1er août 1989. La qualification juridique appropriée de l'opération du 1er août 1989 proposée par la défenderesse elle-même démontre plutôt que non seulement la demanderesse a vendu la moitié de son stock de bière à Carling O'Keefe à un prix de vente équivalent à sa valeur marchande, mais que la demanderesse a simultanément vendu l'autre moitié de son stock de bière à Molson (son mandant) à un prix de vente équivalent lui aussi à sa valeur marchande. À la différence des Brasseries Molson, la demanderesse n'est pas une société de personnes, mais une personne morale, qui est une entité juridique distincte, tout comme Molson et Carling O'Keefe. Ainsi, lorsque la demanderesse a vendu son stock de bière aux Brasseries Molson le 1er août 1989, elle n'a pas vendu seulement la moitié de son stock à la moitié des associés des Brasseries Molson, mais également la moitié de son stock à chacun des associés, en l'occurrence, Carling O'Keefe et Molson. Ce sont ces associés qui, au cours des semaines qui ont suivi le 1er août 1989, ont vendu à BCLDB le même stock de bière par l'intermédiaire de leur société, les Brasseries Molson. En conséquence, la demanderesse ne pouvait légitimement se voir réclamer la TVF pour toute fraction du stock de bière ainsi vendu à BCLDB. La demanderesse ne pouvait être redevable de la TVF que pour la vente de la totalité de son stock de bière qu'elle avait vendu le 1er août 1989 à Carling O'Keefe et à Molson.


[18]       Compte tenu de l'aveu susmentionné de la défenderesse suivant lequel c'est à bon droit que la demanderesse a acquitté la TVF sur la moitié du stock de bière qui a été vendu à sa valeur marchande à Carling O'Keefe le 1er août 1989 et suivant lequel c'est en conséquence à bon droit que la défenderesse a réclamé à la demanderesse la taxe exigible à ce titre, force m'est de conclure que, dans ces conditions, la défenderesse ne pouvait réclamer de la même façon à la demanderesse que la taxe de vente calculée en fonction du prix de vente sur la valeur marchande de l'autre moitié de son stock de bière vendu le 1er août 1989 à Molson, l'autre associé des Brasseries Molson. Compte tenu du fait constant suivant lequel, en ce qui concerne l'opération intervenue le 1er août 1989 au sujet du stock de bière, la demanderesse a payé à la défenderesse la TVF en fonction de la valeur marchande de la totalité de son stock de bière, l'avis de cotisation PAC-0259 de la défenderesse ne peut être maintenu.

[19]       Par ces motifs, la Cour accueille l'action de la demanderesse et annule l'avis de cotisation PAC-0259 délivré par la défenderesse le 30 juillet 1993. Les dépens sont adjugés en faveur de la demanderesse.

                                                                

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                                                                                                  Date : 20010125

                                                                                                                       No du greffe : T-920-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 JANVIER 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

E n t r e :

                                                  MOLSON BREWERY B.C. LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                                   JUGEMENT

La Cour accueille l'action de la demanderesse et annule l'avis de cotisation PAC-0259 délivré par la défenderesse le 30 juillet 1993. Les dépens sont adjugés en faveur de la demanderesse.

                                                               

       JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-920-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Molson Brewery B.C. Ltd. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le mardi 12 décembre 2000

et le mercredi 13 décembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Pinard le 25 janvier 2001

ONT COMPARU:

Me Michael Barrack

Me Thomas Akin                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Me Jan Brongers                                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Me Morris Rosenberg                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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