Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20000821

Dossier : IMM-2569-99

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 21 août 2000

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                  JIN ZU MING

demandeur

                                                                          - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

Contexte factuel

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agente des visas rendue le 20 avril 1999, par laquelle le demandeur s'est fait refuser un visa d'immigrant à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants.


[2]         Le demandeur, M. Ming, a demandé un visa d'immigrant à l'ambassade du Canada à Hong Kong en mai 1998 et a demandé d'être apprécié en fonction de la profession analyste financier et analyste en placements (CNP 1112). L'épouse et le fils du demandeur sont mentionnés à titre de personnes à charge qui l'accompagnent.

[3]         Le demandeur a par la suite été invité à se présenter à une entrevue qui a eu lieu le 20 avril 1999. Pendant l'entrevue, l'agente des visas a posé au demandeur des questions qui portaient sur ses études, sur les tâches relatives à son emploi et sur les divers documents que le demandeur a soumis avec sa demande.

[4]         Le demandeur a indiqué qu'il avait terminé un baccalauréat ainsi qu'une maîtrise en économie; qu'il avait étudié la finance internationale, la théorie monétaire, le commerce international de même que la finance, la comptabilité et les statistiques.

[5]         Les antécédents de travail du demandeur comprenaient le fait d'avoir travaillé dans une banque, où il analysait des données financières et préparait des rapports de faisabilité relatifs à des placements immobiliers. Pendant les sept dernières années, il a travaillé dans une agence de voyage d'État où il mettait sur pied des plans d'investissement et faisait des recommandations relativement à des investissements pour des projets immobiliers et à l'occasion, pour le marché boursier. La plupart du temps, les tâches confiées avaient trait à des placements immobiliers dans l'industrie du tourisme et le demandeur effectuait des recommandations quant aux investissements. Le demandeur n'avait reçu aucune formation en cours d'emploi et n'avait suivi aucun cours sur l'industrie.


[6]         L'agente des visas a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences pour être employé à titre d'analyste en placements. Elle a toutefois conclu que le demandeur était qualifié à titre de planificateur financier, elle l'a évalué en fonction de cette profession et lui a attribué le nombre maximal de points relativement à l'expérience. Mais étant donné que le demandeur n'a pas reçu suffisamment de points d'appréciation, l'agente des visas a refusé de délivrer un visa.

[7]         Les passages pertinents de la lettre de refus prévoyaient ce qui suit :

[TRADUCTION] Je vous ai évalué en fonction de la profession d'analyste financier et en placements. Cependant, étant donné que votre formation et votre expérience de travail sont limitées, j'ai décidé que vous ne vous qualifiez pas pour exercer cette profession.

Je vous ai évalué en fonction de la profession de planificateur financier, pour laquelle vous avez obtenu les points d'appréciation suivants :

   

Âge                                                                         10

Demande par profession                                      03

Études / Formation                                               07

Expérience                                                              04

Emploi réservé                                                       00

Facteur démographique                                       08

Études                                                                     16

Anglais                                                                   08

Français                                                  00

Personnalité                                                           06

TOTAL                                                   62

[8]         Le dossier ne contient pas d'appréciation du demandeur en fonction de la profession d'analyste financier et en placements, la profession qu'il envisageait d'exercer au Canada.


Question en litige

[9]         L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en statuant sur la demande du demandeur?

La thèse du demandeur

[10]       En guise de question préliminaire, le demandeur affirme que l'on ne peut pas tenir compte des notes du STIDI et des notes manuscrites étant donné qu'elles n'ont pas été soumises avec un affidavit de l'agente des visas.

[11]       Le demandeur affirme également que l'agente des visas a fait correspondre à la profession d'analyste financier des exigences qui ne se retrouvent pas de fait dans la CNP au chapitre de cette profession. Plus particulièrement, le demandeur allègue que l'agente des visas a commis une erreur de droit et a fait un mauvais usage de son pouvoir discrétionnaire en concluant que la CNP prévoit pour les analystes financiers l'exigence selon laquelle les demandes qui y ont trait doivent comporter de la formation en cours d'emploi et l'exigence selon laquelle un analyste doit conseiller des clients relativement à des portefeuilles de titres boursiers.

[12]       En dernier lieu, le demandeur allègue que l'agente des visas a manqué au devoir qui lui incombe d'agir équitablement en ne donnant pas au demandeur l'occasion de répondre aux préoccupations qu'elle avait relativement à la demande de ce dernier.


La thèse du défendeur

[13]       Le défendeur soutient que l'on peut tenir compte des notes du STIDI et qu'il n'existe aucune exigence selon laquelle le défendeur doit déposer un quelconque affidavit dans le cadre d'une demande de visa.

[14]       Le défendeur allègue que le demandeur n'était effectivement pas qualifié à titre d'analyste financier, en ce qu'il n'avait pas la formation qui était « généralement requise » et que son dossier ne contenait pas de facteurs importants qui indiquaient que l'exigence habituelle devrait être remplacée par une autre. Le défendeur affirme que les documents ne démontrent pas que l'agente des visas a tenu compte d'exigences relatives à l'emploi qui ne se trouvent pas dans la CNP.

[15]       Le défendeur croit que le demandeur a eu l'occasion de répondre aux préoccupations de l'agente des visas.

Analyse et décision


[16]       Les décisions de notre Cour prévoient qu'un agent des visas doit effectuer une appréciation eu égard à une profession envisagée, à moins que le demandeur ne satisfasse clairement pas à une des exigences. En l'espèce, l'agente des visas affirme qu'elle a apprécié le demandeur eu égard à la profession qu'il envisageait exercer, mais qu'en raison de sa formation et de son expérience limitées, il ne possédait pas les compétences requises pour ce poste. De fait, l' « appréciation » n'était pas terminée, mais elle a été écourtée lorsque l'agente des visas a pris cette décision.

[17]       L'agente des visas ne fait pas état du sommaire des points d'appréciation eu égard à la profession d'analyste financier et en placements, mais fournit seulement le sommaire pour le poste de planificateur financier.

[18]       Selon la CNP 1112, les analystes financiers et en placements remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

·                     recueillir des données financières et de placements touchant les entreprises, les actions et les obligations et autres investissements en consultant les rapports quotidiens sur les actions et les obligations, les prévisions économiques, les volumes d'échanges, les revues financières, les guides de valeurs mobilières, les états financiers d'entreprises et autres publications et rapports financiers;

·                      examiner et analyser l'information financière et de placements recueillie, y compris les profils de compagnies, les prix des actions et des obligations, les rendements et les tendances futures et autres données reliées à l'investissement;

·                      émettre des opinions et recommander des placements aux clients, aux cadres supérieurs de compagnies, aux directeurs de fonds de pension, aux agents en valeurs mobilières et aux associés;

·                      rédiger des prévisions économiques des compagnies et des industries, des rapports analytiques, des notes de synthèse et la correspondance.

Les conditions d'accès à la profession sont :

Un diplôme d'études universitaires en commerce, en administration des affaires ou en économie ET une formation en cours d'emploi ainsi que des cours et des programmes en milieu industriel sont habituellement exigés.


[19]       J'ai examiné les exigences de la CNP 1112 et j'ai conclu que les analystes financiers et analystes en placements peuvent effectuer les tâches suivantes :

[...] rassemblent et analysent l'information financière sur le marché, telle que les prévisions économiques, les volumes d'échanges, le rendement financier des compagnies, les performances historiques et les tendances des actions, obligations et autres titres de placement sur le marché afin de donner des conseils financiers et de placements aux établissements ou à leurs clients.

L'analyste financier et en placements peut également travailler pour une banque, comme le faisait le demandeur.

[20]       Le demandeur a souscrit un affidavit qui n'a pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire et aucun affidavit contradictoire n'a été déposé. Son affidavit expose qu'il a travaillé dans une banque à titre d'analyste financier et en placements. Il a également déclaré dans son affidavit que son employeur investissait dans le marché boursier chinois et qu'il le conseillait en matière de placements.

[21]       Le demandeur a également affirmé dans son affidavit que l'agente des visas lui a posé les questions suivantes :

Q.             Avez-vous des clients qui investissent à la bourse ?

R.             Notre compagnie est l'investisseur dans le marché boursier chinois.

Q.             Donnez-vous des conseils à d'autres clients sur le       marché boursier ?

R.             Non. J'ai donné des conseils en placements uniquement            à mon employeur.

Q.             À ma femme. Êtes-vous un analyste financier et en       placements ?


R.             Oui.

Q.             Parlez-vous anglais ?

R.             Oui.

Q.             Vous n'aviez pas de clients dans le marché boursier et                vous n'avez pas de clients à qui donner vos conseils en                 matière d'investissements. Vous êtes seulement un     planificateur financier et non pas un analyste en           placements. Vous parlez bien anglais. J'ose croire que                 vous lisez et écrivez aisément. Il n'est pas nécessaire que je prenne de votre temps pour vérifier votre capacité          à lire et à écrire, parce que même si vous lisez et écrivez               aisément, vous ne pouvez pas satisfaire aux exigences               pour immigrer au Canada. L'entrevue est terminée.

[22]       Je suis d'avis que l'agente des visas a commis une erreur de droit susceptible de contrôle en :

1.          Décidant que le demandeur ne possédait pas les compétences requises pour la profession d'analyste financier et en placements. Il ne s'agit pas d'une affaire où l'agente des visas a conclu que le demandeur n'avait pas du tout de formation et d'expérience, elle a plutôt conclu qu'il avait « une formation et une expérience limitées » . Je crois que le demandeur avait le droit d'être apprécié eu égard à cette profession.

2.          Ayant cru que le demandeur devait conseiller des clients sur le marché boursier. Il ne s'agit pas d'une exigence professionnelle prévue dans la CNP.

[23]       Par conséquent, j'accueille la demande de contrôle judiciaire du demandeur et j'ordonne que l'affaire soit renvoyée à un nouvel agent des visas afin d'être examinée.


[24]       Étant donné la présente décision, il n'est pas nécessaire que je statue sur l'autre question qui a été soulevée par le demandeur.

[25]       Aucune des parties ne souhaitait certifier une question conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

                                                                ORDONNANCE

[26]       LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un nouvel agent des visas pour examen.

                     « John A. O'Keefe »              

    J.C.F.C.

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 21 août 2000.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20000821

Dossier : IMM-2569-99

ENTRE :

                                                                                                    JIN ZU MING

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                        

      MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     ET ORDONNANCE

                                                                       


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2569-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             JIN ZU MING

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE JEUDI 10 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR : LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                                   LUNDI 21 AOÛT 2000

ONT COMPARU :

Cecil L. Rotenberg, c.r.

POUR LE DEMANDEUR

Ian Hicks

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg, c.r.

255, Duncan Mill Road

Bureau 808

Don Mills (Ontario)

M3B 3H9

POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de l'Ontario

130, King Street West

Bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                                                                                                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.