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Date : 20050818

Dossier : IMM-6790-04

Référence : 2005 CF 1111

Ottawa (Ontario), le 18 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

RASHA MAHAMED MOHAMED AHMED

RAYAN HUSSIEN

demanderesses

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]    Madame Rasha Mahamed Mohamed Ahmed a demandé un examen des risques auxquels elle serait exposée advenant son renvoi dans son pays d'origine, le Soudan. Pendant son séjour au Canada, Mme Ahmed a donné naissance à un enfant hors mariage. Elle craint que si elle retourne au Soudan, elle sera très sévèrement punie en vertu de la charia.



[2]    L'agente qui a procédé à l'examen des risques avant renvoi a jugé qu'il était peu probable que Mme Ahmed soit punie. Elle a fait remarquer que, selon les certificats de naissance fournis par Mme Ahmed à l'appui de sa demande, cette dernière a désigné son second époux comme le père de ses trois autres enfants, nés au Soudan. Cependant, au moment de leur naissance, elle était toujours mariée à son premier époux. L'agente a conclu que si Mme Ahmed n'avait pas été punie pour les adultères commis dans le passé, il était peu probable qu'elle soit punie aujourd'hui.

[3]    Mme Ahmed prétend qu'elle a été traitée injustement parce que l'agente a effectivement remis en cause sa crédibilité sans lui accorder le bénéfice d'une audience. Mme Ahmed souhaite que sa demande soit examinée par un autre agent.

[4]    Je reconnais que Mme Ahmed a été traitée injustement, même si je ne suis pas convaincu de la nécessité d'une audience en l'espèce. J'accueillerai donc la demande de contrôle judiciaire.

I.           Question en litige

[5]    L'agente a-t-elle traité Mme Ahmed injustement?

II.          Analyse


[6]    Mme Ahmed soutient que l'agente était tenue de lui accorder une audience conformément à l'alinéa 113b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et à l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (voir l'annexe). Ces dispositions autorisent la tenue d'une audience pour l'examen des risques, lorsque la preuve soulève une question importante en ce qui concerne la crédibilité du témoin, et que cette question est essentielle pour la décision de l'agent.

[7]    Mme Ahmed a déjà déclaré (lorsque sa revendication du statut de réfugié a été instruite, avant d'être rejetée), que ses trois fils, Ahmed, Hasan et Hussein, étaient nés de son premier mariage. Ils sont nés en 1985 et en 1989 (Hasan et Hussein sont jumeaux). Sur les certificats de naissance qu'elle a déposés au soutien de sa demande d'évaluation des risques, c'est son deuxième mari, qu'elle a épousé en 1993, qui est désigné comme le père de ces trois garçons. En se fondant sur cette contradiction, l'agente a conclu que Mme Ahmed avait déjà commis l'adultère au Soudan en toute impunité.


[8]    Je ne partage pas le point de vue de Mme Ahmed lorsqu'elle prétend que l'agente aurait tiré une conclusion négative concernant sa crédibilité, élément essentiel à sa demande. Selon moi, l'agente a simplement tiré une inférence de la preuve au dossier, quant aux dates de naissance des garçons et du mariage de Mme Ahmed avec son deuxième époux. L'agente a commis une erreur en omettant de donner à Mme Ahmed l'occasion de fournir une réponse aux doutes qu'elle entretenait sur la preuve. Mme Ahmed ne pouvait raisonnablement prévoir que l'agente allait conclure, en se fondant sur la preuve, qu'elle commettait des adultères en série. Il existe peut-être une explication simple pour justifier cette contradiction. Les certificats de naissance ont été délivrés en 2003, dix ans après que Mme Ahmed eut épousé son second mari. Peut-être que Mme Ahmed a désigné son deuxième mari comme père de ses garçons, à l'époque, même s'il n'était pas leur père biologique. Dans les circonstances, l'agente était tenue de donner à Mme Ahmed l'occasion de fournir une explication, avant de rendre une décision totalement dérogatoire et défavorable à sa demande de protection : Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 972, [2003] A.C.F. n ° 1225 (C.F.) (QL); John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 257, [2003] A.C.F. n ° 350 (1re inst.) (QL).

[9]    En conséquence, j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire. Les parties n'ont proposé aucune question de portée générale aux fins de la certification; en conséquence, aucune question n'est certifiée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Annexe

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Examen de la demande

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

[...]

b) une audience peut être tenue si le ministre l'estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

Règlements sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Facteurs pour la tenue d'une audience

167. Pour l'application de l'alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d'une audience est requise :

a) l'existence d'éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l'importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu'ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Consideration of application

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

[...]

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Hearing C prescribed factors

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6790-04

INTITULÉ :                                        RASHA MAHAMED MOHAMED AHMED ET AL.

                                                            c.

                                                            LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 10 AOÛT 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       LE 18 AOÛT 2005                  

COMPARUTIONS :

Jack C. Martin                                      POUR LES DEMANDERESSES

Vanita Goela                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack C. Martin                                    POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)                                

John H. Sims, c.r.                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada       

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