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Date : 20041020

Dossier : IMM-2670-04

Référence : 2004 CF 1449

Ottawa (Ontario), le mercredi 20 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                                             

SAJID ALI

NAZIMA JABEEN

TOOBA ALI (alias TOOBA SAJID ALI)

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON


[1]                Sajid Ali est un citoyen du Pakistan et un musulman chiite âgé de 37 ans. Nazima Jabeen est son épouse et Tooba Ali est leur fille mineure. Ils demandent l'asile en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Ils soumettent la présente demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), dans laquelle la Commission a décidé qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]                M. Ali prétend qu'il a été victime de persécution aux mains du Sipah-e-Sahaba Pakistan (le SSP) et que son épouse, qui enseignait la foi chiite aux enfants, a également fait l'objet de menaces.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[3]                Aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire, les principales conclusions de la Commission étaient que ni M. Ali ni son épouse n'ont le profil d'une personne en danger par rapport au SSP ou à d'autres extrémistes sectaires et qu'il existe pour eux une protection adéquate de l'État au Pakistan.


[4]                En ce qui concerne la première conclusion, la Commission s'est fondée sur un profil fait par Amnistie Internationale de chiites visés par des extrémistes et elle a fait remarquer que [traduction] l' « élite instruite » (à savoir les docteurs et professionnels chiites) constituait le plus important groupe visé. M. Ali a affirmé qu'il avait travaillé comme vendeur jusqu'à son départ du Pakistan. Par conséquent, la Commission a déterminé que, en se basant sur le profil bas de M. Ali dans sa communauté chiite et comme vendeur, il ne serait pas visé par les extrémistes s'il retournait au Pakistan. La Commission a ajouté qu'il y avait absence d'incidents consignés relatifs aux agressions ou au harcèlement dirigés contre les femmes chiites, y compris les enseignantes, et que, par conséquent, elle ne donnait que peu de poids à l'allégation de M. Ali selon laquelle son épouse a fait l'objet de menaces parce qu'elle enseignait la foi chiite aux enfants. La Commission a conclu que Mme Jabeen ne serait pas visée par des extrémistes si elle retournait au Pakistan.

[5]                Quant à la protection de l'État, la Commission a conclu que M. Ali et sa famille disposaient d'une protection adéquate de l'État au Pakistan. La Commission a adopté le raisonnement et les conclusions qui se trouvent dans la décision M.Q.T. (Re), [2003] D.S.P.R. no 75, concernant la disponibilité d'une protection adéquate de l'État pour les personnes qui sont dans la même situation au Pakistan. La Commission était convaincue que les faits et la preuve dans cette affaire concernant la situation dans le pays étaient suffisamment semblables à ceux dont elle disposait en l'espèce. La Commission a également fait remarquer que le gouvernement pakistanais avait pris des mesures depuis le départ de M. Ali et de sa famille du Pakistan, dont notamment l'interdiction des groupes extrémistes. La Commission a fait référence à de nouveaux rapports qui mentionnaient que le gouvernement actuel du Pakistan continuait de faire de sérieux efforts pour réprimer la violence sectaire. Bien que la Commission ait reconnu que les résultats obtenus par suite des récents efforts du gouvernement étaient discutables, elle a conclu que M. Ali et sa famille disposeraient d'une protection adéquate de l'État s'ils devaient retourner au Pakistan.


LES ERREURS ALLÉGUÉES

[6]                M. Ali soutient que la Commission a commis une erreur de droit en décidant qu'il n'avait pas le profil d'une personne en danger par rapport au SSP ou à d'autres extrémistes sectaires et qu'elle a commis une erreur en concluant que lui et sa famille bénéficieraient d'une protection adéquate de l'État s'ils retournaient au Pakistan. M. Ali soutient que la Commission n'a pas tenu compte de son témoignage ni de la preuve documentaire.

LA NORME DE CONTRÔLE

[7]                Dans la décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 280, la juge Tremblay-Lamer a appliqué l'approche pragmatique et fonctionnelle pour conclure que la norme de contrôle appropriée des décisions de la Section du statut de réfugié quant à l'élément objectif de la définition de réfugié au sens de la Convention est celle de la décision manifestement déraisonnable. Pour les motifs donnés par la juge Tremblay-Lamer, je conviens qu'il s'agit de la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission concernant l'élément objectif.


[8]                L'analyse de la juge Tremblay-Lamer peut également être appliquée aux décisions de la Commission quant au caractère adéquat de la protection de l'État et, suivant la jurisprudence de la Cour, de telles décisions sont aussi assujetties à la norme de la décision manifestement déraisonnable. Voir, par exemple, la décision de la juge Heneghan dans l'affaire Nawaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1255, et celle du juge Blanchard dans l'affaire Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1059. Par conséquent, la conclusion de la Commission quant à la protection de l'État sera examinée en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable.

ANALYSE

(i) Le risque de préjudice

[9]                Malgré l'argumentation approfondie de l'avocat des demandeurs, je conclus qu'il n'était pas manifestement déraisonnable de la part de la Commission de conclure que ni M. Ali ni son épouse ne seraient visés par des extrémistes ou personnellement exposés soit au risque d'être soumis à la torture, soit à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, s'ils devaient retourner au Pakistan. Ces conclusions de la Commission étaient étayées par la preuve et n'étaient pas tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Dans les cas de preuves contradictoires, le poids à accorder aux éléments de preuve constitue, en général, une question à trancher par la Commission dans l'exercice de son expertise. Il ne s'agissait pas d'une affaire où la décision de la Commission était contraire à la prépondérance de la preuve.


(ii) L'existence de la protection de l'État

[10]            Je suis également convaincue que la Commission n'a pas omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents et que, selon les éléments de preuve dont elle disposait, la Commission pouvait, dans l'exercice légitime de son pouvoir discrétionnaire, tirer la conclusion selon laquelle une protection adéquate de l'État était disponible au Pakistan. Comme je l'ai déjà mentionné, la Commission possède l'expertise pour soupeser les preuves contradictoires.

[11]            Plus particulièrement, il y avait des éléments de preuve au vu desquels la Commission pouvait conclure que le gouvernement du Pakistan contrôlait efficacement son territoire, qu'il avait les autorités militaires et civiles en place, prêtes à agir afin de protéger les citoyens chiites, que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que la police soit plus efficace, que l'État du Pakistan possède les structures pour offrir aux citoyens une protection en vertu de la primauté du droit et que le gouvernement actuel continuait de faire de sérieux efforts pour réprimer la violence sectaire. Bien qu'elle ait noté que les résultats obtenus par le gouvernement étaient discutables, la Commission avait le droit de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ali et sa famille disposeraient d'une protection adéquate de l'État s'ils retournaient au Pakistan.

[12]            Il s'ensuit que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[13]            Aucune question n'a été proposée par les parties pour la certification et je suis convaincue que le présent dossier n'en soulève aucune.

                                                                ORDONNANCE

[14]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-2670-04

INTITULÉ :                                                                   SAJID ALI ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 29 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 20 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mak Sultan                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Marina Stefanovic                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mak Sultan                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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