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Date : 20191218


Dossier : T-602-19

Référence : 2019 CF 1639

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

JAMES THOMAS EAKIN

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. James Eakin sollicite le contrôle judiciaire d’une décision (la décision) du président indépendant par intérim (le président) du Tribunal disciplinaire de l’Établissement de Beaver Creek. Le président a déclaré M. Eakin coupable d’une infraction disciplinaire en contravention de l’alinéa 40k) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (la LSCMLC), en se fondant sur un échantillon d’urine positif (THC) prélevé le 19 septembre 2018.

[2]  Dans ses observations au président, M. Eakin a contesté un certain nombre des mesures procédurales prises par les responsables de l’Établissement de Beaver Creek (l’Établissement) pour porter les accusations contre lui. Le président a reconnu que la procédure de l’Établissement n’était pas conforme aux exigences de notification de la Directive du commissaire no 580 (la DC 580), mais il a conclu que la non-conformité avait été corrigée au cours de l’instance, pour laquelle il y a eu cinq dates d’audience. Le président a également examiné et rejeté le reste des arguments procéduraux de M. Eakin et a conclu que la commission de l’infraction avait été établie.

[3]  Pour les motifs qui suivent, j’ai jugé que certaines des conclusions déterminantes du président n’étaient pas raisonnables et j’accueillerai la demande de M. Eakin. Les manquements successifs de l’Établissement aux exigences de la LSCMLC, du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement), et de la DC 580 ont donné lieu à un processus disciplinaire vicié qui a considérablement porté atteinte au droit de M. Eakin de contester l’accusation en temps opportun. De plus, les retards du président dans la tenue de l’audience de M. Eakin ont exacerbé un processus inutilement prolongé et inéquitable.

I.  Le contexte

[4]  Le 19 septembre 2018, M. Eakin a été choisi au hasard et a dû fournir un échantillon d’urine dans le cadre de la procédure de dépistage de drogues de l’Établissement. Le prélèvement de l’échantillon a été autorisé par l’agent Gleadhill, un agent correctionnel de l’Établissement. L’échantillon a été prélevé par un autre agent correctionnel, l’agent Quesnelle.

[5]  Les résultats positifs (le rapport de toxicologie) ont été télécopiés à l’Établissement par le laboratoire d’essais le 24 septembre 2018.

[6]  Le 2 octobre 2018, M. Eakin a été suspendu de son emploi à titre de travailleur d’épicerie à l’Établissement, parce que son échantillon avait révélé la présence de THC. Le formulaire « Suspension d’un délinquant d’une affectation à un programme » (le formulaire de suspension du programme) a donné le motif suivant pour la suspension :

[traduction]

Analyse d’urine positive pour le THC recueillie le 2018-09-21 et inculpation subséquente en contravention de la stratégie d’intervention antidrogue et des critères applicables aux postes de confiance.

[7]  Le 16 octobre 2018, M. Eakin a reçu un Rapport de l’infraction d’un détenu et avis de l’accusation (le rapport d’infraction). M. Eakin a été accusé au titre de l’alinéa 40k) de la LSCMLC, aux termes duquel un détenu commet une infraction s’il prend une substance intoxicante (l’accusation). Selon le rapport d’infraction : (1) le règlement informel de l’accusation a été envisagé et considéré comme interdit le 2 octobre 2018; (2) la décision d’inculper M. Eakin a été prise par l’agent Gleadhill et l’accusation a été portée le 16 octobre 2018. Le rapport d’infraction ne précisait pas la date et l’heure de l’audience proposée, ni le lieu de l’audience.

[8]  L’audience devant le président a débuté le 26 octobre 2018. M. Eakin a présenté des observations orales au sujet d’une série d’objections au processus suivi par l’Établissement pour déposer l’accusation, y compris le fait qu’il n’avait pas reçu les résultats de l’analyse d’urine, contrairement au paragraphe 17 de la DC 580. Le président n’avait pas les documents législatifs et réglementaires pertinents avec lui et a demandé à M. Eakin de fournir des observations écrites par l’entremise de l’agent Gleadhill. Le président a déclaré qu’il ne pouvait pas traiter l’affaire ce jour-là et a ajourné l’audience au 19 novembre 2018. M. Eakin s’est opposé à l’ajournement, parce qu’une audience de libération conditionnelle était prévue pour le 8 novembre 2018, et il a fait valoir que l’accusation aurait une incidence importante sur l’issue de cette audience. La transcription de l’audience du 26 octobre établit que M. Eakin a présenté ses observations écrites à l’agent Gleadhill à la fin de l’audience.

[9]  M. Eakin a reçu une copie du rapport de toxicologie le 30 octobre 2018.

[10]  Le président a repris l’audience le 19 novembre 2018. Il a déclaré qu’il n’avait pas eu l’occasion d’examiner les observations écrites de M. Eakin, qu’il a reconnu avoir reçues rapidement de l’agent Gleadhill. Le président a ajourné l’affaire jusqu’au 26 novembre 2018. L’agent Quesnelle n’a pas pu assister à l’audience du 26 novembre, ce qui a entraîné un autre ajournement jusqu’au 10 décembre 2018. Ce jour-là, un quatrième ajournement jusqu’au 17 décembre 2018 a été ordonné en raison de l’absence prolongée de l’agent Quesnelle. Lors de la brève audience du 10 décembre, M. Eakin a indiqué qu’il soulèverait la question du retard comme objection supplémentaire en matière de procédure. En réponse, le président a déclaré qu’il allait rejeter l’accusation si l’agent Quesnelle n’était pas présent le 17 décembre.

[11]  Le président a repris l’audience le 17 décembre 2018. L’agent Quesnelle était présent et M. Eakin a répété ses arguments de procédure. Il y a eu une longue discussion au sujet de l’allégation de M. Eakin concernant la mauvaise gestion du formulaire de chaîne de possession pour les analyses d’urine utilisé le 19 septembre 2018 (le formulaire de chaîne de possession), et l’agent Quesnelle a fourni des éléments de preuve concernant la procédure qu’il avait suivie pour remplir le formulaire et sceller la bouteille d’échantillon. Le président a ensuite confirmé auprès de l’agent Quesnelle que l’échantillon de M. Eakin avait donné un résultat positif pour le THC et il a demandé à M. Eakin s’il avait des questions à poser à l’agent Quesnelle. M. Eakin a répondu par la négative. L’agent Quesnelle et M. Eakin ont présenté des observations concernant la détermination de la peine et, à la fin de l’audience, le président a mis l’affaire en délibéré.

[12]  Le président a rendu sa décision le 7 janvier 2019, et M. Eakin a déposé son avis de demande auprès de la Cour le 9 avril 2019.

[13]  L’audition de la présente demande était prévue pour la première fois le 13 novembre 2019. L’ordonnance fixant la date de l’audience a été reçue par les fonctionnaires de l’Établissement le 17 septembre 2019, mais M. Eakin n’a pas été informé de la date de l’audience. Il a été mis au courant de l’audience le matin du 13 novembre. M. Eakin n’a pas eu l’occasion d’imprimer et d’organiser sa preuve documentaire ni d’envisager ses observations orales.

[14]  Par conséquent, avec le consentement du défendeur, j’ai ajourné l’audience. L’audience a ensuite eu lieu devant moi, par vidéoconférence, le 9 décembre 2019.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[15]  La décision porte principalement sur les questions de procédure soulevées par M. Eakin. Le président a examiné et rejeté chacun des arguments de M. Eakin avant de conclure, très brièvement, que la commission de l’infraction dont M. Eakin était accusé au titre de l’alinéa 40k) de la LSCMLC avait été établie. Le président a imposé une amende de 20 $ comme sanction pour l’infraction, dont 5 $ ont été suspendus pour une période de 60 jours. Si, au cours de cette période de 60 jours, M. Eakin n’était pas déclaré coupable d’une autre infraction, il ne serait tenu de payer que 15 $ de l’amende.

[16]  Le président a analysé les quatre objections d’ordre procédural avancées par M. Eakin, de la manière qui suit.

[17]  Premièrement, le président a accepté l’argument de M. Eakin selon lequel la procédure suivie par l’Établissement au cours des étapes préliminaires du dépôt de l’accusation contrevenait aux exigences du paragraphe 25(1) du Règlement et de la DC 580 à trois égards :

  • Le rapport d’infraction ne précisait pas l’heure et la date de l’audience de M. Eakin. Il indiquait plutôt que l’audience n’aurait pas lieu avant 13 h, le 19 octobre 2018;

  • Le rapport d’infraction ne précisait pas le lieu de l’audience. L’espace réservé à cette information a été laissé vide;

  • M. Eakin n’a pas reçu la documentation fournie au président dans les deux jours suivant le dépôt de l’accusation. Le rapport de toxicologie a été remis à M. Eakin plus tard durant le processus.

[18]  Le président a examiné la question de savoir si la non-conformité de l’Établissement au Règlement et à la DC 580 pouvait être corrigée. Il a déclaré que les dispositions sur les délais et la preuve contenues dans le cadre réglementaire avaient pour objectif d’assurer un processus équitable. Bien que M. Eakin n’ait pas été initialement au courant du lieu, de la date et de l’heure de son audience, ni des éléments de preuve qui seraient rassemblés contre lui, le président a conclu que M. Eakin avait reçu tous les renseignements requis bien avant que l’audience ait réellement été tenue et avait eu amplement le temps de répondre à la preuve. Il a conclu que les exigences du Règlement et de la DC 580 étaient obligatoires et non directives, et que le défaut de l’Établissement de se conformer pouvait et avait été corrigé.

[19]  Deuxièmement, le président a abordé l’allégation de M. Eakin selon laquelle le rapport d’infraction ne lui avait pas été dûment signifié dans les deux jours ouvrables suivant le 2 octobre 2018, comme l’exige le paragraphe 17 de la DC 580. Le président n’y a pas souscrit, et il a déclaré que l’accusation n’avait pas été portée le 2 octobre. Il a conclu qu’elle avait été déposée le 16 octobre 2018, comme l’indique la deuxième section du rapport d’infraction. Le rapport d’infraction avait été signifié à M. Eakin le même jour et, par conséquent, l’Établissement s’était conformé au paragraphe 17.

[20]  Troisièmement, M. Eakin a allégué que l’agent Gleadhill, qui avait porté l’accusation, était impliqué dans l’incident qui avait mené à l’accusation, contrairement au paragraphe 10 de la DC 580. Encore une fois, le président n’a pas souscrit à l’analyse de M. Eakin, et il a conclu que l’agent Quesnelle, et non l’agent Gleadhill, avait rempli la première partie du rapport d’infraction qui décrit l’incident ayant entraîné le rapport.

[21]  Quatrièmement, le président a tenu compte de l’affirmation de M. Eakin selon laquelle le code à barres requis et le numéro qui identifie l’échantillon d’urine prélevé n’étaient pas apposés sur sa copie du formulaire de chaîne de possession. M. Eakin a fait valoir que l’omission contrevenait au sous‑alinéa 66(1)f)(ii) du Règlement. Toutefois, le sous-alinéa exigeait seulement que l’agent qui recueille l’échantillon appose une étiquette identifiant l’échantillon de manière à ce que l’identité du donneur ne soit pas divulguée au laboratoire. Le président n’a conclu à aucune violation de la disposition en l’espèce.

[22]  Le président a conclu ce qui suit :

[traduction]

18.  Par conséquent, je conclus qu’aucune des objections préliminaires de M. Eakin à l’accusation n’est fondée. Comme le témoignage de M. Quesnelle à l’audience même n’a pas été contesté, je conclus que la commission de l’infraction a été établie.

III.  Les questions préliminaires

1.  L’intitulé de la cause

[23]  Avec le consentement des parties, l’intitulé de la cause est modifié en vue d’en retirer à titre de défendeurs le Service correctionnel du Canada et l’Établissement de Beaver Creek pour ne laisser comme seul défendeur que le procureur général du Canada.

2.  Le dossier certifié du tribunal

[24]  Le dossier certifié du tribunal (le DCT) déposé auprès de la Cour est incomplet. Il ne contient pas les observations écrites que M. Eakin a présentées à l’audience (les observations présentées à l’audience) et qui ont été fournies au président par l’entremise de l’agent Gleadhill le 26 octobre 2018. Le 19 novembre 2018, le président a accusé réception des observations présentées à l’audience par M. Eakin et y a fait mention dans la décision. M. Eakin a également déposé les observations présentées à l’audience dans le dossier qu’il a remis à la Cour.

[25]  L’omission des observations présentées à l’audience dans le DCT n’exige pas l’intervention de la Cour, puisque le dossier établit qu’elles ont été prises en compte par le président au moment de rendre la décision. J’ai demandé que l’avocat du défendeur rappelle à son client l’importance de s’assurer que le DCT est complet dans les affaires futures.

3.  L’admissibilité de l’affidavit de M. Eakin

[26]  M. Eakin a déposé un affidavit daté du 17 février 2019 à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que l’affidavit devrait être radié ou écarté, dans la mesure où il offre de nouveaux éléments de preuve dont ne disposait pas le président (Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 [Bernard]; Connolly c Canada (Procureur général), 2014 CAF 294 [Connolly]). Le défendeur fait valoir que l’affidavit de M. Eakin contient de nouveaux éléments de preuve, sous le couvert de son récit de l’historique procédural de l’accusation, et que M. Eakin aurait dû présenter ces renseignements au président.

[27]  En règle générale, le dossier de la preuve dans une demande de contrôle judiciaire se limite à celui dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au par. 19 [Access Copyright]). La règle reflète les différents rôles que le Parlement a conférés au décideur et à la Cour. Le décideur décide du bien-fondé de l’affaire en fonction de la preuve dont il dispose. La cour de révision examine la légalité générale de la décision à la lumière de cette preuve et ne procède pas à un procès de novo des questions soumises au décideur (Access Copyright, aux par. 17 à 19; Bernard, aux par. 17 et 18).

[28]  Il y a trois exceptions reconnues à la règle générale (Access Copyright, au par. 20; Connolly, au par. 7) : (1) de nouveaux éléments de preuve qui fournissent des renseignements généraux qui peuvent aider à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais qui ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve se rapportant au fond de l’affaire; (2) de nouveaux éléments de preuve qui sont nécessaires pour porter à l’attention de la cour de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de preuve du décideur; (3) de nouveaux éléments de preuve qui font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée.

[29]  Je conclus que l’affidavit de M. Eakin contient des renseignements généraux qui sont très utiles pour comprendre les étapes procédurales suivies par l’Établissement dans le cadre du processus d’inculpation, et par le président au cours des diverses dates d’audience. Ces renseignements sont admissibles. L’affidavit contient également de nouveaux éléments de preuve et des arguments concernant le fond de l’affaire. Ces nouveaux éléments de preuve présentés par M. Eakin dans l’affidavit ne sont pas admissibles. J’ai fait abstraction des paragraphes de l’affidavit de M. Eakin qui décrivent deux analyses d’urine subséquentes qu’il a subies à l’Établissement et de la documentation relative à ces analyses figurant à la pièce 7 de son affidavit. En outre, j’ai limité mon examen du fond de la cause de M. Eakin aux éléments de preuve au dossier dont le président disposait, aux transcriptions des cinq dates d’audience, à la décision et aux observations écrites et orales présentées par M. Eakin (autres que celles qui concernaient les analyses subséquentes) et le défendeur. Dans la mesure où l’affidavit contient des éléments de preuve concernant les points de vue et les intentions de M. Eakin au cours des audiences devant le président, j’ai fait abstraction de ces éléments de preuve.

[30]  Je tiens à souligner un dernier point concernant l’affidavit et la référence aux « vices de procédure » dans la deuxième exception à la règle limitant l’introduction de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Les questions soulevées par M. Eakin dans la présente demande remettent en question à la fois l’analyse et les conclusions du président dans la décision même ainsi que l’équité du processus d’audience. Les allégations de M. Eakin au sujet d’irrégularités procédurales dans le dépôt de l’accusation contre lui ont été examinées par le président et ont été tranchées dans la décision. De nouveaux éléments de preuve concernant ces allégations ne sont pas admissibles, bien qu’ils soient de nature procédurale.

[31]  M. Eakin allègue également une iniquité procédurale dans le processus d’audience du président, faisant valoir que des retards indus dans le processus lui ont causé un préjudice important. C’est ici que la deuxième exception entre en jeu et permettrait de présenter une nouvelle preuve relative à l’iniquité procédurale ou aux vices dans le processus du président. M. Eakin ne fournit pas d’éléments de preuve à l’appui de son allégation de retard dans son affidavit, si ce n’est pour présenter le calendrier des diverses dates d’audience et les motifs sous‑tendant les quatre ajournements. Le calendrier et les motifs que M. Eakin décrit sont conformes aux transcriptions des audiences, et j’ai tenu compte de ces renseignements dans mon analyse de la question du retard.

IV.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[32]  J’ai organisé mon analyse des questions soulevées par M. Eakin dans la présente demande de la manière suivante :

  1. Le président a-t-il commis une erreur en concluant dans la décision que les processus suivis par l’Établissement, pour déposer et poursuivre l’accusation et recueillir l’échantillon d’urine, étaient équitables envers M. Eakin?

  2. Les retards dans le processus d’audience et/ou l’omission de demander un plaidoyer officiel ont-ils contrevenu à l’obligation d’équité procédurale du président envers M. Eakin?

[33]  La norme de contrôle s’appliquant aux conclusions du président dans la décision est celle du caractère raisonnable, bien qu’elle soit appliquée avec une certaine rigueur et une certaine intensité (Sharif c Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, aux par. 8 et 12 [Sharif]; Amos c Canada (Procureur général), 2018 CF 1242, aux par. 44 et 71 [Amos]). La décision repose sur l’application par le président des dispositions de la LSCMLC, du Règlement et de la DC 580, dispositions qui sont étroitement liées à ses fonctions et qui relèvent de son expertise particulière, aux faits du dossier de M. Eakin. Dans l’arrêt Sharif, le juge Stratas a examiné la signification du caractère raisonnable dans le contexte d’une décision rendue par le président indépendant d’un tribunal disciplinaire d’un établissement pénal, dans un cas où les conséquences possibles pour un détenu comme M. Eakin sont importantes. Ces conséquences peuvent comprendre une amende qui prive le détenu de la majeure partie de son revenu, l’imposition de tâches supplémentaires en milieu carcéral, l’isolement et des effets néfastes sur les perspectives de libération conditionnelle du détenu (Sharif, au par. 9). Soulignant les déclarations répétées de la Cour suprême du Canada selon lesquelles le caractère raisonnable « s’adapte au contexte », le juge Stratas a déclaré ce qui suit (Sharif, au par. 11) :

[11] À la lumière de certains de ces arrêts de la Cour suprême, notre Cour fait observer que, dans les situations où une décision administrative est importante pour l’intéressé, porte atteinte à sa liberté, détermine la responsabilité selon des normes juridiques plutôt qu’une politique administrative ou est circonscrite par un libellé restrictif, la Cour est habilitée à réduire la marge d’appréciation accordée au décideur administratif. Autrement dit, le contrôle peut être davantage serré (Walchuk c. Canada (Justice), 2015 CAF 85, par. 33; Canada (Procureur général) c. Boogaard, 2015 CAF 150, par. 49; Canada (Transports, Infrastructure et Collectivités) c. Farwaha, 2014 CAF 56, [2015] 2 R.C.F. 1006, par. 90 à 92).

[34]  La deuxième question soulevée dans la présente demande, soit l’équité procédurale de la conduite de l’audience par le président, ne dépend pas de la substance de la décision et peut faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 43). La Cour est tenue d’apprécier si le processus était équitable et juste, compte tenu de toutes les circonstances, y compris la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne (Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54).

V.  Analyse

1.  Le président a-t-il commis une erreur en concluant dans la décision que les processus suivis par l’Établissement, pour déposer et poursuivre l’accusation et recueillir l’échantillon d’urine, étaient équitables envers M. Eakin?

Le contexte législatif et réglementaire

[35]  Je vais d’abord décrire le cadre législatif et réglementaire dans lequel l’accusation contre M. Eakin a été portée, en me reportant aux dispositions de la LSCMLC et du Règlement qui étaient en vigueur en octobre 2018. Le point de départ est l’article 40 de la LSCMLC (Infractions disciplinaires). L’accusation contre M. Eakin a été portée au titre de l’alinéa 40k) de la LSCMLC, qui prévoit qu’un détenu commet une infraction disciplinaire s’il introduit dans son corps une substance intoxicante. Le paragraphe 44(1) énonce les sanctions possibles si un détenu est déclaré coupable d’une infraction disciplinaire, soit un avertissement ou une réprimande, la perte de privilèges, un ordre de restitution ou une amende, l’exécution de travaux supplémentaires et, dans le cas d’infractions disciplinaires graves, l’isolement (cette dernière sanction a maintenant été supprimée).

[36]  L’article 42 de la LSCMLC dispose qu’un détenu accusé d’une infraction disciplinaire « se voit remettre » un avis d’accusation, conformément au Règlement.

[37]  L’article 25 du Règlement énonce ensuite les exigences suivantes en matière d’avis :

Avis d’accusation d’infraction disciplinaire

Notice of Disciplinary Charges

25 (1) L’avis d’accusation d’infraction disciplinaire doit contenir les renseignements suivants :

25 (1) Notice of a charge of a disciplinary offence shall

a) un énoncé de la conduite qui fait l’objet de l’accusation, y compris la date, l’heure et le lieu de l’infraction disciplinaire reprochée, et un résumé des éléments de preuve à l’appui de l’accusation qui seront présentés à l’audition;

(a) describe the conduct that is the subject of the charge, including the time, date and place of the alleged disciplinary offence, and contain a summary of the evidence to be presented in support of the charge at the hearing; and

b) les date, heure et lieu de l’audition.

(b) state the time, date and place of the hearing.

(2) L’agent doit établir l’avis d’accusation disciplinaire visé au paragraphe (1) et le remettre au détenu aussitôt que possible.

(2) A notice referred to in subsection (1) shall be issued and delivered to the inmate who is the subject of the charge, by a staff member as soon as practicable.

[38]  Le paragraphe 66(1) du Règlement régit le prélèvement d’échantillons d’urine et met l’accent sur un aspect des observations de M. Eakin. Aux termes de l’alinéa 66(1)f), l’échantillonneur doit, en présence du détenu qui fournit l’échantillon, sceller le contenant avec un sceau préalablement numéroté et « apposer sur le contenant une étiquette désignant l’échantillon de manière que l’identité de la personne ne soit pas révélée au laboratoire » (sous‑alinéas 66(1)f)(i) et (ii)).

[39]  Les directives du commissaire sont un vaste ensemble de règles et de politiques administratives régissant la gestion du Service correctionnel du Canada et de ses établissements. Les directives sont autorisées en vertu des articles 97 et 98 de la LSCMLC.

[40]  Voici les paragraphes pertinents de la DC 580 :

Processus disciplinaire officiel

7.  Lorsque le processus de règlement informel n’aboutit pas, le processus disciplinaire officiel doit être amorcé. Si les circonstances le permettent et que cela vraisemblablement n’envenimera pas la situation, le membre du personnel :

a.  informera le détenu qu’un rapport d’infraction sera rédigé et pourrait donner lieu au dépôt d’une accusation

b.  s’assurera que les problèmes de santé mentale sont pris en considération

c.  remplira le Rapport de l’infraction d’un détenu et avis de l’accusation (CSC/SCC 0222) et y inclura les détails de l’incident, une description des tentatives de règlement informel et une explication des échecs

d.  présentera le rapport au gestionnaire correctionnel immédiatement, mais au plus tard 24 heures après qu’il a envisagé ou tenté un règlement informel, à moins que des circonstances exceptionnelles ne l’empêchent de le faire.

[...]

Informer le détenu de la tenue d’une audience disciplinaire

  [...]

17.  Dans les deux jours ouvrables suivant le dépôt de l’accusation, le détenu recevra une copie du rapport d’infraction précisant les détails de l’accusation, ainsi que les documents suivants :

a.  la documentation qui sera remise au [président] de l’audience disciplinaire

b.  un avis écrit du lieu, de la date et de l’heure de l’audience.

18.  Lorsqu’il est impossible de satisfaire à une exigence précitée quelconque, les raisons en seront consignées par le gestionnaire correctionnel ou la personne désignée et communiquées au membre du personnel qui a porté l’accusation. Cela se produira uniquement dans des circonstances exceptionnelles.

Les observations de M. Eakin

[41]  M. Eakin soutient que le président a commis une erreur en concluant que les mots « shall » et « will » utilisés à l’article 25 du Règlement et aux paragraphes 7 et 17 de la DC 580 [dans leur version anglaise] sont directifs et non obligatoires. M. Eakin s’appuie sur la décision du juge Muldoon dans l’affaire Buyens c Établissement de William Head, [1992] ACF no 136, pour déclarer qu’un établissement ne peut pas choisir les règles des directives qu’il observera. L’établissement doit agir équitablement « sans déni arbitraire d’avantages légitimes ».

[42]  De plus, M. Eakin déclare que le défaut de l’Établissement de préciser la date, l’heure et le lieu de son audience dans le rapport d’infraction ont nui à sa capacité de bien se préparer à l’audience et dénotent une attitude de désinvolture inacceptable à l’égard du processus. Il fait valoir que le président a commis une erreur en concluant :

  • - que l’accusation a été portée le 16 octobre 2018 et que, par conséquent, le rapport d’infraction lui a été remis dans le délai de deux jours prévu au paragraphe 17 de la DC 580. M. Eakin soutient que l’accusation a été portée au plus tard le 2 octobre 2018, lorsqu’il a reçu le formulaire de suspension du programme;

  • - que le défaut de l’Établissement de lui fournir les éléments de preuve qui devaient être utilisés contre lui à l’audience disciplinaire dans les deux jours ouvrables suivant le dépôt de l’accusation et, de toute façon, avant la première date d’audience le 26 octobre 2018, a été corrigé sans causer de préjudice;

  • - que l’agent Quesnelle a effectué correctement le processus de preuve d’identité exigé par le paragraphe 66(1) du Règlement. Il n’y a pas de chaîne de possession qui démontre que l’échantillon analysé par le laboratoire était celui que M. Eakin a fourni. M. Eakin se réfère à sa copie du formulaire de chaîne de possession qui ne porte pas le sceau numéroté requis correspondant à celui sur le flacon à échantillons et sur la copie du formulaire de l’Établissement.

Les observations du défendeur

[43]  Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour le président de conclure que les objections préliminaires d’ordre procédural avancées par M. Eakin, à l’égard des délais de production et du contenu du rapport d’infraction, avaient été réglées au cours de la procédure prolongée. Le défendeur cite la conclusion du président selon laquelle M. Eakin disposait de tous les renseignements dont il avait besoin pour pouvoir répondre à l’accusation [traduction« bien avant que l’audience ait réellement été tenue ». Le défendeur fait valoir que M. Eakin n’a subi aucun préjudice en raison de la livraison tardive qui lui a été faite du rapport d’infraction et du fait que celui-ci n’indiquait pas la date, l’heure et le lieu de l’audience.

Analyse

A.  Les dispositions obligatoires ou directives

[44]  Je vais d’abord aborder la conclusion du président selon laquelle les exigences applicables du Règlement et de la DC 580 étaient directives et non obligatoires. Par souci de commodité, j’ai reformulé le libellé en cause dans chacune des dispositions de l’article 25 du Règlement ainsi que des paragraphes 7 et 17 de la DC 580, de la manière suivante :

  • - Paragraphe 25(1) : L’avis d’accusation (le rapport d’infraction) doit contenir [...] les date, heure et lieu de l’audition.

  • - Paragraphe 25(2) : Le rapport d’infraction est établi et remis au détenu dès que possible.

  • - DC 580, alinéa 7d) : Le membre du personnel présentera le rapport d’infraction au gestionnaire correctionnel immédiatement, mais au plus tard 24 heures après qu’il a envisagé ou tenté un règlement informel, à moins que des circonstances exceptionnelles ne l’empêchent de le faire.

  • - DC 580, alinéas 17a) et b) : Dans les deux jours ouvrables suivant le dépôt de l’accusation, le détenu recevra une copie du rapport d’infraction précisant les détails de l’accusation, ainsi que la preuve qui sera remise au président, de même que le lieu, la date et l’heure de l’audience.

[45]  Le président a commencé son analyse de la distinction entre une exigence obligatoire et une exigence directive en faisant remarquer que la distinction dépendait de l’objet de la disposition réglementaire en question. Le président a déclaré que l’objet des exigences en matière d’avis contenues dans le Règlement et la DC 580 était de veiller à ce que M. Eakin ait l’occasion de répondre à la preuve présentée contre lui (Hendrickson c Kent Institution (1990), 32 FTR 296 (CF)). Le président a conclu que M. Eakin avait finalement reçu les renseignements requis :

[traduction]

7.  Lorsqu’il a reçu le rapport d’infraction pour la première fois, M. Eakin n’était peut-être pas au courant du lieu, de la date et de l’heure de son audience éventuelle, ni de tous les éléments de preuve qui seraient rassemblés contre lui. Mais il a certainement eu tous ces renseignements bien avant que l’audience ait réellement été tenue, et il avait amplement le temps [traduction] « de répondre à la preuve et de donner sa version de l’affaire ».

[46]  Le président a conclu que les dispositions étaient directives et que [traduction] « le défaut de se conformer aux exigences peut être et a été corrigé ».

[47]  L’utilisation du mot « shall » [dans la version anglaise des] paragraphes 25(1) et (2) du Règlement est l’indication d’une obligation (article 11 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21; Ha c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 594, au par. 11 [Ha]). À mon avis, le mot « will » utilisé dans [la version anglaise de] la DC 580 dénote la même indication d’obligation. Toutefois, comme l’a souligné la professeure Sullivan dans l’ouvrage Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd, 2014) (Sullivan), le fait que le terme « shall » est impératif, par opposition au terme permissif « may », n’est pas déterminant quant à savoir si la disposition dans laquelle il est utilisé est obligatoire ou directive. Cette deuxième détermination dépend de la question de savoir si chaque manquement à la disposition en question donne lieu à une action invalide ou nulle, auquel cas une violation ne peut être corrigée, et la disposition est obligatoire (Sullivan, paragraphe 4.81) :

[traduction]

4.81  Si le non-respect d’une obligation ou d’une exigence imposée par le terme « shall » entraîne l’invalidité ou la nullité, on dit que la disposition est directive; si la violation peut être corrigée ou écartée, on dit que la disposition est directive. L’adjectif « directif » [« directory » en anglais] est malheureux, dans la mesure où il laisse entendre que le terme « shall » n’est parfois pas impératif, qu’il a parfois la force d’une simple suggestion. La confusion est aggravée lorsque les termes « obligatoire » [« mandatory »] et « impératif » [« imperative »] sont utilisés de façon interchangeable [...] [c]e sont des concepts distincts. Les termes « shall » et « must » sont toujours impératifs (contraignants); ni l’un ni l’autre ne confèrent de pouvoir discrétionnaire. Mais ils peuvent être obligatoires ou non; c’est‑à‑dire que le non-respect d’une obligation ou d’une exigence contraignante peut mener ou non à la nullité. La distinction entre une exigence obligatoire et une exigence directive reflète le fait qu’il y a plus d’une façon de faire respecter une obligation.

[48]  La Cour a examiné la distinction entre une exigence obligatoire et une exigence discrétionnaire dans un certain nombre d’affaires, où un organisme public ou un fonctionnaire ne s’était pas conformé en temps opportun à une obligation publique. Dans la décision McMahon c Canada (Procureur général), 2004 CF 540 (McMahon), qui portait sur la communication tardive d’une décision du surintendant des faillites, le juge Lemieux a reconnu que, dans certaines circonstances, le mot « shall » [l’emploi de l’indicatif présent ou du mot « doit », dans la traduction française de McMahon] sera interprété comme une autorisation ou une faculté [« directory » dans la version originale anglaise de McMahon], nonobstant ce qui est maintenant l’article 11 de la Loi d’interprétation. Aux termes de la disposition législative en question, la décision du surintendant « est [...] remise au syndic dans les trois mois suivant la clôture de l’audition ». Le juge Lemieux a déclaré que l’objet d’une loi était souvent le fondement des décisions judiciaires à cet égard et il a cerné trois facteurs principaux pour trancher cette question (McMahon, au par. 27) :

[27]  Après avoir lu ces précédents ainsi que d’autres qui m’ont été signalés par les deux avocats, il m’apparaît que les tribunaux ont recensé les principaux facteurs suivants pour savoir si dans un cas donné, il convient d’attribuer un caractère simplement directif, et non impératif, au présent de l’indicatif ou au mot « doit » :

(1)  L’obligation qui est accomplie est-elle une obligation de nature publique?

(2)  Où réside l’équilibre des inconvénients ou des préjudices? et

(3)  Le texte prévoit-il une sanction en cas d’inobservation?

[49]  Dans l’affaire McMahon, le surintendant des faillites s’acquittait d’une obligation publique, et le fait que le surintendant n’ait pas respecté le délai prescrit a causé peu d’inconvénients ou de préjudice au syndic qui attendait la décision. Le préjudice subi n’a été qu’un report dans le temps (McMahon, au par. 32).

[50]  Dans l’affaire Ha, la question dont était saisi le juge Barnes était de savoir si le délai dans lequel le ministre devait rendre une décision, qui était prévu au paragraphe 27(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17, était obligatoire ou simplement directif. Aux termes du paragraphe, « le ministre décide » dans les 90 jours qui suivent l’expiration du délai mentionné ailleurs dans la loi. Le juge Barnes a conclu que l’intérêt public ne serait pas bien servi si l’on donnait un caractère obligatoire au délai de 90 jours et si l’on déclarait nulles les décisions rendues par le ministre après l’expiration de ce délai (Ha, au par. 21; voir aussi Commanda c Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan, 2018 CF 616).

[51]  Les exigences en cause dans la présente demande, soit l’article 25 du Règlement et le paragraphe 17 de la DC 580, ont une incidence sur les droits privés des détenus. Dans la décision Obeyesekere c Canada (Procureur général), 2014 CF 363 (Obeyesekere), le juge O’Keefe a examiné l’emploi du mot « shall » [de l’indicatif présent, dans la traduction française d’Obeyesekere] dans le contexte de l’article 42 de la LSCMLC et du paragraphe 25(1) du Règlement. Dans la décision Amos, le juge Roy a examiné l’article 43 de la LSCMLC, selon lequel une audience disciplinaire « a lieu en présence du détenu », et le paragraphe 31(1) du Règlement, qui prévoit qu’un président indépendant « doit, dans les limites raisonnables, donner » au détenu la possibilité de participer à l’audience. Dans les deux affaires, la Cour a conclu que l’emploi du mot « shall » [ou de l’indicatif présent en français] rendait les exigences de ces dispositions obligatoires (Obeyesekere, au par. 25; Amos, au par. 59). Bien que le juge O’Keefe n’ait pas fait référence à des dispositions obligatoires et directives, il a envisagé la distinction en déclarant ce qui suit (Obeyesekere, au par. 31) :

[31]  Bien entendu, tous les manquements à un processus législatif obligatoire n’invalident pas une décision (voir Society Promoting Environmental Conservation c Canada (Procureur général), 2003 CAF 239, aux paragraphes 26 à 35, [2003] 4 CF 959). En général, leurs effets dépendront plutôt de l’analyse concernant « l’objet de la loi ainsi que la conséquence d’une décision dans un sens ou dans l’autre » (voir Bande indienne de la rivière Blueberry c Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 RCS 344, au paragraphe 42, 130 DLR (4th) 193 par la juge McLachlin (dans ses motifs concordants)).

[52]  Le juge O’Keefe a poursuivi en soulignant l’importance des exigences en matière d’avis énoncées au paragraphe 25(1) du Règlement pour protéger le droit d’un détenu passible de sanctions graves de se défendre.

[53]  Dans la décision Amos, le juge Roy a reconnu qu’il peut y avoir des exceptions étroites à la nature impérative ou obligatoire des exigences en matière d’avis contenues dans la LSCMLC et le Règlement, mais il a souligné le droit des détenus à l’équité procédurale dans les affaires disciplinaires où ils s’exposent à de graves sanctions (Amos, au par. 59) :

[59] En l’espèce, on peut affirmer qu’aucune des exigences prévues par la loi n’a reçu l’attention qu’elles méritaient. L’équité procédurale était, au mieux, une réflexion faite après coup et non à l’avant‑plan. Premièrement, une partie de l’audition du 13 septembre 2016 a disparu : un examen complet de l’audition est impossible puisque le témoignage du témoin Keays n’est pas accessible, de même que la discussion menant à la décision de visionner la vidéo de sécurité. Le défendeur a déjà reconnu que cette lacune requiert que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. Cet élément de preuve (vidéo de sécurité) qui s’est avéré essentiel a été présenté alors que le demandeur était absent. Aucun substitut, comme une description détaillée de ce qui figurait sur la vidéo, n’a été fourni. La Loi précise clairement que la présence du détenu est obligatoire. La Loi prévoit que l’audition « a lieu en présence du détenu » (article 43). La Loi d’interprétation (L.R.C., 1985, ch. I-21) prévoit que « [l]’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal » (article 11). Les exceptions au principe devraient être interprétées de manière restrictive. [...]

[54]  Je conclus que le président n’a pas commis d’erreur en concluant que les dispositions du paragraphe 25(1) du Règlement et de l’article 17 de la DC 580 sont directives et non obligatoires. L’article 42 de la LSCMLC, les paragraphes 25(1) et (2) du Règlement ainsi que les paragraphes 7 et 17 de la DC 580 visent à créer une structure réglementaire qui protège le droit d’un détenu à l’équité procédurale dans l’imposition et la poursuite d’accusations disciplinaires. Je suis d’accord avec le président pour dire que les dispositions en question visent à faire en sorte qu’un détenu connaisse l’accusation portée contre lui et ait la possibilité de se défendre convenablement. Il ne fait aucun doute que les dispositions sont un ensemble obligatoire d’exigences en matière d’avis et de divulgation, mais ce ne sont pas tous les manquements à ces exigences qui entraîneront une nullité. Il y aura des circonstances dans lesquelles un manquement mineur de la part d’un établissement à se conformer aux exigences des dispositions portant sur les délais ou le contenu pourra être corrigé sans préjudice pour le détenu. Toutefois, je fais écho à la mise en garde du juge Roy selon laquelle toute exception à la nature obligatoire des dispositions de la LSCMLC, du Règlement et de la DC 580 en matière d’avis et de divulgation doit être interprétée de façon étroite.

B.  La non-conformité de l’Établissement a-t-elle été corrigée?

[55]  Ayant déterminé que l’Établissement avait enfreint les dispositions directives du Règlement et de la DC 580, le président a conclu que les manquements avaient été corrigés et il a rejeté les objections d’ordre procédural avancées par M. Eakin. Je juge que cette conclusion était manifestement déraisonnable. Les conclusions du président n’étaient ni justifiées ni intelligibles selon les éléments de preuve au dossier. Le président s’est appuyé sur les retards dans le processus d’audience pour établir que les atteintes importantes et successives aux droits de M. Eakin à l’équité procédurale avaient été corrigées, sans tenir compte du préjudice qu’il avait subi.

[56]  M. Eakin n’a joué aucun rôle dans les retards qui ont permis au président de conclure que la non-conformité de l’Établissement au Règlement et à la DC 580 avait été corrigée. L’argument du défendeur selon lequel il doit y avoir des [traduction« compromis » dans le processus et que les objections d’ordre procédural avancées par M. Eakin ont contribué aux retards n’est pas défendable. M. Eakin avait le droit de contester l’accusation. Le fait que les actions du président et de l’Établissement se sont combinées pour retarder l’examen de l’accusation par le président et régler la non-conformité ne donne pas lieu à un processus équitable.

[57]  Je reviens à l’arrêt Sharif et à la description qu’a faite le juge Stratas des circonstances dans lesquelles le président indépendant d’un comité disciplinaire exerçait le rôle de décideur dans les accusations disciplinaires portées contre des détenus (Sharif, au par. 30) :

[30]  Toutefois, il convient dans les circonstances que la Cour ne se contente pas de trancher la question (voir la discussion à cet égard dans Construction de défense Canada c. Ucanu Manufacturing Corp., 2017 CAF 133, [2018] 2 R.C.F. 269, aux par. 38 à 41). Ce domaine du droit régit la relation entre les impératifs pressants de l’État et les droits fondamentaux des personnes détenues par ce dernier. Il s’agit d’un domaine où il vaut mieux définir les normes juridiques avec clarté plutôt que de laisser flotter l’incertitude et les conjectures, ce qui mène à de futurs litiges. C’est aussi un domaine qui échappe fréquemment au contrôle judiciaire, les détenus n’ayant souvent pas la faculté ou les moyens d’intenter un recours.

[58]  Le point de départ de mon examen du caractère raisonnable de la conclusion du président est que les dispositions en question sont impératives et que l’Établissement était tenu de respecter ses obligations en matière d’avis et de divulgation dans les délais impartis. Tout écart aurait dû être restreint d’une façon étroite et sans préjudice important pour M. Eakin.

[59]  Mon examen de la décision du président et de la preuve au dossier révèle un certain nombre d’erreurs.

[60]  Premièrement, le président a conclu que M. Eakin avait reçu l’avis requis et les éléments de preuve [traduction« bien avant que l’audience ait réellement été tenue ». Cette affirmation est tout simplement fausse. L’audience a commencé le 26 octobre 2018. Le défendeur soutient que la déclaration inexacte du président concernant la date de l’audience n’a aucune conséquence, parce qu’il a tenu compte, dans la décision, des objections d’ordre procédural avancées par M. Eakin. Je ne suis pas de cet avis. Le raisonnement du président fait abstraction des ajournements répétés et omet de prendre en compte les conséquences des retards. En fait, il annule les délais prévus dans le Règlement et la DC 580. Le délai de deux jours est devenu un délai de trois mois pour accommoder l’Établissement.

[61]  Je souligne qu’en date du 26 octobre 2018 :

  1. M. Eakin avait été sanctionné pour avoir échoué au test d’analyse d’urine du 19 septembre 2018. La sanction a été imposée le 2 octobre 2018, malgré le fait que l’Établissement fait maintenant valoir que l’accusation n’a pas été portée avant le 16 octobre 2018. Autrement dit, le 2 octobre 2018, M. Eakin a été sanctionné pour une infraction disciplinaire dont il n’avait pas connaissance et, selon l’Établissement, n’avait pas été accusé.

  2. M. Eakin avait reçu un rapport d’infraction lacunaire le 16 octobre 2018, trois semaines après que l’Établissement a reçu le rapport de toxicologie. Il n’a pas été informé du moment et de l’endroit de l’audience relative à l’accusation.

  3. M. Eakin n’avait pas reçu les éléments de preuve devant être utilisés contre lui dans la poursuite de l’accusation.

[62]  Le défendeur soutient que le rapport d’infraction n’indiquait pas l’heure ni le lieu de l’audience, parce que le président n’avait pas l’intention de traiter du bien-fondé de l’accusation le 26 octobre 2018. Il n’y a aucune preuve à cet effet dans le dossier, ni aucune preuve que l’intention du président a été communiquée à M. Eakin, qui est arrivé à l’audience le 26 octobre prêt à présenter ses observations malgré l’absence de préavis. En outre, l’Établissement a préparé et remis le rapport d’infraction. Les intentions du président le 26 octobre n’expliquent pas le défaut de l’Établissement de fixer une date d’audience dès le début.

[63]  L’alinéa 25(1)b) du Règlement et l’alinéa 17b) de la DC 580 prévoient une audience à une date et à une heure fixes. Ils n’envisagent pas une audience préliminaire pour établir un processus pour aller de l’avant. Le rapport d’infraction n’était pas conforme, et le président n’a pas tenté de traiter de l’accusation le 26 octobre 2018, malgré le fait que M. Eakin avait exprimé des préoccupations au sujet de sa prochaine audience de libération conditionnelle.

[64]  Deuxièmement, je conclus que l’accusation a été portée contre M. Eakin au plus tard le 2 octobre 2018. La conclusion du président selon laquelle l’Établissement n’a pris aucune décision de porter des accusations avant le 16 octobre 2018 était déraisonnable. Par conséquent, la conclusion du président selon laquelle le rapport d’infraction a été remis à M. Eakin dans le délai de deux jours prévu au paragraphe 17 de la DC 580 était également déraisonnable.

[65]  M. Eakin a été sanctionné par l’Établissement le 2 octobre 2018. À cette date, il a perdu son emploi à l’épicerie de l’Établissement, ce qui a entraîné une perte de revenu et une note défavorable dans son dossier. Par souci de commodité, je répète le libellé du formulaire de suspension du programme du 2 octobre :

[traduction]

Analyse d’urine positive pour le THC recueillie le 2018-09-21 et inculpation subséquente en contravention de la stratégie d’intervention antidrogue et des critères applicables aux postes de confiance.

[66]  Le défendeur s’appuie sur le fait que le rapport d’infraction a été rempli et daté le 16 octobre 2018, mais les éléments de preuve et les actions de l’Établissement sont sans équivoque. L’Établissement a pris des mesures punitives contre M. Eakin le 2 octobre 2018. Le fait que l’Établissement a documenté l’accusation deux semaines après avoir suspendu M. Eakin n’est pas déterminant. Le rapport d’infraction aurait dû être rempli et remis à M. Eakin au plus tard le 2 octobre. Aucune raison n’a été invoquée pour justifier le retard de l’Établissement à remplir le rapport d’infraction ou ses actions le 2 octobre 2018.

[67]  Troisièmement, la divulgation tardive par l’Établissement du rapport de toxicologie et l’application quelque peu cavalière, par le président, de l’alinéa 17a) de la DC 780 ne sont pas justifiables. Le droit d’un détenu de recevoir les éléments de preuve qui pèsent contre lui avant l’audition d’une accusation est fondamental à un processus équitable. L’Établissement a reçu les résultats de l’analyse d’urine le 24 septembre 2018. L’alinéa 17a) exigeait que l’Établissement fournisse à M. Eakin le rapport d’infraction « ainsi que [...] la documentation qui sera remise au [président] » dans les deux jours ouvrables suivant le dépôt de l’accusation. L’accusation a été portée le 2 octobre (ou, de l’avis du président, le 16 octobre). L’audience a commencé le 26 octobre, et le rapport de toxicologie a été remis à M. Eakin le 30 octobre 2018.

[68]  Le président n’a pas abordé cette chronologie des faits dans la décision, ce qui concorde avec l’accent qu’il a mis sur la dernière date d’audience en décembre comme date à laquelle l’Établissement a corrigé sa non-conformité. La réponse du président à l’observation faite par M. Eakin, à l’audience du 26 octobre, selon laquelle le rapport de toxicologie devait être fourni avec le rapport d’infraction fut la suivante :

[traduction]

PRÉSIDENT : D’accord. Je ne crois pas que ce soit le cas. Vous pouvez le recevoir quand ‒ s’il doit y en avoir une ‒ il y aura une audience, mais ça ne vient pas avec l’accusation, euh, et, souvent en fait, les gens ne testent pas ces choses, euh... Eh bien, ce n’est pas, ce n’est pas... Oubliez cela. Mais ça ne vient pas avec l’accusation. Mais vous pouvez l’examiner à cette étape‑ci, ou, si vous avez besoin de plus de temps pour l’étudier, nous pouvons reporter l’audience.

[69]  Quatrièmement, le président a omis de façon déraisonnable d’examiner la question de savoir si M. Eakin avait subi un préjudice en raison de la non-conformité de l’Établissement au Règlement et à la DC 580. Il n’y a aucune reconnaissance dans la décision du préjudice subi par M. Eakin le 2 octobre 2018 ni de son argument contre un ajournement le 26 octobre 2018, en raison de sa prochaine audience de libération conditionnelle. À mon avis, il s’agit d’une omission importante. La question du préjudice subi par une personne en raison de la non-conformité d’un organisme public à ses obligations réglementaires est essentielle à la pondération requise des intérêts quand il s’agit de déterminer si l’organisme public a corrigé son manquement et suivi un processus équitable (McMahon, au par. 27).

[70]  Les erreurs qui précèdent donnent lieu à une décision déraisonnable. De plus, M. Eakin soutient que le président a commis une erreur en concluant que le traitement par l’Établissement du formulaire de chaîne de possession était conforme à l’alinéa 66(1)f) du Règlement. L’observation de M. Eakin porte sur l’absence d’un sceau numéroté sur sa copie du formulaire, malgré la certification de l’agent Quesnelle selon laquelle le sceau avait été apposé. Les conclusions du président ne traitent pas de cette question. Elles portent plutôt sur le sous‑alinéa 66(1)f)(ii) du Règlement, qui exige que l’agent appose sur le flacon à échantillons une étiquette qui ne révèle pas l’identité du donneur au laboratoire. Le président n’a commis aucune erreur en concluant que l’Établissement n’avait pas manqué à cette exigence. M. Eakin a raison de souligner que le formulaire exigeait que le sceau numéroté soit apposé et que la certification de l’agent Quesnelle selon laquelle le sceau avait été apposé sur la copie de M. Eakin était erronée. Toutefois, le paragraphe 66(1) ne traite pas du contenu de la copie du formulaire de chaîne de possession qui est remise au détenu.

2.  Les retards dans le processus d’audience et/ou l’omission de demander un plaidoyer officiel ont-ils contrevenu à l’obligation d’équité procédurale du président envers M. Eakin?

[71]  Ma conclusion selon laquelle la décision n’était pas raisonnable est déterminante pour la demande de M. Eakin. J’aborderai brièvement la question du retard dans la tenue de l’audience, puisqu’il s’agissait du contexte factuel qui étayait les conclusions du président. Le président s’est appuyé sur les retards relatifs à l’audience pour conclure que l’Établissement avait corrigé son manquement au Règlement et à la DC 580. M. Eakin fait valoir que les retards mêmes ont porté atteinte à son droit à l’équité procédurale.

[72]  Le défendeur soutient qu’un retard de trois à quatre mois dans le traitement de l’accusation n’a pas porté atteinte au droit de M. Eakin à l’équité procédurale. Il affirme que de nombreux processus administratifs s’étendent sur une période semblable ou plus longue. Je suis d’accord, mais, dans le cas de M. Eakin, il y a un certain nombre d’aspects troublants concernant les retards dans la tenue de l’audience. Premièrement, comme le défendeur l’a reconnu, M. Eakin a été sanctionné de façon inappropriée le 2 octobre 2018. Deuxièmement, le retard a peut-être eu une incidence sur l’audience de libération conditionnelle de M. Eakin. Troisièmement, le retard a été entièrement causé par l’Établissement et le président. Comme il a été mentionné précédemment, M. Eakin avait le droit de soulever des objections d’ordre procédural raisonnables concernant le traitement de l’accusation. Le fait que le président n’était pas outillé pour traiter de ces objections le 26 octobre 2018 et celui qu’il n’avait pas eu le temps de lire les observations écrites de M. Eakin le 19 novembre 2018, en plus des absences de M. Quesnelle, ne relèvent pas de la responsabilité de M. Eakin.

[73]  Le Règlement et la DC 580 imposent des délais très courts relativement aux obligations de l’Établissement en matière d’avis et de divulgation. Ils utilisent un libellé impératif et parlent de la remise d’un avis d’accusation « aussitôt que possible » et « [d]ans les deux jours ouvrables ». J’ai examiné ces exigences en fonction de la portée de la non-conformité de l’Établissement, en particulier le défaut de divulguer des éléments de preuve dans le délai prescrit et la durée du retard. Je souligne également l’imposition prématurée d’une sanction. Dans ces circonstances, je conclus que le retard qu’a pris le président pour mener l’audience à terme a porté injustement atteinte au droit de M. Eakin à un règlement rapide de l’accusation.

[74]  Enfin, M. Eakin fait valoir qu’il n’a pas eu l’occasion d’inscrire un plaidoyer au cours de la procédure, ce qui est contraire à l’article 33 de la DC 580. Je conviens avec le défendeur qu’il était raisonnable pour le président de déduire, avant la date de l’audience finale du 17 décembre 2018, que M. Eakin avait l’intention de plaider non coupable à l’accusation. M. Eakin a eu l’occasion de présenter des observations et de produire une preuve. Il n’a pas été lésé par l’omission du président de demander un plaidoyer officiel.

VI.  Conclusion

[75]  La demande est accueillie. Les conclusions du président, selon lesquelles l’Établissement a été en mesure de corriger ses manquements reconnus au Règlement et à la DC 580 et que les objections d’ordre procédural avancées par M. Eakin étaient sans fondement, étaient déraisonnables. Les conclusions du président ont permis à l’Établissement de faire fi des droits procéduraux de M. Eakin sans tenir compte du préjudice qu’il a subi.

[76]  Pour ces motifs, la décision doit être annulée. La décision, la peine qu’elle a imposée et la suspension de son affectation au programme doivent être retirées de façon permanente du dossier de M. Eakin. De plus, toute perte financière subie par M. Eakin à la suite de l’imposition de la pénalité et toute perte de rémunération subie parce qu’il n’a pas pu travailler à l’épicerie de l’Établissement doivent être remboursées dans son compte sans délai.

[77]  Si l’accusation contre M. Eakin est poursuivie, elle doit être entendue par un président indépendant différent. Si l’accusation n’est pas poursuivie dans les trente (30) jours du présent jugement, le rapport d’infraction et toutes les références à celui-ci doivent être retirés du dossier de M. Eakin.

VII.  Les dépens

[78]  À l’audience, M. Eakin a indiqué qu’il avait engagé des débours d’environ 250 $, et je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas être indemnisé pour les débours engagés pour présenter sa demande à la Cour. Comme le montant de 250 $ est raisonnable, j’adjugerai les dépens en fonction de ce montant.


JUGEMENT dans le dossier no T-602-19

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. la décision rendue par le président le 7 janvier 2019 est annulée;

  3. toute perte financière subie par M. Eakin en raison de la pénalité imposée dans la décision et toute perte de rémunération subie parce qu’il n’a pas pu travailler à l’épicerie de l’Établissement doivent être remboursées dans son compte sans délai;

  4. si l’accusation contre M. Eakin est poursuivie, elle doit l’être conformément aux présents motifs;

  5. si l’accusation contre M. Eakin n’est pas poursuivie dans les trente (30) jours suivant le présent jugement, le rapport d’infraction et toutes les références à celui-ci doivent être retirés du dossier de M. Eakin;

  6. des dépens de 250,00 $ sont adjugés à M. Eakin;

  7. l’intitulé de la présente demande est modifié afin d’en retirer le Service correctionnel du Canada et l’Établissement de Beaver Creek à titre de défendeurs.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 11e jour de février 2020

Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-602-19

 

INTITULÉ :

JAMES THOMAS EAKIN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE LE 9 décembre 2019, À PARTIR D’OTTAWA (ONTARIO) (COUR), DE Toronto (Ontario) (MINISTÈRE DE LA JUSTICE) ET DE GRAVENHURST (ONTARIO) (ÉTABLISSEMENT DE BEAVER CREEK)

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge WALKER

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

le 19 DéCEMBre 2019

 

COMPARUTIONS :

James Thomas Eakin

 

POUR M. EAKIN

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Eric Peterson

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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