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IMM-1493-93

OTTAWA (ONTARIO) le 19 septembre 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARC NADON

E N T R E :


George MANU,


Requérant,


- et -


LE MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION,


Intimé.


ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


"MARC NADON"

Juge

Traduction certifiée conforme :         
                         C. Delon, LL.L.

IMM-1493-93

E N T R E :


George MANU,


Requérant,


- et -


LE MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION,


Intimé.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON :

     Le requérant sollicite l'annulation d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 17 mars 1993. La Commission a rejeté la demande du requérant qui revendiquait le statut de réfugié au sens de la Convention, estimant que son témoignage manquait de crédibilité et que, en tout état de cause, étant donné les changements intervenus dans la situation politique au Ghana, la demande présentée par le requérant n'était pas objectivement fondée.

     La demande de contrôle judiciaire présentée par le requérant a été entendue à Ottawa le 1er septembre 1994. En fin d'audience, j'ai ordonné l'ajournement de l'affaire en attendant que la Cour d'appel fédérale rende une décision précisant la démarche à suivre en matière de changements intervenus dans la situation de tel ou tel pays. J'ai rendu l'ordonnance suivante :

                     L'audience est ajournée jusqu'à ce que la Cour d'appel ait rendu une décision dans l'affaire Escobar Alvarado c. M.E.I. (IMM-2057-93) ou dans une autre cause traitant de la question du changement de conditions au pays d'origine. Suite à cette décision, l'audience sera reprise afin d'entendre les autres arguments des avocats qui désirent en présenter.               

     Le 28 avril 1997, la Cour d'appel fédérale a rendu son arrêt dans l'affaire Alvarado c. M.E.I. (A-267-94). Prononcé par le juge Desjardins, l'arrêt de la Cour d'appel est rédigé en ces termes :

                     Nous sommes tous d'avis que, étant donné que la réponse à la question certifiée ne changerait pas le résultat du présent appel, il n'y aurait pas lieu d'y répondre.                       
                     De toute façon, compte tenu de l'arrêt de la Cour Yusuf c. Canada (Minister of Employment and Immigration) [sic] (1995), 179 N.R. 11 (C.A.F.), rendu après la certification de la question, nous concluons qu'il a déjà été répondu à la question certifiée.                       
                     L'appel est par conséquent rejeté.                       

     Le 7 mai 1997, le juge Joyal a transmis des directives invitant les parties à transmettre leurs arguments touchant la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Alvarado, supra. Suite aux directives du juge Joyal, le dossier m'a été transmis pour examen. Après l'avoir examiné, j'ai demandé au greffe d'organiser une téléconférence avec l'avocat respectif du requérant et de l'intimé. Au cours de cette téléconférence, qui a eu lieu le 25 juin 1997, les avocats des parties m'ont fait savoir qu'ils n'entendaient présenter aucun autre argument. Je leur ai à mon tour indiqué que j'examinerai à nouveau le dossier avant de rendre jugement.

     Dans l'affaire Alvarado, supra, Madame le juge Desjardins n'a pas abordé la question des changements intervenus dans la situation d'un pays, la question ayant déjà été réglée par la Cour d'appel dans l'affaire Yusuf    c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 179 N.R. 11. Les motifs de l'arrêt Yusuf ont été exposés par le juge Hugessen qui, à la page 12, se prononce de la manière suivante sur la question du changement intervenu dans la situation d'un pays donné :

                          Nous ne sommes pas convaincus que la Commission ait commis quelque erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que le "changement de situation" survenu dans le nord de la Somalie était tel que l'appelante n'avait pas raison de craindre d'être persécutée dans l'éventualité de son retour au pays.                       
                          Nous ajouterions que la question du "changement de situation" risquait, semble-t-il, d'être élevée, erronément, à notre avis, au rang de question de droit, alors qu'elle est, au fond, simplement une question de fait. Un changement dans la situation politique du pays d'origine du demandeur n'est pertinent que dans la mesure où il peut aider à déterminer s'il y a, au moment de l'audience, une possibilité raisonnable et objectivement prévisible que le demandeur soit persécuté dans l'éventualité de son retour au pays. Il s'agit donc d'établir les faits, et il n'existe aucun "critère" juridique distinct permettant de jauger les allégations de changement de situation. L'emploi de termes comme "important", "réel" et "durable" n'est utile que si l'on garde bien à l'esprit que la seule question à résoudre, et par conséquent le seul critère à appliquer, est celle qui découle de la définition de réfugié au sens de la Convention donnée par l'article 2 de la Loi : le demandeur de statut a-t-il actuellement raison de craindre d'être persécuté? Étant donné qu'en l'espèce il existe des éléments de preuve appuyant la décision défavorable de la Commission, nous n'interviendrons pas.                       
     Abordons maintenant la décision de la Commission, contestée en l'espèce par le requérant. D'abord, en ce qui concerne la question de la crédibilité, je ne vois aucune raison de m'immiscer dans la conclusion à laquelle est parvenue la Commission. Ainsi que l'a déclaré le juge Décary, dans l'affaire Aguebor c. M.E.I. (1994), 160 N.R. 315, aux pp. 316 et 317, c'est à juste titre que la Cour ne s'immiscera pas dans les conclusions touchant la crédibilité d'un requérant, tant que de telles conclusions "ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention." Au vu des éléments versés au dossier, je ne saurais considérer comme déraisonnable la conclusion de la Commission, selon laquelle le témoignage du requérant n'était pas vraisemblable.   
     En ce qui concerne les changements intervenus dans la situation d'un pays, dans l'affaire Yusuf, le juge Hugessen a clairement déclaré que la question doit être tranchée en fonction des faits et qu'il n'existe aucun critère distinct permettant de dire si un changement de situation s'est effectivement produit dans tel ou tel pays. J'estime, compte tenu de la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire Yusuf, que la Cour n'a pas à s'immiscer dans la conclusion de la Commission, selon laquelle la "crainte subjective" invoquée par le demandeur n'était pas objectivement fondée. Compte tenu des éléments dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement parvenir à cette conclusion.   

     Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.   
"MARC NADON"   
  
Juge   
Ottawa (Ontario)   
Le 19 septembre 1997   
Traduction certifiée conforme :        
                     C. Delon, LL.L.   

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-1493-93
INTITULÉ :                  GEORGE MANU c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 25 JUIN 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

DATE :                  LE 19 SEPTEMBRE 1997

ONT COMPARU :     

Me Ian Wong                  POUR LE REQUÉRANT
Me John Loncar              POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Bush, White, Wong              POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

M. George Thomson              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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