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Date : 20191217


Dossier : T-1875-18

Référence : 2019 CF 1605

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ERIC REDHEAD

demandeur

et

WILLIAMS MILES, DANIEL REDHEAD, JEFFREY NAPAOKESIK, JEMIMA ANDERSON aussi connue sous le nom PEGGY BEARDY ANDERSON, THERESA MILES, GEORGETTE REDHEAD ET LA PREMIÈRE NATION DE SHAMATTAWA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  La nature de l’affaire

[1]  Le demandeur, Eric Redhead, demande, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, le contrôle judiciaire de la décision datée du 23 octobre 2018 [la décision] par laquelle il était expulsé de son poste de chef de la Première Nation de Shamattawa [la PNS] après qu’il eut été élu lors d’une élection tenue le 2 octobre 2018 [l’élection de 2018], et il était remplacé par Jeffrey Napaokesik. La décision a été prise par deux des trois présidents d’élections de la PNS à la suite d’une réunion de cette dernière, convoquée par trois de ses membres.

[2]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II.  Contexte

A.  Le processus électoral avant et après 2018

[3]  La PNS est une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5. Elle se trouve dans le nord-est du Manitoba. Ses processus électoraux sont régis par des coutumes orales ou non écrites.

[4]  Le chef et le conseil de la PNS sont élus pour un mandat de deux ans. Il y a un chef et quatre conseillers. Par le passé, les chefs et les conseillers étaient élus lors d’élections distinctes.

[5]  En 2017, Daniel Redhead, William Miles et Charmain Miles ont été proposés et acceptés à titre de présidents d’élections de la PNS [les présidents d’élections].

[6]  En septembre 2018, une assemblée de mise en candidature pour le poste de chef, supervisée par les présidents d’élection, a eu lieu, et seuls le demandeur et Jeffrey Napaokesik ont été mis en candidature.

[7]  La date des élections de la PNS a été fixée au 2 octobre 2018. Un scrutin par anticipation a eu lieu à Winnipeg le 25 septembre 2018 et à Thompson le 27 septembre 2018. Les deux bureaux de vote par anticipation étaient supervisés par les présidents d’élections.

[8]  Le 2 octobre 2018, le demandeur a été élu par une marge de six voix de plus que Jeffrey Napaokesik. Le 3 octobre 2018, les présidents d’élections ont avisé Affaires autochtones et Nord Canada [AANC] des résultats des élections de 2018.

[9]  Le 17 octobre 2018, Jemima Anderson, Theresa Miles et Georgette Redhead, des défenderesses désignées qui n’ayant pas répondu à la demande présentée par le demandeur et n’ayant de preuve par affidavit, ont publié un avis de convocation des membres à une réunion le 18 octobre 2018. L’avis a été publié en ligne et mentionnait des [traduction« préoccupations au sujet de notre collectivité qui ne sont pas vraiment abordées auprès des membres de la PNS ».

[10]  La réunion a eu lieu le 22 octobre 2018. Deux présidents d’élection, William Miles et Daniel Redhead, y étaient présents et ont été mis au courant d’allégations de corruption électorale et d’intimidation visant le demandeur. Peu de détails ont été révélés au sujet de la réunion, mais les membres de la collectivité qui y étaient (de nombre inconnu) ont adopté une motion en vue de retirer au demandeur ses fonctions de chef.

[11]  Le demandeur n’a pas été avisé de cette réunion, il n’y a pas assisté et il n’a pas été informé de l’ordre du jour de la réunion, notamment des allégations de corruption et d’intimidation électorales et des conséquences possibles.

[12]  Le 23 octobre 2018, au lendemain de la réunion convoquée par les trois membres de la PNS, deux des présidents d’élection, William Miles et Daniel Redhead, ont signé une lettre, la décision, qui visait à retirer au demandeur ses fonctions et à nommer Jeffrey Napaokesik à titre de chef.

[13]  C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire. Le demandeur sollicite un certain nombre d’ordonnances, dont a) un jugement déclarant qu’il continue d’occuper et occupe en ce moment le poste de chef, b) l’annulation de la décision visant à le destituer de son poste de chef, c) que l’affaire ne soit pas renvoyée aux présidents d’élections actuels ou, subsidiairement, qu’elle soit seulement renvoyée à un groupe de présidents d’élections différemment constitué, d) les dépens à l’encontre des défendeurs William Miles, Daniel Redhead et Jeffrey Napaokesik s’élevant à 5 200 $, y compris les débours, e) toute autre forme de réparation que la Cour peut accorder.

[14]  La PNS, bien qu’elle soit désignée comme défenderesse, appuie le demandeur et a demandé bon nombre des mêmes réparations. Par conséquent, dans le cadre de la présente décision, je les désignerai seulement comme la PNS.

[15]  Les autres défendeurs, William Miles, Daniel Redhead et Jeffrey Napaokesik, demandent que la décision soit annulée et renvoyée aux mêmes décideurs, avec dépens. Dans le cadre de la présente décision, je désignerai ces trois personnes comme étant les défendeurs.

[16]  Charmain Miles, une des directrices des élections, a participé au processus de mise en candidature et au vote par anticipation, et a également signé la lettre qui a informé AANC des résultats de l’élection. Elle n’a pas participé au processus du 2 octobre 2018, n’a pas signé la décision et n’a assisté qu’à une partie de la réunion du 22 octobre 2018. Elle n’est pas partie à la présente demande.

B.  La preuve

[17]  La preuve concernant l’existence ou non d’une coutume qui habilite les présidents d’élections à lancer une enquête, à interjeter appel, à mener un appel ou à rendre une décision sur un appel est contestée.

[18]  Le demandeur et Eli Hill, un conseiller de la PNS, ont présenté une preuve par affidavit à l’appui de la position du demandeur.

[19]  Du côté des défendeurs, Daniel Redhead, William Miles et Jeffrey Napaokesik ont produit une preuve par affidavit à l’appui de leur position.

[20]  Voici des extraits de la preuve illustrant les positions respectives des parties.

Affidavit de Daniel Redhead et affidavit de William Miles [même libellé, même paragraphe] :

[traduction]
« 4. Les présidents d’élections sont choisis par la collectivité et ont pour tâche de superviser le processus électoral, conformément aux coutumes électorales de la PNS. Les présidents d’élections doivent veiller à ce que les élections soient justes et à ce que la corruption n’entrave pas la volonté réelle de la collectivité tout au long du processus électoral. Avant, pendant et après l’élection, les présidents d’élections ont le pouvoir de recevoir et de traiter toute préoccupation ou allégation concernant le caractère équitable de l’élection, y compris les allégations de corruption. Si un acte de corruption a une incidence sur le caractère équitable d’une élection, les présidents d’élections ont le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour en protéger le caractère équitable et pour veiller à ce que la volonté réelle de la collectivité soit exprimée dans le cadre du processus électoral. »

Affidavit de Christine Joan Redhead (la pièce A de l’affidavit de Daniel Redhead) :

[traduction]
« 4. J’ai été choisie comme directrice des élections, avec d’autres membres de la PNS, car je connais nos coutumes et nos traditions électorales.

5. À titre de présidente d’élection, j’ai constaté que l’élection du chef, qui a eu lieu le 23 septembre 2016, était juste et qu’il n’y a pas eu d’acte de corruption pendant le processus électoral. Je n’ai pas vu ni entendu parler de corruption.

6. Pendant les élections, je n’ai reçu aucune plainte de la part des membres de la PNS qui aurait pu me laisser penser qu’il y avait eu des actes de corruption.

7. Si j’avais reçu des plaintes ou des rapports d’injustice, de corruption ou de pots-de-vin, les autres présidents d’élections et moi-même aurions enquêté sur ces signalements et nous aurions pris les mesures appropriées contre tout candidat ou membre impliqué dans un acte de corruption. »

Affidavit de Jeffrey Napaokesik :

[traduction]
« 19. Comme il a été mentionné, les présidents d’élections connaissent bien les coutumes électorales de la PNS et ils sont chargés de veiller à ce qu’elles soient respectées et à ce que le processus électoral soit juste. Lorsque les présidents d’élections sont mis au courant d’actes déloyaux ou frauduleux (y compris la corruption), il doit enquêter sur ces allégations et prendre les mesures appropriées pour assurer l’équité et l’intégrité du processus électoral. »

Affidavit de William Miles :

[traduction]
« 6. Mme Redhead était présidente d’élections en 2016 et elle a supervisé le processus électoral qui a permis à M. Napaokesik d’être déclaré chef de la PNS pour un mandat de deux ans. Mme Redhead confirme qu’elle n’a pas été mise au courant d’allégations de corruption relativement à l’élection, mais souligne également que, si elle avait été mise au courant de telles allégations, elle aurait enquêté sur les allégations et y aurait donné suite. Cela est conforme au rôle des présidents d’élections et aux coutumes qui s’appliquent aux élections au sein de la PNS. J’ai parlé à Rosemary Thomas et à Dolly Napaokesik, deux Aînées respectées de la PNS, et elles ont confirmé que les présidents d’élections ont le pouvoir de destituer un chef à la suite d’une élection si celui-ci a été élu grâce à des actes de corruption. »

Affidavit d’Eli Hill :

[traduction]
« 5. À ma connaissance, il y a un manque de consensus dans la collectivité quant au pouvoir de destituer quelqu’un de son poste de chef ou de conseiller.

6. À ma connaissance, il y a un manque de consensus quant à l’existence d’une procédure d’appel ou d’examen des résultats d’élections.

7. Je ne suis au courant d’aucun cas où un chef ou un conseiller a été démis de ses fonctions en vertu d’une coutume orale.

8. Je ne suis au courant d’aucun cas où les résultats d’une élection ont fait l’objet d’un appel en raison d’allégations de fraude électorale.

[...]

13. Ces trois présidents d’élections ont été nommés par la collectivité en décembre 2017 afin de contribuer à l’élaboration d’un code électoral coutumier pour Shamattawa.

14. William Miles et Daniel Redhead ont également été nommés pour superviser les élections en décembre 2017, puis de nouveau en octobre 2018.

15. À ma connaissance, il n’existe pas de coutume établie au sein de la bande selon laquelle les présidents d’élections ont le pouvoir de destituer qui que ce soit du poste de chef ou de conseiller ou de prendre des décisions sur les appels relatifs aux élections. »

Contre-interrogatoire d’Eli Hill (lorsqu’on l’a interrogé afin de savoir pourquoi il semblait s’attendre à ce que les membres de la bande concernés lui fassent part d’allégations d’actes de corruption commis pendant l’élection) :
[traduction]

Q. : Ce que je dis, c’est que « personne ne m’a présenté de preuve », mais ce n’est pas une exigence coutumière de la bande de toute façon, n’est-ce pas?

R. : Oui, s’il y a, genre, le chef et le conseil constituent le quorum, ils ont du pouvoir à Shamattawa. Si un membre a une plainte à formuler, cela sera discuté à la réunion du chef et du conseil.

Q. : D’accord. Mais en ce qui concerne les élections, vous avez dit que ce mandat revient aux présidents d’élections. N’est-ce pas?

R. : Non.

Q. : Non?

R. : Parce que s’il y avait une réunion des membres, et que des choses étaient mises à jour, disons, la raison de la réunion, comment est-ce qu’on dit – s’il y avait une réunion des membres et que les gens affirmaient qu’Eric est accusé de fraude, ils convoqueraient alors une autre réunion pour présenter cela au chef et au conseil.

Q. : Et cela relèverait de la décision du chef?

R. : Le conseil, le quorum. Par exemple, le chef n’a aucun pouvoir, il doit avoir le quorum.

Contre-interrogatoire d’Eli Hill (au sujet du rôle des présidents d’élections) :

Q. : Mais leur travail est de compter les votes après que tout le monde a voté?

R. : Oui.

Q. : Et ils doivent s’assurer de porter l’urne électorale aux Aînés pour qu’ils puissent voter?

R. : Oui.

Q. : Et ils sont responsables du caractère équitable des élections?

R. : Oui.

Q. : Et ils ont la responsabilité de s’assurer, une fois les votes comptés, que la bonne personne est nommée chef?

R. : Oui.

Q. : Ils seraient donc également responsables de recevoir des plaintes ou d’autres renseignements sur la façon dont les élections se sont déroulées?

R. : Oui, mais aussi le chef et le conseil. Encore une fois, comme je l’ai dit, en cas de, s’il y a des allégations, ils convoquent une autre réunion, puis présentent les faits au chef et au conseil. »

Affidavit d’Eric Redhead :

[traduction]
7. Il ne semble pas y avoir de consensus dans la collectivité au sujet du pouvoir de destituer qui que ce soit du poste de chef et de conseil.

8. Par exemple, la pièce « B » est une résolution du conseil de bande (« RCB ») datée du 25 octobre 2016 et signée par le quorum composé du chef et des conseillers de l’époque, soit le chef de l’époque Jeffrey Napaokesik, la conseillère de l’époque Liberty Redhead, et le conseiller de l’époque Roderick Miles. Dans cette RCB, ces trois personnes sont d’avis que la destitution d’un chef exige une déclaration de culpabilité d’un acte criminel avant qu’un chef puisse être renvoyé et que cela ne peut pas se faire par l’entremise d’une pétition ou d’une réunion communautaire.

[...]

11. À mon avis, les motifs habituels et le processus de révocation des chefs ou des conseillers ne sont pas largement partagés et les gens ont des points de vue différents. Cela a semé le trouble.

12. En outre, il ne semble pas y avoir de consensus au sein de la collectivité quant au processus pour interjeter appel des résultats des élections, voire concernant l’existence même d’un tel processus.

13. Avant les événements décrits dans le présent affidavit, je n’ai jamais entendu parler d’un appel lié à une élection à Shamattawa. »

[21]  Le demandeur et la PNS soutiennent que les affidavits de William Miles, de Daniel Redhead et de Jeffrey Napaokesik sont fondés sur de la preuve par ouï-dire quant aux prétendues croyances des membres de la collectivité Christine Joan Redhead, Bennett Redhead, Rosemary Thomas et Dolly Napaokesik. Par conséquent, ils ne doivent pas être invoqués, car ils contreviennent au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106).

[22]  Je me concentrerai sur les renvois dans l’affidavit de Christine Joan Redhead (Mme Redhead), comme il a été mentionné ci-dessus; toutefois, les mêmes considérations s’appliquent aux affidavits de Bennett Redhead (mentionné dans l’affidavit de Daniel Redhead), de Rosemary Thomas et de Dolly Napaokesik (qui sont toutes les deux mentionnées dans l’affidavit de William Miles).

[23]  Mme Redhead a signé son affidavit le 21 octobre 2016 dans le cadre d’une affaire distincte. Daniel Redhead a joint l’affidavit de cette dernière au sien. Mme Redhead était directrice des élections de la PNS en 2016. Elle a affirmé qu’aucune allégation de corruption n’avait été formulée à l’égard de cette élection. Elle a dit que, si de telles allégations avaient été formulées, elle aurait fait enquête et elle y aurait donné suite. Elle a dit qu’une telle démarche était compatible avec le rôle des présidents d’élections et avec les coutumes électorales de la PNS.

[24]  Daniel Redhead affirme également que, selon Bennet Redhead, [traduction« un Aîné très respecté de la PNS », les présidents d’élections ont le pouvoir de destituer un chef à la suite d’une élection si celui-ci a été élu grâce à des actes de corruption.

[25]  Le demandeur soutient que ces allégations ne peuvent être acceptées parce qu’elles constituent du ouï-dire (paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales).

[26]  La PNS convient que l’affidavit de Mme Redhead est inadmissible, car il a été déposé dans le cadre d’une autre instance judiciaire. De plus, la PNS soutient que les défendeurs n’ont pas établi que la preuve produite par Mme Redhead est nécessaire et digne de foi, et qu’elle répond donc aux exigences pour permettre une exception à la règle du ouï-dire (R c Mapara, [2005] 1 RCS 358, au par. 13).

[27]  De plus, la PNS fait remarquer qu’il n’est pas clair si Mme Redhead allègue qu’une coutume de la bande lui permettrait, à titre de directrice des élections, d’entreprendre une enquête sur une fraude électorale ou si elle affirme simplement qu’elle aurait pris une telle mesure.

[28]  Les autres défendeurs sont muets sur ce point.

[29]  Il est vrai qu’un témoignage formulé dans le cadre d’une ancienne instance judiciaire est décrit comme étant du ouï-dire (R c Hawkins, [1996] 3 RCS 1043, à 153 et 154). Une exception à l’inadmissibilité pour motif de ouï-dire peut être faite si un témoin n’est pas disponible (Éthier c Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [1993] 2 CF 659 (CA); R c Khelawon, [2006] 2 RCS 787). Toutefois, rien ne laisse clairement penser qu’un des déposants ne pouvait témoigner personnellement dans cette affaire.

[30]  Même si les affidavits sont fondés sur des éléments de ouï-dire et qu’aucune exception à la règle du ouï-dire n’est accordée, les déclarations faites par les déposants sont admissibles dans la mesure où elles ne sont pas présentées comme preuve de leur contenu. L’affidavit de Mme Redhead est une pièce jointe de l’affidavit de Daniel Redhead, et non un affidavit déposé de façon indépendante. Je comprends donc que l’affidavit de Mme Redhead et les déclarations attribuées aux Aînés dans les affidavits de Daniel Redhead et de William Miles n’ont pas été présentés comme preuve de leur contenu. Ils sont plutôt présentés à titre de preuve de quelque chose qui a été dit à des témoins dans la présente instance. La Cour limitera son appréciation de la preuve en conséquence.

[31]  Quoi qu’il en soit, les affidavits ne sont pas déterminants quant aux questions dont la Cour est saisie.

C.  L’historique des procédures

[32]  L’affaire a fait l’objet d’une gestion de cas et les parties n’ont pas à s’entendre qu’à la tenue de séances de médiation.

[33]  La présente demande n’est pas la première instance liée à la gouvernance de la PNS. Il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des autres instances dont la Cour a été saisie, sauf pour dire que la nature et la portée des coutumes tacites de la PNS ont été au cœur de ces litiges antérieurs.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[34]  Le texte intégral de la décision signée par deux des présidents d’élections est reproduit ci-dessous :

[traduction]
Monsieur,

Le 22 octobre 2018, la collectivité a tenu une réunion pour faire appel de l’élection de chef de la Première Nation de Shamattawa qui avait eu lieu le 2 octobre 2018. Cette élection a donné lieu à des préoccupations d’actes de corruption, notamment l’achat de vote et l’intimidation d’électeurs afin de les influencer.

Selon les éléments de preuve qui nous ont été présentés à la réunion, Jeffrey Napaokesik a été déclaré vainqueur de l’élection du 2 octobre 2018 qui a eu lieu au sein de la Première nation de Shamattawa.

IV.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[35]  Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur a soulevé les questions en litige suivantes :

  • (1) la question de savoir si le processus par lequel la décision du 23 octobre a été rendue enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale et que, par conséquent, cette décision ne peut être confirmée;

  • (2) la question de savoir s’il existe une coutume pour la tenue d’un appel concernant une élection qui donnerait aux présidents d’élections le pouvoir de faire enquête et de trancher un appel.

  • (3) Quelle est la réparation appropriée en l’espèce?

[36]  Dans leur mémoire des faits et du droit, les défendeurs ont reconnu que [traduction« le demandeur n’a pas bénéficié du degré d’équité procédurale requis en ce qui a trait à la décision ». Ils ont également reconnu l’entente conclue entre les avocats portant que le demandeur ne présentait pas une requête en vue d’obtenir un bref de quo warranto contre Jeffrey Napaokesik.

[37]  J’accueille donc la demande de contrôle judiciaire au motif qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. Bien que l’obligation d’équité procédurale soit souple et qu’elle repose sur une appréciation du contexte (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 22 (CanLII), il convient, d’après les principes les plus fondamentaux de cette obligation, d’aviser les personnes pouvant être touchées par la décision qu’une décision sera rendue et de leur donner la possibilité de présenter des observations (Orr c Première Nation de Fort McKay, 2011 CF 37, au paragraphe 12).

[38]  D’après les faits dont je dispose, selon lesquels le demandeur n’avait pas été informé des allégations formulées contre lui à la réunion du 22 octobre et qu’il n’a pas eu l’occasion d’y répondre, je conclus que le demandeur s’est vu refuser l’équité procédurale la plus élémentaire. La décision est donc annulée.

[39]  Il ne reste donc que deux questions à trancher dans le présent contrôle judiciaire :

  • (1) Les présidents d’élections de la PNS ont-ils le pouvoir d’intervenir ou de faire enquête relativement à une élection, ou d’en décider l’issue?

  • (2) Si la réponse est non, quelle serait la réparation appropriée?

[40]  La question de savoir si les présidents d’élections de la PNS ont le pouvoir de faire ce qu’ils ont fait est une question de droit et elle sera examinée selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] CSC 190, au par. 59 (CanLII).

V.  Les positions des parties

A.  Les présidents d’élections de la PNS ont-ils le pouvoir d’intervenir ou de faire enquête relativement à une élection, ou d’en décider l’issue?

[41]  Le demandeur soutient que les présidents d’élections de la PNS n’ont pas le pouvoir de faire enquête et de trancher les appels en matière d’élections, car aucune coutume de la PNS ne régit les appels en matière d’élections.

[42]  Comme il n’y a pas de source écrite de droit en l’espèce, le demandeur s’appuie sur la décision Shirt c Nation Crie de Saddle Lake, 2017 CF 364, aux par. 31 et 32 [Shirt], pour faire valoir qu’une coutume de bande qui n’est pas écrite doit être [traduction« fermement établie, généralisée et suivie de façon constante et délibérée par une majorité de la communauté, ce qui démontrera un large consensus » pour être invoquée à titre de source de droit. Il souligne qu’il n’existe aucune preuve d’une coutume relativement aux appels concernant les élections, et qu’il y a un certain nombre d’opinions différentes, ce qui démontre l’absence d’un consensus au sein de la collectivité. Par conséquent, aucune source de droit ne donne aux présidents d’élections le droit de tenir des appels en matière d’élections. Il soutient que, comme ce pouvoir n’a aucune base (qu’il s’agisse d’une coutume ou de la législation), il ne peut exister.

[43]  La PNS est d’accord avec le demandeur pour dire que les présidents d’élections n’ont pas ce pouvoir. La PNS soutient que les pouvoirs des présidents d’élections sont habituellement conférés par le conseil de bande, et que les présidents d’élections ne disposent d’aucun pouvoir explicite leur permettant d’interjeter appel. Leurs pouvoirs se limitent à « assurer un processus électoral juste et légitime », ce qui ne saurait englober le pouvoir de faire appel sans l’octroi explicite de pouvoirs par le Conseil. Elle prétend que l’iniquité procédurale constatée en l’espèce démontre bien pourquoi elle n’a pas de tels pouvoirs, c’est-à-dire qu’elle n’a pas les compétences nécessaires pour bien gérer les appels.

[44]  La PNS met également en doute l’application du principe de la nécessité pour donner aux présidents d’élections le pouvoir de faire appel des élections. Elle souligne que différents précédents établissent que le principe ne s’applique que rarement et dans des circonstances exceptionnelles, circonstances qui n’existent pas en l’espèce. Elle soutient en outre que le principe ne peut pas s’appliquer, car les présidents d’élections ne sont pas nécessaires. Le Conseil peut nommer d’autres membres qualifiés de la collectivité s’il estime qu’il convient d’interjeter appel. Elle ajoute que, de toute façon, la Cour fédérale est en mesure de régler les différends électoraux, ce qui rend inutile le recours à d’autres arbitres.

[45]  Les défendeurs soutiennent que les présidents d’élections sont choisis par la collectivité et qu’ils ont la responsabilité de surveiller le processus électoral et que, par conséquent, ils ont le pouvoir d’intervenir en cas de manœuvres électorales injustes. Ils prétendent qu’il y a un large consensus au sein de la collectivité quant à la nature du rôle des présidents d’élections. De plus, ils soulignent qu’ils ont présenté des éléments de preuve qui, selon eux, démontrent que le demandeur a gagné l’élection de façon injuste. Ils soutiennent que le maintien de l’équité et de l’intégrité du système électoral nécessite que les présidents d’élections aient un rôle plus élargi que le compte de votes.

[46]  De plus, à titre subsidiaire, les défendeurs soutiennent que le principe de la nécessité s’applique. Ils se fondent sur l’arrêt Bill c Comité d’appel de la bande du lac Pélican, 2006 CAF 397, pour faire valoir que, lorsque personne d’autre n’a le pouvoir d’agir pour accomplir quelque chose qui s’impose sur le plan juridique, même les personnes inhabiles peuvent devenir habiles à agir. En l’espèce, les présidents d’élections sont le seul moyen par lequel un appel relatif aux élections peut être instruit.

B.  Quelle est la réparation appropriée?

[47]  Le demandeur souligne les pouvoirs de la Cour d’annuler une décision en formulant des directives, ou de rendre un jugement déclaratoire, conformément aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Ils soutiennent que la Cour devrait annuler la décision et déclarer que les présidents d’élections de la PNS ne peuvent pas faire appel des élections.

[48]  Par ailleurs, le demandeur soutient que, si la Cour décidait que les présidents d’élections de la PNS ont compétence pour instruire de tels appels, la Cour devrait par conséquent renvoyer la décision à un autre groupe de présidents d’élections, parce qu’il existe une crainte raisonnable de partialité concernant les actuels présidents d’élections. Il fait valoir que le processus d’appel injuste qui a été utilisé, le fait que les présidents d’élections semblaient avoir préalablement décidé de la culpabilité du demandeur et l’utilisation d’éléments de preuve non divulgués à la réunion du 22 octobre 2018 constituent la preuve de l’existence une crainte raisonnable de partialité qui les rend inapte à rendre une nouvelle décision.

[49]  La PNS convient que la décision doit être annulée et qu’aucune nouvelle décision ne doit être prise. Toutefois, si l’affaire est renvoyée pour nouvel examen, un autre groupe de présidents d’élections devrait entendre le cas du demandeur, car il existe une crainte raisonnable de partialité des actuels présidents d’élections.

[50]  Les défendeurs soutiennent que la réparation appropriée consisterait à renvoyer la décision aux présidents d’élections, où elle pourrait être réexaminée au moyen des procédures appropriées.

VI.  Analyse

A.  Les présidents d’élections de la PNS ont-ils le pouvoir d’intervenir ou de faire enquête relativement à une élection, ou d’en décider l’issue?

[51]  Les faits liés à la présente affaire démontrent que les présidents d’élections ont dirigé le processus d’appel électoral en croyant que cela relevait de leur compétence. Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agit d’une question de droit et, par conséquent, elle peut faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[52]  Je reconnais que les coutumes et traditions orales font aussi partie du droit canadien et que ces lois et traditions n’ont pas toujours besoin d’être écrites (Pastion c Première Nation Dene Tha’, 2018 CF 648).

[53]  Les arguments des défendeurs me convainquent que la question pertinente en est une de portée : la portée du pouvoir des présidents d’élections leur permet-elle d’enquêter sur les appels relatifs aux élections et de trancher ces appels? La portée de ce pouvoir peut découler d’un certain nombre de sources, y compris les coutumes établies, la nature de leur nomination et de leurs fonctions, ou par nécessité juridique. J’examinerai ces sources l’une après l’autre.

[54]  En ce qui concerne le premier point, les éléments de preuve dont je dispose ne suffisent pas à établir qu’il existe un vaste consensus parmi les membres d’une PNS qui permet aux présidents d’élections de mener une enquête de son propre chef ou à la demande des membres de la PNS. Par conséquent, j’estime qu’il n’existe pas de coutume relativement à ces prétendus pouvoirs des présidents d’élections. Comme le demandeur l’a fait remarquer, aucune preuve ne permet d’établir qu’il y aurait eu avant la présente instance un appel concernant l’élection. Comme la décision Shirt appuie la proposition selon laquelle la barre est haute pour établir une coutume orale, j’estime que l’absence de preuve à cet égard ne permet pas d’établir l’existence d’une coutume orale accordant ce pouvoir aux présidents d’élections. Je tire cette conclusion à l’égard des Aînés de la PNS. Je ne dis pas que les Aînés cités par les défendeurs ont commis une erreur; je conclus simplement que les éléments de preuve dont je dispose étaient insuffisants pour établir l’existence d’une telle coutume, comme le laissent entendre les défendeurs.

[55]  En ce qui concerne le deuxième point, il y a beaucoup de désaccord et d’incertitude quant à la portée des pouvoirs des présidents d’élections, ainsi qu’une tension compréhensible. D’une part, le demandeur et la PNS sont d’avis que le rôle des présidents d’élections est limité à mener les élections de façon équitable, et que celui-ci prend fin une fois le chef élu. D’autre part, le mandat des présidents d’élections d’assurer un processus électoral équitable peut, de façon incidente, s’étendre aux décisions prises après les élections concernant l’intégrité de ces dernières.

[56]  Dans ces eaux inconnues, il s’avère utile de s’inspirer des principes de la common law. Il ne fait aucun doute qu’en common law, il n’existe jamais de droit inhérent d’interjeter appel d’une décision; tout droit d’appel doit être créé par voie législative : Chagnon c Normand, [1889] 16 RCS 661. À mon avis, ce principe signifie qu’une fois qu’une décision a été rendue, seul un mécanisme créé par voie législative, que cela soit par écrit ou non, peut ouvrir la porte à un appel. Autrement dit, les décisions sont définitives, à moins d’indication contraire.

[57]  Par conséquent, étant donné qu’aucun code écrit ni aucune coutume orale ne prévoit de droit d’appel auprès des présidents d’élections à l’égard des résultats d’une élection ou des décisions concernant cette élection, il ne peut y avoir de droit d’appel à l’égard de l’issue des élections ou de la décision définitive rendue en l’espèce. En ce qui concerne plus particulièrement les présidents d’élections, ces derniers n’ont pas le pouvoir d’enquêter concernant l’issue d’une élection, ni de lancer ou mener ou trancher un appel quant à cette issue, à moins que le chef et le conseil ou la population de la PNS ne leur aient expressément conféré ce pouvoir.

[58]  Il est vrai que ce que les présidents d’élections ont fait ne ressemble pas exactement à l’instruction d’un appel en soi. Cela pourrait être considéré comme une enquête à l’interne. Toutefois, en l’absence d’un code écrit ou d’une pratique ou d’une coutume non écrite claire et acceptée qui pourrait nous éclairer en l’espèce, il ne s’agirait-là que d’un exercice hypothétique de classification. En fin de compte, le résultat final de l’élection a été donné et communiqué par les présidents d’élections, puis ce résultat a [traduction« fait l’objet d’un appel » (faute d’un meilleur terme) par les présidents d’élections pour le compte de certains membres, ou pour leur propre compte, suivant réception de certains renseignements. Les présidents d’élections ont ensuite agi à titre d’arbitres et ont annulé la décision initiale. Je conclus que, sans preuve du contraire, cela ressemble vraiment à un appel.

[59]  Enfin, en ce qui concerne le principe de la nécessité, je ne crois pas que les circonstances justifient son application, étant donné que la barre est extraordinairement haute et qu’il existe d’autres mécanismes, comme le contrôle judiciaire à la Cour fédérale, pour régler les problèmes liés aux élections. Il est généralement approprié d’appliquer le principe lorsqu’il n’existe aucun autre moyen d’intenter une action en justice.

[60]  Par conséquent, je conclus que les présidents d’élections n’ont pas le pouvoir d’enquêter sur les appels ni de trancher les appels découlant du résultat final d’une élection, une fois ce résultat publié. Cela dit, je ne commente pas leurs pouvoirs avant que la décision définitive ne soit prise. Si quelque chose doit être fait en fonction de la portée des pouvoirs des présidents d’élections, cela doit être fait dans le cadre du processus électoral, lequel se termine à l’élection d’un candidat.

[61]  Il serait tout à fait du ressort de la PNS d’entreprendre des démarches en vue de parvenir à un large consensus dans la collectivité sur cette question. Je constate que Daniel Redhead a décrit les démarches de la PNS en vue de l’établissement d’un code, mais que la collectivité n’a pas été en mesure de mettre la touche finale à ces questions. J’exhorte la PNS à poursuivre ces démarches très importantes, afin de favoriser la certitude en matière de gouvernance. Cela assurera sans aucun doute la sécurité financière et administrative de l’exécution des programmes et des services pour la population de la PNS.

B.  Quelle est la réparation appropriée

[62]  Comme la décision a été rendue d’une manière injuste sur le plan de la procédure, elle est annulée conformément à l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales.

[63]  Je conclus également que les présidents d’élections n’ont pas le pouvoir de mener des appels relatifs à des élections, et qu’il s’ensuit que l’affaire ne devrait pas être renvoyée aux mêmes présidents d’élections, ou à d’autres présidents d’élections, pour nouvelle décision. Rendre une telle ordonnance aurait pour effet d’imposer à la PNS un processus qu’elle n’a pas décidé d’adopter.

[64]  Si la PNS avait élaboré une forme quelconque de processus d’appel (écrit ou non), comportant un processus de sélection des présidents d’élections de remplacement qui seraient expressément habilités à enquêter sur des questions ou à interjeter appel de leur propre chef ou à l’insistance des membres de la PNS, je n’aurais aucune difficulté à renvoyer cette question pour qu’elle soit réexaminée par un groupe de présidents d’élections différemment constitué. D’après la preuve dont je dispose, aucune pratique de ce genre n’a été approuvée par les membres de la PNS ni par le chef et le conseil. En l’absence d’une loi claire (écrite ou non) faisant l’objet d’un large consensus au sein de la PNS, la Cour constitue une instance appropriée pour trancher des différends comme celui en l’espèce (Shirt, au paragraphe 4). Je prends cette décision avec une certaine réticence, car la Cour a déjà été appelée à traiter des différends. La Cour préférerait que la PNS tranche les différends selon les paramètres de ses propres lois.

[65]  Comme j’ai conclu que la décision est annulée, je juge qu’il est nécessaire de déclarer qu’Eric Redhead était et continue d’être le chef actuel de la PNS, conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales.

[66]  Dans un souci de certitude future, j’estime également nécessaire de déclarer que les présidents d’élections de la PNS n’ont pas le pouvoir d’enquêter concernant l’issue d’une élection, ni lancer ou mener ou trancher un appel quant à cette issue, sans s’être fait expressément conféré des pouvoirs en ce sens par le chef et le conseil et/ou de la population de la PNS, peu importe le processus que la PNS décidera d’adopter. La PNS a le pouvoir d’accélérer ces démarches visant à accorder expressément de tels pouvoirs aux présidents d’élections avant la prochaine élection pour le poste de chef. D’ici là, les présidents d’élections doivent se préoccuper de l’administration d’un processus électoral équitable, mais leur compétence se termine à la fin du dépouillement des votes, lorsque l’issue définitive de l’élection est connue.

[67]  Les jugements déclaratoires sont des mesures de réparation discrétionnaires. Je conclus que les circonstances de l’affaire me donnent suffisamment de motifs pour prononcer un tel jugement discrétionnaire.

[68]  J’ai constaté un changement positif. Il a été soutenu que la PNS n’avait jamais tenu auparavant de bureaux de scrutin à l’extérieur de la réserve; pourtant, cette mesure progressive n’a pas été accueillie avec désapprobation par la collectivité lors des élections du 2 octobre 2018. Les lois évoluent constamment et elles sont rarement acceptées à l’unanimité par quelque collectivité que ce soit. Il y a des coutumes et des traditions qui demeurent fortes au sein de la PNS. J’exhorte les parties à se servir de ces coutumes et de ces traditions fortes pour régler les nouveaux problèmes qui surviendront.

VII.  Conclusion

[69]  Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Eric Redhead est déclaré chef de la PNS. Les présidents d’élections n’ont pas le pouvoir d’enquêter concernant l’issue d’une élection, ni lancer ou mener ou trancher un appel quant à cette issue, si le chef et le conseil et/ou les membres de la PNS ne leur ont pas expressément octroyé ce pouvoir. La PNS serait bien avisée de consigner soigneusement à la fois le processus d’octroi des pouvoirs exprès aux présidents d’élections et la nature et la portée de ces octrois.

[70]  La demande est accueillie, avec dépens.


JUGEMENT dans le dossier no T-1875-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La Cour déclare Eric Redhead chef de la Première Nation de Shamattawa;

  3. La Cour déclare que les présidents d’élections de la Première Nation de Shamattawa ne pourront pas enquêter concernant l’issue d’une élection, ni lancer ou mener ou trancher un appel quant à cette issue, à moins que le chef et le conseil et/ou les membres de la PNS ne leur octroient expressément ce pouvoir.

  4. Le demandeur se voit accorder des dépens de 2 000 $ de la part des défendeurs, William Miles, Daniel Redhead et Jeffrey Napaokesik.

  5. La Première Nation de Shamattawa ne se voit pas accorder de dépens.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de janvier 2020

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-1875-18

 

INTITULÉ :

ERIC REDHEAD c WILLIAMS MILES, DANIEL REDHEAD, JEFFREY NAPAOKESIK, JEMIMA ANDERSON aussi connue sous le nom de PEGGY BEARDY ANDERSON, THERESA MILES, GEORGETTE REDHEAD ET LA PREMIÈRE NATION DE SHAMATTAWA

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 AVRIL 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 17 décembre 2019

COMPARUTIONS :

Sasha R. Paul

Megan Smith

POUR LE DEMANDEUR

 

Ryan Savage

POUR LES DÉFENDEURS

(WILLIAM MILES, DANIEL REDHEAD ET 

JEFFREY NAPAOKESIK)

 

Madelaine MacKenzie

POUR LES DÉFENDEURS

(PREMIÈRE NATION DE SHAMATTAWA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

Taylor McCaffrey

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

POUR LES DÉFENDEURS

(WILLIAM MILES, DANIEL REDHEAD ET

JEFFREY NAPAOKESIK)

 

Power Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

(PREMIÈRE NATION DE SHAMATTAWA)

 

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