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Date : 20040426

Dossier : IMM-2245-03

Référence : 2004 CF 619

Toronto (Ontario), le 26 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                               JAWAD MAKKI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Jawad Makki, un citoyen libanais de 31 ans, prétend craindre avec raison d'être persécuté parce qu'il est un partisan de l'ancien dirigeant du Liban en exil, Michel Aoun, et qu'il est opposé à l'occupation du Liban par la Syrie. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a déterminé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]                M. Makki aurait commencé à participer à des activités politiques en 1999. Il prétend que les forces syriennes ont mis fin à une manifestation à laquelle il assistait en février 1999 et qu'il a été arrêté avec 14 autres personnes. Il a été amené à l'administration centrale du service de renseignements, où il a été agressé et frappé derrière la tête avec une crosse de fusil. Il a été détenu durant trois mois.

[3]                À sa libération, M. Makki serait allé à l'hôpital américain de Beyrouth pour faire soigner ses blessures. Il a subi une intervention chirurgicale visant à retirer un caillot de sang, dont il conserve la cicatrice. Il ne voit pas parfaitement de l'oeil gauche. Il a perdu son emploi après que son laissez-passer de sécurité eut été révoqué par les autorités syriennes.

[4]                Les frères aînés de M. Makki se sont enfuis en Suisse en 1985 à cause du harcèlement exercé contre eux par les Syriens. Ils se sont vu reconnaître le statut de réfugié dans ce pays. M. Makki aurait voulu les rejoindre, mais il n'a pas pu obtenir de visa pour la Suisse. Il aurait alors considéré le Canada comme une solution de rechange. Après avoir obtenu un visa pour le Mexique, il a quitté le Liban en janvier 2001. Il est passé par la Hollande, le Mexique et les États-Unis avant de venir au Canada. Il est resté au Mexique pendant un mois. Après être entré illégalement aux États-Unis avec l'aide d'un agent, il s'est rendu à Détroit. Il a passé environ trois mois aux États-Unis, avant d'arriver au Canada le 2 mai 2001 et de revendiquer le statut de réfugié.

[5]                La SPR a déterminé que la principale question en litige était la crédibilité. Selon elle, M. Makki ne disait pas la vérité et n'était pas crédible. M. Makki prétend que la SPR a commis une erreur, et il conteste certaines des conclusions qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité. Le fait qu'il n'établit pas de distinction entre les conclusions de la SPR qui ont influé sur sa décision et les autres pose problème.

[6]                Le défendeur reconnaît que la SPR a commis une erreur en relevant une contradiction entre le FRP et le témoignage de M. Makki en ce qui concerne la distribution de tracts, mais, selon lui, cette erreur n'a pas été déterminante. Je suis aussi de cet avis. Même si l'expression « famille engagée politiquement » employée par la SPR n'était pas exacte, cela n'enlève rien au caractère raisonnable des conclusions qui ont été tirées à cet égard. Le témoignage de M. Makki selon lequel il ne savait pas pourquoi ses frères avaient quitté le Liban contredisait son FRP, où il était indiqué que ces derniers s'étaient enfuis en Suisse [traduction] « parce qu'ils avaient été persécutés en raison de leurs convictions politiques et parce qu'ils craignaient d'être tués par les Syriens » . À mon avis, il pouvait être invraisemblable, aux yeux de la SPR, que, même s'il était jeune au moment du départ de ses frères, M. Makki n'ait pas découvert en vieillissant et en devenant plus engagé sur le plan politique les raisons pour lesquelles ces derniers avaient quitté le Liban pour se réfugier dans un autre pays, alors qu'une période de plus de 15 ans s'était écoulée.


[7]                La SPR pouvait également conclure que le témoignage de M. Makki sur l'organisation du groupe pro-Aoun duquel il prétendait avoir fait partie et sur l'affiliation à celui-ci était vague et évasif. Une lecture de la transcription étaie cette conclusion. La SPR pouvait en outre accorder peu d'importance aux affirmations qui ne figuraient pas dans le FRP. M. Makki a juré que le FRP était complet. Il a fait traduire ce document. Il n'y faisait cependant pas état de sa participation à des activités comme la peinture de slogans au pistolet et des discussions avec des jeunes. Il n'a pas non plus mentionné que la police syrienne était venue le chercher dans le café, qu'elle lui avait tiré les cheveux et les oreilles et qu'elle l'avait menacé. L'erreur commise par la SPR relativement à la distribution de tracts ne change cependant rien aux autres contradictions.

[8]                La décision de la SPR ne doit pas être examinée à la loupe, mais dans l'ensemble. Les conclusions de fait, notamment celles relatives à la crédibilité, relèvent exclusivement de la SPR. Ce n'est que si ces conclusions sont manifestement déraisonnables qu'elles seront modifiées dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Or, en l'espèce, les conclusions de la SPR ne sont pas manifestement déraisonnables lorsqu'on place la décision dans son contexte. En fait, les motifs de la SPR sont clairs, convaincants et complets.

[9]                L'évaluation de la crédibilité est au coeur d'une demande, que ce soit une revendication du statut de réfugié ou une demande présentée par une personne à protéger. La SPR n'a tout simplement pas cru M. Makki, et c'est pour cette raison qu'elle a rejeté sa demande. L'intervention de la Cour n'est pas justifiée en l'espèce.

[10]            Il n'est pas nécessaire que la SPR examine la preuve documentaire lorsqu'elle a rejeté la demande pour des motifs de crédibilité et qu'elle a considéré qu'elle ne disposait pas de suffisamment d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi démontrant le bien-fondé de celle-ci. Si cela avait été nécessaire toutefois, j'aurais conclu que l'approche adoptée par la SPR à cet égard était totalement défectueuse.

[11]            La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question à des fins de certification. La présente affaire ne soulève aucune question pouvant être certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

     « Carolyn Layden-Stevenson »     

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-2245-03

INTITULÉ :                                                             JAWAD MAKKI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 21 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                            LE 26 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Geraldine MacDonald                                        POUR LE DEMANDEUR

Greg George                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Robert Gertler and Associates                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                         COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040426

                                            Dossier : IMM-2245-03

ENTRE :

JAWAD MAKKI

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                 


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