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Date: 19990730


Dossier: T-1551-98

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE


MERLIN KACZMAR,


demandeur,


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(Revenu Canada),


défendeur.



Dossier : T-1577-98

ENTRE

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     et

     MERLIN KACZMAR,

     défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE PELLETIER

[1]      Merlin Kaczmar (M. Kaczmar) travaille à Revenu Canada, à Calgary (Alberta). Il s'est porté candidat au poste de coordonnateur d'équipe, Vérification, dans un concours interne. Il n'a pas été reçu et, dans l'exercice des droits qui lui sont conférés par l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la Loi), il en a appelé de la nomination consécutive à ce concours.

[2]      Les faits sont simples. M. Kaczmar conteste un concours dans lequel l'un des outils de sélection était un test standardisé, l'exercice de la corbeille 820. À la suite du concours, 19 candidats ont été jugés qualifiés pour être nommés au poste en question, soit celui de coordonnateur d'équipe, Vérification. M. Kaczmar ne faisait pas partie des candidats reçus; il a exercé le droit d'appel qu'il possédait en vertu de l'article 21 de la Loi. Il semble que M. Kaczmar n'ait pas obtenu le nombre minimum de points à l'égard de l'exercice de la corbeille 820, alors que la plupart des candidats reçus avaient obtenu au moins 20 points sur 30. Naturellement, M. Kaczmar se demande comment l'exercice de la corbeille est noté, compte tenu de ce résultat anormal. Il a demandé à avoir accès au matériel d'examen, la Commission de la fonction publique a refusé de donner accès aux documents ou de fournir copie de ces documents, si ce n'est à des conditions que M. Kaczmar jugeait inacceptables. La Commission de la fonction publique a refusé de donner accès aux documents pour le motif que cela nuirait à l'utilisation continue du test standardisé. Selon les motifs donnés par la présidente, la chose était fondée sur le sens commun, à savoir que si M. Kaczmar avait accès aux documents à l'égard desquels un candidat avait obtenu une très bonne note, cela équivaudrait à remettre au demandeur une feuille de réponse et lui conférerait un avantage indu lorsqu'il se présenterait subséquemment au test. Cela étant, la présidente a rendu une ordonnance de divulgation qui est ainsi libellée :

[TRADUCTION]
1.      Le représentant de l'appelant, soit à l'heure actuelle Dave Riffel, de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, pourra examiner le matériel d'examen aussi longtemps qu'il le voudra. L'appelant, M. Kaczmar, disposera d'un délai de 20 minutes pour examiner chaque document. Ni M. Riffel ni M. Kaczmar n'auront accès au guide de notation concernant l'exercice de la corbeille 820. Le guide de notation et le matériel d'examen, et notamment les réponses données par M. Kaczmar et par les candidats reçus, seront communiqués à la personne désignée par l'appelant, cette personne devant avoir les compétences voulues pour examiner et évaluer le test et le guide de notation.
2.      M. Riffel est autorisé à prendre des notes personnelles et à faire des photocopies, sans restriction aucune, du matériel qui lui aura été remis dans le cadre de la divulgation. Il pourra les conserver aux fins de cet appel, à condition de s'engager à en maintenir la confidentialité et sous réserve du paragraphe 4 ci-dessous.
3.      L'appelant devra attendre 180 jours pour effectuer l'exercice de la corbeille 820. Le délai commencera à courir à la date à laquelle il aura consulté le matériel d'examen pour la dernière fois, que ce soit au moment de la divulgation ou à l'audition de son appel.
4.      À la fin de l'audition au fond de cet appel, le matériel relatif à l'exercice de la corbeille 820 que l'appelant, son représentant ou toute autre personne qui y aura eu accès conformément au premier paragraphe ont en leur possession sera placé dans une enveloppe scellée et versé au dossier de la Commission de la fonction publique. Il en ira de même pour leurs notes personnelles.
5.      Si une demande de contrôle judiciaire est présentée, le matériel sera retourné au représentant de l'appelant sur demande. Si le délai de présentation de la demande de contrôle judiciaire expire sans qu'une demande ait été présentée, le matériel d'examen sera retourné au Centre de psychologie du personnel de la Commission de la fonction publique, sur demande. Les notes personnelles seront détruites.

[3]      De plus, la présidente a exclu du matériel à communiquer les réponses d'un certain nombre de candidats qui avaient été nommés à des postes par suite d'un concours interne antérieur ou qui avaient refusé un poste. Selon la présidente, aucune de ces personnes ne pouvait en fin de compte être nommée au poste visé par le concours et, par conséquent, aucune d'elles ne pouvait être considérée comme un candidat reçu.

[4]      Le procureur général du Canada sollicite le contrôle judiciaire de la partie de l'ordonnance par laquelle le représentant de M. Kaczmar est autorisé à prendre des notes et à faire des photocopies du matériel d'examen. M. Kaczmar présente sa propre demande de contrôle judiciaire de la décision de ne pas communiquer le guide de notation à son représentant ainsi que les résultats obtenus par les candidats qui, depuis lors, ont accepté d'autres postes. Les deux demandes seront examinées dans ces motifs.

[5]      Le litige découle de certaines dispositions de la Loi et de son règlement d'application :

Appeals

21.(1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their représentatives, shall be given an opportunity to be heard.

Appels

21.(1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21(1.1) Idem

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

21(1.1) Idem

(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21(2) Duty of Commission when notified of decision

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

21(2) Mesures

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

21(2.1) Appointment to other position

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

21(2.1) Nomination à un autre poste

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

21(3) Other measures

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

21(3) Autres mesures

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

21(4) Appeal

21(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.

21(4) Appel

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

21(5) Exception

(5) Section 10 and the rights of appeal provided by this section do not apply to appointments made under subsection 29(1.1) or (3), 30(1) or (2) or 39(3) of this Act or subsection 11(2.01) of the Financial Administration Act or any regulations made under paragraph 35(2)(a) of this Act.

     R.S., 1985, c. P-33, s. 21; 1992, c. 54, s. 16; 1996, c. 18, s. 15.

21(5) Exception

(5) L'article 10 et le droit d'appel prévu au présent article ne s'appliquent pas dans le cas où la nomination est faite en vertu des paragraphes 29(1.1), ou (3), 30(1) ou (2) ou 39(3) ou des règlements d'application de l'alinéa 35(2)a), ou en vertu du paragraphe 11(2.01) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

     L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 21; 1992, ch. 54, art. 26; 1996, ch. 18, art. 15.

[6]      À ces dispositions législatives vient s'ajouter le règlement qui a été pris conformément à la Loi, intitulé le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique [1993], (le Règlement), DORS/93-286, tel qu'il a été modifié par le règlement DORS/96-482, dont les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

24.(1) An appellant shall be provided access, on request, to any information, or document that contains information, that pertains to the appellant or to the successful candidate and that is liable to be disclosed beforte the appeal board.

24.(1) L'appelant a accès, sur demande, à toute information ou tout document qui contient des renseignements concernant lui-même ou le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel.

(2) The deputy head concerned shall provide, on request, to the appellant a copy of any document referred to in subsection (1).

(2) L'administrateur général en cause fournit, sur demande, à l'appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

(3) Despite subsections (1) and (2), the deputy head concerned may refuse to allow access to information or a document, or to provide a copy of any document, if the disclosure might

(3) Malgré les paragraphes (1) et (2), l'administrateur général en cause peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

     (a) threaten national security or any person's safety;
     (b) prejudice the continued use of a standardized test owned by the department or commercially available; or
     (c) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.
     a) soit de menacer la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne;
     b) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient au ministère ou qui est offert sur le marché;
     c) soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

(4) Despite subsections (1) and (2), the Commission or the Commission's représentative may refuse to allow access to any information or document, or to provide a copy of any document, if its disclosure might

(4) Malgré les paragraphes (1) et (2), la Commission ou son représentant peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

     (a) prejudice the continued use of a standardized test owned by the Commission or commercially available; or
     (b) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.
     a) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient à la Commission ou qui est offert sur le marché;
     b) soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

(5) Where the deputy head concerned or the Commission or its représentative refuses to allow access to any information or document under subsection (3) or (4), the appellant may request tha the appeal board order that access.

(5) Lorsque l'administrateur général en cause ou la Commission ou son représentant refuse de donner accès à de l'information ou à des documents en vertu des paragraphes (3) ou (4), l'appelant peut demander que le comité d'appel ordonne d'accorder cet accès.

(6) Where the appeal board orders access to any information or document under subection (5), that access is subject, before and during the hearing, to any conditions that the appeal board deems necessary in order to make certain that

(6) Lorsque le comité d'appel ordonne d'accorder l'accès à de l'information ou à des documents en vertu du paragraphe (5), cet accès est assujetti, avant et pendant l'audition, aux conditions que le comité d'appel estime nécessaires pour empêcher que :

     (a) national security or any person's safety will not be threatened;
     (b) the continued use of a standardized test referred to in subsection (3) or (4) will not be compromised; or
     (c) the results of such a standardized test will not be prejudiced by giving an unfair advantage to any individual.
     a) la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne ne soit menacée;
     b) l'utilisation continue d'un test standardisé visé aux paragraphes (3) ou (4) ne soit compromise;
     c) les résultats d'un tel test standardisé ne soient faussés en conférant un avantage indu à une personne.

(7) Any information or document obtained under this section shall be used only for purposed of the appeal.

(7) Toute information ou tout document obtenu en vertu du présent article ne peut être utilisé qu'aux fins de l'appel.

(8) For the purposes of this section, "standardized test" has the same meaning as in the standards for selection and assessment prescribed by the Commission under section 12 of the Act. SOR/96-482, art. 4; SOR/97-142, art. 8.

(8) Pour l'application du présent article, " test standardisé " s'entend au sens des normes de sélection et d'évaluation fixées par la Commission en vertu de l'article 12 de la Loi. DORS/96-482, art. 4; DORS/97-142, art. 8.

[7]      En ce qui concerne la demande de M. Kaczmar, le demandeur s'oppose au fait qu'on refuse de lui donner accès au guide de notation et au fait que les noms figurant sur la liste des candidats dont les réponses seront communiquées sont exclus.

[8]      M. Kaczmar renonce expressément à demander personnellement l'accès au guide de notation, mais il soutient que la divulgation ordonnée par la présidente est inadéquate.

[9]      L'avocat de M. Kaczmar souligne que le psychologue ne sera pas celui qui sera chargé de contre-interroger les témoins au sujet du test et de son application. L'ordonnance que la présidente a rendue équivaut à fournir à M. Kaczmar une évaluation indépendante du test, mais limite sa capacité d'utiliser cette information dans le cadre d'un processus accusatoire visant à permettre de déterminer ses droits. Il est opportun de se rappeler les remarques que le juge Rothstein (tel était alors son titre) a faites dans la décision Barton et Watkins c. Canada (Procureur général) (1993), 66 F.T.R. 54, à la page 57.

[14]      Le caractère contradictoire des procédures en l'espèce a été décrit dans l'arrêt Wiebe c. Canada, [1992] 2 C.F. 592 (C.A.), où le juge Hugessen s'est prononcé en ces termes à la page 595 :
     Bien qu'elle soit appelée "enquête", la procédure visée à l'article 21 est des plus contradictoire en nature puisque le requérant et l'employeur soutiennent des points de vue opposés et ils sont généralement représentés par des experts dans ce genre de litige spécialisé. Le juge Cattanach de la Section de première instance a décrit la situation avec justesse [Millard c. la Commission de la Fonction publique , [1974] 2 C.F. 530, à la page 539] :
         Bien qu'il n'y ait pas de litige entre des parties au sens véritable de ce terme, il y a néanmoins une contestation entre deux parties. Le sous-chef comparaît devant le comité pour expliquer que la sélection du candidat reçu s'est faite selon le système du mérite et le candidat non reçu est là pour démontrer que tel ne fut pas le cas. La jurisprudence a décrit et reconnu une telle situation comme un quasi-litige entre des quasi-parties.
     Dans de telles procédures contradictoires, les parties ont le droit de se faire représenter. Cette représentation doit être effective en ce sens qu'un avocat ou un représentant doit avoir la possibilité de savoir quel témoignage sera rendu par les témoins qu'il citera. Il doit avoir la possibilité d'examiner le témoignage du témoin expert, d'organiser la preuve, de s'assurer que les éléments de preuve sont cohérents, d'insister sur leurs meilleurs traits et de préparer le témoin au contre-interrogatoire. Il s'agit là des fonctions normales d'avocat. Sans avoir accès à tous les renseignements pertinents et, en particulier, à tous les renseignements confidentiels sur lesquels le témoignage d'expert reposerait et sur lesquels le témoin serait contre-interrogé, l'avocat ou le représentant ne saurait, de façon appropriée, s'acquitter de la tâche de persuader la cour ou le tribunal du bien-fondé de la cause du client.
[15]      En l'espèce, le comité d'appel n'a pas, dans sa décision, tenu compte du rôle joué par un avocat ou un représentant en limitant la divulgation à une personne qui pourrait témoigner devant le tribunal. En rendant une telle décision, le comité d'appel a eu tort de refuser aux requérants le droit de faire connaître à leur représentant, qui occupait pour eux, les mêmes renseignements qui seraient connus de son témoin éventuel. Certes, la préoccupation du comité d'appel quant à la confidentialité était appropriée; mais il a eut tort de limiter la divulgation de la manière dont il l'a fait.

[10]      Compte tenu de ce raisonnement, le guide de notation devrait être communiqué au représentant de M. Kaczmar. Le problème que pose le point de vue exprimé par M. Kaczmar découle de la décision rendue par le juge Richard (tel était alors son titre) dans l'affaire Hasan c. Canada (Procureur général) (1996), 111 F.T.R. 214, où il a été statué qu'un guide de notation ne renfermait pas " des renseignements concernant l'appelant ou le candidat reçu " et qu'il n'avait donc pas à être communiqué. Cette décision était fondée sur le fait que le guide ne renfermait pas de renseignements concernant expressément un candidat. Cette décision a été rendue dans une affaire où il s'agissait principalement de savoir si, aux fins de la divulgation, le comité d'appel pouvait faire une distinction entre l'appelant et son représentant. Le juge Richard a conclu que rien ne permettait de faire pareille distinction de sorte que si le guide de notation était assujetti à la divulgation, il devait être remis à l'appelant lui-même. Cela ne change rien à la nature du guide, mais cela change les conséquences de la divulgation. Je crois que le résultat de la décision Hasan était dicté par les circonstances de l'affaire.

[11]      La décision Hasan a été examinée par le juge McGillis dans l'affaire Murphy c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1843. Le savant juge a effectué un examen détaillé des dispositions du Règlement d'application en matière de divulgation, telles qu'elles existaient au moment pertinent, et a conclu que le guide de notation devait probablement être divulgué si, eu égard aux faits, ce guide était pertinent aux fins du litige :

[30]      L'avocat du défendeur a soutenu, entre autres choses, que le guide de notation n'était pas assujetti à la divulgation prévue par les dispositions du paragraphe 24(1) du nouveau Règlement compte tenu des décisions rendues dans le contexte de l'ancien Règlement. Je ne puis retenir cet argument. À mon avis, le nouveau régime législatif était destiné à mettre en balance les intérêts divergents de l'appelant lorsqu'il s'agissait d'obtenir une divulgation complète, et du gouvernement lorsqu'il s'agissait de protéger la confidentialité et l'intégrité des tests standardisés. Afin d'en arriver à l'équilibre approprié, le nouveau Règlement prévoit la divulgation complète à l'appelant, en reconnaissant qu'il peut néanmoins y avoir des cas dans lesquels la divulgation devrait être refusée ou encore être accordée à certaines conditions afin de protéger la confidentialité et l'intégrité du test standardisé. De fait, les modifications prévoient clairement que les documents ou l'information se rapportant à un test standardisé seront assujettis à la divulgation; autrement, les dispositions conférant des pouvoirs discrétionnaires à l'administrateur général, à la Commission et au comité d'appel à l'égard des tests standardisés ne seraient pas nécessaires. Le guide de notation est l'un des documents se rapportant directement à l'administration et à l'utilisation du test standardisé et, en tant que tel, il peut constituer une information ou un document "qui contient des renseignements concernant [l'appelant] ou le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel" au sens du paragraphe 24(1). La question de savoir si le guide de notation doit être divulgué à l'appelant en vertu du paragraphe 24(1) dépend de sa pertinence dans le contexte des faits de l'affaire. Toutefois, même si le guide de notation est assujetti à la divulgation compte tenu des faits d'une affaire particulière, l'administrateur général ou la Commission et le comité d'appel peuvent exercer leurs divers pouvoirs discrétionnaires en vertu du nouveau Règlement.

[12]      Dans ses motifs, le juge McGillis fait remarquer qu'avant que la décision Hansan ait été rendue, la Commission de la fonction publique donnait habituellement accès au guide de notation, sous réserve de conditions destinées à permettre l'utilisation continue du test. Cet historique replace dans son contexte la question de la communication du guide de notation.

[13]      À mon avis, rien ne permet de ne pas donner accès au guide de notation en vertu du paragraphe 24(1) du Règlement. Il s'agit de savoir si le document contient des renseignements concernant l'appelant et le candidat reçu et s'il " est susceptible d'être communiqué au comité d'appel ". S'ils n'avaient pas le guide de notation à leur disposition, M. Kaczmar et ses représentants auraient accès à certaines réponses notées, mais ils ne seraient pas en mesure de déterminer si ces réponses ont été notées d'une façon uniforme. La communication à un psychologue vise probablement à apaiser les craintes qu'ils ont à cet égard. Toutefois, il s'agit ici d'un processus accusatoire et la tâche de M. Kaczmar consiste à convaincre le comité d'appel. Le fait de chercher à atténuer les craintes de M. Kaczmar ne change rien à ce processus. Le guide de notation contient des renseignements concernant le demandeur et le candidat reçu, de sorte qu'il faut y avoir recours pour apprécier les résultats obtenus par les candidats. Cela satisfait donc au premier volet du critère prévu au paragraphe 24(1).

[14]      L'expression " susceptible d'être communiqué au comité d'appel " est curieuse. Habituellement, on ne parle pas des documents communiqués au tribunal. La divulgation se fait au stade préalable à l'audience, lorsque les parties échangent les documents pertinents de façon à circonscrire les questions en litige. À mon avis, cette expression doit être interprétée dans le contexte d'une disposition qui vise à désigner les documents qui doivent être mis à la disposition de l'appelant. Selon la première exigence, les documents doivent contenir des renseignements concernant les candidats. Cela ne veut pas nécessairement dire que les renseignements sont pertinents, puisque les renseignements en question doivent simplement " concerner " l'appelant ou le candidat reçu. La deuxième exigence, à savoir que le document est susceptible d'être communiqué au comité d'appel, devrait donc être interprétée comme se rapportant à la question de la pertinence, étant donné que c'est la pertinence qui permet de déterminer si un document sera admis en preuve devant le tribunal. À mon avis, l'expression " susceptible d'être communiqué au comité d'appel " devrait être interprétée comme signifiant " en raison de sa pertinence, peut être présenté en preuve devant le comité d'appel ".

[15]      Lorsqu'il fait face à une demande d'accès au guide de notation sous réserve d'une objection fondée sur les paragraphes 24(3) ou (4), le comité d'appel doit se poser les questions suivantes :

     1)      Le guide contient-il des renseignements concernant l'appelant ou le candidat reçu? Dans la plupart des cas, il en contient, mais chaque cas doit être apprécié selon les faits qui lui sont propres.
     2)      Si le guide contient pareils renseignements, ces renseignements se rapportent-ils aux questions sur lesquelles le comité d'appel doit se prononcer?
     3)      Si l'on répond par l'affirmative aux deux premières questions, le comité d'appel peut ordonner d'accorder l'accès à des conditions qui satisfont aux exigences du paragraphe 24(6). Si pour une raison ou une autre, il est impossible de satisfaire à ces exigences, l'accès pourrait être refusé.

[16]      Il s'agit ensuite de savoir si M. Kaczmar ou son représentant ont le droit de prendre des notes équivalant à une transcription ou de faire des photocopies du guide de notation et du matériel d'examen ou s'ils doivent simplement avoir accès aux documents.

[17]      Le procureur général soutient que le comité d'appel n'avait pas compétence pour autoriser une personne à prendre des notes équivalant à une transcription ou à faire des photocopies du matériel à la production duquel on s'est opposé en vertu du paragraphe 24(3) du Règlement. Il signale le libellé fort précis du Règlement qui régit la divulgation :

     1-      Le paragraphe 24(1) prévoit que l'appelant a accès à tout document le concernant ou concernant le candidat reçu.
     2-      Le paragraphe 24(2) prévoit que l'administrateur général peut fournir une copie de tout document visé au paragraphe (1).
     3-      Le paragraphe 24(3) prévoit que l'administrateur général peut refuser de donner accès à des documents ou de fournir copie de documents pour des raisons précises.
     4-      Le paragraphe 24(4) prévoit que la Commission de la fonction publique peut refuser de donner accès à des documents ou de fournir copie d'un document pour des raisons précises.
     5-      Le paragraphe 24(5) prévoit que lorsque l'administrateur général ou la Commission refuse de donner accès à des documents, l'appelant peut demander que le comité d'appel ordonne d'accorder cet accès.
     6-      Le paragraphe 24(6) prévoit que lorsque le comité d'appel ordonne d'accorder l'accès, cet accès peut être assujetti à certaines conditions.

[18]      Les dispositions parallèles des paragraphes 24(3) et (4) sont nécessaires parce que dans certains cas l'autorité qui emploie une personne est un ministère gouvernemental, alors que dans d'autres cas, c'est la Commission de la fonction publique qui emploie pareille personne. En l'espèce, c'est le paragraphe 24(3) qui s'applique.

[19]      Le procureur général soutient qu'étant donné que le paragraphe 24(5) autorise uniquement une demande d'accès et que le paragraphe 24(6) se rapporte uniquement à une ordonnance accordant l'accès, le président n'a pas compétence pour ordonner que des copies soient fournies lorsque l'administrateur général ou la Commission invoque les paragraphes 24(3) ou (4). M. Kaczmar soutient qu'il va de soi que l'avocat ne peut pas préparer adéquatement les interrogatoires et les contre-interrogatoires relatifs à des documents complexes sans avoir des copies de ces documents. M. Kaczmar ne conteste pas les dispositions précises sur lesquelles se fonde le procureur général, mais il signale la définition de l'expression " divulgation complète " figurant à l'article 2 du Règlement :

"full disclosure" means access by the appellant to documents or information referred to in subsection 24(1), the obtaining by the appellant of a copy of any document referred to in subsection 24(2) and the submission of the allegations referred to in subsection 25(1) by the appellant to the deputy head concerned

"divulgation complète" S'entend de l'accès par l'appelant à l'information ou aux documents visés au paragraphe 24(1), de l'obtention d'une copie de tout document visé au paragraphe 24(2) et de la remise, par l'appelant à l'administrateur général en cause, des allégations visées au paragraphe 25(1)

[20]      M. Kaczmar soutient qu'étant donné que le comité d'appel est autorisé, conformément au paragraphe 25(6), à rendre une ordonnance imposant toute mesure qu'il juge nécessaire en vue d'assurer une divulgation complète, et puisque la définition de l'expression " divulgation complète " se rapporte implicitement à tous les documents pertinents, le comité d'appel avait compétence pour ordonner que des copies du matériel d'examen soient fournies. La mention implicite de tous les documents pertinents découle de l'emploi, au paragraphe 24(1), des mots " document qui contient des renseignements [...] qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel ".

[21]      En l'absence d'une autorité m'obligeant à le faire, il n'existe aucun motif évident de s'écarter du sens ordinaire des mots employés dans le Règlement. Cela m'oblige à respecter la distinction qui est faite entre le fait de donner accès aux documents et le fait de fournir copie des documents. Si l'objection formulée à l'égard de la divulgation est fondée sur les paragraphes 24(3) ou (4) du Règlement, le pouvoir conféré au comité d'appel en vertu du Règlement est limité au pouvoir d'ordonner d'accorder l'accès à ces documents. Le comité d'appel n'est pas autorisé à ordonner que des copies soient fournies. Dans cette mesure, le comité d'appel a commis une erreur en autorisant sans restriction aucune que des notes personnelles soient prises et que les documents à l'égard desquels l'accès est accordé soient photocopiés.

[22]      Il faut enfin statuer sur la question de l'exclusion de certains noms de la liste de candidats dont les réponses seront communiquées à M. Kaczmar. Le paragraphe 24(1) du Règlement définit l'objet de la divulgation en mentionnant l'information concernant " lui-même [l'appelant] ou le candidat reçu ". La demande de M. Kaczmar équivaut à une demande de divulgation de documents concernant tous les candidats dont les noms étaient inscrits sur la liste d'admissibilité à l'aide de laquelle les nominations devaient être effectuées. Chacune de ces personnes est-elle le candidat reçu? Une fois qu'une personne est radiée de la liste d'admissibilité par suite de sa nomination consécutive à un autre concours ou pour une autre raison, cette personne cesse-t-elle d'être un candidat reçu? Autrement dit, à quel moment l'identité du candidat reçu doit-elle être déterminée?

[23]      La Loi prévoit la préparation de listes d'admissibilité à l'aide desquelles les nominations seront effectuées1. La personne qui est inscrite sur la liste d'admissibilité ne sera pas nécessairement nommée, mais une personne dont le nom ne figure pas sur la liste d'admissibilité ne peut pas être nommée. Dans ce contexte, à quel moment une personne dont le nom figure sur la liste d'admissibilité devient-elle un candidat reçu? L'expression " candidat reçu " est définie à l'article 20 du Règlement ; il s'agit d'une personne dont le nom figure sur la liste d'admissibilité et " dont la nomination est effective ou imminente ". Cependant, comme la présente affaire le montre, la question de savoir qui est sur le point d'être nommé est fonction du moment où l'on se pose la question. Cela dépend-il de la question de savoir qui est encore admissible à une nomination au moment où un appel est interjeté? Un autre fondement est-il plus convaincant?

[24]      Je prendrai comme point de départ la thèse selon laquelle la disposition relative à la divulgation vise à permettre à un candidat non reçu de déterminer si la nomination a été effectuée selon le principe de la sélection au mérite. Étant donné que la législation prévoit que les noms figurant sur la liste d'admissibilité seront rangés par ordre de mérite, la question du mérite entre l'appelant et chaque personne dont le nom vient avant le nom de l'appelant se pose. L'ordre dans lequel est placé le nom sur la liste résulte de la détermination du mérite relatif de l'appelant et de chacun de ces candidats. Étant donné que chaque personne dont le nom vient avant celui de l'appelant devrait être nommée avant l'appelant, chacune de ces personnes est un candidat reçu du point de vue de l'appelant. C'est certainement le cas lorsque la liste est créée. Existe-t-il un fondement permettant d'examiner la liste à une autre date que celle de sa création? Le candidat reçu est défini par rapport au fait que son nom vient avant celui de l'appelant, soit un événement qui s'est produit au moment de la création de la liste. Des événements subséquents n'ont pas pour effet de modifier l'ordre relatif des noms. Fait plus important, des événements subséquents n'ont pas pour effet de modifier le caractère équitable et uniforme de l'ordre des noms. Si la divulgation vise à permettre à un candidat de confirmer que le principe de la sélection au mérite a été observé, le moment pertinent aux fins de la divulgation devrait être celui où le principe de la sélection au mérite devait être appliqué, c'est-à-dire le moment où la liste a été créée. En fin de compte, le demandeur a le droit d'avoir accès aux résultats obtenus par tous les candidats dont le nom figurait sur la liste d'admissibilité.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs susmentionnés, j'ordonne par les présentes ce qui suit :
     1.      La question de l'accès au guide de notation est renvoyée à la présidente pour être tranchée conformément à ces motifs.
     2.      Aucune copie ne pourra être effectuée et aucune note équivalant à une transcription ne pourra être prise à l'égard des questions visées par l'objection qui a été formulée en vertu du paragraphe 24(3) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique.
     3.      Le demandeur a le droit d'avoir accès aux réponses données par tous les candidats dont les noms figuraient sur la liste d'admissibilité à la date de sa création, même si à la date de l'audience, certains candidats n'étaient peut-être plus admissibles aux fins d'une nomination.


     " J. D. Denis Pelletier "

     Juge

Traduction certifiée conforme



L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-1577-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      PGC c. MERLIN KACZMAR
LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 6 mai 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 30 juillet 1999


ONT COMPARU :

J. Sanderson Graham      pour le demandeur

Dougald E. Brown      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg      pour le demandeur

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

Nelligan Power      pour le défendeur

Ottawa (Ontario)

__________________

     1      18.(1) An appointment under this Act made to a position by competition shall be made from an eligibility list in accordance with the Regulations of the Commission.
     (2) A candidate on an eligibility list who ranks lower on the list than a candidate placed on the list pursuant to subsection 17(1.1) may be appointed before the higher-ranking candidate, if a position is left vacant for the appointment of the higher-ranking candidate until it is determined if the higher-ranking candidate meets the conditions of employment referred to in that subsection.
     18.(1) Les nominations à des postes pourvus par voie de concours sont effectuées d'après la liste d'admissibilité conformément aux règlements de la Commission.
     (2) Un candidat venant après, sur une liste d'admissibilité, celui visé au paragraphe 17(1.1) peut être nommé avant ce dernier si un poste destiné à celui-ci est laissé vacant jusqu'à ce qu'il soit décidé s'il remplit les conditions d'emploi établies à ce paragraphe.

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