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Date : 20040507

Dossier : IMM-2550-03

Référence : 2004 CF 676

Montréal (Québec), le 7 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON     

ENTRE :

                                                              FARKHAN MALIK

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Malik a demandé l'asile au Canada en raison de ses croyances religieuses et de ses opinions politiques. Il allègue une crainte fondée d'être persécuté s'il devait rentrer dans son pays d'origine, le Pakistan. Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a décidé qu'il n'était ni un réfugié ni une personne à protéger. On a conclu qu'il n'était pas crédible. Il s'agit ici du contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                L'avocat de M. Malik a très habilement présenté les témoignages et la documentation à la Cour. Il n'existe pas au Pakistan de séparation claire entre la politique et la religion. M. Malik est un musulman chiite, et fait donc partie d'un groupe très minoritaire. Il prétend que, comme son père avant lui, il a déclaré sa foi publiquement et a été encouragé par son imam à appuyer le Parti du peuple pakistanais (PPP), ce qui a déplu aux extrémistes sunnites. Les événements se sont succédé. Son père a été atteint d'un coup de feu et grièvement blessé, au point où on a dû lui amputer une jambe. La photo d'un unijambiste a été déposée en preuve. En raison de cet activisme, il s'est vu accuser faussement de viol au sens de la loi et il a finalement dû fuir.

[3]                Un thème ressort du dossier et fait en sorte que si le tribunal avait conclu que le demandeur était un réfugié ou avait qualité de personne à protéger, cette décision aurait été maintenue. Toutefois, en me demandant d'annuler une décision contraire, on me demande non seulement de faire des vérifications importantes et d'examiner la décision en profondeur, mais aussi de la soumettre à un contrôle rigoureux. Les conclusions de fait, de même que les inférences qui s'en dégagent, devraient être du ressort presque exclusif du tribunal; en effet, ce dernier a droit à la retenue, sauf s'il a rendu une décision manifestement déraisonnable

(Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 22).


[4]                Si la question s'arrêtait là, je n'hésiterais pas à rejeter la demande. Toutefois, le tribunal a longuement traité du fait que le père du demandeur avait été atteint d'un coup de feu et amputé d'une jambe. Le tribunal a mis en doute le fait que cet événement se soit produit. Le tribunal a dit que si la photo montrée représentait effectivement le père du demandeur, il n'y avait aucun doute qu'il n'avait qu'une seule jambe. On a renvoyé au rapport établi par le médecin de service. Le médecin a dit qu'il s'agissait d'un cas [traduction] « médico-légal » . Le tribunal a dit qu'il était au courant, de par sa « connaissance spécialisée » , du fait que dans tous les cas comme celui-là, la police établissait un rapport et la victime en recevait une copie. Le demandeur, en tant que fils de la victime, n'était pas au courant de l'existence d'un tel document, ce qui a amené le tribunal à tirer la conclusion suivante : « Le tribunal ne croit pas que lvénement s'est produit de la façon indiquée de vive voix ou par écrit par le demandeur. » Le tribunal a ensuite dit qu'en raison des nombreuses divergences, il ne s'était pas arrêté à la question des accusations d'agression sexuelle contre le demandeur; ce dernier a dit que ces accusations étaient absolument fausses et qu'elles étaient motivées par un intérêt politique.


[5]                On a fait état d'une « connaissance spécialisée » mais il n'en est rien. Il s'agit plutôt d'un document préparé par la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié daté du 26 février 1999. Ce document faisait état d'une lettre que la Direction avait reçue du directeur d'une clinique à Rawalpindi au Panjab. La lettre mentionne l'existence à la fois d'hôpitaux publics et privés. À prime abord, ce sont les quatre gouvernements provinciaux qui s'occupent de la santé publique. Abstraction faite des questions sérieuses de savoir si la lettre reflétait de façon exacte la situation au moment où le médecin a présenté son rapport concernant le père de M. Malik en août 2002, et de savoir si elle exposait fidèlement la situation dans les régions situées à l'extérieur du Panjab, il reste que la lettre ne dit pas ce que le tribunal a cru qu'elle disait. Même si, dans le contexte de la lettre, des blessures causées par suite de coups de feu sont de nature « médico-légale » , la lettre dit uniquement que le patient en reçoit une copie à titre de condition préalable pour pouvoir se faire soigner dans un hôpital privé. La lettre ne dit pas qu'il en reçoit une copie s'il se fait soigner dans un hôpital public. Le père de M. Malik s'est fait soigner dans un « hôpital de district » à Gujarat. Selon la lettre du directeur de la clinique Valley, les « hôpitaux de district » sont bel et bien des hôpitaux publics.

[6]                L'exposé de principe de la Commission ou, comme il est plus juste de l'appeler, sa réponse, a été préparé par suite de recherches, limitées par le temps, effectuées à partir de renseignements accessibles au public qui étaient alors à la disposition de la Direction des recherches. [traduction] _ Cette réponse n'est pas et ne prétend pas être concluante en ce qui a trait au bien-fondé de toute demande du statut de réfugié ou d'asile. _

[7]                Rien ne justifie la conclusion du tribunal, qui a été un facteur important l'ayant amené à décider que M. Malik n'était pas crédible. Le tribunal, ayant décidé que M. Malik n'était pas crédible, n'a même pas tenu compte des accusations d'agression sexuelle, lesquelles étaient soutenues par de la documentation, et de la possibilité qu'elles aient été fabriquées. Par conséquent, la décision ne peut être maintenue.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la décision datée du 14 mars 2003, dossier numéro MA1-12756, de la Section de la protection des réfugiés soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué (et devant un autre agent de la Section de la protection des réfugiés) pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire. Aucune question de portée générale n'est soulevée pour certification.

                                                                                                                              « Sean Harrington »          

                                                                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-2550-03

INTITULÉ :                                                   FARKHAN MALIK

c.                       

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 5 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                 LE 7 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Michael Dorey                                                 POUR LE DEMANDEUR

Sherry Rafai Far                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Dorey                                                 POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)                                         

Morris Rosenberg                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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