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                                                                                                                               Date : 200500503

                                                                                                                    Dossier : IMM-4089-04

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 603

ENTRE :

                                                             JUNIOR HERMAN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

INTRODUCTION

[1]                Un membre de la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés (le commissaire) a refusé de repousser brièvement l'ouverture de l'audience de la demanderesse malgré le fait qu'il savait que la demanderesse était représentée par une avocate, que la demanderesse voulait que son avocate soit présente et qu'elle s'attendait à ce qu'elle le soit et que l'avocate en question était en route pour se rendre à l'audience de la Commission.

[2]                Comme la présente affaire sera renvoyée à la Commission, la Cour ne formulera pas d'observations sur d'autres aspects du contrôle judiciaire soulevés par la demanderesse.


CONTEXTE

[3]                La demanderesse est une citoyenne de Sainte-Lucie qui a demandé l'asile au Canada au motif qu'elle craignait que les membres de la famille de son père la persécutent ou lui infligent de mauvais traitements sur la terre appartenant à son père.

[4]                La demanderesse était représentée par une avocate pendant tout le traitement de son cas. Le 3 février 2004, la demanderesse a déposé un avis de changement d'avocate. Cet avis explique peut-être en partie la confusion entourant les événements survenus le jour de l'audience. En tout état de cause, la première avocate de la demanderesse a continué à la représenter jusqu'à la date de l'audience et par la suite.

[5]                L'examen de la demande d'asile était prévu pour 13 h 30 le 12 mars 2004.

[6]                Malgré les lacunes du dossier de la preuve, il semble que le matin de l'audience, l'avocate a téléphoné à la Commission pour lui demander de retarder d'une demi-heure l'ouverture de l'audience, c'est-à-dire de la reporter à 14 h. L'avocate avait vraisemblablement un délai à respecter pour le dépôt de ses pièces à la Cour fédérale, d'où la nécessité de ce report selon elle. On ne sait pas avec certitude si le greffier de la Commission était au courant du motif du report, mais l'avocate s'attendait à être avisée pour le cas où le report ne serait pas accordé.

[7]                À 13 h 35, le commissaire a ouvert l'audience, a signalé l'absence de l'avocate et a ajouté que, l'avocate n'ayant pas fourni d'explication valable, l'affaire serait instruite.

[8]                Le commissaire a ensuite assumé la conduite de l'audience, a entrepris d'interroger exclusivement la demanderesse au sujet de sa demande et s'est livré à un contre-interrogatoire sur des questions de crédibilité et de vraisemblance.


[9]                L'avocate s'est présentée devant la Commission vers 14 h (l'heure exacte est en litige mais elle revêt peu d'importance pour la présente décision). L'audience était alors terminée et après avoir annoncé que la demande serait rejetée, le commissaire s'est retiré pour rédiger les motifs de sa décision.

[10]            L'avocate a été informée par le personnel de la Commission qu'elle n'avait pas été avisée que sa demande de report avait été refusée car son nom n'avait pas été consigné dans l'ordinateur de la Commission en tant qu'avocate.

ANALYSE

[11]            Le commissaire a motivé son refus de retarder l'ouverture de l'audience par l'insuffisance des raisons invoquées au soutien de la demande de report. L'avocate invoquait des raisons de commodité pour justifier sa demande : elle n'avait en effet pas suffisamment bien planifié le dépôt de ses pièces devant la Cour fédérale pour pouvoir participer à l'audience prévue.

[12]            La Cour n'a rien à redire avec la conclusion du commissaire qu'eu égard aux circonstances, l'avocate n'a pas fourni d'explication valable pour justifier le report. Le commissaire n'a toutefois pas poursuivi en examinant d'autres facteurs pouvant justifier une demande de report.

[13]            Les facteurs à examiner sont énumérés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés :



(4)    Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

a)      dans le cas où elle a fixé la date et l'heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

b)      le moment auquel la demande a été faite;

c)      le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

d)      les efforts qu'elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

e)      dans le cas où a besoin d'un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d'aller de l'avant en l'absence de ces renseignements sans causer une injustice;

f)       si la partie est représentée;

g)      dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l'expérience de son conseil;

h)      tout report antérieur et sa justification;

i)       si la date et l'heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

j)       si le fait d'accueillir la demande ralentirait l'affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

k)      la nature et la complexité de l'affaire.

(4)    In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

(a)     in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

(b)    when the party made the application;

(c)     the time the party has had to prepare for the proceeding;

(d)    the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

(e)     in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party's arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

(f)     whether the party has counsel;

(g)     the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

(h)    any previous delays and the reasons for them;

(i)     whether the date and time fixed were peremptory;

(j)     whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and

(k)    the nature and complexity of the matter to be heard.


[14]            La Cour d'appel fédérale s'est largement inspirée de ces dispositions dans les arrêts Siloch c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. 10 (C.A.F.), et Sandy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] C.F. 1468.

[15]            Plus particulièrement, le commissaire n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse voulait que son avocate soit présente, que celle-ci avait été engagée il y a longtemps, qu'elle était en route pour participer à l'audience et qu'elle n'était en retard que d'une trentaine de minutes. Le commissaire n'a pas tenu compte du préjudice que la négation du droit à l'assistance d'un avocat avait causé à la demanderesse.


[16]            Indépendamment de ce qu'on peut dire des agissements de l'avocate ou du caractère raisonnable de l'explication fournie pour demander le report, la question critique est le fait que la demanderesse, qui est parfaitement de bonne foi dans cette affaire, subit les conséquences du refus de retarder l'ouverture de l'audience.

[17]            La Commission doit, à tout le moins, tenir compte des facteurs pertinents et des conséquences qu'entraîne le refus de reporter l'ouverture de l'audience. Le refus entraîne en l'espèce une négation injustifiée du droit à l'assistance d'un avocat et constitue un manquement à l'équité procédurale.

[18]            L'injustice ressort à l'évidence de la manière dont l'instance s'est déroulée. Le commissaire a peut-être estimé nécessaire de se livrer à ce genre d'interrogatoire précisément parce qu'aucun avocat n'était présent. La transcription laisse toutefois entrevoir qu'on a affaire à une demanderesse sans expérience qui ne comprenait pas vraiment ce qui était en jeu et ce qui se passait.

DISPOSITIF

[19]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l'affaire est renvoyée à la Commission pour que la demande d'asile soit jugée par un autre commissaire.

[20]            Il n'y a pas de question à certifier.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

    Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4089-04

INTITULÉ :                                        JUNIOR HERMAN c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                22 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       3 mai 2005

COMPARUTIONS :

Stella Iriah Anaele                                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Leena Jaakkimainen                                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stella Iriah Anaele

Avocate

Toronto (Ontario)                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

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