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Date : 20021202

Dossier : IMM-4424-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1236

Ottawa, Ontario, le 2 décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                                              MOUAZ AL-RIFAI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle l'agent des visas Julia Montgomery (l'agent des visas), du Haut-commissariat du Canada à Londres, a refusé la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir le statut d'immigrant admis au Canada.


QUESTION EN LITIGE

[2]                L'agent des visas a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, omis d'observer un principe de justice naturelle, exercé son pouvoir discrétionnaire de façon arbitraire ou commis toute autre erreur justifiant l'intervention de la Cour?

[3]                La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs qui suivent.

GENÈSE DE L'INSTANCE

[4]                Le demandeur est né en Syrie et vit actuellement en Arabie saoudite, où il travaille comme archiviste à la Banque de développement islamique, une institution financière internationale. Le demandeur a déposé sa demande de résidence permanente au Canada auprès du Haut-commissariat du Canada à Londres. Il a déclaré que la profession qu'il envisageait d'exercer au Canada était celle d' « assistant dans les services d'archives » , une profession figurant dans la Classification nationale des professions (CNP) sous le numéro CNP 5211.0.

[5]                Lors de son entrevue, ses études, son expérience, et ses connaissances de l'anglais ont été évaluées. L'agent des visas a invité le demandeur à se soumettre à l'évaluation offerte par l'International English Language Testing System (IELTS), car elle avait des doutes au sujet des capacités linguistiques du demandeur en anglais.

[6]                L'agent des visas a également évalué la personnalité du demandeur. Ses perspectives d'emploi au Canada et sa capacité de réussir son installation au Canada ont été évaluées.

DÉCISION EN LITIGE

[7]                L'agent des visas a communiqué sa décision au demandeur le 23 juillet 2001. Le demandeur s'est vu attribué les points d'appréciation suivants (les points) au sujet de sa capacité d'exercer la profession qu'il avait choisie, celle de technicien en archivistique :

Âge                                                       10

Facteur professionnel                             01

Préparation professionnelle précise/       

études et formation                                15

Expérience                                           06

Emploi réservé                           00        

Facteur démographique                         08

Études                                                   15

Anglais                                      07

Français                                                00

Point supplémentaire

(proche parent au Canada)                    00

Personnalité                                           06

TOTAL                                                68

[8]                L'agent des visas a poursuivi sa lettre en déclarant ce qui suit, tout de suite après avoir donné le détail de son appréciation :

[TRADUCTION] Je vous ai demandé de me communiquer les résultats de l'examen de l'International English Language Testing System [sic] parce que j'avais des doutes au sujet de votre niveau de compétence en anglais. Il ressort du compte rendu de l'examen que, bien que vous écriviez avec une certaine aisance, le résultat global de votre notation par tranches de chiffres n'est que de 5,5, ce qui vous situe entre un usager « post-intermédiaire » (modest) et un usager « avancé » (competent). Vous avez donc obtenu sept points d'appréciation pour votre connaissance de l'anglais.


[9]                L'agent des visas a conclu sa lettre en informant le demandeur qu'il n'avait pas recueilli suffisamment de points d'appréciation à l'égard de cette profession pour remplir les conditions exigées pour pouvoir immigrer au Canada. Il lui fallait obtenir 70 points d'appréciation.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[10]            Voici les dispositions qui nous intéressent en l'espèce :

a)         alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi);

b)         paragraphes 8(1), 9(1), 11(1), 11(2) et 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Demandeur

[11]            Le demandeur conteste les points qui lui ont été attribués pour la langue; il est en désaccord avec l'appréciation qui a été faite de sa personnalité et il allègue que l'agent des visas a manqué aux principes d'équité procédurale et a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière arbitraire.


[12]            L'agent des visas a, selon le demandeur, commis une erreur en accordant la note « correctement » pour les compétences en lecture et en compréhension au lieu de la note plus élevée « couramment » . Suivant le demandeur, il est incongru qu'il ait obtenu pour sa capacité d'écrire une note inférieure à celle qui lui a été attribuée pour sa capacité de lire. Le demandeur signale que ses capacités linguistiques se sont améliorées depuis qu'il a séjourné au Royaume-Uni et grâce au logiciel anglais qu'il utilise au travail.

[13]            L'appréciation de sa personnalité est selon le demandeur erronée. Le demandeur possède les aptitudes, la formation et les connaissances linguistiques énumérées dans le profil de la CNP. La conclusion de l'agent des visas suivant laquelle l'emploi qui lui a été offert dans une école élémentaire de la Colombie-Britannique ne lui assurerait pas un revenu suffisant pour lui permettre de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille est mince. L'agent des visas n'est pas au courant de la rémunération qui est versée pour ce travail, puisqu'elle n'a pas posé la question. En ne cherchant pas à obtenir des éclaircissements, elle a commis une erreur de procédure.

[14]            La décision va à l'encontre de la remarque que l'on trouve dans les notes du Système informatisé de traitement des cas d'immigration (le SITCI) du demandeur selon laquelle les revenus du demandeur étaient suffisants pour subvenir aux besoins d'une grosse famille.

[15]            Le demandeur avait un emploi réservé pour lui au Canada, mais il n'a tout simplement pas réussi à obtenir les résultats de sa recherche d'emploi à temps pour respecter le délai qui lui était imparti pour soumettre ces résultats à l'agent des visas. L'agent des visas a conclu à tort que la recherche d'emploi du demandeur n'avait pas porté fruit.


[16]            Le demandeur affirme qu'il a droit à des points d'appréciation supplémentaires pour sa personnalité en raison de sa maîtrise de l'anglais et de ses ressources financières. Il cite à cet égard l'arrêt Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 R.C.S. 725. Dans l'arrêt Chen, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé l'opinion du juge Strayer (maintenant juge à la Cour d'appel) suivant laquelle les raisons qui conduisent l'agent des visas à croire qu'un immigrant ne peut réussir son installation au Canada doivent être entendues au sens économique.

[17]            L'agent des visas a manqué aux principes d'équité procédurale en spéculant sur le salaire que le demandeur gagnerait au Canada sans lui demander d'éclaircissements à ce sujet. La Loi n'oblige pas l'immigrant à avoir un emploi réservé avant son arrivée au Canada. L'agent des visas a également refusé d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'il lui est loisible d'exercer en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement au motif qu'on ne lui a pas demandé de le faire et ce, malgré le fait qu'un de ses collègues avait, dans une décision rendue en décembre 1999, fait allusion à une demande d'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Cette décision figure à la page 27 de la liasse de documents communiqués par le Haut-commissariat canadien en conformité avec l'article 317 des Règles.


[18]            Pour conclure, le demandeur soutient essentiellement que la décision de l'agent des visas de refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur est arbitraire parce qu'elle [TRADUCTION] « n'est pas logique » . Le demandeur a rappelé les facteurs qui, à son avis, auraient dû conduire l'agent des visas à tirer une conclusion plus favorable en ce qui concerne sa connaissance de l'anglais.

Défendeur

[19]            À titre préliminaire, le défendeur fait remarquer que les documents joints à l'affidavit du demandeur n'ont pas été portés à la connaissance de l'agent des visas et qu'ils n'ont pas été versés au dossier du tribunal administratif. On ne devrait donc pas en tenir compte, puisqu'il est de jurisprudence constante que la Cour ne peut tenir compte des éléments dont ne disposait pas l'auteur de la décision à l'examen.

[20]            Sur le fond, le défendeur soutient que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur justifiant l'intervention de la Cour et que sa conclusion n'était pas déraisonnable. Les cas d'ouverture à une intervention des tribunaux judiciaires à l'égard des décisions administratives sont, d'après la jurisprudence, limités.


[21]            Pour ce qui est des points attribués pour la maîtrise de l'anglais manifestée par le demandeur, le défendeur signale que l'agent des visas avait des doutes fondés au sujet des capacités linguistiques du demandeur, étant donné que ce dernier avait travaillé en arabe au cours des 17 dernières années. C'est la raison pour laquelle elle lui a demandé de subir le test IELTS. L'agent des visas a accordé au demandeur le bénéfice du doute en lui accordant la note « couramment » pour sa capacité d'écrire, après avoir pris connaissance des résultats de son test IELTS.

[22]            L'agent des visas a correctement suivi les lignes directrices régissant l'appréciation des connaissances linguistiques qui sont énumérées à l'annexe I du Règlement et elle n'a donc commis aucune erreur. Le demandeur voudrait que la Cour réévalue la qualité de son anglais. Or, la divergence d'opinions qui existe entre le demandeur et l'agent des visas en ce qui concerne l'évaluation en question ne constitue pas une erreur justifiant notre intervention.

[23]            Pour ce qui est de la personnalité, le défendeur souligne que, dans le jugement Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 127 (C.F. 1re inst.), notre Cour a jugé que l'agent des visas jouit d'un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'appréciation du facteur de la personnalité. Les facteurs dont l'agent des visas a tenu compte étaient pertinents et avaient trait à la capacité du demandeur de réussir son installation au Canada.

[24]            Le fait que l'agent des visas a tenu compte de la capacité du demandeur de fonctionner en anglais pour évaluer ses chances de succès économique au Canada n'était pas déraisonnable. La personnalité est un facteur économique et le succès dans son domaine de travail est un facteur important lorsqu'il s'agit de déterminer l'autonomie financière.

[25]            Il incombait au demandeur de démontrer qu'il était en mesure de subvenir aux besoins de sa famille au Canada. Or, le défendeur constate que le demandeur a une grande famille. Le demandeur ne peut reprocher à l'agent des visas sa propre incapacité à démontrer qu'il pourrait subvenir aux besoins de sa famille une fois établi au Canada. La lettre relative à l'offre d'emploi qu'une école de la Colombie-Britannique lui a adressée a été envoyée après l'entrevue, ce qui démontre que le demandeur était conscient que l'agent des visas avait besoin de cet élément de preuve pour apprécier sa personnalité.

[26]            L'agent des visas n'a pas manqué aux principes d'équité procédurale en ne réclamant pas des détails au sujet du salaire du demandeur, car il n'était pas tenu de le faire. C'était au demandeur qu'il incombait de faire la preuve qu'il pouvait réussir son installation sur le plan économique au Canada.

ANALYSE

[27]            En ce qui concerne la remarque préliminaire, il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails. Les pièces pertinentes, à savoir les photocopies du guide du personnel de la Banque de développement islamique et une lettre indiquant que le demandeur avait été reclassé en fonction du barème publié dans ce guide, n'avaient pas été portées à la connaissance de l'agent des visas. La Cour ne tiendra donc pas compte des pièces jointes à l'affidavit du demandeur.


Norme de contrôle

[28]            Le demandeur affirme que la norme de contrôle applicable à la décision de l'agent des visas devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter et non celle de la décision manifestement déraisonnable que préconise le défendeur.

[29]            Je fais miens les principes dégagés dans les arrêts Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.) (QL) et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, dans lesquels il a été statué que la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[30]            Pour ce qui est des moyens de fond invoqués par le demandeur, il est important de signaler que la capacité de la Cour d'intervenir dans les décisions des agents des visas est très limitée, comme la Cour l'a rappelé à plusieurs reprises. Dans le jugement Skoruk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1220, le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d'appel) souligne que la norme de contrôle applicable aux décisions administratives comportant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire prévu par la loi est celui qui a été posé dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd., précité. Si le pouvoir discrétionnaire est exercé de bonne foi et en conformité avec les principes de justice naturelle, le tribunal n'interviendra pas. Cette norme s'applique aux décisions des agents des visas.


[31]            Les décisions que rendent les agents des visas sont en grande partie de nature factuelle et elles sont rendues en vertu du vaste pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré par la Loi et par son règlement d'application. Il n'appartient pas à notre Cour de substituer son évaluation du demandeur à celle qu'a déjà effectuée l'agent des visas en ce qui concerne chacun des facteurs dont il faut tenir compte. Il faut démontrer que l'agent des visas était de mauvaise foi ou que son raisonnement était fautif.

[32]            En ce qui concerne l'évaluation de la connaissance de l'anglais du demandeur, l'agent des visas a pris toutes les mesures possibles pour s'assurer que son évaluation des capacités du demandeur à cet égard reflétait aussi fidèlement que possible ses véritables capacités. C'est la raison pour laquelle elle a demandé au demandeur de subir le test IELTS. Par ailleurs, lorsqu'elle a constaté que le demandeur avait, lors de l'évaluation écrite, obtenu une note qui se situait entre « correctement » et « couramment » , elle lui a accordé le bénéfice du doute et lui a attribué la note « couramment » pour cet aspect de ses compétences linguistiques. Le demandeur a tout simplement obtenu des résultats insatisfaisants dans l'ensemble.


[33]            Le demandeur souhaiterait que notre Cour tienne compte du temps qu'il a passé au Royaume-Uni ainsi que d'autres indices permettant de mesurer sa capacité de fonctionner en anglais, comme le fait qu'il utilise l'anglais au travail, pour démontrer qu'un nombre plus élevé de points d'appréciation auraient dû lui être accordés pour l'anglais. Je suis conscient des difficultés que comporte toute tentative visant à évaluer quantitativement quelque chose d'aussi subjectif que la capacité d'une personne de parler, de lire, d'écrire et d'écouter dans une langue déterminée. Toutefois, ainsi que le juge Lemieux l'a déclaré dans le jugement Mehrabani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 345, au paragraphe 16, (C.F. 1re inst.) (QL), IMM-4410-98, 2 mars 2000 :

Je ne peux simplement pas substituer mes opinions à celles de l'agent des visas sur ce que le demandeur a écrit. Le demandeur doit démontrer que l'évaluation est sans fondement. Dans plusieurs décisions, la Cour a reconnu que l'agent des visas était beaucoup mieux placé qu'elle pour évaluer la qualité de la langue d'un demandeur (Voir Ali c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1080, IMM-4873-97, le 22 juillet 1998; Ashraf c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. 1561).

[34]            On se rappellera qu'en l'espèce, le demandeur a recueilli en tout 69 points, c'est-à-dire un point de moins que le nombre minimal requis pour obtenir un visa. Ainsi que le juge Muldoon l'a fait remarquer dans le jugement Saggu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 87 F.T.R. 137, au paragraphe 2, (C.F. 1re inst.), où il a rejeté la demande de contrôle judiciaire d'un demandeur qui avait obtenu 68 points, soit deux points de moins que le nombre exigé :

Il s'agit d'une cause décevante pour le requérant qui, comme le dit le vieil adage, est « si prêt et pourtant si loin » [...]


[35]            Les tribunaux doivent résister à la tentation d'accorder les points manquants et ils y résistent effectivement. Ou bien celui qui demande un visa satisfait aux exigences ou bien il ne les remplit pas. C'est à l'agent des visas qu'il appartient de se prononcer sur cette question et les cours de justice ne peuvent remplacer à leur guise la décision de l'agent des visas par leur propre décision, peu importe que le demandeur ait raté l'objectif de peu ou de beaucoup.

[36]            Le demandeur n'a par ailleurs fait valoir aucun moyen qui permettrait de remettre en question la décision de l'agent des visas au sujet de sa personnalité. C'est devant l'agent des visas, et non devant la Cour, que le demandeur est physiquement présent et c'est l'agent des visas qui dispose des éléments de preuve recueillis par le demandeur lui-même pour appuyer ses prétentions. Dans la mesure où le demandeur n'a pas réussi à s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait, on ne saurait considérer que l'agent des visas a rendu une décision déraisonnable.

[37]            Le demandeur cite l'arrêt Chen, dans lequel la Cour suprême du Canada a essentiellement adopté les motifs exposés par le juge Strayer (alors juge à la Section de première instance) dans son jugement publié à [1991] 3 C.F. 350, pour appuyer en l'espèce son argument que l'agent des visas n'a pas respecté les règles d'équité procédurale à son égard en ne lui expliquant pas suffisamment ses réserves au sujet de sa personnalité. Or, dans l'arrêt Chen, la Cour a jugé que l'agent des visas avait manqué aux principes d'équité procédurale parce qu'il n'avait pas informé le demandeur de ses doutes au sujet d'un grave délit. Dans le jugement Chen, le juge Strayer a laissé entendre que l'agent des visas avait tiré une conclusion qu'il ne lui était pas loisible de formuler.


[38]            Aucune décision erronée de ce genre n'a été rendue en l'espèce. Il faut une erreur aussi grave que celle que la Cour a évoquée dans l'affaire Chen pour qu'une décision puisse être annulée pour cette raison. Notre Cour a fait remarquer, dans le jugement Gill, précité, que l'agent des visas jouit d'un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu'il apprécie la personnalité d'un demandeur. Cette évaluation ne peut faire l'objet d'une intervention judiciaire que si l'avis de l'agent des visas est déraisonnable, arbitraire ou fantaisiste. Or, aucun de ces adjectifs ne convient pour qualifier l'avis exprimé par l'agent des visas en l'espèce.

[39]            Par ailleurs, la décision favorable que rend l'agent des visas dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement est une autre question au sujet de laquelle les tribunaux refusent d'intervenir à moins que ce pouvoir discrétionnaire n'ait été exercé de façon arbitraire ou déraisonnable. Le demandeur a mentionné le fait qu'un collègue d'un agent des visas avait fait allusion à une demande d'exercice de ce pouvoir discrétionnaire favorable. L'agent des visas dont la décision est en litige en l'espèce n'en a toutefois pas fait mention. Qui plus est, il n'y a rien dans le dossier ou dans les déclarations du demandeur qui permette de penser que le demandeur s'est déchargé du fardeau dont il devait s'acquitter pour justifier que l'agent des visas envisage la possibilité d'exercer ce pouvoir discrétionnaire (voir le jugement Yeung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2000), 186 F.T.R. 129 (C.F. 1re inst.)).

[40]            La décision de l'agent des visas était raisonnable et a été prise en tenant dûment compte des éléments de preuve relatifs aux aptitudes, compétences et capacités du demandeur en vue de son admission au Canada au moment où la décision a été prise. Notre Cour ne devrait donc pas intervenir dans cette décision.

[41]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier. Aucune question ne sera donc certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR :

1.                   REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire;

2.                   DÉCLARE qu'aucune question ne sera certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                IMM-4424-01

INTITULÉ :              MOUAZ AL-RIFAI et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 10 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                  le 2 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Me Vonnie E. Rochester                                                POUR LE DEMANDEUR

Me Michèle Joubert                                           POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice                                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Vonnie E. Rochester                                                POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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