Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060531

Dossier : IMM-1576-05

Référence : 2006 CF 668

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

CANIP KUSTAS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Canip Kustas était un professeur de danse folklorique en Turquie. En avril 2002, il s’est rendu aux États-Unis avec une troupe de danse pour participer à un festival de 12 jours, mais il n’est pas retourné en Turquie à la fin du festival. Ce n’est qu’en novembre 2003 qu’il a quitté les États‑Unis et est venu au Canada, où il a demandé l’asile.

 

[2]               M. Kustas affirme qu’il craint d’être persécuté en Turquie du fait de son origine kurde et de sa pratique de la religion alevi. Cependant, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande d’asile en raison d’un manque de preuves crédibles et dignes de foi. M. Kustas soutient que la Commission a été injuste envers lui et n’a pas tenu compte à sa juste valeur de la preuve qu’il a présentée à l’appui de sa demande. Il me demande d’ordonner une nouvelle audience.

 

[3]               Je ne relève aucune erreur dans la décision de la Commission qui justifierait la tenue d’une nouvelle audience. Je devrai, par conséquent, rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

I.     Les questions en litige
1.  La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de M. Kustas par suite d’une mauvaise interprétation de son témoignage?

 

2.  Les conclusions de la Commission étaient-elles étayées par la preuve?


II.  Analyse

A.  La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de M. Kustas par suite d’une mauvaise interprétation de son témoignage?

[4]               Tout au long de l’audience devant la Commission, on a soulevé des questions au sujet de la justesse de l’interprétation du témoignage de M. Kustas. Cependant, l’avocat de M. Kustas, qui parle lui-même le turc, n’a soulevé aucune objection claire. En effet, il a déclaré au cours de l’audience qu’en général, l’interprétation n’était pas un problème; il a contesté certains mots et certaines formulations, mais n’a pas contesté l’interprétation en général. Plus tard, lorsque l’avocat a réitéré son inquiétude, la Commission a remplacé l’interprète de son propre chef, par prudence.

 

[5]               Je ne relève aucune injustice dans le traitement par la Commission du témoignage de M. Kustas. Dans le cas où l’on estime qu’une interprétation dans son ensemble n’est généralement pas fiable, la Commission ne doit pas d’y fier pour tirer des conclusions défavorables au sujet d’un demandeur d’asile : Khosravi-Babrizi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 265 (QL). Cependant, les problèmes d’interprétation en l’espèce n’étaient pas aussi graves. En effet, M. Kustas ne soulève aucune conclusion précise de la Commission qui aurait été fondée sur une interprétation fautive.

 

B.  Les conclusions de la Commission étaient-elles étayées par la preuve?

[6]               Je ne peux infirmer une conclusion de fait de la Commission que si je détermine que cette conclusion n’était pas étayée par la preuve.

 

[7]               M. Kustas soutient qu’il était un employé du ministère de l’Éducation de la Turquie de 1990 à 1999 comme professeur de danse. Il affirme qu’en général, il enseignait des danses kurdes. Il a été congédié après avoir participé à une manifestation de la fête du 1er mai en 1999. Par la suite, il a continué à enseigner la danse à temps partiel dans un centre lié au ministère de l’Éducation. La Commission doutait du fait que M. Kustas eût eu la permission d’enseigner des danses kurdes, surtout après son congédiement en 1999. Elle a cité des preuves documentaires attestant que le système d’éducation en Turquie est strictement laïque. La langue et la culture kurdes sont proscrites du système scolaire et les personnes qui en font la promotion sont punies. De plus, la Commission a conclu, en se fondant sur la preuve, qu’il était peu probable que M. Kustas soit victime de persécution du fait de sa pratique de la religion alevi.

 

[8]               M. Kustas soutient que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’il habillait ses danseurs de couleurs kurdes, qu’il était né dans une circonscription kurde et que les autorités turques considéraient qu’il avait des opinions politiques inacceptables, même s’il n’était pas particulièrement actif sur le plan politique. En fait, le témoignage de M. Kustas au sujet des couleurs typiquement kurdes était vague. De plus, la Commission a tenu compte du lieu de naissance de M. Kustas dans l’Est de la Turquie et a examiné s’il était possible que les autorités s’intéressent à lui en raison de sa participation à une manifestation qui comptait plus de 4000 autres participants.

 

[9]               À mon avis, les conclusions de la Commission étaient étayées par la preuve. Par conséquent, je ne vois aucune raison d’infirmer sa décision.

 

[10]           M. Kustas allègue aussi que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas suffisamment compte de la valeur probante d’un avis et d’une assignation que la police turque aurait envoyés au domicile de sa famille en 2004, longtemps après son départ de la Turquie. M. Kustas a supposé que la police le recherchait peut-être parce qu’il n’était pas retourné en Turquie après son voyage aux États-Unis.

 

[11]           La Commission n’était pas convaincue que les documents en question étaient authentiques. Ils étaient en partie tapés à la machine et en partie écrits à la main, et ils ne comportaient aucun élément de sécurité. M. Kustas soutient que la Commission ne disposait d’aucun fondement dans la preuve lui permettant de douter de l’authenticité des documents et que, par conséquent, elle aurait dû présumer qu’ils étaient authentiques.

 

[12]           Je conviens que la Commission ne devrait pas discréditer, à la légère, des documents étrangers en l’absence de preuves attestant de l’apparence habituelle de tels documents. Cependant, en l’espèce, le traitement de la preuve documentaire n’a pas pris grand place dans la conclusion générale de la Commission. La Commission avait déjà conclu que M. Kustas n’était pas persécuté du fait de son origine kurde ni du fait de sa pratique religieuse alevi. Elle avait aussi conclu qu’il n’était pas recherché par les autorités pour ses activités politiques. De plus, la Commission a noté que même si l’avis et l’assignation étaient authentiques, il n’y avait aucune preuve que le défaut de M. Kustas de se présenter comme exigé entraînerait des conséquences. Il n’y avait aucune indication que la police avait effectué un suivi. Par conséquent, il est improbable que la police le recherche à son retour.

 

[13]           En conséquence, je n’ai aucune raison d’annuler la décision de la Commission et je devrai donc rejeter la demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ont pas soumis de question de portée générale pour la certification et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1576-05

 

INTITULÉ :                                       CANIP KUSTAS c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mai 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alp Debrelli

POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ALP DEBRELI

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.