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Date : 20041105

Dossier : T-1832-02

Référence : 2004 CF 1564

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

demanderesse

et

LE GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA,

LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA et L'HONORABLE

ROBERT THIBAULT, MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

                                                                                                                                          défendeurs

VILLE DE RICHMOND

intervenante

Dossier : T-2287-03

ENTRE :

BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

demanderesse

et

LE GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA, LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA, L'HONORABLE ROBERT THIBAULT, MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS, LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA LIMITÉE, LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LIMITÉE , LA VILLE DE RICHMOND, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE et LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

défendeurs


                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Aperçu général

[1]                Les présents motifs concernent plusieurs requêtes qui ont été déposées dans le cadre de la gestion des deux présentes instances. Ces requêtes peuvent être résumées ainsi :

a)         une requête présentée par la bande indienne de Musqueam (la Bande) en vue de modifier son avis de demande. Cette requête est contestée notamment parce qu'elle soulèverait des questions relativement à la négociation de traités et à la participation de la Couronne provinciale au présent procès;

b)          une requête présentée par la Bande en vue de réunir les deux instances ou de les faire instruire conjointement;

c)          une requête présentée par la Société immobilière du Canada Limitée et la Société immobilière du Canada CLC Limitée (les défenderesses SIC) en vue d'être mises hors de cause, ainsi que d'autres réparations connexes, au motif qu'elles ne sont pas des offices fédéraux et qu'elles échappent donc à la compétence de la Cour;

d)          une requête présentée par le procureur général de la Colombie-Britannique (CB) en vue d'être mis hors de cause dans les présentes instances et, à titre subsidiaire, d'autres réparations au motif, notamment, qu'en sa qualité de représentant de la Couronne provinciale, il échappe à la compétence de la Cour.

Genèse de l'instance

[2]                La Bande a introduit en novembre 2002 sous le numéro du greffe no T-1832-02 une demande de contrôle judiciaire qui visait l'autorisation et la décision du gouverneur en conseil, du Conseil du Trésor et de l'honorable Robert Thibault, ministre des Pêches et Océans (les défendeurs fédéraux) d'aliéner un lopin de terre situé dans la ville de Richmond et connu sous le nom de « Garden City Lands » (propriété ou domaine Garden City).

[3]                Dans la première demande, la Bande allègue qu'avant de prendre leur décision et d'accorder leur autorisation, les défendeurs fédéraux n'ont pas consulté de bonne foi la Bande au sujet de l'aliénation du domaine Garden City et qu'ils n'ont pas cherché des accommodements raisonnables aux intérêts de la Bande dans cette propriété. Au nombre des réparations demandées, il y a lieu de signaler le prononcé d'un jugement déclaratoire constatant le défaut des défendeurs de consulter la Bande et d'accommoder ses intérêts, la délivrance d'un bref de mandamus forçant les défendeurs à respecter leur obligation de consultation et d'accommodement et le prononcé d'une injonction interdisant l'aliénation des terres en question.

[4]                La Bande a introduit à la fin de 2003 une seconde demande de contrôle judiciaire au sujet de la décision du ministre de transférer la propriété Garden City à la Société immobilière du Canada Limitée. Parmi les réparations sollicitées, la Bande réclamait une ordonnance annulant la décision de transférer le domaine.

[5]                La Bande a également réclamé et obtenu une injonction interlocutoire interdisant aux défendeurs fédéraux de procéder au transfert de Garden City. Cette ordonnance a été portée en appel.

[6]                Les parties ont depuis présenté les diverses requêtes mentionnées au premier paragraphe.

Requête en modification de l'avis de demande - Dossier no T-2287-03

[7]                La Bande a déposé une requête visant à apporter plusieurs modifications à son avis de demande. Dans cette requête, la Bande réclame plusieurs nouvelles réparations. Elle allègue que les défendeurs fédéraux ont entravé l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire en refusant d'empêcher la vente ou l'aliénation du domaine Garden City, elle affirme qu'elle a été frustrée dans ses attentes légitimes et elle articule certains faits nouveaux sur lesquels elle fonde sa demande de contrôle judiciaire.

[8]                Les modifications les plus litigieuses qui se sont heurtées à une opposition générale sont celles que l'on trouve aux paragraphes 9 et 10 des réparations sollicitées. En voici le texte :

[TRADUCTION]

9.              Un jugement déclaratoire portant que, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la présente affaire, l'obligation imposée aux défendeurs fédéraux de négocier de bonne foi avec la bande de Musqueam et de la consulter au sujet du domaine appelé « Garden City » comprend l'obligation de consulter sans délai la bande de Musqueam et d'aborder la question de l'élaboration d'un accord sur les mesures provisoires ou d'une entente sur la protection du territoire entre la Colombie-Britannique, le Canada et la bande de Musqueam à tout le moins en ce qui concerne la protection du domaine « Garden City » ;


10.           Un jugement déclaratoire portant que l'obligation faite aux défendeurs fédéraux de négocier de bonne foi avec la bande de Musqueam, ainsi que leur obligation de consultation et d'accommodement en ce qui concerne le domaine « Garden City » comprend l'obligation de consulter la bande et de tenir compte de ses droits même après l'introduction du présent procès;

[9]                Les défendeurs fédéraux s'opposent aux paragraphes 9 et 10 pour les motifs suivants :

-            ces paragraphes visent à obtenir des jugements déclaratoires qui n'ont pas de fondement en droit parce que les réparations demandées ont pour effet de chercher à dicter au gouvernement fédéral la position qu'il doit défendre lors des négociations de traités et parce que ces jugements déclaratoires seraient de peu d'utilité, étant donné que la province de Colombie-Britannique n'est pas une partie à qui une réparation est réclamée et parce qu'il n'y a aucun acte de procédure qui permette de penser que le gouvernement fédéral n'a pas déjà mené des consultations et qu'il n'en mènera pas après l'ouverture du procès;

-            dans ces paragraphes, la bande de Musqueam sollicite le contrôle judiciaire de négociations de traités menées par le gouvernement fédéral;

-            les défendeurs fédéraux seraient lésés parce qu'il leur faudrait révéler leur stratégie de négociation pour être en mesure de contester la présente demande.

[10]            CB formule des objections semblables à ces paragraphes en faisant valoir que :

-            ces paragraphes soulèvent des questions ayant trait à la négociation de traités;

-            la réparation vise en fait la province;


-            permettre les modifications réclamées irait à l'encontre de la courtoisie judiciaire et constituerait un gaspillage des ressources judiciaires;

-            en raison du processus tripartite qui régit la signature des traités, c'est à une cour supérieure provinciale qu'il revient de se prononcer sur les obligations de Sa Majesté.

CB soulève aussi la question de la compétence de notre Cour pour connaître de sa propre requête en mise hors de cause.

[11]            Les objections de ces défendeurs portent beaucoup plus sur le bien-fondé du contrôle judiciaire que sur l'opportunité d'autoriser ces modifications. Il ne faut pas oublier que la présente instance en est à ses premières étapes. Les arguments des défendeurs présupposent à certains égards des faits qui n'ont pas encore été établis en preuve. En réalité, les défendeurs n'ont apporté aucun élément de preuve au sujet du bien-fondé de la demande. Il est trop tôt pour savoir comment la présente affaire évoluera et quels moyens et prétentions les parties invoqueront ou soutiendront en bout de ligne.


[12]            Les défendeurs craignent fort que, lors de l'enquête préalable et du contre-interrogatoire, les paragraphes 9 et 10 n'aient pour effet de révéler la teneur de toutes les négociations qui ont été menées avec les Musqueam et qui ont conduit à la signature des traités. Même en supposant qu'il s'agisse là d'un motif d'opposition valable à la présente requête - une conclusion que je n'ai pas tirée -, il y a lieu de signaler que les deux paragraphes ne parlent pas de négociations de traités. Il est également question de droits issus de traités ailleurs, par exemple aux paragraphes 7 et 8. À défaut d'autres éléments de preuve, la Cour ne peut donc pas conclure que la négociation de traités constitue, par opposition aux droits issus de traités, une question litigieuse ou que l'affaire évoluera de telle manière que le processus en cours de négociation de traité sera examiné.

[13]            Les défendeurs en question anticipent sur des questions, problèmes de preuve et difficultés de procédure en se fondant sur un dossier trop mince et ce, beaucoup trop tôt dans le déroulement de l'instance. La Cour est investie de la compétence et des pouvoirs nécessaires pour s'assurer que le procès respecte les limites de sa compétence et pour traiter efficacement les questions de préjudice et de preuve. La prétention fondamentale de la Bande vise une décision d'un « office fédéral » , une question qui relève de la compétence exclusive de la Cour.

[14]            La question en litige dans la présente requête ne porte pas sur le bien-fondé du contrôle judiciaire ou sur les problèmes éventuels qui pourraient survenir en cours d'instance. La question en litige est celle de savoir si la requête de la Bande est conforme au paragraphe 75(1) des Règles, qui est ainsi libellé :

Modifications avec autorisation

75. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.                                                                

Amendments with leave

75. (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.


[15]            Le principe régissant les modifications a été posé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canderel Ltd c. Canada, [1994] 1 C.F., à la page 6. Une modification peut être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties pourvu que cette modification ne cause pas à la partie adverse une injustice que les dépens ne pourraient réparer et à condition que cette modification serve les intérêts de la justice.

[16]            En ce qui concerne la question des intérêts de la justice, la Cour d'appel a fait siens les propos tenus par le juge Bowman, de la Cour de l'impôt, dans le jugement Continental Bank Leasing Corporation et autre c. La Reine, (1993), 93 DTC 298 (C.C.I.), où le juge conclut ses observations en disant ce qui suit, à la page 302 :

Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite.

[17]            Si l'on applique ces principes à la présente requête, on constate que la modification porte sur la véritable question en litige en l'espèce. Le préjudice qu'une modification apportée à ce stade-ci pourrait causer aux divers défendeurs est négligeable parce qu'elle intervient très tôt dans le déroulement de l'instance, avant même que les défendeurs aient soumis quelque pièce ou élément de preuve que ce soit.


[18]            Il serait injuste d'empêcher la demanderesse de réclamer une réparation si tôt dans le déroulement de l'instance. Il est logique de laisser la demanderesse exposer intégralement ses prétentions et de statuer sur le fond des questions en litige en réglant au fur et à mesure les problèmes qui pourront survenir en cours d'instance.

[19]            Il est dans l'intérêt de la justice que toutes les éventuelles prétentions soient exposées au complet et dès le début et ce, indépendamment de leur bien-fondé, ce que la présente modification permettra de faire.

[20]            La modification sera donc autorisée.

Requête en réunion d'instances

[21]            La Bande sollicite la réunion des deux instances ou leur instruction conjointe. Les défendeurs objectent surtout que l'introduction de la seconde demande de contrôle judiciaire a rendu la première demande sans objet.

[22]            Il est évident que la Bande craint qu'en se désistant de sa première demande, elle rencontre certains problèmes de procédure lorsqu'elle tentera d'intégrer dans la seconde demande tous les faits et toutes les questions articulés dans la première.


[23]            L'avocat du gouvernement du Canada a peut-être raison de dire que la Cour ne peut ordonner aucune mesure pour ce qui est de la première demande et que toutes les questions seront réglées dans la seconde. À cette étape-ci, la Cour est portée à abonder dans son sens, mais on ne sait pas encore avec certitude quelle thèse les divers défendeurs soutiendront, d'autant plus qu'ils n'ont encore présenté aucun élément de preuve pour appuyer leur thèse respective.

[24]            Tant que l'orientation du procès demeure incertaine, il est préférable de laisser les deux demandes subsister côte à côte. La question de la réunion d'instances peut être examinée plus tard. Les parties peuvent déposer leurs actes en se servant des deux intitulés de cause et elles peuvent considérer que la preuve et leurs arguments s'appliquent aux deux dossiers.

[25]            Indépendamment de l'issue de l'examen ultérieur de la question de la réunion des deux instances, la Cour devrait instruire conjointement les deux demandes, si elles existent toujours, à moins que ne surviennent de nouveaux faits qui feraient en sorte que cette procédure n'est pas appropriée.

Requête en radiation - Défenderesses SIC

[26]            Les défenderesses SIC réclament une ordonnance qui aurait pour effet de les soustraire aux deux instances en contrôle judiciaire. Les défenderesses SIC sont constituées de la société mère, la Société immobilière du Canada Limitée (SILC), et de sa filiale, la Société immobilière du Canada CLC Limitée (SIC).


[27]            Les défenderesses SIC expliquent que SICL, qui s'appelait à l'origine Société immobilière des Travaux publics limitée, est une société d'État qui agit comme société de portefeuille pour sa filiale active SIC. SICL ne possède pratiquement ni actifs ni ressources internes. C'est une société d'État fédérale commerciale autofinancée dont le mandat consiste notamment à gérer certaines propriétés et à assurer l'aliénation harmonieuse et axée sur les pratiques commerciales des propriétés fédérales excédentaires, le tout au profit du gouvernement canadien. SICL est un mandataire de la Couronne fédérale.

[28]            En revanche, SIC est une société immobilière active, qu'on pourrait assimiler à plusieurs égards à une société immobilière du secteur privé. Elle n'a aucun lien de dépendance vis-à-vis la Couronne fédérale et elle n'est pas mandataire de la Couronne fédérale. Elle exécute le mandat de SICL consistant à aliéner ou à détenir certaines propriétés au nom du gouvernement fédéral.

[29]            SIC est un acheteur éventuel de la propriété Garden City et la décision du Conseil du Trésor qui est attaquée en l'espèce est de transférer ce domaine à SIC. SIC n'a encore acquis aucun intérêt juridique et elle n'est titulaire d'aucun titre foncier.

[30]            Les défenderesses SIC s'opposent à leur constitution comme parties au présent procès au motif qu'elles ne sont pas un « office fédéral » et que les pouvoirs qui sont conférés à notre Cour en vertu du paragraphe 18(1) et de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ne rendent pas notre Cour compétente pour prononcer une ordonnance contre elles.


[31]            À l'appui de leurs arguments, les défenderesses SIC ont présenté des éléments de preuve au sujet de la structure de leur entreprise et de ses activités générales et autres éléments d'information, le tout dans le but de démontrer qu'elles ne répondent pas à la définition contenue à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. Elles soutiennent en fait qu'elles ressemblent à d'autres sociétés fédérales comme la SRC (voir Thomas W. Wilcox c. Société Radio-Canada, [1980_] 1 C.F. 326 (C.F. 1re inst.) et Financement agricole Canada (voir Cairns c. Société du crédit agricole, [1992] 2 C.F. 115 (C.F. 1re inst.)) et qu'elles ne sont pas comme une administration portuaire (voir Halterm Limited c. Halifax Port Authority, (2000), 184 F.T.R. 16 (C.F. 1re inst.) qui exerce ses pouvoirs en vertu d'une loi fédérale.

[32]            Bien que les défenderesses en question possèdent bon nombre des caractéristiques d'une société privée, leur organisation et leur mandat comportent certains aspects publics non négligeables. Ainsi, la société mère est un mandataire de la Couronne et la filiale agit comme mandataire ou représentante de la société mère. Les deux défenderesses ont les mêmes politiques, qui sont conformes aux politiques du gouvernement. SICL, la société mère, rend compte de ses activités au Parlement par l'entremise du ministre et elle respecte les objectifs de la Couronne fédérale. C'est la Couronne fédérale qui définit le mandat des deux défenderesses SIC.

[33]            À ce stade initial de l'instance, la nature exacte des rapports des défenderesses SIC avec chacun des autres défendeurs fédéraux est inconnue ou n'a pas été établie.

[34]            Qu'il suffise de dire que l'argument de la Bande suivant lequel chacune des défenderesses SIC constitue un « office fédéral » est défendable.

[35]            Les défenderesses SIC veulent être mises hors de cause en ce qui concerne la procédure de contrôle judiciaire. Le principe juridique qui s'applique à ce type de requête est énoncé dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), dans lequel la Cour d'appel a déclaré qu'on ne fait droit à ce type de requête que lorsque la demande de contrôle judiciaire « n'a aucune chance d'être accueillie » . Ce principe vaut tant pour les moyens qui sont invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire que pour les parties qui peuvent être constituées, en supposant que les Règles de la Cour aient par ailleurs été respectées.

[36]            Les prétentions formulées par la Bande contre les défenderesses SIC et plus particulièrement leur argument qu'elles sont des offices fédéraux ne constituent pas, à ce stade-ci, des moyens qui n'ont « aucune chance d'être accueillis » .

[37]            Même si elles ne constituaient pas des offices fédéraux, l'article 303 des Règles exige que les défenderesses SIC soient constituées parties à l'instance parce que, de toute évidence, chacune d'entre elles est une « personne directement touchée par l'ordonnance » sollicitée. La réparation réclamée mettrait un terme au transfert de Garden City à SIC ainsi qu'aux avantages que la vente subséquente de ces terres à un tiers pourrait procurer à chacune des défenderesses SIC.


[38]            Il n'est pas nécessaire, pour être régulièrement constitué partie à une instance introduite devant notre Cour, qu'un défendeur nommément désigné soit également un office fédéral. Le fait de ne pas être un office influencera la réparation qui pourra être accordée ainsi que le choix des personnes qui seront condamnées à l'acquitter, mais cette situation n'a pas pour effet de soustraire les personnes en question à la compétence de la Cour.   

[39]            Le principe applicable a été formulé dans l'arrêt Tetzlaff c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1991] 2 C.F. 215 (C.A.) aux pages 226 et 227, où la Cour a jugé que l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale crée une compétence d'attribution et non une compétence à l'égard des personnes :

L'article 18 ne crée absolument aucune compétence à l'égard de personnes, mais crée plutôt une compétence d'attribution, à savoir la compétence de statuer sur les décisions rendues par les offices fédéraux. Dans bien des cas, les personnes qui composent ces offices n'agissent pas nécessairement à titre de parties dans les procédures portées devant la Cour. Souvent elles ne sont même pas autorisées à le faire.

(Voir également l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1993] 2 C.F. 651 (C.A.), à la page 656.)

[40]            Les défenderesses SIC sont les parties qui sont susceptibles de bénéficier, directement ou indirectement, de la décision de transférer Garden City Lands. Si le transfert a effectivement lieu, elles en seront également bénéficiaires. Les défenderesses SIC sont donc des personnes directement touchées par la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire. Elles ont été régulièrement constituées parties à l'instance et leur requête doit donc être rejetée.

Requête en radiation - Procureur général de la Colombie-Britannique

[41]            Dans sa requête en radiation, CB réclame sa mise hors de cause complète et/ou la radiation ou la modification du paragraphe 8 des « détails de la demande » et des paragraphes 3 et 4 des « moyens » pour tenir compte du fait que ces paragraphes ne s'appliquent pas à CB.

[42]            Voici le texte des paragraphes en question :

[TRADUCTION]

8. Un bref de mandamus forçant les défendeurs collectivement et individuellement à consulter les Musqueam de bonne foi au sujet de l'utilisation et de l'aliénation du domaine « Garden City » et à tenir raisonnablement compte des droits ancestraux et des droits issus de traités des Musqueam.

[...]

3. Chacun des défendeurs est tenu, de par la Constitution, de veiller à ce que toute la preuve soit communiquée aux Musqueam et à s'assurer qu'ils soient consultés de bonne foi au sujet de toute éventuelle aliénation du domaine de « Garden City » et d'accommoder les intérêts et droits fonciers ancestraux des Musqueam sur l'immeuble avant de procéder à son aliénation.

4. Les défendeurs ont manqué à leurs obligations fiduciaires et constitutionnelles envers les Musqueam en ce qui concerne l'aliénation ou l'aliénation projetée du domaine « Garden City » .

[43]            CB a par ailleurs soulevé la question de savoir ce qu'il adviendrait de son statut si les modifications proposées à l'avis de demande étaient accordées. Si la Cour a bien compris CB, si les modifications ne sont pas autorisées, elle désire être mise hors de cause mais si les modifications sont accordées, elle souhaite demeurer partie au litige.


[44]            La thèse de CB est que la Cour n'a pas compétence à son égard et qu'elle ne peut la forcer au moyen d'une ordonnance à faire quoi que ce soit. CB soutient également que la Cour ne saurait permettre que des allégations soient faites au sujet de personnes à l'égard desquelles elle n'est pas compétente. CB ajoute que, comme il existe un procès connexe devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, cette dernière est mieux placée pour traiter des obligations en matière de protection du territoire dans le cadre de négociations tripartites de traités.

[45]            Si l'on tient compte du critère qui s'applique en matière de radiation des demandes de contrôle judiciaire dont il a été discuté lors de l'examen de la requête des défenderesses SIC, force est de reconnaître que l'argument développé par CB au sujet du paragraphe 8 est convaincant. Notre Cour n'a pas compétence pour délivrer contre CB le bref de mandamus réclamé (voir l'arrêt Union Oil Company c. Canada et Colombie-Britannique, [1976] 1 C.F. 74 (C.A.), au paragraphe 3, confirmé à [1976] 2 R.C.S. v, (1976) 72 D.L.R. (3d) 81, à la page 82 (C.S.C.)).

[46]            La Bande a bien précisé qu'elle n'avait pas l'intention de réclamer une telle réparation contre CB. Toutefois, vu l'issue de la présente requête, il ne sera pas nécessaire de modifier ce paragraphe.

[47]            Les questions en litige dans la présente instance en contrôle judiciaire remettent directement en question la décision de la Couronne fédérale de céder le domaine Garden City. Il s'agit d'une question qui relève par définition de la compétence exclusive de notre Cour. Ce n'est pas une question qui peut être tranchée par une cour supérieure provinciale.

[48]            Dans ses actes de procédure, une partie n'est pas tenue de n'articuler que les faits ou les questions sur lesquels la Cour a compétence; elle peut énoncer d'autres faits et d'autres questions à condition qu'ils puissent se rapporter à la décision finale, laquelle relève de la compétence de la Cour.

[49]            Il convient mieux d'examiner la présente requête à la lumière des principes applicables à la requête en radiation des défenderesses SIC. Dans le cas qui nous occupe, CB n'est pas directement touché par la décision prise par la Couronne fédérale. CB n'a donc pas été régulièrement constitué défendeur et il y a lieu de faire droit à sa requête en mise hors de cause.

[50]            Vu la nature de la présente demande et les réserves exprimées par CB, il se peut fort bien (que la modification du paragraphe 9 soit autorisée ou non) que CB ait un intérêt dans le présent procès. Les Règles de la Cour fédérale permettent de traiter des cas où des intérêts (plutôt que des personnes directement touchées par une décision) sont touchés dans le cadre d'un procès déjà engagé en autorisant un tiers à intervenir dans une instance en vertu de l'article 109. Par ailleurs, les procureurs généraux des provinces peuvent demander l'autorisation d'intervenir en vertu de l'article 110 des Règles.

[51]            Par conséquent, bien qu'elle accueille la requête en radiation, la Cour le fait sous réserve du droit de CB de demander l'autorisation d'intervenir dans la présente instance en vertu des dispositions des Règles de la Cour fédérale qu'elle estime applicables.


Dispositif

[52]            Les parties ont fait allusion à l'existence de pourparlers entourant le présent procès et le transfert des biens-fonds. Ce procès n'a pas progressé depuis la date à laquelle les requêtes ont été instruites. Il est temps de relancer le procès. Une nouvelle conférence de gestion de l'instance portant notamment sur l'établissement d'un échéancier sera bientôt convoquée.

[53]            Pour ces motifs, la Cour rendra une ordonnance :

a.          accueillant la requête présentée par la Bande indienne de Musqueam en vue de modifier son avis de demande dans le dossier no T-2287-03;

b.          rejetant la requête présentée par la Bande en vue d'obtenir la réunion des dossiers nos T-1832-02 et T-2287-03, sous réserve du droit de la Bande de faire examiner de nouveau la question à une date ultérieure par un juge chargé de la gestion de l'instance ou par le juge qui instruira les demandes; et accueillant la requête visant à obtenir que les deux instances soient instruites conjointement, sauf ordonnance contraire;

c.          rejetant la requête présentée par la Société immobilière du Canada Limitée et la Société immobilière du Canada CLC Limitée;


d.          accueillant la requête présentée par le procureur général de la Colombie-Britannique en vue d'être mis hors de cause dans le dossier no T-2287-03, sous réserve de son droit de demander l'autorisation d'intervenir dans les deux dossiers.

e.          déclarant que les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.                    


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1832-02

INTITULÉ :               BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

c.

GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mario Morellato                                                POUR LA DEMANDERESSE

Rob Whittaker                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

LA COURONNE FÉDÉRALE

Simon Margolis                                                 POUR LES DÉFENDERESSES

Chris Wilson                                                      SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA LTÉE et SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LTÉE

Paul Yearwood                                                 POUR LE DÉFENDEUR, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Reece Harding                                                   POUR L'INTERVENANTE, LA VILLE DE RICHMOND


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver

Ministère de la Justice                                        POUR LA DÉFENDERESSE,

Vancouver                                                        LA COURONNE FÉDÉRALE

Bull Housser                                                      POUR LES DÉFENDERESSES

Vancouver                                                         SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU

CANADA LTÉE et SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LTÉE

Services juridiques                                             POUR LE DÉFENDEUR, LE

Procureur général                                             PROCUREUR GÉNÉRAL

de la Colombie-Britannique                                            DE LA COLOMBIE-

Victoria                                                             BRITANNIQUE

Lidstone, Young, Anderson                                           POUR L'INTERVENANTE,

Vancouver                                                        LA VILLE DE RICHMOND


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-2287-03

INTITULÉ :               BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

c.

GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mario Morellato                                                POUR LA DEMANDERESSE

Rob Whittaker                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

LA COURONNE FÉDÉRALE

Simon Margolis                                                 POUR LES DÉFENDERESSES

Chris Wilson                                                      SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA LTÉE et SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LTÉE

Paul Yearwood                                                 POUR LE DÉFENDEUR, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Reece Harding                                                   POUR L'INTERVENANTE,

LA VILLE DE RICHMOND


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver

Ministère de la Justice                                        POUR LA DÉFENDERESSE,

Vancouver                                                        LA COURONNE FÉDÉRALE

Bull Housser                                                      POUR LES DÉFENDERESSES

Vancouver                                                         SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU

CANADA LTÉE et SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LTÉE

Services juridiques                                             POUR LE DÉFENDEUR, LE

Procureur général                                             PROCUREUR GÉNÉRAL

de la Colombie-Britannique                                            DE LA COLOMBIE-

Victoria                                                             BRITANNIQUE

Lidstone, Young, Anderson                                           POUR L'INTERVENANTE,

Vancouver                                                         LA VILLE DE RICHMOND


                                                                                 Date : 20041103

                                                                           Dossier : T-1832-02

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN                             

ENTRE :

BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

demanderesse

et

GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA,

CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA et L'HONORABLE

ROBERT THIBAULT, MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

                                                                                          défendeurs

VILLE DE RICHMOND

intervenante

Dossier : T-2287-03

ENTRE :

BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM

demanderesse

et

GOUVERNEUR EN CONSEIL DU CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA,

L'HONORABLE ROBERT THIBAULT, MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS, SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA LIMITÉE, SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LIMITÉE , VILLE DE RICHMOND, PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE et MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

défendeurs


                                        ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR LA REQUÊTE présentée par la bande indienne de Musqueam dans le dossier no T-2287-03 en vue de modifier de nouveau son avis de demande, et notamment les paragraphes 9 et 10 des réparations demandées, les paragraphes 3, 5 et 6 des moyens invoqués au soutien de la demande, et les paragraphes 4, 6, 7 8, 12, 13, 21 et 28 du résumé des faits et les paragraphes 5 à 11 des pièces produites à l'appui de la demande;

ET SUR LA REQUÊTE présentée par la Bande indienne de Musqueam en vue de faire réunir les instances nos T-1832-02 et T-2287-03 ou de les faire instruire conjointement, en vertu des articles 105 et 385 des Règles de la Cour fédérale (1998);

ET SUR LA REQUÊTE présentée par la Société immobilière du Canada Limitée et la Société immobilière du Canada CLC Limitée (les défenderesses SIC) dans le dossier no T-2287-03 en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis de demande ou, à titre subsidiaire, l'avis de demande modifié, dans la mesure où la demande vise à obtenir une réparation des défenderesses SIC et en vue d'obtenir le rejet de la demande de contrôle judiciaire ou, à titre subsidiaire, que l'instance en contrôle judiciaire soit transformée en action et que les réclamations visant les défenderesses SIC soient radiées et que les défenderesses SIC soient mises hors de cause;


ET SUR LA REQUÊTE présentée par le procureur général de la Colombie-Britannique dans le dossier no T-2287-03 en vue d'obtenir que le paragraphe 8 de l'avis de demande soit radié ou modifié pour supprimer toute mention d'une demande de bref de mandamus à son égard, que les paragraphes 3 et 4 des moyens invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire soient modifiés pour bien préciser qu'il n'est pas demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si le procureur général de la Colombie-Britannique est assujetti à l'obligation dont il est question au paragraphe 3 et s'il a manqué à l'obligation mentionnée au paragraphe 4 et en vue d'obtenir que le procureur général de la Colombie-Britannique soit mis hors de cause dans la présente instance :

1                       ACCUEILLE la requête présentée par la Bande indienne de Musqueam en vue de modifier son avis de demande dans le dossier no T-2287-03;

2.                      REJETTE la requête présentée par la Bande en vue de faire réunir les dossiers nos T-1832-02 et T-2287-03, sous réserve du droit de la Bande de faire examiner de nouveau la question à une date ultérieure par un juge chargé de la gestion de l'instance ou par le juge qui instruira les demandes; ACCUEILLE la requête visant à obtenir que les deux instances soient instruites conjointement, sauf ordonnance contraire;

3.                   REJETTE la requête présentée par la Société immobilière du Canada Limitée et la Société immobilière du Canada CLC Limitée;

4.                   ACCUEILLE la requête présentée par le procureur général de la Colombie-Britannique en vue d'être mis hors de cause dans le dossier no T-2287-03, sous réserve de son droit de demander l'autorisation d'intervenir dans les deux dossiers;


5.                   DIT que les dépens suivront l'issue de la cause.

Les motifs de l'ordonnance seront communiqués séparément.

            Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.                    


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