Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200123


Dossier : IMM-2613-19

Référence : 2020 CF 115

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

AYESHA AZAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 6 avril 2019 par laquelle l’agente d’immigration [l’agente] a refusé la demande de permis de travail de la demanderesse.

II.  CONTEXTE

[2]  La demanderesse est une citoyenne du Pakistan. Elle est veuve et mère de deux enfants. Elle souhaite obtenir un permis de travail de deux ans pour occuper un poste d’administratrice de bureau au sein de Rapri Transport Ltd [l’entreprise] à Brampton, en Ontario.

[3]  La demanderesse vit actuellement au Pakistan avec ses parents et ses deux enfants. Ses deux sœurs et la famille de son défunt mari demeurent au Pakistan, alors que ses deux frères vivent au Canada. Elle possède un baccalauréat et une maîtrise en littérature anglaise. Après le décès de son mari, la demanderesse a commencé à travailler comme gestionnaire adjointe au sein de Toyota Garden Motors [Toyota Garden] au Pakistan en juin 2015. Elle a par la suite été promue au poste de gestionnaire en administration en octobre 2017.

[4]  La demanderesse affirme que, en 2018, son frère, avocat au Canada, l’a informée que l’entreprise cherchait à pourvoir un poste d’administrateur de bureau. La demanderesse indique que, après plusieurs entrevues téléphoniques, l’entreprise lui a offert le poste le 17 juillet 2018. Le 31 août 2018, l’entreprise a reçu une évaluation d’impact sur le marché du travail [l’EIMT] d’Emploi et Développement social du Canada/Service Canada, laquelle révélait qu’embaucher un étranger pour pourvoir le poste d’administrateur de bureau aurait [traduction] « un effet positif ou neutre sur le marché du travail au Canada ». En outre, l’EIMT invitait la demanderesse à déposer sa demande de permis de travail à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC]. L’EIMT révélait que les compétences requises pour le poste étaient un diplôme d’études secondaires et des compétences en anglais à l’oral et à l’écrit.

[5]  La demanderesse a déposé une demande de permis de travail de deux ans le 13 février 2019. À sa demande, elle a notamment joint ses relevés bancaires, ses résultats au test de compétences linguistiques du Système international de tests de la langue anglaise [IELTS], ainsi que l’affidavit de son frère.

[6]  Après un premier examen des éléments de preuve qu’elle a présentés, la demanderesse a passé une entrevue avec l’agente à Islamabad, au Pakistan, le 6 mars 2019. Durant l’entrevue, la demanderesse a expliqué qu’elle avait présenté sa candidature afin d’acquérir de l’expérience à l’international, qu’elle pourrait ajouter sur son curriculum vitæ. Elle a également expliqué que son frère l’avait mise au courant du poste à combler, qu’elle avait réalisé trois entrevues par téléphone, que des questions concernant son expérience de travail et sa formation lui avaient été posées pendant ces entrevues et que son futur employeur lui avait dit qu’il avait eu du mal à pourvoir le poste. Priée d’expliquer l’augmentation rapide du solde de son compte bancaire, la demanderesse a répondu qu’elle reçoit des sommes forfaitaires correspondant au rendement sur l’investissement de l’assurance-vie de son mari.

[7]  Un mois plus tard, l’agente a informé la demanderesse que sa demande de permis de travail avait été rejetée.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]  Le 6 avril 2019, l’agente a rejeté la demande de permis de travail de la demanderesse au motif qu’elle n’était pas persuadée que la demanderesse serait une véritable visiteuse temporaire qui quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. L’agente a conclu que la demanderesse avait démontré qu’elle avait peu de liens personnels et financiers au Pakistan et que la présence de sa famille au Canada constituait un facteur d’attirance. L’agente a également conclu que le processus d’embauche n’était pas suffisamment étayé et qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour expliquer pourquoi la demanderesse déracinerait sa famille et quitterait un poste de niveau supérieur au Pakistan pour occuper pendant 24 mois un poste de niveau inférieur au Canada.

[9]  L’agente a conclu que la demanderesse n’avait fourni aucun élément de preuve pour démontrer que les sommes forfaitaires récemment déposées dans son compte bancaire résultaient de l’investissement du versement de l’assurance-vie de son mari. L’agente a reconnu que les parents et les deux sœurs de la demanderesse vivaient au Pakistan; toutefois, elle a estimé qu’il existait des facteurs d’attirance qui incitaient la demanderesse à rester au Canada, soit ses frères et ses deux enfants qu’elle comptait amener au Canada si elle obtenait le permis de travail. Par conséquent, l’agente a conclu que la demanderesse avait peu de liens financiers et personnels au Pakistan, mais que ses liens familiaux au Canada constituaient des facteurs d’attirance.

[10]  L’agente a également conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve pour corroborer le processus d’embauche. Elle a estimé que l’affidavit du frère de la demanderesse n’était pas suffisant. Par exemple, on ne savait pas vraiment comment son frère avait su pourquoi le futur employeur de la demanderesse avait choisi de conduire des entrevues téléphoniques avec elle au lieu de communiquer par courriel. De plus, l’agente a indiqué que les réponses de la demanderesse aux questions concernant le processus d’embauche étaient vagues puisqu’elle était incapable de donner des exemples de questions qui lui avaient été posées pendant l’entrevue. Elle n’était pas non plus capable de donner d’exemples concrets de la manière dont elle s’y prendrait pour exécuter les tâches énoncées dans la description de poste. L’agente a aussi conclu que la demanderesse semblait mal connaître le logiciel Excel et qu’elle éprouvait des difficultés en anglais pendant l’entrevue, en dépit de ses résultats à l’IELTS. De plus, l’agente a affirmé que la demanderesse n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve et d’explications justifiant son désir de déraciner sa famille et de quitter son poste de gestionnaire au Pakistan pour occuper un poste temporaire de niveau inférieur au Canada.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[11]  Les questions soulevées dans le cadre de la présente demande sont les suivantes :

  1. L’agente a‑t‑elle violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale?

  2. L’agente a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve cruciaux au moment d’évaluer la situation financière de la demanderesse?

  3. L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation du but du séjour de la demanderesse au Canada?

  4. L’agente a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve cruciaux au moment d’évaluer les liens familiaux de la demanderesse?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[12]  La présente demande a été plaidée avant les récents arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66, de la Cour suprême du Canada. Notre Cour a mis sa décision en délibéré. Par conséquent, les observations des parties concernant la norme de contrôle ont été formulées en fonction du cadre d’analyse de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Cependant, compte tenu des circonstances de la présente affaire et des directives de la Cour suprême du Canada au paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, notre Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire de demander aux parties de fournir des observations additionnelles sur la norme de contrôle. J’ai appliqué le cadre d’analyse de l’arrêt Vavilov à mon évaluation de la demande, et cela ne change rien à la norme de contrôle applicable en l’espèce ni à mes conclusions.

[13]  Dans l’arrêt Vavilov, aux paragraphes 23 à 32, les juges majoritaires ont voulu simplifier la façon pour le tribunal de déterminer la norme de contrôle applicable aux questions qui lui sont présentées. Les juges majoritaires ont abandonné l’analyse fondée sur le contexte et les catégories adoptée dans l’arrêt Dunsmuir et ont plutôt adopté la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique. Cependant, les juges majoritaires ont souligné que cette présomption peut être annulée sur le fondement 1) de l’intention claire du législateur de prescrire une norme de contrôle différente (Vavilov, aux para 33‑52), et 2) de certains scénarios où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, par exemple les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, aux para 53‑64).

[14]  La demanderesse a soutenu que la norme de la décision raisonnable s’applique à la façon dont l’agente a évalué les éléments de preuve présentés en l’espèce, alors que la norme de la décision correcte s’applique à la question de l’équité procédurale. Le défendeur était d’accord pour dire que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’évaluation que l’agente a faite des éléments de preuve et semblait être d’avis que la norme de la décision correcte s’appliquait à la question de l’équité procédurale, même s’il soutient que l’obligation d’équité procédurale que doivent respecter les agents des visas se situe à l’extrémité inférieure du spectre.

[15]  Certains tribunaux ont conclu que la norme de contrôle applicable à une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la « décision correcte » (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux para 59 et 61 [Khosa]). L’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada ne porte pas sur la norme de contrôle s’appliquant aux questions d’équité procédurale (Vavilov, au para 23). Cependant, selon une approche plus judicieuse sur le plan doctrinal, aucune norme de contrôle ne s’applique à la question de l’équité procédurale. Dans l’arrêt Moreau-Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, la Cour suprême du Canada a déclaré que la question de l’équité procédurale :

[…] n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier. (Moreau-Bérubé, au para 74).

[16]  Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable à la façon dont l’agente a évalué les éléments de preuve présentés avec la demande de permis de travail, rien ne permet de réfuter la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. L’application de la norme de la décision raisonnable à cette question est également conforme à la jurisprudence précédant l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada. Voir Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1283, au para 3, et Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 954, au para 15.

[17]  Dans le cadre du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse portera sur la question de savoir « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au para 99). La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle unique qui « s’adapte au contexte » (Vavilov, au para 89, citant Khosa, précité, au para 59). Ces contraintes d’ordre contextuel « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solutions qu’il peut retenir » (Vavilov, au para 90). Autrement dit, la Cour devrait intervenir uniquement lorsque la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100). La Cour suprême du Canada s’arrête à deux catégories de lacunes fondamentales : 1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur; et 2) une décision indéfendable « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision » (Vavilov, au para 101).

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[18]  Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], sont d’intérêt pour la présente demande de contrôle judiciaire :

Permis de travail — demande préalable à l’entrée au Canada

Work permits

200 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci-après sont établis :

200 (1) Subject to subsections (2) and (3) — and, in respect of a foreign national who makes an application for a work permit before entering Canada, subject to section 87.3 of the Act — an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

200 (3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

200 (3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;

200 (5) L’évaluation de l’authenticité de l’offre d’emploi est fondée sur les facteurs suivants :

200 (5) A determination of whether an offer of employment is genuine shall be based on the following factors:

a) l’offre est présentée par un employeur véritablement actif dans l’entreprise à l’égard de laquelle elle est faite, sauf si elle vise un emploi d’aide familial;

(a) whether the offer is made by an employer that is actively engaged in the business in respect of which the offer is made, unless the offer is made for employment as a live-in caregiver;

b) l’offre correspond aux besoins légitimes en main‑d’œuvre de l’employeur;

(b) whether the offer is consistent with the reasonable employment needs of the employer;

c) l’employeur peut raisonnablement respecter les conditions de l’offre;

(c) whether the terms of the offer are terms that the employer is reasonably able to fulfil; and

d) l’employeur – ou la personne qui recrute des travailleurs étrangers en son nom – s’est conformé aux lois et aux règlements fédéraux et provinciaux régissant le travail ou le recrutement de main‑d’œuvre dans la province où il est prévu que l’étranger travaillera.

(d) the past compliance of the employer, or any person who recruited the foreign national for the employer, with the federal or provincial laws that regulate employment, or the recruiting of employees, in the province in which it is intended that the foreign national work.

[...]

...

VII.  ARGUMENTS

A.  La demanderesse

[19]  La demanderesse soutient que l’agente a commis les erreurs suivantes : (1) elle ne lui a pas donné l’occasion de dissiper ses doutes quant à la crédibilité, violant ainsi son droit à l’équité procédurale; (2) elle a déraisonnablement fait fi de la vaste majorité de ses éléments de preuve financiers et s’est concentrée à tort sur le solde de comptes bancaires inactifs; (3) sans raison valable, elle n’a pas cru la demanderesse quant au but de son voyage au Canada malgré ses explications claires; (4) elle a fait fi des éléments de preuve cruciaux concernant ses liens familiaux nombreux et importants au Pakistan.

[20]  Pour ces motifs, la demanderesse fait valoir que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et que l’affaire devrait être renvoyée pour nouvel examen par un autre décideur.

1)  L’équité procédurale

[21]  La demanderesse soutient que l’agente a violé son droit à l’équité procédurale en ne lui donnant pas l’occasion de répondre à ses inférences défavorables en matière de crédibilité, que la demanderesse n’aurait raisonnablement pas pu prévoir. La demanderesse souligne qu’elle a présenté de nombreux éléments de preuve contredisant les conclusions de l’agente, ce qui démontre que les préoccupations de celle‑ci ne concernaient pas tant le caractère suffisant des éléments de preuve que la crédibilité des renseignements. Par conséquent, la demanderesse affirme que l’agente aurait dû lui donner l’occasion de répondre à ses préoccupations concernant sa situation financière, ses liens familiaux, ses compétences en anglais et le processus d’embauche.

[22]  Premièrement, la demanderesse souligne que, malgré l’abondance d’éléments de preuve qu’elle a présentés au sujet de sa situation financière, l’agente n’était pas convaincue qu’elle avait suffisamment de liens financiers au Pakistan. La demanderesse soutient que, si l’agente l’avait informée de ses préoccupations quant à l’investissement du versement de l’assurance-vie de son défunt mari, elle aurait pu répondre à ses préoccupations. La demanderesse souligne que la Cour a conclu que, lorsque le décideur a l’impression qu’il y a des lacunes dans les éléments de preuve, l’équité l’oblige à donner l’occasion au demandeur de dissiper cette impression. Elle cite la décision Gay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1280, au para 31 [Gay], et la décision Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, au para 22.

[23]  Deuxièmement, la demanderesse indique qu’elle n’a pas été mise au courant des préoccupations concernant ses liens familiaux au Pakistan. En fait, elle souligne que dans sa décision, l’agente n’indique pas clairement si elle croyait que la demanderesse avait de la famille même au Pakistan. Ainsi, la demanderesse soutient qu’il revenait à l’agente de demander des éclaircissements si elle avait des préoccupations. La demanderesse affirme que la Cour a conclu que le droit à l’équité procédurale du demandeur est violé lorsqu’il est mis au courant de certaines préoccupations, mais que sa demande est par la suite rejetée pour d’autres motifs. Voir Jin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 612, aux para 12‑13.

[24]  Troisièmement, la demanderesse affirme que l’agente a violé son droit à l’équité procédurale en concluant que ses compétences en anglais ne correspondaient pas aux résultats qu’elle a obtenus à l’IELTS et en ne lui faisant pas part de cette préoccupation pendant l’entrevue.

[25]  Quatrièmement, la demanderesse souligne que l’agente a violé son droit à l’équité procédurale en ne lui faisant pas part de ses préoccupations concernant la nature générale de sa réponse à la question sur le processus d’embauche. La demanderesse indique que l’agente lui a posé une seule question générale concernant le processus d’embauche et ne lui a jamais dit qu’elle souhaitait avoir plus de détails.

2)  L’évaluation de la situation financière

[26]  La demanderesse soutient que la conclusion de l’agente selon laquelle il était peu probable qu’elle quitte le Canada vu sa situation financière et ses biens personnels limités au Pakistan est déraisonnable, puisqu’il est clair que l’agente a fait fi des nombreux éléments de preuve de sa situation financière qui contredisent cette conclusion.

[27]  En effet, la demanderesse souligne que les éléments de preuve dont disposait l’agente démontraient qu’elle avait des fonds importants dans ses comptes bancaires, qu’elle avait un bon salaire chez Toyota Garden, qu’elle avait des terres au Pakistan et qu’elle était copropriétaire d’une maison avec ses parents. Cependant, la demanderesse souligne que l’agente n’a même pas mentionné ces éléments de preuve.

[28]  De plus, la demanderesse soutient qu’il était déraisonnable pour l’agente de porter uniquement attention au solde peu élevé de ses comptes bancaires inactifs plutôt qu’aux soldes plus élevés et plus récents. La demanderesse allègue qu’il n’y a aucune raison de douter que les sommes forfaitaires récemment déposées proviennent de l’investissement du versement de l’assurance‑vie de son défunt mari.

3)  Le but de sa visite au Canada

[29]  La demanderesse affirme que l’agente a aussi commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas une véritable visiteuse temporaire qui quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Plus précisément, la demanderesse indique que l’agente : 1) n’a pas tenu compte de l’explication qu’elle a donnée pour justifier pourquoi elle accepterait d’occuper un emploi de niveau inférieur au Canada; 2) a mal évalué ses compétences linguistiques; 3) a indûment mis l’accent sur le processus d’embauche.

[30]  Premièrement, la demanderesse soutient qu’elle a expliqué clairement à l’agente qu’elle voulait obtenir le poste au Canada pour ajouter une expérience de travail à l’étranger à son curriculum vitæ. La demanderesse souligne qu’elle a expliqué clairement que, malgré le fait que le poste est d’un niveau inférieur, cette expérience à l’étranger sera avantageuse pour sa carrière à son retour puisque ce genre d’expérience est hautement valorisé au Pakistan. Par conséquent, on ne sait pas trop ce que l’agente a voulu dire lorsqu’elle a affirmé que l’explication de la demanderesse était insuffisante. Dans sa décision, l’agente n’a pas mentionné ni analysé l’explication de la demanderesse.

[31]  Deuxièmement, la demanderesse affirme que la conclusion de l’agente quant à ses compétences en anglais n’est pas claire, puisque cette dernière fait simplement remarquer qu’elle avait de la difficulté à s’exprimer en anglais pendant l’entrevue malgré ses résultats à l’IELTS. De plus, la demanderesse souligne que cette conclusion est déraisonnable et ne tient pas compte du fait qu’il était normal qu’elle soit nerveuse dans une telle situation.

[32]  Troisièmement, la demanderesse affirme que la conclusion de l’agente concernant le processus d’embauche n’est pas claire. Comme l’agente n’a pas conclu que l’offre d’emploi n’était pas authentique, elle n’aurait pas dû se fonder sur ce facteur pour conclure que la demanderesse ne voudrait pas quitter le Canada.

4)  L’évaluation des liens familiaux

[33]  La demanderesse soutient également que, en concluant qu’elle ne quitterait probablement pas le Canada à la fin de son séjour autorisé, l’agente a déraisonnablement fait fi de ses éléments de preuve démontrant ses liens familiaux nombreux et importants au Pakistan. La demanderesse indique que ses liens familiaux au Pakistan sont beaucoup plus nombreux et solides que ses liens au Canada.

[34]  La demanderesse souligne que ses enfants et elle sont très proches de ses parents vieillissants, avec qui ils résident, et sont également très proches de ses deux sœurs qui vivent au Pakistan. Ils sont aussi très proches des membres de la famille de son défunt mari, avec qui les enfants de la demanderesse gardent des liens très forts. La demanderesse fait remarquer qu’en revanche, elle a seulement deux frères qui vivent au Canada.

[35]  Compte tenu de ces éléments de preuve accablants qui démontrent que la demanderesse a des liens familiaux solides au Pakistan, ainsi que du fait que l’agente n’a pas expliqué pourquoi elle s’est concentrée uniquement sur les liens de la demanderesse au Canada, l’agente a rendu une décision déraisonnable en ne tenant pas compte des éléments de preuve cruciaux. La demanderesse cite les décisions Gay, aux para 33 et 34, et Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35, 1998 CanLII 8667 (CF), au para 17.

B.  Le défendeur

[36]  Le défendeur soutient que l’agente n’a pas commis d’erreur dans sa décision puisqu’elle : 1) n’avait pas l’obligation d’informer la demanderesse des nombreuses lacunes dans sa demande; 2) a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve concernant ses liens financiers au Pakistan; 3) a raisonnablement évalué le but du séjour de la demanderesse; et 4) a évalué adéquatement tous les éléments de preuve pertinents en déterminant que les liens familiaux de la demanderesse au Canada constituaient un facteur d’attirance. Le défendeur soutient que, pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

1)  L’équité procédurale

[37]  Le défendeur soutient que l’agente n’était pas tenue d’informer la demanderesse des lacunes relevées dans sa demande ou dans les documents présentés à l’appui. Il affirme également que l’agente n’avait pas l’obligation de donner à la demanderesse l’occasion de dissiper ses préoccupations concernant les documents à l’appui incomplets, flous ou insuffisants pour la convaincre que la demanderesse satisfaisait aux exigences de la LIPR et du RIPR.

[38]  Le défendeur soutient que la thèse de la demanderesse n’est pas étayée par la jurisprudence récente. Il souligne que la Cour a conclu que le décideur n’est pas tenu d’informer le demandeur des préoccupations découlant des exigences de la LIPR ou du RIPR, citant la décision Bighashi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1110, au para 12. Le défendeur affirme également que les circonstances factuelles en l’espèce diffèrent de celles de la décision Gay, dans laquelle on avait prié le demandeur de fournir des éléments de preuve, ce à quoi il s’était manifestement conformé.

[39]  Le défendeur soutient que l’agente n’était pas tenue d’informer la demanderesse des lacunes relevées dans les éléments de preuve concernant sa situation financière ou dans le processus d’embauche, puisque ces questions avaient été soulevées pendant l’entrevue. De même, l’agente n’était pas tenue d’informer la demanderesse que ses liens familiaux au Canada constituaient un facteur d’attirance puisqu’il s’agissait simplement d’une question de pondération.

2)  L’évaluation de la situation financière

[40]  Le défendeur soutient que l’agente n’a pas commis d’erreur en concluant que la preuve des liens familiaux de la demanderesse au Pakistan était insuffisante. L’agente a eu raison de conclure que la preuve de sa situation financière ne démontrait pas qu’elle avait accès à une source de revenu stable et facilement accessible, d’autant plus qu’elle n’avait présenté aucun élément de preuve corroborant l’explication qu’elle a donnée pour justifier les sommes forfaitaires importantes déposées récemment. Il était raisonnable que l’agente s’attende à ce que la demanderesse fournisse la preuve du versement de l’assurance‑vie et des investissements subséquents.

[41]  De plus, en ce qui concerne les éléments de preuve de nature financière qui n’ont pas été mentionnés expressément par l’agente, le défendeur soutient qu’il est bien connu en droit que l’agent est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve présentée. Le défendeur souligne que, compte tenu de l’ensemble de la preuve financière en l’espèce, l’agente a eu raison de conclure que la demanderesse n’avait pas suffisamment établi ses liens financiers solides au Pakistan, en particulier parce qu’elle ne toucherait plus de salaire de Toyota Garden si son permis de travail était accordé. De plus, la valeur des terres que la demanderesse possède n’a pas été précisée, et sa maison au Pakistan est également la propriété de ses parents.

3)  Le but du séjour au Canada

[42]  Le défendeur soutient que l’agente a eu raison de conclure que la demanderesse n’avait pas adéquatement établi le but de son séjour projeté au Canada. Plus précisément, le défendeur souligne que l’agente a eu raison de conclure que l’explication de la demanderesse selon laquelle elle était prête à déraciner sa famille pendant deux ans et à quitter son poste de gestionnaire au Pakistan pour occuper un poste de niveau inférieur de gestionnaire de bureau au Canada était insuffisante.

[43]  Selon le défendeur, bien qu’elle ait tenu compte de l’explication de la demanderesse, l’agente avait le loisir de conclure que cette explication était illogique, surtout compte tenu des autres lacunes relevées dans les éléments de preuve. Par exemple, le défendeur souligne que la demanderesse a fourni peu d’éléments de preuve concernant le processus d’embauche. L’affidavit de son frère ne précisait pas exactement comment il avait obtenu les détails du processus et, lorsque la demanderesse a été questionnée sur les tâches qu’elle aurait à exécuter en tant que gestionnaire de bureau, elle a fourni des réponses vagues. Elle n’a également donné aucun exemple précis des questions qui lui ont été posées pendant l’entrevue par son futur employeur, et elle a éprouvé des difficultés flagrantes en anglais pendant son entrevue avec l’agente.

4)  L’évaluation des liens familiaux

[44]  Le défendeur soutient que l’agente a raisonnablement évalué les facteurs d’attirance liés aux liens familiaux de la demanderesse au Canada. L’agente a clairement indiqué dans sa décision que la demanderesse avait de la famille au Pakistan ainsi qu’au Canada. Toutefois, le défendeur soutient que l’agente n’était pas tenue de procéder à un examen mathématique des liens familiaux de la demanderesse au Canada en les comparant à ceux qu’elle a au Pakistan.

VIII.  ANALYSE

[45]  Je conviens avec le défendeur qu’il incombait à la demanderesse de démontrer qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour temporaire autorisé. Voir, par exemple, Dhillan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614, au para 41.

[46]  Je conviens également avec le défendeur que, en général, il est clairement établi en droit que, hormis quelques exceptions qui concernent surtout des préoccupations quant à la crédibilité, l’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur des lacunes relevées dans sa demande ou de lui donner l’occasion de compléter la demande en présentant de meilleurs documents à l’appui. Le demandeur n’a pas le droit à une liste détaillée des lacunes ni à la possibilité de corriger les lacunes de sa demande. Voir, par exemple, Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 509, au para 38.

[47]  Il est évident que l’agent des visas a un vaste pouvoir discrétionnaire dans ce domaine, et la Cour doit le respecter. Toutefois, la décision doit être intelligible, l’agent ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire de façon arbitraire, et le résultat doit être raisonnable et équitable.

[48]  Durant son entrevue à Islamabad, la demanderesse a expliqué pourquoi elle voulait venir au Canada : elle voulait ajouter une expérience à l’étranger à son curriculum vitæ afin d’obtenir un [traduction] « emploi bien rémunéré » à son retour au Pakistan.

[49]  Pendant l’entrevue, la demanderesse a été interrogée en détail sur cette question, car au Pakistan, elle occupait un poste de gestionnaire en administration et des ressources humaines au sein de Toyota Garden, alors que le poste qu’elle convoitait au Canada était celui d’administratrice de bureau (CNP 1221). La préoccupation était légitime. Pourquoi la demanderesse voudrait‑elle occuper un poste qui semble de niveau inférieur au Canada si elle souhaite améliorer sa qualification au Pakistan? La demanderesse a donné la réponse suivante :

[traduction]

[…] 38. Pour quel poste vous engagent‑ils? Ils se trouvent au 252, rue Clarence, à Brampton, en Ontario. 39. Question répétée. Administratrice de bureau. 40. Pensez‑vous que ce poste est de niveau supérieur ou inférieur à celui de gestionnaire? C’est de niveau inférieur. Mais je suis prête, je veux ajouter de l’expérience à l’étranger à mon CV. Je peux retourner au Pakistan et avoir un emploi bien rémunéré. 41. Mais pourquoi ne voulez‑vous pas acquérir de l’expérience à l’étranger en tant que gestionnaire? Euh… parce que je veux, vous savez, viser plus haut, des postes plus élevés, ce sera avantageux pour moi à l’avenir. 42. D’accord, mais est‑ce qu’un poste de gestionnaire ne vous avantagerait pas davantage? Je veux un poste supérieur pour gagner encore plus d’argent. 43. Non, je voulais dire un poste de gestionnaire au Canada? Grâce à cette occasion, je vais en apprendre beaucoup. 44. Pouvez‑vous donner des exemples précis hormis le fait d’être au Canada? Ça va, euh… sembler impressionnant que je possède des compétences internationales, acquises au Canada. Je vais aussi avoir plus d’argent. 45. Question répétée. Au Pakistan, les gens accordent de l’importance à ces choses, vous savez, ces qualités donnent plus de poids à un CV par rapport aux autres. Ce sera avantageux pour moi. 46. L’employeur au Canada a dit qu’il appréciait vos compétences, mais vous n’avez jamais occupé un poste d’administratrice de bureau, pouvez‑vous m’expliquer cela? J’avais beaucoup de tâches administratives. Alors je devais gérer beaucoup de travail administratif. Je possède des compétences transférables. Je peux apprendre beaucoup, j’ai fait beaucoup de travail administratif […]

[50]  Autrement dit, la demanderesse explique que, même si le poste au Canada semble être de niveau inférieur, elle sera en fait mieux rémunérée qu’au Pakistan et, fait plus important, cela lui fournira le type d’expérience à l’étranger qui lui permettra, comme il a permis à d’autres, de faire progresser sa carrière au Pakistan et d’y gagner un meilleur salaire.

[51]  L’affirmation de la demanderesse selon laquelle cette possibilité d’emploi lui donnera de l’expérience internationale utile au Pakistan n’est mise en doute nulle part. Dans sa décision, l’agente indique simplement que :

[traduction]

[L]a DP n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve et d’explications sur les raisons pour lesquelles elle quitterait un poste de niveau supérieur au Pakistan et déracinerait sa famille pour une offre d’emploi de niveau inférieur de 24 mois au Canada.

[52]  On ne sait pas trop quels [traduction] « éléments de preuve » supplémentaires l’agente avait en tête, mais la demanderesse a fourni une explication très claire et solide pour justifier pourquoi elle quitterait un emploi de niveau supérieur pour passer 24 mois au Canada : 1) le poste au Canada est plus payant que le poste qu’elle occupe au Pakistan, et 2) plus important encore, le poste au Canada lui fournira des compétences à l’étranger qui lui seront utiles à son retour au Pakistan pour obtenir des promotions et un meilleur salaire. Je ne pense pas que ses motifs pouvaient être plus clairs, et rien ne permet de penser qu’ils sont fallacieux ou déraisonnables. Si l’agente n’acceptait pas cette explication claire et raisonnable pour des raisons de crédibilité, elle aurait dû en aviser la demanderesse. La demanderesse a donné une explication complète et n’avait aucune raison de croire que celle‑ci serait jugée insuffisante.

[53]  À mon sens, l’agente a adopté une attitude trop cavalière dans son évaluation de la preuve de la demanderesse sur cette question. Elle a fait fi d’une explication complète qui répondait à la préoccupation soulevée pendant l’entrevue quant à la raison pour laquelle la demanderesse voudrait occuper un poste de niveau inférieur au Canada. Rien ne précise ce que la demanderesse aurait pu apporter de plus en donnant davantage d’explications. On ne sait pas non plus pourquoi, en concluant que les explications et les éléments de preuve sur cette question étaient insuffisants, l’agente a inféré qu’il serait moins probable que la demanderesse quitte le Canada à l’expiration de son visa. L’agente n’a pas conclu que le poste au Canada n’était pas authentique. Il me semble que l’agente tire une conclusion d’invraisemblance concernant l’explication de la demanderesse. Une conclusion d’invraisemblance devrait seulement être tirée dans les cas les plus clairs, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[54]  Le problème est aggravé par l’attitude cavalière similaire que l’agente a adoptée concernant les liens familiaux, qui sont toujours un facteur important dans ce genre de décision.

[55]  La demanderesse a fourni des éléments de preuve importants concernant la situation de sa famille au Pakistan, et pourtant l’agente cite uniquement les [traduction] « facteurs d’attirance en lien avec sa famille » qui [traduction] « existent au Canada, dont ses deux enfants qu’elle veut amener avec elle ». L’agente ne fait aucune mention des « facteurs d’attirance » beaucoup plus importants qui existent au Pakistan. En ce qui a trait à cette question, l’agente n’a pas affirmé que la preuve de sa situation familiale au Pakistan était insuffisante.

[56]  La demanderesse n’a que deux frères au Canada, dont un l’a mise au courant du poste qu’elle convoite et l’a aidée pour sa demande de visa. Cela n’a rien de négatif. Le Canada est un endroit prisé par ceux qui recherchent une expérience à l’étranger qui améliorera leur qualification dans leur pays d’origine. Et il est tout à fait normal de demander l’aide de membres de la famille qui vivent déjà au Canada. Cela ne signifie pas qu’une telle relation l’emporte inévitablement sur tout incitatif à retourner au Pakistan. L’agente a été déraisonnable en considérant simplement les [traduction] « facteurs d’attirance liés à sa famille » comme un facteur défavorable sans tenir compte du contexte dans son ensemble, qui comprend des « facteurs d’attirance liés à sa famille » au Pakistan. Il s’agit tout simplement d’un refus de tenir compte des éléments de preuve directement liés à la question de savoir si la demanderesse retournera au Pakistan à la fin de son séjour autorisé. Voir Gay précitée, aux para 33‑34.

[57]  La demanderesse a soulevé d’autres points dans sa demande de contrôle, mais je suis convaincu que ces erreurs importantes rendent la décision déraisonnable et qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre davantage l’analyse.

[58]  Le fait est que la décision en cause n’est pas entièrement intelligible pour plusieurs raisons. Par exemple :

  • a) La conclusion de l’agente concernant les compétences en anglais de la demanderesse et la raison pour laquelle ces compétences ne sont pas adéquates pour l’emploi proposé au Canada n’est pas claire, et l’agente ne précise pas pourquoi cette conclusion l’amène à penser que la demanderesse serait moins susceptible de retourner au Pakistan;

  • b) L’agente semble avoir des réserves concernant le processus d’embauche, mais n’explique pas adéquatement ni raisonnablement en quoi consistent ces réserves ni pourquoi elles donnent à penser que la demanderesse est moins susceptible de retourner au Pakistan.

[59]  De plus, la décision soulève plusieurs préoccupations relativement à l’équité procédurale. Par exemple, même si la demanderesse a produit les relevés bancaires requis, l’agente lui reproche de ne pas avoir présenté de [traduction] « documents justificatifs » de ses divers investissements. Pendant l’entrevue, l’agente lui a simplement posé la question suivante : [traduction] « Je remarque que vos relevés de la Banque AlFahah montrent que des dépôts de sommes forfaitaires importantes ont été effectués. D’où proviennent ces fonds? » La demanderesse a expliqué que, lorsqu’elle a reçu le versement de l’assurance‑vie de son défunt mari, elle a investi la somme dans diverses entreprises. L’agente ne demande rien de plus et la demanderesse ne pouvait pas savoir qu’elle devait présenter d’autres [traduction] « documents justificatifs » que ceux qu’elle avait déjà présentés. On comprend que l’agente ne croit pas la demanderesse, mais qu’elle dissimule cette croyance en concluant que les éléments de preuve sont insuffisants. La demanderesse n’a pas eu l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agente, qu’elle n’aurait pas pu anticiper, après avoir présenté les relevés bancaires requis.

[60]  Des problèmes similaires se posent en ce qui concerne la façon dont l’agente a évalué les compétences en anglais de la demanderesse. La demanderesse a obtenu des résultats acceptables à l’IELTS, mais l’agente les a écartés :

[traduction]

De plus, même si je prends acte de ses résultats à l’IELTS, de nombreuses questions ont dû être répétées et réexpliquées pendant l’entrevue en raison de son incompréhension des questions qui lui étaient posées.

[61]  Bien des raisons peuvent expliquer la mauvaise compréhension des questions. Toutefois, en l’espèce, l’agente rejette les résultats à l’IELTS, qui est spécialement conçu pour évaluer les compétences linguistiques, au profit de sa propre évaluation fondée sur le fait qu’elle devait répéter certaines questions pendant l’entrevue. Comme l’agente n’explique pas précisément quelles questions ont été posées et ne fournit pas non plus de réponses, je n’ai aucun moyen de savoir si son évaluation équivaut à un type de test valable qui pourrait raisonnablement remplacer les résultats à l’IELTS. De plus, comme c’est le cas pour bon nombre des conclusions de l’agente, rien n’explique en quoi les compétences de la demanderesse en anglais ont un lien avec la question de savoir si elle va quitter le Canada à la fin de sa période de travail.

[62]  Par conséquent, je suis d’avis que la décision est déraisonnable sur ces questions importantes et est parfois inintelligible. C’est pourquoi l’affaire doit être renvoyée pour nouvel examen.

[63]  Les avocats des parties sont d’avis qu’il n’y a aucune question à certifier et je suis d’accord.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2613-19

LA COUR DÉCLARE que :

  1. La demande est accueillie. La décision est infirmée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2613-19

 

INTITULÉ :

AYESHA AZAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

lE 11 DÉCEMBRE 2019

 

jugement et MOTIFS :

LE JUGE Russell

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 23 JANVIER 2020

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

Charles Steven

 

POUR LA demanderesse

 

Amy King

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman Professional Corporation

Toronto (Ontario)

POUR LA demanderesse

 

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.