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Date : 20060608

Dossier : IMM-5989-05

Référence : 2006 CF 712

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PAUL U.C. ROULEAU

 

 

ENTRE :

MELINDA BIRO

ARTEM DJUKIC

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 12 septembre 2005 dans laquelle la Commission a prononcé le désistement de la demande de la demanderesse.

 

[2]               La demanderesse, Melinda Biro, est une citoyenne de la Hongrie. Elle est arrivée au Canada en 2001. En 2005, la demanderesse a déposé une demande d’asile en raison de ses opinions politiques. Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), rempli en mai 2005, elle a déclaré que sa demande était fondée sur son orientation sexuelle. La demanderesse est lesbienne.

 

[3]               L’audience était prévue pour le 13 juillet 2005. Artem Djukic, le consultant en immigration de la demanderesse, devait se présenter à une autre audience à cette date. Il a envoyé une lettre à la Commission le 7 juin 2005 expliquant qu’il lui était impossible de se présenter à l’audience parce qu’il devait prendre part à une autre audience. La Commission a répondu à sa lettre le 20 juin 2005 et lui a annoncé que sa demande de report de l’audience était rejetée.

 

[4]               La demanderesse s’est présentée à l’audience le 13 juillet 2005 et le commissaire a accepté de reporter l’audience jusqu’au 29 juillet 2005. Le consultant de la demanderesse a écrit une lettre à la Commission le 18 juillet expliquant qu’il se trouverait en Europe jusqu’en septembre pour des raisons médicales. La lettre mentionnait qu’il avait demandé à trois autres consultants de se charger du dossier de la demanderesse, sans succès. Il proposait aussi dans sa lettre des dates en septembre, en octobre, en novembre et en décembre 2005, dates auxquelles il serait disponible.

 

[5]               La date de l’audience n’a pas été changée et la demanderesse s’est présentée le 29 juillet 2005. Elle a avisé la Commission qu’elle refusait de commencer sans son consultant, parce qu’elle l’avait déjà payé et qu’elle ne voulait pas agir seule. Elle a mentionné les autres dates que son consultant avait proposées. Le commissaire n’a pas reporté l’audience, mais il a plutôt entrepris de déclarer le désistement de la demande et a fixé une audience de justification au 24 août 2005.

 

[6]               Le 24 août 2005, avant que le consultant soit revenu de son traitement médical, la demanderesse s’est présentée à l’audience de justification, qui devait lui permettre d’expliquer pourquoi sa demande ne devait pas être l’objet d’une déclaration de désistement. La demanderesse a réitéré son refus d’agir sans son consultant et la Commission a prononcé le désistement de la demande.

 

[7]               La Commission a conclu que la demanderesse et son consultant avaient l’obligation de considérer comme péremptoires la date fixée pour l’audition de la demande et la date fixée pour l’audience de justification. Elle a conclu que, si le consultant de la demanderesse ne pouvait pas se présenter aux dates prévues, il devait trouver une solution de rechange. La Commission a ajouté que la demanderesse aurait pu agir sans représentant et qu’il y avait eu un manque de diligence raisonnable de la part de la demanderesse et de son consultant, qui auraient dû être prêts pour les audiences prévues. Elle a prononcé le désistement de la demande.

 

[8]               La demanderesse allègue qu’il y a eu violation de son droit à une instruction équitable et de son droit d’être représentée.

 

[9]               De plus, elle soutient que la Commission a pris sa décision de façon abusive et arbitraire, sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.

 

[10]           Finalement, la demanderesse allègue que la Commission ne pouvait pas prononcer le désistement de sa demande sans lui avoir donné la chance d’expliquer pourquoi sa demande ne devait pas être l’objet d’une déclaration de désistement.

 

[11]           D’entrée de jeu, je note que le défendeur soutient que le consultant de la demanderesse, M. Djukic, n’a pas qualité pour agir comme demandeur et allègue que son nom devrait être radié de l’intitulé.

 

[12]           Le critère permettant de déterminer si le nom de M. Djukic peut faire partie de l’intitulé est de savoir si M. Djukic est directement affecté par l’affaire pour laquelle le redressement est demandé. En vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, une personne directement affectée peut déposer une demande de contrôle judiciaire.

 

[13]           Le défendeur allègue que la décision affecte seulement le statut de Mme Biro au Canada et sa capacité de poursuivre sa demande et que, par conséquent, M. Djukic n’est pas directement affecté par la question. Je ne suis pas d’accord. Les demandeurs soulèvent des arguments au sujet du fait que la Commission, lorsqu’elle prévoit une audience, doit raisonnablement répondre aux besoins particuliers d’un consultant qui a une invalidité. Je suis d’avis que l’issue en l’espèce pourrait directement affecter la procédure d’établissement du calendrier de la Commission pour les consultants qui ont une invalidité. La question en l’espèce ne porte pas uniquement sur le statut de Mme Biro au Canada, mais porte aussi sur son droit à une instruction équitable et sur son droit d’être représentée. Pour M. Djukic, qui pourrait être directement affecté par l’issue en l’espèce, il s’agit de déterminer si la Commission doit tenir compte de son invalidité lorsqu’elle fixe la date des audiences. Par conséquent, le nom de M. Djukic n’a pas à être radié de l’intitulé pour l’instant.

 

[14]           La demanderesse soutient que son consultant et elle-même ont fait preuve de diligence et que la Commission n’a pas tenu compte des efforts qu’ils avaient faits en vue d’obtenir un autre représentant et des dates qu’ils avaient proposées pour l’audience. Elle ajoute que la Commission n’a pas tenu compte de l’état de santé du consultant, qui devait se rendre en Europe pour ses traitements, lorsqu’elle a fixé l’audience au 29 juillet 2005 et l’audience de justification au 24 août 2005. Le consultant allègue aussi que la Commission n’a absolument pas tenu compte de sa lettre du 18 juillet 2005, qui expliquait qu’il serait absent du Canada, qui décrivait ses tentatives de trouver un autre représentant et qui proposait des dates auxquelles il serait en mesure de se présenter à une audience.

 

[15]           Je suis d’accord avec les demandeurs. Je suis d’avis que la demanderesse et son consultant ont agi avec diligence. La demanderesse n’a pas omis de se présenter aux audiences prévues – elle s’y est présentée et a déclaré qu’elle ne voulait pas agir sans représentant. La Commission savait que le consultant devait se présenter à une autre audience le jour prévu pour la première audience; il avait dûment avisé la Commission, dans sa lettre du 18 juillet 2005, qu’il lui était impossible de se présenter à la deuxième audience. Il avait mentionné dans sa lettre qu’il avait communiqué avec d’autres consultants pour leur demander de se charger du dossier de la demanderesse, mais qu’il leur était impossible de le faire. Il avait aussi proposé d’autres dates auxquelles il serait en mesure de se présenter, y compris le mois de décembre 2005 entier. Je suis d’avis que le consultant a agi avec diligence au cours de toute la procédure.

 

[16]           Dans la déclaration de désistement, qui est contestée en l’espèce, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas fait preuve de diligence au cours de la procédure. Elle a même accusé les demandeurs de ne pas avoir pris au sérieux les dates qui avaient été fixées pour les audiences. La preuve n’appuie pas cette conclusion – les demandeurs étaient tous deux au courant des dates prévues et ont avisé la Commission des conflits existants et potentiels dans un délai raisonnable. Si la Commission rend une décision sans tenir compte de façon adéquate de la preuve dont elle dispose, la décision est manifestement déraisonnable et ne peut pas être maintenue (voir Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1989) 8 Imm. L.R. (2nd) 106 (C.F. 1re inst.)).

 

[17]           Le défendeur soutient que la politique de la voie rapide de la Commission devrait  l’emporter sur tout problème que l’établissement du calendrier pourrait causer aux demandeurs. Je ne suis pas d’accord, je crois que la conclusion opposée est justifiée : si les demandeurs ont fait preuve de diligence, qu’ils ont tenté de trouver un autre consultant, et qu’ils ont avisé la Commission du conflit en temps opportun, alors la politique de la voie rapide ne devrait pas être interprétée de façon si étroite qu’elle empêche d’apporter des modifications au calendrier pour répondre à des besoins particuliers, spécialement dans un cas comme en l’espèce où le consultant doit recevoir des traitements médicaux pour une invalidité telle que la polio.

 

[18]           La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La demanderesse ne devrait pas se voir refuser le droit à une instruction équitable. Le fait que la Commission n’ait tenu aucun compte de la lettre du 18 juillet 2005 de M. Djukic est déconcertant, et j’espère qu’il ne s’agit pas de la pratique qu’on entend suivre à l’avenir pour l’établissement du calendrier des audiences de la Commission. La politique de la voie rapide pour les audiences ne devrait pas priver les parties de leur droit d’être représentées et de leur droit à un traitement équitable.


 

JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question de portée générale n’est certifiée. L’affaire est renvoyée devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et une nouvelle date d’audience doit être fixée.

 

 

« Paul U.C. Rouleau »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5989-05

 

INTITULÉ :                                       Melinda Biro, Artem DJukic c. Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT ROULEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juin 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

Galati, Rodrigues and Assoc.

 

POUR LES DEMANDEURS

Melitta Johnson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Galati, Rodrigues and Assoc.

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.,

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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