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Date : 20200124

Dossier : T-672-19

Référence : 2020 CF 126

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

WILLIAM FENWICK WEST

demandeur

et

COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA (SECTION D’APPEL)

ET

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, monsieur William Fenwick West, se représente seul dans la présente demande de contrôle judiciaire. M. West soutient qu’il a été traité de manière inéquitable par le système de justice pénale de la Nouvelle-Écosse, notamment en raison de ses déclarations de culpabilité pour deux vols à main armée et infractions connexes, et de son échec en appel de ces déclarations de culpabilité. Il continue de clamer son innocence à l’égard de ces infractions. Son objectif est de demander l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada et, si l’autorisation est accordée, de présenter de nouveaux éléments de preuve indiquant que les déclarations de culpabilité découlaient d’un complot dirigé contre lui par les enquêteurs.

[2]  M. West affirme que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Commission ou la CLCC) l’ont empêché d’atteindre cet objectif, en particulier la décision de la Commission du 24 novembre 2018 visant à lui imposer une condition d’assignation à résidence dans le contexte de sa libération d’office. Cette décision a été confirmée par la Section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada le 21 mars 2019. Bien que les observations écrites et orales de M. West aient porté sur de nombreux sujets, c’est la décision de la Section d’appel qui fait l’objet de la présente demande.

II.  Contexte

[3]  Selon la décision de la Commission, les premiers antécédents criminels de M. West remontent à 1967, lors d’une déclaration de culpabilité pour vol. En 1981, il a reçu une peine de six ans pour vol à main armée, enlèvement et utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel.

[4]  Les infractions à l’origine de la peine de M. West et pour lesquelles il demeure sous la surveillance de la Commission ont été commises en 1998 et concernaient le vol à main armée de deux banques à Mahone Bay et à Bass River, en Nouvelle-Écosse, au cours duquel des employés de banque ont été séquestrés sous la menace d’une arme à feu. La première déclaration de culpabilité de M. West pour l’incident de Mahone Bay a été annulée par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse en 2003 et un nouveau procès a été ordonné (R v West, 2003 NSCA 137). Il a été reconnu coupable lors du nouveau procès et lors du procès pour le vol qualifié à Bass River. Son appel de cette dernière déclaration de culpabilité a été rejeté par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse en 2010 (R v West, 2010 NSCA 16).

[5]  M. West a également été reconnu coupable en mars 2007 de l’infraction d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire. Cette déclaration de culpabilité découle apparemment de menaces proférées par M. West selon lesquelles il allait tirer sur le procureur de la Couronne et les témoins de la police pendant son nouveau procès pour le vol commis à Mahone Bay. Au total, il a reçu une peine cumulative de près de 19 ans. La date d’expiration de son mandat est le 1er avril 2025.

[6]  M. West s’est vu refuser la libération conditionnelle lorsqu’il y était admissible. Le 3 décembre 2018, en procédant à un examen avant sa date d’admissibilité à la libération d’office aux deux tiers de sa peine, la Commission a accepté la recommandation du Service correctionnel du Canada (SCC) de lui imposer, entre autres, une assignation à résidence. Parmi les raisons fournies dans l’évaluation du SCC, il y avait le fait qu’il n’avait posé aucun geste pour atténuer son risque de violence. L’auteur de l’évaluation, un agent de libération conditionnelle, considérait qu’une assignation à résidence était nécessaire et proportionnée pour gérer le risque que représente le demandeur pour la collectivité. Cette conclusion était fondée en partie sur le refus du demandeur de reconnaître sa responsabilité pour les infractions de vol qualifié de 1998.

[7]  À l’appui de cette conclusion, la Commission a fait les commentaires suivants :

[TRADUCTION] 

En examinant votre dossier en fonction des critères d’assignation à résidence pendant la libération d’office, la Commission relève un potentiel clairement démontré de comportement violent futur. Vos antécédents criminels reflètent une tendance répétée à utiliser des armes à feu et des menaces directes ou implicites pour faire obtempérer les victimes, ainsi qu’à avoir recours au contrôle physique et à du ligotage pour les retenir. Dans un cas, vous avez enlevé et détenu une victime pendant une longue période. Vous avez également proféré des menaces de tirer sur d’autres personnes associées au processus judiciaire et au système correctionnel ou de leur causer du tort pendant de nombreuses années. À la lumière de vos affirmations répétées selon lesquelles vous n’avez pas commis la plupart des infractions pour lesquelles vous avez été déclaré coupable, la Commission évalue une absence évidente de responsabilité de votre part à l’égard de vos actes criminels ainsi qu’un mépris total et une indifférence complète pour les conséquences que vos infractions criminelles graves ont eues sur les victimes.

Vous n’avez acquis aucun discernement à l’égard de votre criminalité ou des facteurs de risque qui ont concouru à votre participation à des crimes violents. Bien que vous ayez participé à des programmes, votre motivation et vos efforts ont fait cruellement défaut. Votre comportement envers le personnel correctionnel chargé de vous aider à vous guider a toujours été agressif, argumentatif et méprisant.

Compte tenu de tous ces facteurs, la Commission est convaincue que vous avez un potentiel évident de comportement violent futur de sorte qu’une condition d’assignation à résidence est jugée nécessaire pour faciliter votre réinsertion. De plus, la Commission est d’avis que sans une condition d’assignation à résidence, vous présentez un risque inacceptable pour la société de commettre une infraction visée à l’annexe 1 avant l’expiration légale de votre sentence. Par conséquent, vous devez demeurer dans un centre correctionnel communautaire ou un centre résidentiel communautaire, ou encore dans un autre établissement résidentiel (p. ex. placement dans une maison privée) approuvé par le Service correctionnel du Canada, jusqu’à la date d’expiration du mandat.

[8]  Le demandeur a présenté des observations écrites à la Commission le 1er novembre 2018, affirmant que ses allégations d’innocence étaient injustement retenues contre lui dans l’appréciation de son risque de récidive, et que la condition d’assignation à résidence lui imposait un fardeau injuste à son retour dans la collectivité en ajoutant davantage de restrictions et de limites. Le 6 novembre 2018, il a signé une déclaration attestant qu’il avait reçu les documents contenus dans le dossier de la Commission et indiquant son intention de fournir d’autres commentaires écrits à la Commission dans les 15 jours. Le 21 novembre 2018, M. West a envoyé depuis l’Établissement de Springhill un colis pour expédition à la Commission par XPresspost. Ce colis n’a pas été reçu à temps pour être examiné par la Commission avant que sa décision ne soit rendue. M. West attribue ce retard à un conflit de travail à Postes Canada qui avait cours à l’époque.

[9]  L’appel de M. West à la Section d’appel a été reçu le 2 février 2019. Les motifs d’appel étaient les suivants :

(1)  La Commission n’a pas respecté les principes de justice fondamentale en ne tenant pas compte du colis XPressport;

(2)  La Commission a contrevenu à l’une de ses politiques ou ne l’a pas appliquée;

(3)  La décision de la Commission était fondée sur de renseignements erronés ou incomplets.

[10]  Le 21 mars 2019, la Section d’appel a confirmé la décision de la Commission d’imposer la condition d’assignation à résidence. Au début de sa décision, la Section d’appel a souligné qu’il incombait au SCC de trancher les questions entourant l’exactitude des renseignements contenus dans les dossiers du SCC sur un détenu en suivant le mécanisme prévu au paragraphe 24(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (LSCMLC).

[11]  En ce qui concerne l’arrivée tardive du colis XPresspost, la Section d’appel a déclaré qu’il incombait à M. West de veiller à ce que ses observations écrites soient reçues dans les quinze jours suivant la date à laquelle il a reçu les documents contenus dans son dossier.

[12]  La Section d’appel a conclu qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que M. West avait clairement démontré un potentiel de comportement violent futur, comme en font foi ses antécédents criminels. Après avoir fait état d’une partie de ces antécédents, la Section d’appel a déclaré ce qui suit :

[traduction

La Section d’appel conclut qu’à la lumière de tous ces facteurs, il était raisonnable pour la Commission d’être convaincue que vous avez un potentiel évident de comportement violent futur de sorte qu’une condition d’assignation à résidence est jugée nécessaire pour faciliter votre réinsertion. La Section d’appel estime qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que vous aviez démontré une propension à la violence et d’être convaincue que vous constitueriez un risque indu pour la société de commettre, avant l’expiration légale de votre peine, une infraction prévue à l’annexe 1 ou une infraction prévue aux articles 467.11, 467.12 ou 467.13 du Code criminel. En conclusion, la Section d’appel conclut que la décision de la Commission d’imposer une condition d’assignation à résidence est raisonnable, bien étayée et conforme aux critères décisionnels énoncés au paragraphe 133(4,1) de la LSCMLC.

[13]  En terminant, la Division d’appel a rappelé à M. West que des conditions spéciales comme l’assignation à résidence peuvent être annulées ou modifiées par la Commission à mesure que sa situation dans la collectivité progresse, à la demande de son équipe de gestion de cas (EGC).

[14]  Par cette demande, M. West sollicite les ordonnances suivantes :

[TRADUCTION] 

A.  une ordonnance obligeant la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou la Section d’appel à annuler « l’assignation à résidence » imposée le vendredi 30 novembre 2018 au moment de la libération d’office, ou leur recommandant de le faire;

B.  une ordonnance obligeant la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou la Section d’appel à considérer le fait qu’en vertu de la « primauté du droit », il est tout à fait de leur ressort d’accepter de tenir compte des renseignements fournis par le détenu, lorsqu’il présente des documents de façon continue, etc., pour corriger des renseignements frauduleux, erronés, trompeurs et incomplets qui ont été consignés dans les rapports du Service correctionnel du Canada et que la Commission estime comme étant « la parole d’évangile », d’autant plus que ces renseignements n’ont pas été corrigés par le SCC;

C.  une ordonnance obligeant la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou la Section d’appel à tenir compte du fait qu’un détenu qui n’a aucun antécédent d’actes de « violence physique » consigné dans son dossier et qui clame fermement son innocence depuis 1998 et 1990 pour deux affaires criminelles, au moyen d’appels, etc., et à qui la GRC [lui] a dit de [s]'adresser à la Cour suprême du Canada, n’aurait pas dû se faire continuellement refuser la libération conditionnelle ou imposer une « assignation à résidence », ce qui est supposément possible jusqu’à l’expiration du mandat.

III.  Questions en litige

[15]  Dans son dossier de demande, M. West énonce trois questions auxquelles il souhaite que la Cour réponde. Ces questions peuvent être résumées ainsi :

(1)  Était-il constitutionnel pour la Commission de refuser ses demandes de libération conditionnelle étant donné l’absence de violence physique dans son dossier et son innocence proclamée?

(2)  Comparativement aux autres détenus qui ont admis leurs crimes et qui ont été violents, a-t-il été traité équitablement par le système des libérations conditionnelles?

(3)  Le système peut-il s’attendre à ce qu’il ait les ressources et le temps nécessaires pour obtenir l’exonération complète et ainsi prouver ses allégations d’innocence?

[16]  Comme il a été mentionné précédemment, la décision de la Section d’appel ne portait pas sur ces questions, mais plutôt sur la condition d’assignation à résidence. Dans son « exposé concis des propositions », le demandeur demande que [traduction« la condition injustifiée d’assignation à résidence imposée soit annulée et que le demandeur obtienne une libération conditionnelle totale ».

[17]  Il est bien établi qu’une Cour doit généralement éviter toute déclaration inutile en matière constitutionnelle : Tremblay c Daigle, [1989] 2 RCS 530, à la page 571. Une cour n’est pas tenue de répondre à des questions constitutionnelles lorsqu’elle peut trancher l’affaire sans le faire : Skoke-Graham c La Reine, [1985] 1 RCS 106, à la page 121. Je ne vois aucune raison de m’écarter de ces principes en l’espèce. M. West n’a pas fourni ne serait-ce qu’un minimum de preuves ou d’arguments à l’appui d’une analyse constitutionnelle. À mon avis, cette question peut être résolue selon les principes du droit administratif.

[18]  Je conviens avec les défendeurs que les questions en litige à trancher sont les suivantes :

  • (1) La Section d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en refusant de trancher les questions concernant l’exactitude des renseignements contenus dans le dossier du SCC?

  • (2) La Commission a-t-elle agi de manière inéquitable et la Section d’appel a‑t‑elle agi de façon à susciter une crainte raisonnable de partialité en refusant de tenir compte de l’essentiel de ce que contenait le colis XPresspost?

  • (3) La décision de la Commission d’imposer une assignation à résidence était‑elle raisonnable?

IV.  Dispositions législatives pertinentes

[19]  Un certain nombre d’articles de la LSCMLC se rapportent à l’objet du présent contrôle judiciaire :

Exactitude des renseignements

Accuracy, etc., of information

24 (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24 (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

Correction des renseignements

Correction of information

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

[EN BLANC]

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

[EN BLANC]

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

Droit du délinquant

Entitlement to statutory release

127 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’individu condamné ou transféré au pénitencier a le droit d’être mis en liberté à la date fixée conformément au présent article et de le demeurer jusqu’à l’expiration légale de sa peine.

127 (1) Subject to any provision of this Act, an offender sentenced, committed or transferred to penitentiary is entitled to be released on the date determined in accordance with this section and to remain at large until the expiration of the sentence according to law.

Assignation à résidence

Residence requirement

133 (4,1) L’autorité compétente peut, pour faciliter la réinsertion sociale du délinquant, ordonner que celui-ci, à titre de condition de sa libération d’office, demeure dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique si elle est convaincue qu’à défaut de cette condition la perpétration par le délinquant de toute infraction visée à l’annexe I ou d’une infraction prévue aux articles 467.11, 467.12 ou 467.13 du Code criminel avant l’expiration légale de sa peine présentera un risque inacceptable pour la société.

133 (4.1) In order to facilitate the successful reintegration into society of an offender, the releasing authority may, as a condition of statutory release, require that the offender reside in a community-based residential facility or a psychiatric facility if the releasing authority is satisfied that, in the absence of such a condition, the offender will present an undue risk to society by committing, before the expiration of their sentence according to law, an offence set out in Schedule I or an offence under section 467.11, 467.12 or 467.13 of the Criminal Code.

Droit d’appel

Right of Appeal

147 (1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d’appel pour l’un ou plusieurs des motifs suivants :

147 (1) An offender may appeal a decision of the Board to the Appeal Division on the ground that the Board, in making its decision,

a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;

(a) failed to observe a principle of fundamental justice;

b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;

(b) made an error of law;

c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;

(c) breached or failed to apply a policy adopted pursuant to subsection 151(2);

d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;

(d) based its decision on erroneous or incomplete information; or

e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l’exercer.

(e) acted without jurisdiction or beyond its jurisdiction, or failed to exercise its jurisdiction.

Décision du vice-président

Decision of Vice-Chairperson

(2) Le vice-président de la Section d’appel peut refuser d’entendre un appel sans qu’il y ait réexamen complet du dossier dans les cas suivants lorsque, à son avis :

(2) The Vice-Chairperson, Appeal Division, may refuse to hear an appeal, without causing a full review of the case to be undertaken, where, in the opinion of the Vice-Chairperson,

a) l’appel est mal fondé et vexatoire;

(a) the appeal is frivolous or vexatious;

b) le recours envisagé ou la décision demandée ne relève pas de la compétence de la Commission;

b) the relief sought is beyond the jurisdiction of the Board;

c) l’appel est fondé sur des renseignements ou sur un nouveau projet de libération conditionnelle ou d’office qui n’existaient pas au moment où la décision visée par l’appel a été rendue;

(c) the appeal is based on information or on a new parole or statutory release plan that was not before the Board when it rendered the decision appealed from; or

d) lors de la réception de l’avis d’appel par la Section d’appel, le délinquant a quatre-vingt-dix jours ou moins à purger.

(d) at the time the notice of appeal is received by the Appeal Division, the offender has ninety days or less to serve before being released from imprisonment.

Décision

Decision on Appeal

(4) Au terme de la révision, la Section d’appel peut rendre l’une des décisions suivantes :

(4) The Appeal Division, on the completion of a review of a decision appealed from, may

a) confirmer la décision visée par l’appel;

(a) affirm the decision;

b) confirmer la décision visée par l’appel, mais ordonner un réexamen du cas avant la date normalement prévue pour le prochain examen;

(b) affirm the decision but order a further review of the case by the Board on a date earlier than the date otherwise provided for the next review;

c) ordonner un réexamen du cas et ordonner que la décision reste en vigueur malgré la tenue du nouvel examen;

(c) order a new review of the case by the Board and order the continuation of the decision pending the review; or

d) infirmer ou modifier la décision visée par l’appel.

(d) reverse, cancel or vary the decision.

V.  Norme de contrôle

[20]  M. West n’avait aucune observation à faire à cet égard.

[21]  Les défendeurs citent la décision Ye c Canada (Procureur général), 2016 CF 35 (la décision Ye) selon laquelle la norme de la décision raisonnable doit servir de guide à la fois lorsque la Section d’appel révise une décision de la Commission et lorsque la Cour révise une décision de la Section d’appel. Dans la décision Ye, la Cour approuve ses propres observations formulées auparavant dans l’affaire Desjardins c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1989] ACF no 910 (CF 1re inst.), soit que lorsqu’il est question de libération conditionnelle ou d’une décision administrative, la Cour ne doit pas intervenir « en l’absence d’éléments de preuve clairs et non équivoques que celle-ci est tout à fait injuste et entraîne une injustice à l’égard du détenu » (Ye, au par. 9).

[22]  En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour suprême du Canada a précisé, au paragraphe 87 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (l’arrêt Vavilov), que le contrôle judiciaire porte « à la fois sur le résultat et sur le processus ». Comme c’était le cas dans l’ancien cadre du droit administratif énoncé dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, les grandes caractéristiques du caractère raisonnable sont la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, aux par. 86 à 87). Selon l’arrêt Vavilov, la décision faisant l’objet du contrôle doit être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci (Vavilov, au par. 99).

[23]  Les questions d’équité procédurale commandent une norme de contrôle différente qui se reflète le mieux dans la norme de la décision correcte (Vavilov, au par. 23; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54). Plus précisément, en ce qui concerne toutes les circonstances, y compris les facteurs énoncés dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817, une cour de révision doit se demander si un processus juste et équitable a été suivi.

VI.  Analyse

A.  La Section d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en refusant de trancher les questions concernant l’exactitude des renseignements contenus dans le dossier du SCC?

[24]  Le demandeur soutient que la Section d’appel avait compétence pour examiner toute documentation qu’il avait fournie. Il croit que le dépôt de cette documentation contrebalance et corrige les [traduction« renseignements frauduleux, erronés, trompeurs et incomplets » fournis par le SCC que la Commission et la Section d’appel ont accepté sans réserve [traduction« comme s’ils avaient été rédigés par Dieu lui-même ». Il affirme également que la Section d’appel a commis une erreur de droit en déclarant qu’il incombait uniquement au SCC de trancher les questions entourant l’exactitude de divers documents et rapports contenus dans le dossier du détenu.

[25]  Le paragraphe 24(1) de la LSCMLC exige que le SCC s’assure que tous les renseignements sont exacts et le paragraphe 24(2) permet au délinquant de demander au SCC de corriger tout renseignement inexact.

[26]  La proposition voulant qu’un délinquant puisse demander réparation à la Cour s’il croit qu’il y a des inexactitudes dans son dossier carcéral est fondée : Tehrankari c Canada (Service correctionnel) (2000), 2000 CanLII 15218 (CF), 188 FTR 206 (la décision Tehrankari). Toutefois, dans la décision Tehrankari, le demandeur avait initialement déposé une plainte en vertu du paragraphe 24(2) de la LSCMLC, plainte qui avait été rejetée. Le demandeur a ensuite contesté cette décision en vertu de l’article 90 de la LSCMLC puis, après avoir épuisé ce recours, a demandé un contrôle judiciaire devant la Cour.

[27]  La Commission des libérations conditionnelles et la Section d’appel ne sont pas habilitées par le législateur à mener le type de vastes enquêtes, comme le demande le demandeur, sur le bien-fondé des déclarations de culpabilité qui entraînent l’incarcération d’un détenu. Cette responsabilité, à part l’examen en appel, a été confiée au ministre de la Justice du Canada en vertu de la partie XXI.I du Code criminel, RSC, 1985, c C-46 (Code criminel). Il ne semble pas que M. West ait présenté une demande de révision auprès du ministre en vertu de l’article 696.1 du Code criminel. Il a informé la Cour à l’audience qu’il estimait que son unique recours était de demander l’autorisation d’interjeter appel et de présenter de nouveaux éléments de preuve. Je crois comprendre que les nouveaux éléments de preuve sont ceux qu’il souhaitait que la Commission et la Section d’appel examinent.

[28]  Je conviens avec les défendeurs qu’il n’incombe ni à la Commission ni à la Section d’appel de corriger ou de mettre à jour les renseignements du dossier du SCC dans l’exercice de leurs fonctions légales : Eakin c Canada (Procureur général), 2017 CF 394 (la décision Eakin), au par. 29; Reid c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2002 CFPI 741 (CanLII), aux par. 19 à 21. La Section d’appel n’a pas commis d’erreur en ne répondant pas aux plaintes du demandeur au sujet de l’exactitude des renseignements contenus dans son dossier. La procédure n’était pas non plus inéquitable (Eakin, au par. 32). Comme le souligne le juge Gleeson au paragraphe 32 de la décision Eakin, « [c]ela est particulièrement vrai lorsque le processus officiel prévu par SCC visant à répondre aux préoccupations concernant l’exactitude des renseignements n’a pas été suivi ». Il ne semble pas, d’après le dossier, que le demandeur ait choisi de suivre le processus prévu par la Loi.

B.  La Commission a-t-elle agi de manière inéquitable et la Section d’appel a‑t‑elle agi de façon à susciter une crainte raisonnable de partialité en refusant de tenir compte de l’essentiel de ce que contenait le colis XPresspost?

[29]  Le demandeur soutient que la police a fabriqué les éléments de preuve qui ont mené à ses déclarations de culpabilité pour les infractions de 1998. Selon lui, la Commission et la Section d’appel n’ont pas tenu compte du fait qu’il était déjà arrivé que des personnes soient condamnées injustement et savaient qu’à moins que la condition d’assignation à résidence ne soit annulée, il [traduction« n’[aurait] absolument aucune possibilité ou une possibilité très limitée » de demander réparation à la Cour suprême du Canada.

[30]  Il était loisible à la Commission d’examiner les allégations d’innocence du demandeur si elle les jugeait pertinentes et fiables. Compte tenu de la grande quantité d’éléments de preuve de culpabilité et de l’examen approfondi de ses revendications par la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse, il n’est pas surprenant que la Commission n’ait pas jugé les allégations pertinentes et fiables.

[31]  Je crois comprendre que le demandeur a assemblé un ensemble de documents relatifs à ses procès et appels, qui sont maintenant conservés dans plus de 80 boîtes dans un centre d’entreposage. M. West fait valoir que, même s’il pourrait faire transférer les boîtes au CCC de Jameson, où il réside actuellement, elles seraient entreposées dans le sous-sol et il n’y aurait pas accès facilement. Il dit n’avoir droit qu’à trois pieds cubes d’entreposage pour des documents juridiques auxquels il peut facilement avoir accès. C’est peut-être vrai, mais cette situation n’a pas directement à voir avec la question de savoir si la Section d’appel a raisonnablement confirmé la décision de la Commission selon laquelle une exigence d’assignation à résidence était nécessaire en l’espèce.

[32]  En ce qui concerne le colis XPresspost dont la livraison a été retardée, le demandeur affirme que [traduction« toutes les allégations d’inexactitude étayées par des documents soumis par le demandeur pour contester la prétendue “version officielle” n’ont pas été prises en compte ».

[33]  Le dossier ne précise pas clairement ce que contenait le colis XPresspost et M. West n’a pas été en mesure d’en dire plus à la Cour sur cette question lors de l’audience. Les défendeurs font référence à une note que le demandeur a incluse dans sa télécopie du 26 novembre 2018, dans laquelle il décrit le colis XPresspost comme contenant [traduction« la centaine de pages envoyées pour la défense de ma position, même si j’ai été déclaré coupable, concernant les “versions officielles de la police” ». Les défendeurs soutiennent qu’il s’ensuit que le contenu [traduction« n’aurait pas eu d’incidence importante sur la décision de la Commission ou de la Section d’appel » puisque le colis contenait [traduction« simplement [...] un résumé des renseignements dont la Cour était déjà saisie », soit un total d’environ 1 000 pages.

[34]  La question de la partialité est une question de droit et le critère est celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Committe for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 (l’arrêt Committee for Justice and Liberty). Dans la décision Boucher c Canada (Procureur général), 2006 CF 1342 (la décision Boucher), au paragraphe 16, la Cour a résumé le critère de la crainte raisonnable de partialité en quatre volets : 1) il doit y avoir une probabilité de partialité; 2) qui est le fait d’une personne sensée et raisonnable; 3) qui étudie la question de façon réaliste et pratique; 4) et en profondeur. Dans la décision Boucher, au paragraphe 17, le juge Noël souligne qu’il n’est pas obligatoire que la Commission ou la Section d’appel se reporte à la jurisprudence pour évaluer la partialité. Toutefois, leur analyse doit montrer que le critère en quatre volets de l’arrêt Committee for Justice and Liberty a été explicitement ou implicitement pris en considération.

[35]  Dans sa décision, la Section d’appel a souligné que tous les documents versés au dossier du demandeur lui avaient été communiqués au moins 15 jours avant que la Commission ne rende sa décision, comme le confirme le formulaire d’échange d’information signé par le demandeur le 6 novembre 2018. La Section d’appel a estimé qu’il incombait au demandeur de faire parvenir les documents à temps à la Commission. Il a choisi d’attendre près de la date limite pour envoyer ses autres documents par la poste. Il a ainsi couru le risque que la documentation n’arrive pas à temps. À mon avis, la Section d’appel a agi conformément à la loi et n’a pas montré de signes évidents de partialité en confirmant la décision de la Commission de ne pas recevoir les documents supplémentaires du demandeur après la date limite.

C.  La décision de la Commission d’imposer une assignation à résidence était-elle raisonnable?

[36]  Dans ses observations, le demandeur n’effectue pas une analyse du caractère raisonnable, mais il soutient en général qu’il était déraisonnable d’imposer une condition d’assignation à résidence en raison d’une allégation de [traduction« possibilité manifeste de comportement violent futur ». M. West croit que les infractions en question, qu’il nie avoir commises, n’étaient pas violentes. Il considère que la violence est celle qui cause des blessures physiques ou la mort et signale des cas où d’autres délinquants reconnus coupables de voies de fait allant jusqu’à des homicides ont obtenu une libération conditionnelle.

[37]  Il ressort clairement du dossier et, en particulier, de ses observations que M. West ne comprend pas la réalité du préjudice psychologique qui peut résulter d’un vol à main armée au cours duquel des membres du public, soit les employés de la banque, ont été forcés de s’agenouiller sous la menace d’une arme à feu alors qu’ils étaient ligotés par du ruban adhésif. La Commission a examiné les déclarations de victimes obtenues des employés, lesquelles ont indiqué que le préjudice persistait toujours de nombreuses années après les événements de 1998. La Commission a conclu de façon raisonnable que les victimes avaient subi un préjudice grave.

[38]  En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Commission et la Section d’appel ont droit à une « déférence considérable » compte tenu de leur expertise dans les décisions relatives à la liberté conditionnelle : Chartrand c Canada (Procureur général), 2018 CF 1183. La tâche de la Cour n’est pas de substituer sa propre décision à celle de la Commission et de la Section d’appel.

[39]  À mon avis, la Commission a dûment tenu compte des antécédents criminels du demandeur, de son incapacité à démontrer qu’il est prêt à assumer la responsabilité de ses actes, de son attitude négative persistante à l’égard des programmes en établissement et de sa conduite problématique envers le personnel correctionnel et les autres personnes associées au système judiciaire. En examinant ces facteurs, la Commission a conclu de façon raisonnable que, en l’absence d’une condition d’assignation à résidence, la demande présenterait un risque indu pour la société de commettre une infraction visée à l’annexe I avant la fin de sa peine. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission s’est demandé si des solutions de rechange à une condition d’assignation à résidence, comme l’utilisation de la surveillance électronique, seraient suffisantes et a décidé qu’elles n’étaient pas viables compte tenu des antécédents de M. West. Ses infractions étaient bien réfléchies et comportaient une planification préalable considérable. Une surveillance étroite quotidienne a été jugée nécessaire pour gérer sa libération dans la collectivité.

[40]  La Section d’appel a conclu à juste titre que la décision de la Commission d’imposer une condition d’assignation à résidence était raisonnable, bien étayée et conforme aux critères décisionnels énoncés au paragraphe 133(4,1) de la LSCMLC.

VII.  Conclusion

[41]  M. West a maintenant plus de 70 ans et peut sans doute être considéré comme étant moins dangereux pour la sécurité publique qu’il ne l’était auparavant. Il peut quitter le centre correctionnel communautaire où il réside de façon quotidienne. M. West profite de ces occasions pour passer du temps avec ses filles et ses petits-enfants qui résident dans la région de Halifax. La libération d’office et les conditions qui peuvent être imposées par la Commission visent à fournir aux délinquants une structure et un soutien avant l’expiration de leur peine pour les aider à réintégrer la collectivité avec succès. L’exigence d’assignation à résidence peut fournir un tel environnement structuré. Je remarque que la Commission était prête à envisager d’accorder des absences temporaires pour se rendre chez des personnes au sein de la collectivité qui lui offrent leur soutien, comme les membres de sa famille. Il se peut que la Commission envisage dans les prochains mois d’assouplir l’exigence d’assignation à résidence avant l’expiration de la peine de M. West.

[42]  M. West a le droit de maintenir ses allégations d’innocence relativement aux infractions à l’origine de sa peine. Mais comme je lui ai mentionné à la fin de l’audience, il devrait se demander s’il vaut la peine, compte tenu de son âge, d’intenter un recours pour obtenir réparation relativement à ces allégations.

[43]  À la lumière des éléments de preuve et des observations présentés à la Cour relativement à la présente demande, je ne suis pas disposé à m’ingérer dans les décisions de la Commission et de la Section d’appel. La présente demande est donc rejetée.

VIII.  Dépens

[44]  Bien que les dépens suivent normalement le sort de la cause, comme les défendeurs n’ont demandé aucuns dépens si la demande était rejetée, aucun ne sera adjugé.


JUGEMENT dans le dossier IN T-692-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de mars 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-672-19

INTITULÉ :

WILLIAM FENWICK WEST c COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA (SECTON D’APPEL) ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JANVIER 2020

jugement et motifs :

le juge MOSLEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 24 janvier 2020

COMPARUTIONS :

William Fenwick West

LE DEMANDEUR

 

Amy Smeltzer

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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