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                                                                                                                                Date : 20001211

                                                                                             Dossier : IMM-4059-99

Ottawa (Ontario), le lundi 11 décembre 2000

En présence de Madame le juge Dawson

Entre

                                                NDRICIM PULAKU

                                                                                                               demandeur

                                                           - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                défendeur

                                                                   JUGEMENT

IL EST PAR LA PRÉSENTE ORDONNÉQUE :

La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                      « Eleanor R. Dawson »         

                                                                                                  _____________________________

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme,

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


                                                                                                                                  Date : 20001211

                                                                                               Dossier : IMM-4059-99

Entre

                                                NDRICIM PULAKU

                                                                                                               demandeur

                                                           - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                défendeur

                                                        MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON

[1]         Le demandeur, Ndricim Pulaku, citoyen albanais âgé de 42 ans, revendiquait le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de ses opinions politiques, prétendant qu'il craignait avec raison d'être persécuté par le gouvernement socialiste de l'Albanie et par ses partisans, les « forces noires » .

[2]         Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire contre la décision en date du 28 juillet 1999, par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS


[3]         M. Pulaku fait savoir qu'il avait étéemprisonné de 1977 à 1982 à cause de ses opinions politiques, par le régime communiste alors en place en Albanie. Après que le Parti démocratique eut pris le pouvoir, dit-il, la situation s'est améliorée pour le pays en général et pour lui-même en particulier. Cependant, fait-il encore savoir, après les élections de 1997 qu'a remportées le Parti socialiste, il a étéla cible du nouveau parti au pouvoir et de ses partisans. M. Pulaku prétend que, s'il n'était pas membre du Parti démocratique, il « était un démocrate de coeur » , qu'il participait aux rassemblements du parti et qu'il dénonçait le Parti communiste dans ses conversations avec les gens qu'il rencontrait, durant la période allant de mai à octobre 1997.

[4]         M. Pulaku déclare qu'il a étéagressé par des agents de la police secrète albanaise à deux reprises et a été averti de ne pas travailler pour le Parti démocratique. Après le premier incident, en septembre 1997, il est parti avec sa famille pour l'Italie. Mais, comme il ne pouvait pas y subvenir aux besoins de cette dernière, il est revenu avec elle en Albanie en mars 1998, date à laquelle il a été la victime de la seconde agression. Il a signalé l'incident à la police qui, dit-il, a refusé d'intervenir.

[5]         M. Pulaku a quitté l'Albanie le 20 avril 1998 et est arrivé trois jours après, le 23 avril 1998, au Canada où il a revendiquéle statut de réfugié.

[6]         La section du statut, en rejetant sa revendication, a conclu que sa crainte de persécution n'était pas digne de foi ni n'avait un fondement objectif. Et aussi que ses faits et gestes ne traduisaient pas une crainte subjective de persécution. Elle en a conclu qu'[TRADUCTION] « il y a juste une vague possibilité que vous soyez persécuté en Albanie à cause des opinions politiques que vous tenez ou qu'on vous prête » .


LES POINTS LITIGIEUX

[7]         M. Pulaku soutient que la section du statut a commis plusieurs erreurs, dont les principales ont été évoquées pendant les débats comme suit :

(i)          La section du statut a commis une erreur en appliquant une norme de preuve plus rigoureuse que celle qui s'impose en la matière, en concluant que M. Pulaku n'a pu prouver que la situation qu'il fuyait n'était pas l'effondrement social et économique de l'Albanie;

(ii)         La section du statut n'a pas motivé, en termes clairs et catégoriques, ses conclusions au défaut de crédibilité, lesquelles ne sont donc que des assertions gratuites;

(iii)        La section du statut a commis une erreur en concluant que la revendication de M. Pulaku n'était pas corroborée par les preuves documentaires. En particulier, M. Pulaku s'appuie sur un article produit devant la section du statut et qui le présentait comme un militant connu et actif du Parti démocratique, et qui confirmait aussi l'agression dont il avait été la victime.

ANALYSE


[8]         En ce qui concerne l'argument proposé par M. Pulaku que la section du statut appliquait une norme de preuve excessive à sa revendication du statut de réfugié, je conclus, après avoir attentivement examinéles motifs pris par cette dernière, qu'elle a appliquéla norme appropriée à l'appréciation du témoignage de M. Pulaku. Il ressort de ces motifs que la section du statut s'est demandéà juste titre et expressément s'il y avait « davantage qu'une vague possibilité que [le demandeur] serait persécuté » en Albanie à cause des opinions politiques qu'il tenait ou qu'on lui prêtait. La mention que celui-ci n'a pas produit des preuves suffisantes pour « établir » que la situation qu'il fuyait était la persécution pour raisons politiques, se rapportait, dans le contexte de la décision, à la charge de la preuve et non à la norme de preuve.

[9]         Il ressort encore d'un examen attentif des motifs pris par la formation de jugement que sa conclusion selon laquelle la revendication du demandeur n'était pas digne de foi et n'était pas corroborée par les preuves documentaires, s'appuyait sur six exemples spécifiques qu'elle citait pour juger que le témoignage de M. Pulaku n'était pas digne de foi ou était invraisemblable. Malgré l'argumentation rationnelle et méthodique de son avocat, je ne trouve pas manifestement déraisonnable la conclusion tirée par la section du statut selon laquelle la revendication de M. Pulaku n'était pas digne de foi.

[10]       Quant à l'argument proposé par M. Pulaku que la section du statut n'a pas tenu compte de preuves documentaires pertinentes, je conclus qu'il était raisonnablement loisible à cette dernière d'interpréter les preuves documentaires comme elle l'a fait, étant donné en particulier que M. Pulaku a déclaré qu'il n'était pas membre du Parti démocratique. Le gros des preuves documentaires en question concernait les sévices contre les membres de ce parti.

[11]       L'argument le plus conséquent de M. Pulaku est le défaut par la section du statut de prendre expressément acte d'un article de presse produit en preuve et qui le présentait comme un militant du Parti démocratique.


[12]       Il est de droit constant que le défaut de faire état dans les motifs de décision écrits de toutes les preuves et de tous les témoignages produits devant un tribunal ne constitue pas en soi une erreur de droit. M. Pulaku cite cependant des décisions comme Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1359, IMM-5440-98 (7 septembre 1999) (1re inst.), dans laquelle le juge Evans a conclu que, si un tribunal n'est pas tenu de citer expressément ou d'analyser chaque élément de preuve dont il est saisi et qui s'oppose à une conclusion de fait qu'il a tirée, ce qu'il faut prendre en considération, c'est la pertinence et la logique de l'élément de preuve en question, et son importance pour ce qui est de la décision ultime sur le fait auquel il se rapporte.

[13]       La force probante de l'article de journal en question est sérieusement compromise par le fait que celui-ci ne s'accorde pas avec le propre témoignage de M. Pulaku sur ses activités politiques. Il reconnaît qu'il n'était pas membre du Parti démocratique et que ses activités étaient celles de quelqu'un qui souscrit aux idéaux de ce parti. Ces activités, telles que les rapporte M. Pulaku lui-même, étaient loin d'être celles d'un « militant connu » du Parti démocratique, que cet article voyait en lui.

[14]       Aucune preuve n'a été produite quant à la provenance du journal et de l'article en question. Cet article a été écrit après que M. Pulaku eut quitté le pays puisqu'il mentionnait son départ de l'Albanie.

[15]       Qui plus est, la section du statut avait à sa disposition la preuve, contenue dans un rapport du Département d'État des États-Unis intitulé [TRADUCTION] « Rapport sur la situation des droits de la personne en Albanie en 1998 » , que « les partis politiques, syndicats, et sociétés et organisations diverses publient leurs propres journaux et magazines » et que :

[TRADUCTION]

Les médias sont actifs et débridés, mais n'ont guère le sens de la responsabilité journalistique ou de l'intégritéprofessionnelle. Le sensationnalisme est la norme dans les journaux, et ceux qui sont affiliés aux partis politiques en particulier publient des commérages, des accusations sans preuve et des inventions pures et simples.


[16]       À la lumière de tous ces facteurs, je ne peux conclure que l'article en question a une force probante telle que la section du statut a commis une erreur dirimante faute d'avoir expressément pris en compte cet élément de preuve dans les motifs de sa décision.

[17]       D'ailleurs, toute valeur probante que puisse avoir cet article concerne la question de savoir si la revendication de M. Pulaku est objectivement fondée. Il s'ensuit que le défaut de le prendre expressément en compte ne compromet pas la conclusion par la section du statut que les faits et gestes de ce dernier ne traduisent pas une crainte subjective de persécution. Cette conclusion en soi anéantit les prétentions de M. Pulaku et j'ai conclu que la section du statut était raisonnablement fondée à la tirer à la lumière des preuves produites.

[18]       Il s'ensuit que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[19]       L'avocat de M. Pulaku a soumis la question suivante à certifier :

[TRADUCTION] La section du statut commet-elle une erreur de droit en imposant au demandeur du statut de réfugiéde produire des « preuves suffisantes » pour établir qu'il n'est pas un réfugiééconomique, mais un réfugiéau sens de la Convention?

[20]       Le ministre s'oppose à la certification de cette question, pour le motif qu'elle n'est pas déterminante de l'affaire en instance et qu'elle est si intimement liée aux faits de la cause qu'elle ne saurait être une question de portée générale.


[21]       Je fais droit à l'argument du ministre. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                                                                       « Eleanor R. Dawson »            

                                                                                                ______________________________

                                                                                                                                                     Juge                          

Ottawa (Ontario),

le 11 décembre 2000

Traduction certifiée conforme,

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                        IMM-4059-99

INTITULÉDE LA CAUSE :         NDRICIM PULAKU

C.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :            31 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                  11 DÉCEMBRE 2000

ONT COMPARU:

MICHEAL CRANE                                                   POUR LE DEMANDEUR

CANDICE WELSCH                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MICHEAL CRANE                                                   POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG                                             POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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