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Date : 20040521

Dossier : IMM-2528-03

Référence : 2004 CF 721

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                               DEBU MUKHARJI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés (la Commission) datée du 13 mars 2003, dans laquelle la Commission a décidé que le demandeur n'avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.


QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Le demandeur soulève deux questions dans la présente demande de contrôle judiciaire :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur déraisonnable en concluant que la preuve et le témoignage du demandeur n'étaient pas crédibles?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération tous les éléments de preuve et en tirant des conclusions manifestement déraisonnables lorsqu'elle a décidé que le demandeur n'était pas exposé à une possibilité sérieuse d'être persécuté au Bangladesh du fait d'être un hindou?

[3]                Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

CONTEXTE

[4]                Le demandeur est un homme âgé de 41 ans qui est un citoyen hindou du Bangladesh. Le demandeur prétend craindre avec raison d'être persécuté par les intégristes et terroristes du Jamaat-I-Islami musulman (JI) du fait de sa religion et des opinions politiques qui lui sont imputées. Il a quitté le Bangladesh le 9 mars 2001, il s'est rendu au Canada en passant par les États-Unis et il a déposé une demande d'asile.


[5]                Le demandeur prétend qu'il s'expose à un tort sérieux, au Bangladesh, puisqu'il aurait offensé les intégristes du JI quand, dans son rôle d'agent de développement d'une plantation de thé, il leur a dit de cesser de construire des maisons et une mosquée sur des terres reculées de la plantation. Après avoir fait l'objet de menaces de la part des intégristes, le demandeur a été contraint de déposer une plainte écrite à l'avant-poste de police par son directeur, mais l'agent de service a refusé d'accepter la plainte en disant qu'il devait y être autorisé par son supérieur.

[6]                En septembre 2000, le demandeur est retourné sur les terres occupées accompagné de huit autres travailleurs et il a tenté de faire cesser la construction illégale, mais les occupants les ont chassés et les ont roués de coups de haches, de couteaux et de bâtons. Le demandeur est retourné à l'avant-poste de police, mais l'agent de service a refusé de prendre une plainte par écrit au motif qu'il était musulman et qu'il tenait à la mosquée. Le demandeur a ensuite porté plainte par écrit au poste de police de Fatikchori où un agent a institué une enquête et a tenté d'obtenir des documents pertinents de son patron en janvier 2001. Le demandeur et le commis principal ont rencontré un agent de police pour discuter de la situation et l'agent a dit qu'il allait tenter de trouver une solution. Le demandeur a rencontré des membres du JI dans le hall du poste de police. Ces derniers ont cerné le demandeur dans le terrain de stationnement et ils ont menacé de le tuer puisqu'il avait fait intervenir la police. Il est retourné à la plantation et il a mis son supérieur au courant des menaces qu'il avait reçues.


[7]                En janvier 2001, le demandeur a appris que le comité de protection de la mosquée s'était réuni publiquement et avait déclaré que le demandeur était un ennemi de l'Islam. Le demandeur allègue que, le 15 février 2001, alors qu'il se promenait en jeep, on l'a enlevé, on lui a bandé les yeux, on l'a ligoté et un couteau lui a été placé sur la gorge. Finalement, il a été secouru par 20 travailleurs de la plantation que le supérieur du demandeur avait envoyés à sa rescousse dès qu'il avait été mis au courant de l'enlèvement. Le demandeur n'a pas signalé l'incident à la police puisqu'il persiste à dire que la police n'aurait rien fait pour le protéger.

[8]                Le demandeur prétend que, peu après, les intégristes du JI ont saccagé sa maison. Il a donc quitté la plantation et il s'est rendu au domicile de son frère aîné, à Dhaka. Le 24 février 2001, des hommes de main du JI se sont présentés au domicile de son frère alors qu'il était absent et ils ont dit à l'aide domestique qu'ils trouveraient le demandeur et qu'ils le tueraient. Son frère lui a donc remis un faux passeport, un billet d'avion et 1 000 $ le 9 mars 2001 et le demandeur est arrivé au Canada et il a déposé une demande d'asile.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[9]                La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention puisqu'il n'avait pas produit d'éléments de preuve crédibles et dignes de foi pouvant étayer sa prétention selon laquelle il craignait avec raison d'être persécuté au Bangladesh pour l'un des motifs prévus dans la Convention. La Commission a également conclu que le demandeur n'avait pas qualité de personne à protéger puisque son renvoi au Bangladesh ne l'exposerait pas personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, et qu'elle n'avait pas de motifs sérieux de croire que son renvoi l'exposerait personnellement au risque d'être soumis à la torture.


[10]            La Commission a dit que « la crédibilité du demandeur et le bien-fondé de la demande d'asile sont apparues comme des questions déterminantes en l'espèce » . Premièrement, la Commission a mentionné que le demandeur était entré au Canada sans pièces d'identité ni titres de voyage et que les documents produits à l'audience avaient été, pour la plupart, obtenus après son arrivée au Canada. Il n'a produit aucune pièce d'identité comportant une photographie susceptible d'établir un lien entre lui et les documents présentés à la Commission et la Commission n'a pas cru l'explication qu'il avait donnée, savoir qu'il n'avait pas eu le temps d'obtenir un passeport légitime puisqu'il avait dû fuir en toute hâte. La Commission a mentionné que le demandeur n'avait produit aucune preuve satisfaisante du fait qu'on l'aurait empêché d'obtenir un passeport valide. Si son frère avait eu amplement le temps de communiquer avec un passeur, d'obtenir de faux titres de voyage et un billet d'avion, le demandeur avait eu assez de temps pour se procurer des documents valides.

                                                                             


[11]            La Commission a également conclu que les documents que le demandeur avait soumis étaient suspects puisqu'il était peu probable que le demandeur ne possédait aucune pièce d'identité au Bangladesh et puisque son certificat de naissance, le seul document qui le reconnaissait comme hindou, avait été enregistré par son frère 40 ans après le fait et ce, seulement après l'arrivée de l'intéressé au Canada. En outre, les lettres provenant de son employeur ne faisaient état ni d'un conflit religieux avec le groupe intégriste musulman, ni de la construction d'une mosquée ni des difficultés du demandeur avec la police. La Commission a tiré des conclusions défavorables du fait que le demandeur avait présenté une sélection de documents peu probants et qu'il n'avait pas fourni d'explication valable quant à la raison pour laquelle il n'avait pas pris toutes les mesures voulues pour présenter une preuve objective relativement à l'élément déterminant de sa demande. La Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur n'avait fourni aucune preuve documentaire de ses plaintes écrites au poste de police, aucune attestation des témoins de son enlèvement du 15 février 2001, ni des menaces de mort reçues le 24 février 2001, aucune attestation du principal commis concernant les problèmes survenus dans la plantation de thé et aucune attestation qu'il était un hindou pratiquant alors qu'il avait dit qu'il aurait pu obtenir une attestation écrite d'un temple de Toronto.


[12]            Deuxièmement, la Commission a souligné que l'explication des événements qui avaient précipité le départ du demandeur n'était pas satisfaisante et était truffée d'incohérences, de contradictions et d'invraisemblances. Le témoignage concernant les structures érigées illégalement sur les terres de la plantation contredisait les renseignements du formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, ainsi que les lettres de son employeur. Lorsqu'on lui a fait remarquer qu'il y avait là contradiction, le demandeur n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi ses affirmations avaient changé et la Commission a conclu qu'il avait inventé de toutes pièces cette explication pour se tirer d'embarras après s'être empêtré dans une contradiction. Le demandeur a également présenté une preuve contradictoire concernant les raisons pour lesquelles les occupants musulmans illégaux s'en étaient pris à lui personnellement en disant d'abord que c'était parce qu'il avait été chargé de l'expulsion et puis en disant que son directeur l'avait envoyé parce qu'il était hindou. La Commission a conclu que c'était contradictoire de dire que son patron avait pris des mesures discriminatoires à son égard et qu'il l'avait délibérément mis en danger alors que le demandeur avait affirmé que son patron avait réuni 20 personnes qu'il avait envoyées le soustraire à ses ravisseurs allégués. La Commission a jugé que ces preuves et explications étaient des enjolivures destinées à étayer sa demande d'asile.

[13]            La Commission a également conclu que le témoignage du demandeur concernant son enlèvement et agression par des hommes de main du JI alors qu'il n'avait pas signalé l'incident à la police n'était pas crédible. Le demandeur a contredit sa propre preuve. En effet, il a affirmé que la police ne voulait rien faire pour l'aider, puis il a dit que la police avait fait enquête sur sa première plainte concernant les constructions illégales sur les terres de la plantation. La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à fournir une preuve convaincante relativement à l'identité religieuse qui lui aurait été attribuée, soit celle d'un hindou anti-musulman, ni relativement aux incidents qu'il avait décrits. Par conséquent, la Commission a tiré une conclusion négative en matière de crédibilité et elle a décidé que le demandeur n'avait pas quitté le Bangladesh parce qu'il craignait que les intégristes du JI portent atteinte à sa sécurité.                            


[14]            Enfin, la Commission a pris en compte que le Parti national du Bangladesh (le PNB) était au pouvoir et elle a reconnu que certains membres de la minorité hindoue avaient été victimes de violence pour des motifs d'ordre religieux, mais elle a conclu qu'il n'existait aucune preuve que le gouvernement au pouvoir persécutait les membres de la minorité hindoue. La Commission a dit que le demandeur qui ne se distinguait qu'en ce qu'il était hindou ne pourrait probablement pas attirer l'attention des extrémistes musulmans et qu'il était très peu probable qu'il subisse un tort sérieux entre leurs mains. En outre, le demandeur n'avait pas établi qu'il ne pouvait se prévaloir de la protection de l'État et une preuve crédible établissait que le demandeur avait une possibilité de refuge raisonnable et accessible à Dhaka.

NORME DE CONTRÔLE

[15]            La norme de contrôle qui s'applique dans un contrôle relatif à des conclusions de fait et en matière de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable. La Cour d'appel fédérale a décidé que la Commission était un tribunal spécialisé qui avait pleinement compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer l'intervention de la Cour, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 aux pages 316 et 317 (C.A.F.)).

ANALYSE

La Commission a-t-elle commis une erreur déraisonnable en concluant que la preuve et le témoignage du demandeur n'étaient pas crédibles?


[16]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant la preuve du demandeur de suspecte sans tirer des conclusions claires et fortes concernant l'identité du demandeur. La Commission a déclaré, à la page 7 de sa décision que :

[...] Même si on ne tient pas compte des lacunes de la documentation du demandeur et si l'on accepte selon la prépondérance des probabilités que le demandeur est bien celui qu'il dit être - un citoyen du Bangladesh, un employé de la plantation de thé et un hindou - , j'estime que l'intéressé n'a pas fourni un compte rendu satisfaisant des événements qui l'ont amené à brusquer sa décision de quitter le Bangladesh [...]

Le demandeur fait valoir que la Commission semble avoir accepté l'identité du demandeur selon la prépondérance de la preuve et qu'elle a commis une erreur de droit en qualifiant son témoignage de suspecte sans tirer une conclusion négative claire (Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).

[17]            Le demandeur prétend que lorsqu'une partie jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu'elles le sont, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter. En outre, le fardeau qui incombe au demandeur d'asile n'est pas celui du doute raisonnable, mais celui de la prépondérance de la preuve et il n'est pas nécessaire que le demandeur d'asile soumette une preuve indépendante au soutien de ses allégations (Maldonado c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1980] 2 C.F. 302 (C.A.)). Le demandeur a répondu franchement et d'une manière crédible à toutes les questions et la Commission s'est montrée pointilleuse alors qu'elle n'avait aucune raison de douter de la véracité des affirmations du demandeur.


[18]            Le demandeur prétend qu'en particulier, la Commission a tiré des conclusions négatives déraisonnables à partir de ses lettres d'emploi et elle n'a pas tenu compte de l'explication raisonnable qu'il avait donnée de leur contenu, à savoir qu'en 2002, il y avait un nouveau patron qui ne connaissait pas le demandeur et le frère de ce dernier ne voulait pas révéler la véritable raison pour laquelle il demandait la lettre. La Commission a également commis une erreur en tirant une conclusion négative de l'absence d'attestations des témoins de l'enlèvement, des commis principaux et de son frère puisque ces documents auraient été jugés intéressés qu'on leur aurait accordé peu de poids.

.

[19]            Le demandeur prétend qu'il ne s'est pas contredit concernant la date de construction de la mosquée et des maisons puisqu'il n'a pas dit, au début, que les maisons avaient été construites en premier. En outre, le demandeur ne s'est pas contredit quand il a affirmé, dans un premier temps, que la plantation ne comptait aucun agent musulman pour ensuite dire qu'il y en avait, mais qu'il avait été choisi pour régler le problème parce qu'il était un hindou. La Commission a mal compris son témoignage; il a tout simplement dit qu'il était le seul agent envoyé sur les terres et que, par conséquent, aucun agent musulman n'y avait été envoyé. En outre, il était manifestement déraisonnable que la Commission tire une conclusion négative du fait que le demandeur n'avait pas avisé la police de l'enlèvement allégué puisque les hindous sont souvent agressés avec l'assentiment de la police et des autorités.


[20]            Le défendeur prétend que la Commission n'a pas commis une erreur en décidant que la preuve du demandeur n'était pas crédible puisque le demandeur n'avait pas fourni une preuve convaincante de sa prétendue identité religieuse ou politique, soit celle d'un hindou anti-musulman et qu'il n'a pas présenté une preuve crédible permettant d'étayer ses allégations générales. La Commission a mentionné, à bon escient, plusieurs incohérences et contradictions dans le récit du demandeur depuis la raison pour laquelle son passeport n'était pas valide jusqu'à une preuve crédible concernant les événements qui l'avait amené à quitter le Bangladesh. Le défendeur soutient que la Commission a exprimé en termes clairs et sans équivoque les motifs pour lesquelles elle n'a pas cru le demandeur. Il incombe au demandeur de présenter une preuve suffisante afin d'étayer sa demande. Le demandeur n'y est pas parvenu.

[21]            En réponse aux arguments du demandeur, le défendeur prétend que le demandeur a bien fourni une preuve contradictoire dans son FRP et dans son témoignage concernant les structures érigées dans la plantation et l'ordre de construction. En sus, la Commission n'a pas mal apprécié la preuve concernant la raison pour laquelle le demandeur avait été choisi pour régler le problème plutôt que d'autres agents musulmans de la plantation. La Commission n'a tout simplement pas cru la preuve du demandeur.


[22]            Le défendeur prétend que la Commission peut décider qu'un demandeur n'est pas crédible en se fondant sur les contradictions et les incohérences de son récit et d'autres preuves dont elle est saisie, ou en se fondant uniquement sur l'improbabilité du témoignage du demandeur (Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.)). Une conclusion d'absence de crédibilité tirée par la Section de la protection des réfugiés qui est fondée sur les contradictions du témoignage du demandeur est au coeur du pouvoir discrétionnaire du décideur de faits et la Cour ne devrait pas intervenir.

[23]            Je suis d'accord avec le défendeur sur cette question : la conclusion négative de la Commission en matière de crédibilité n'était pas manifestement déraisonnable. Premièrement, le demandeur a tort de prétendre que la Commission a reconnu son identité selon la prépondérance de la preuve et qu'elle a donc commis une erreur de droit en affirmant que sa preuve était suspecte sans en arriver clairement à une conclusion négative. La citation mentionnée par le demandeur a été prise hors contexte et elle ne constitue nullement une reconnaissance de l'identité du demandeur. À mon avis, les conclusions de la Commission sur cette question étaient raisonnablement détaillées et claires et fondées principalement sur le témoignage contradictoire du demandeur (Hilo, précité).


[24]            De surcroît, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable que la Commission conteste l'identité du demandeur et tire une conclusion négative en matière de crédibilité du fait que le demandeur ne possédait aucune pièce d'identité avec photo qui aurait permis de confirmer l'authenticité des autres pièces d'identité. La Cour a déjà confirmé que les titres de voyage sont pertinents afin d'établir l'identité d'une personne (voir Museghe c. Canada (MCI), 2001 CFPI 1117, [2001] A.C.F. no 1539 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 19 à 22), et l'absence de documents valables peut donc influer sur les conclusions de la Commission en matière de crédibilité. Il n'était pas manifestement déraisonnable que la Commission décide que le demandeur n'avait pas fourni une preuve satisfaisante de l'identité religieuse ou politique qui lui était prétendument attribuée, soit celle d'un hindou anti-musulman ou qu'il n'avait pas produit de preuve digne de foi pour étayer ses allégations puisque son récit contenait plusieurs incohérences et contradictions, depuis les raisons pour lesquelles il ne possédait pas un passeport valide jusqu'au fait qu'il n'avait pas présenté une preuve crédible concernant les événements qui l'avaient amené à quitter le Bangladesh.

La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération tous les éléments de preuve et en tirant des conclusions manifestement déraisonnables lorsqu'elle a décidé que le demandeur n'était pas exposé à une possibilité sérieuse d'être persécuté au Bangladesh du fait d'être un hindou?


[25]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire concernant l'ampleur de la violence à l'égard des hindous, au Bangladesh. Il existe une preuve documentaire importante provenant de plusieurs sources, notamment Amnistie internationale et la BBC News selon laquelle des familles hindoues se sont enfuies vers l'Inde à cause des nombreux actes de violence perpétrés contre leur collectivité depuis l'élection du Parti national du Bangladesh (PNB). Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur de droit quand elle n'a pas tenu compte de toute la preuve et les conclusions d'improbabilité de la Commission ont été tirées sans égard aux conditions dans lesquelles vivent les hindous au Bangladesh et elles sont donc manifestement déraisonnables (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1998] A.C.F. no 1425 (1re inst.)(QL)).   

[26]            Le défendeur prétend que les arguments du demandeur ne sont pas fondés puisqu'il est clair que la Commission a tenu compte de tous les renseignements dont elle était saisie, y compris la preuve documentaire sur la situation générale des hindous au Bangladesh. La Commission a mentionné que la Constitution permet à chacun de pratiquer la religion de son choix, même si des incidents violents contre les hindous ont été signalés. La Commission a mentionné que le gouvernement avait établi des comités spéciaux chargés de faire enquête sur le harcèlement des hindous. La Commission a également tenu compte de la prétention du demandeur qui disait que maintenant que le PNB était au pouvoir, il serait probablement encore moins protégé et que, même si le gouvernement reconnaissait que certaines hindous avaient été victimes de violence religieuse, il n'y avait pas une preuve suffisante que le PNB persécutait la minorité hindoue. Puisque le demandeur ne se distinguait qu'en ce qu'il était hindou, la Commission a décidé, à juste titre, qu'il était peu probable qu'il attirerait l'attention des extrémistes musulmans et s'exposerait à d'autre chose qu'une simple possibilité de subir un tort sérieux à cause d'eux.


[27]            Le demandeur réplique que les comités établis par le gouvernement pour faire enquête sur les crimes contre les hindous ne sont pas pertinents puisque, au Bangladesh, les hindous sont systématiquement victimes d'actes d'agression et que les conclusions de la Commission ont été prises sans égard aux conditions du pays.

[28]            Enfin, le défendeur prétend que la Commission n'est pas tenue de mentionner tous les documents déposés et que si la preuve appuie ses conclusions, la Commission est réputée avoir examiné toute la preuve (Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL)). Dans cette affaire, la Commission a examiné la preuve et elle a décidé de ne se fonder que sur les sources les plus récentes et fiables. En outre, le demandeur n'a pas fourni une preuve claire et convaincante du fait que l'État ne voulait ni ne pouvait l'aider adéquatement (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.)).

[29]            Le demandeur réplique que la preuve documentaire révèle clairement que le gouvernement actuel participe activement à la persécution des hindous. Amnistie internationale a dit, en décembre 2001 : « Depuis l'indépendance du Bangladesh, aucun gouvernement n'a pris de mesure efficace pour protéger les hindous contre les menaces auxquelles ils sont exposés, notamment les violences actuelles » . Ainsi, le demandeur prétend que les conclusions de la Commission sont erronées et contraire à la preuve dont elle était saisie.


[30]            Il me faut encore une fois donner raison au défendeur sur cette question. Dans la présente affaire, la Commission a pris note de la preuve documentaire qui révélait tant les événements problématiques au Bangladesh depuis l'élection du PNB, notamment les attaques physiques et les dommages à la propriété ainsi que la réaction gouvernementale, de même que les étapes positives notamment la création de comités chargés de faire enquête sur la violence à caractère religieux. La Cour d'appel fédérale a dit qu'à moins qu'un demandeur puisse établir que la Commission n'a pas tenu compte de toute la preuve dont elle était saisie, la Commission est réputée avoir examiné tous les éléments de preuve et les avoir appréciés (Florea, précité). J'estime que le demandeur n'a pas suffisamment établi que la Commission n'a pas tenu compte d'une certaine preuve documentaire en tirant sa conclusion.

[31]            Enfin, je dois souligner que puisque la Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible et qu'elle a fourni des motifs détaillés à l'appui de ses conclusions fondées sur la preuve, il n'y a aucun motif clair d'intervenir. En fait, la conclusion négative en matière de crédibilité fait en sorte que cette deuxième question n'est pas pertinente en l'espèce. Pour établir une crainte de persécution, un demandeur doit satisfaire aux deux aspects du critère en établissant tant une crainte subjective qu'une crainte objective de persécution (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 723). Le demandeur n'a pas satisfait aux exigences de ce critère. Dans Tabet-Zatla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1778 (1re inst.) (QL) au paragraphe 6, la juge Tremblay-Lamer mentionne le paragraphe 10 de la décision Kamana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1695 (1re inst.) (QL) qui dit que :


L'absence de preuve quant à l'élément subjectif de la revendication constitue une lacune fatale qui justifie à elle seule le rejet de la revendication puisque les deux éléments de la définition de réfugié, subjectif et objectif, doivent être rencontrés.

En l'espèce, puisque la Commission a décidé que le demandeur n'était pas crédible et donc qu'il n'y avait aucun fondement subjectif à sa crainte, la preuve objective de l'existence de problèmes au Bangladesh n'est pas pertinente puisque, selon la Commission, la crainte d'être persécuté alléguée par le demandeur n'était pas justifiée. Par conséquent, l'absence d'élément subjectif suffit pour que soit rejetée l'allégation de persécution.

CONCLUSION

[32]            Pour les motifs ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[33]            Les avocats n'ont soulevé aucune question de certification. Aucune question n'est certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

            « Michel Beaudry »            

Juge


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2528-03

INTITULÉ :                                                    DEBU MUKHARJI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Paul Vander Vennen                                          POUR LE DEMANDEUR

Pamela Larmondin                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul Vander Vennen                                          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                             

Morris A. Rosenberg                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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