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Date : 20041014

Dossier : IMM-3191-04

                                                                                                    Référence : 2004 CF 1420

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                     RONNIE MANLAPAZ

                                                                                                                              demandeur

                                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                Le demandeur, Ronnie Santos Manlapaz, est un citoyen des Philippines qui est arrivé au Canada le 20 septembre 2002. Il allègue qu'il craint de retourner aux Philippines du fait qu'il appartient à une famille riche et bien connue qui est la cible de la Nouvelle Armée du peuple (la NPA).


[2]                Dans sa décision datée du 17 mars 2004, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que :

·            il n'y a aucune possibilité raisonnable que le demandeur soit exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités;

·            subsidiairement, il dispose d'une possibilité de refuge intérieur viable (la PRI) à Manille.

[3]         Le demandeur vise à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.

La question en litige

[4]         Le demandeur soulève la question suivante :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la totalité des éléments de preuve dont elle disposait ou a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve?


Analyse

[5]         La norme de contrôle appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable. Par conséquent, les conclusions de fait de la Commission peuvent être infirmées si elles ne sont pas étayées par la preuve ou si elles sont tirées de façon abusive ou arbitraire (Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 551 (C.A.F.) (QL) et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; [1998] A.C.S. no 46).

[6]         Les constatations clés de la Commission à l'égard de chacune de ses conclusions étaient les suivantes :

            ·            les lettres écrites par la famille du demandeur et le témoignage rendu par sa soeur à l'appui de sa demande reflétaient leur penchant marqué et leur intérêt acquis dans l'issue de la demande et par conséquent, on leur a donné peu ou pas de poids;

·           le demandeur n'a ni appartenance politique ni profil politique, il n'a jamais servi dans l'armée et n'a pas le profil pouvant attirer l'attention de la NPA;


·           l'entrevue initiale avec l'agent d'immigration au point d'entrée (le PDE) a indiqué que le demandeur avait de fortes raisons économiques de faire une demande et elle n'a révélé aucun fondement à une crainte bien fondée;

·            la Commission a tiré une inférence négative quant à la crédibilité en se basant sur le malaise démontré par le demandeur au cours de son témoignage alors qu'il n'a pas répondu avec franchise et qu'il a dû chercher ses réponses;

            ·           bien que le demandeur ait fréquenté l'université à Manille de 1993 à 2002, il n'a pas connu de problème et il pourrait y déménager en toute sécurité.

[7]         Le demandeur a soulevé deux préoccupations relativement aux conclusions de la Commission. Premièrement, il conteste le rejet par celle-ci de la preuve corroborante des membres de sa famille. Deuxièmement, il s'oppose à la conclusion de la Commission quant à la PRI. Pour les motifs qui suivent, je n'accepte aucune de ces observations.

Le rejet des éléments de preuve provenant de la famille


[8]         On a accordé peu ou pas de poids aux lettres envoyées par la famille à l'appui de la demande du demandeur. Il soutient que la Commission n'a pas précisé si les raisons pour lesquelles la famille voulait quitter les Philippines étaient acceptées et que cela ferait une différence quant au poids qui devrait être accordé aux lettres.

[9]         Les motifs donnés par la Commission comportent divers énoncés concernant la situation aux Philippines. Plus particulièrement, la Commission note : les frères reçoivent une formation pour devenir soignants afin qu'ils puissent venir au Canada; les parents et un autre frère n'ont pas encore quitté parce qu'ils règlent des questions commerciales et, lors de l'entrevue avec l'agent d'immigration, le demandeur a fait remarquer que le chômage était élevé aux Philippines.

[10]       Bien que la Commission n'ait pas précisé, dans le même paragraphe que celui où il est question des lettres, ce qu'elle accepte au sujet de la situation aux Philippines, les motifs indiquent clairement que la Commission estime que le demandeur et sa famille se déplacent au Canada pour des raisons économiques et non par crainte de préjudice. En effet, la Commission accepte les éléments de preuve provenant de la famille du demandeur et au sujet de celle-ci à titre de corroboration de leurs motifs économiques. Le fait que les frères prennent le temps de se recycler et le fait que le reste de la famille liquide l'entreprise familiale constituent des indications, non pas de la nécessité de fuir le danger, mais plutôt d'une décision de changer de résidence pour des raisons économiques.


[11]       Le témoignage de la soeur du demandeur est placé dans une situation similaire aux autres membres de la famille et la Commission pouvait lui accorder peu de poids.

[12]       Il convient également de noter que la conclusion de la Commission ne reposait pas seulement sur un rejet de la preuve complémentaire de la famille. En plus, la Commission s'est penchée sur l'omission de la part du demandeur de décrire sa prétention au PDE, son absence de profil en tant que cible pour la NPA et son attitude tout au long de l'audience. Dans l'ensemble, je ne suis pas convaincue que la décision de la Commission était manifestement déraisonnable. Les éléments de preuve cités par la Commission suffisent amplement à étayer la conclusion selon laquelle le demandeur ne serait pas en danger s'il devait retourner aux Philippines.

La possibilité de refuge intérieur


[13]       La Commission a décidé que Manille constituait une PRI sécuritaire pour le demandeur. Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune PRI pour lui (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589; [1993] A.C.F. no 1172 (C.A.) (QL)). La Commission a conclu que le demandeur était libre de choisir son lieu de résidence et d'emploi aux Philippines et qu'il serait libre de vivre à Manille si tel était son choix. Bien que la Commission ait conclu qu'il y avait des indications d'activité de la guérilla aux Philippines, il n'y avait pas d'activité de ce genre à Manille. En outre, lorsque la NPA a, dans le passé, commis des violations des droits de la personne, elle visait des personnages politiques, la police, la sécurité, l'armée, des touristes, des juges et des prétendus criminels.

[14]       Dans ses motifs, la Commission note que le demandeur est un jeune homme de 27 ans, instruit et en bonne santé. La Commission le décrit comme « compétent, flexible et débrouillard » . Au cours de l'audience, en réponse à une question au sujet de la possibilité d'un déménagement à Manille, le demandeur a dit qu'il souhaiterait pouvoir déménager, mais [traduction] « il n'est pas facile de déménager et il n'est pas facile de vendre sa maison » . La Commission a conclut que ces préoccupations ne passaient pas le seuil du « déraisonnablement difficile » du critère pour une PRI et que, eu égard à toutes les circonstances, il était raisonnable que le demandeur déménage. Je suis d'accord. Le propre témoignage du demandeur ne démontre pas qu'il ne pourrait pas raisonnablement déménager à Manille.

[15]       Le demandeur m'a référée à un article de journal qui, fait-il valoir, constitue un élément de preuve selon lequel la NPA est active dans la région. Toutefois, je note que cet article n'affirme pas directement que Manille est soumise aux activités de la NPA. L'omission de mentionner ce seul article ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une erreur.


[16]       Après avoir examiné la preuve documentaire contenue dans le dossier, je suis convaincue que la Commission pouvait tirer la conclusion selon laquelle le demandeur disposait d'une PRI à Manille.

Conclusion

[17]       Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Aucune des parties n'ayant proposé de question pour la certification, aucune ne sera certifiée.

                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande est rejetée;

            2.          Aucune question n'est certifiée.

        « Judith A. Snider »

                                                                                                                                                                                      

        Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-3191-04

INTITULÉ :                                                             RONNIE MANLAPAZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 12 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                           LE 14 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Simon K. Yu                                                              POUR LE DEMANDEUR

Robert Drummond                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simon K. Yu                                                              POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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