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Date : 20200110


Dossier : IMM‑59‑19

Référence : 2020 CF 29

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2020

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

ALDO GUSTAVO BARRIOS

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Aldo Gustavo Barrios, un citoyen du Honduras, a obtenu le statut de réfugié et la résidence permanente au Canada. Il a par la suite obtenu un passeport du Honduras, où il a voyagé à plusieurs reprises. Lors d’un de ses retours au Canada, il a déclaré à un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) qu’il ne craignait plus d’être persécuté au Honduras.

[2]  Un autre agent de l’ASFC a ensuite convoqué M. Barrios à une entrevue. Lors de cette entrevue, M. Barrios a décrit à l’agent ses divers voyages au Honduras.

[3]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a par la suite présenté une demande de constat de perte de l’asile. M. Barrios a alors présenté une réponse par écrit.

[4]  Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a examiné la demande du ministre et l’a ensuite rejetée. La Commission a conclu que M. Barrios avait été privé de son droit d’être représenté par un conseil durant son entretien initial avec un agent de l’ASFC et durant son entrevue subséquente. Selon elle, ces deux entretiens avec les agents de l’ASFC équivalaient à des audiences visant à recueillir des éléments de preuve, et M. Barrios aurait dû être informé de son droit d’être représenté par un conseil. La Commission a exclu les éléments de preuve obtenus durant ces entretiens, de sorte que la preuve à l’appui de la demande du ministre était insuffisante.

[5]  Le ministre soutient que la Commission a commis une erreur en excluant des éléments de preuve pertinents et en concluant que l’agent de l’ASFC ignorait que M. Barrios avait obtenu le statut de réfugié; si l’agent avait su que M. Barrios avait obtenu le statut de réfugié, l’interrogatoire aurait alors été justifié. Selon la Commission, l’agent a eu connaissance du statut de réfugié de M. Barrios uniquement parce qu’il lui a posé des questions inappropriées. Le ministre me demande de renvoyer l’affaire à un autre tribunal de la Commission pour qu’il réexamine la demande de constat de perte de l’asile.

[6]  Je conviens avec le ministre que la Commission a commis une erreur en excluant des éléments de preuve au motif que M. Barrios avait été privé de son droit d’être représenté par un conseil. Il s’agissait d’éléments de preuve pertinents qui n’auraient pas dû être exclus. Par conséquent, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire et ordonnerai la tenue d’une nouvelle audience devant la Commission. Il n’est pas nécessaire d’examiner si la Commission a également commis une erreur en concluant que la preuve au dossier était par conséquent insuffisante pour constater la perte de l’asile de M. Barrios.

[7]  La seule question qui se pose est celle de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que le droit de M. Barrios d’être représenté par un conseil a été violé.

II.  Le droit de M. Barrios d’être représenté par un conseil a‑t‑il été violé?

[8]  La Commission a conclu que les personnes qui font l’objet d’une audience ont le droit d’être représentées par un conseil. Selon elle, toute preuve obtenue en violation de ce droit doit être écartée.

[9]  J’ai le pouvoir d’annuler la décision de la Commission dans la mesure où elle est incorrecte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Paramo de Gutierrez, 2016 CAF 211, au par. 44. À mon avis, la décision de la Commission était effectivement incorrecte. La Commission s’est fondée sur l’arrêt Paramo de Gutierrez pour affirmer que toute procédure préalable à une audience ouvre droit à l’assistance d’un conseil. Or, cet arrêt n’étaye pas cette thèse. La Cour d’appel fédérale a plutôt conclu que les demandeurs avaient le droit d’être représentés par un conseil lors d’une entrevue menée quelques semaines avant la tenue d’une audience devant la Commission. Dans cette affaire, les demandeurs faisaient déjà l’objet d’une instance devant la Commission et avaient le droit d’être représentés par un conseil conformément à l’article 167 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[10]  En l’espèce, M. Barrios ne faisait l’objet d’aucune instance devant la Commission au moment où il a été interrogé par les agents de l’ASFC. Ce n’est qu’à partir du moment où le ministre a présenté la demande de constat de perte de l’asile qu’il a fait l’objet d’une instance devant la Commission.

[11]  Qui plus est, la jurisprudence indique sans équivoque qu’une personne n’a généralement pas droit à l’assistance d’un conseil lors d’entrevues ou de procédures préalables à une audience : Dehghani c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 RCS 1053, aux par. 49 et 51; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bermudez, 2016 CAF 131, au par. 50; Paramo de Gutierrez (précité), au par. 54.

[12]  Par conséquent, la Commission a commis une erreur en concluant que M. Barrios avait le droit d’être représenté par un conseil et que les éléments de preuve obtenus lors des entretiens avec les agents de l’ASFC devaient être exclus. Il me faut donc renvoyer l’affaire à un autre tribunal de la Commission pour réexamen.

III.  Conclusion et dispositif

[13]  La Commission a commis une erreur en concluant que le droit de M. Barrios d’être représenté par un conseil a été violé et en excluant les éléments de preuve recueillis par les agents de l’ASFC. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑59‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour réexamen. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de février 2020

Mylène Boudreau, traductrice
ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Conseil

Right to counsel

167 (1) L’intéressé qui fait l’objet de procédures devant une section de la Commission ainsi que le ministre peuvent se faire représenter, à leurs frais, par un conseiller juridique ou un autre conseil.

167 (1) A person who is the subject of proceedings before any Division of the Board and the Minister may, at their own expense, be represented by legal or other counsel.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑59‑19

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c ALDO GUSTAVO BARRIOS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juin 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

Le 10 janvier 2020

COMPARUTIONS :

François Paradis

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Harry Virk

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Liberty Law Corporation

Abbotsford (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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