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Date : 20200122


Dossier : IMM-2852-19

Référence : 2020 CF 92

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

YUNUS GOKKOCA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  En l’espèce, le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a appliqué six normes de preuve différentes pour évaluer la demande d’asile du demandeur : « ce qui est susceptible de se produire », « sera persécuté », « est susceptible d’être persécuté », « serait persécuté », « convaincu » et « plus qu’une simple possibilité ». Selon le demandeur, l’adoption par la SAR d’énoncés divers et parfois erronés des critères juridiques applicables constitue une grave erreur de droit, d’où la présente procédure de contrôle judiciaire.

[2]  Toutefois, les arguments du demandeur consistent en des objections à certaines expressions qui ne font qu’étoffer les conclusions de la SAR sous la rubrique des critères juridiques appropriés.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter la demande.

II.  Faits

[4]  Le demandeur est citoyen de la Turquie. Il est d’origine ethnique kurde et adhère à l’alévisme. Il est également membre du Parti républicain du peuple [Cumhuriyet Halk Partisi ou CHP]. Depuis 2002, le CHP est le principal parti d’opposition politique de la Grande Assemblée nationale de Turquie. Le CHP est le plus ancien parti politique de Turquie.

[5]  Le demandeur prétend que ses enseignants turcs l’ont humilié et ont fait preuve de discrimination à son égard, et qu’il risque d’être persécuté en Turquie en raison de son soutien au CHP, de son origine ethnique kurde et de sa foi alévie.

[6]  En mai et juin 2013, le demandeur a participé à des manifestations. Lors de l’une de ces manifestations, le demandeur a été détenu, battu et ensuite libéré le lendemain. Il a également été photographié et interrogé au sujet de divers incidents. En 2015, le demandeur est devenu vice‑président du CHP dans sa ville. Il a également participé à une manifestation en octobre 2015 au cours de laquelle il a été battu, puis libéré le lendemain.

[7]  En mars 2016, le demandeur a été détenu pendant une manifestation. Le demandeur a été amené au quartier général de la sécurité par un agent de police, où il a été fouillé, battu et interrogé au sujet d’organisations illégales. Le demandeur a été libéré après 36 heures de détention.

[8]  À la suite de la tentative de coup d’État de juillet 2016 en Turquie, le demandeur a été régulièrement arrêté, fouillé et menacé de détention.

[9]  Au cours du référendum constitutionnel de 2017 en Turquie, le demandeur a travaillé pour la campagne du « non ». Pendant sa campagne, il a été confronté par le même agent de police qui l’avait harcelé en mars 2016, et il a été amené à la direction de l’antiterrorisme où il a été fouillé à nu, forcé de signer un rapport de fouille corporelle, humilié, soumis à la dactyloscopie, questionné, menacé de détention, battu et libéré après 36 heures. En avril 2017, il a été menacé par le chef de police de sa ville, qui a dit qu’il ne serait pas libéré la prochaine fois. Le camp du « oui » a finalement gagné le référendum, et la Turquie a depuis adopté le modèle de gouvernement de la présidence exécutive.

[10]  Le demandeur a de nouveau été menacé par le même chef de police après avoir participé à une manifestation tenue après les résultats du référendum constitutionnel.

[11]  En juillet 2017, le demandeur a obtenu un permis d’études au Canada. Le demandeur est arrivé au Canada le 19 juillet 2017. Le demandeur a par la suite appris de son père que le chef de police s’était présenté à leur domicile pour demander où il se trouvait, et que le même chef de police (qui avait menacé de le tuer en avril 2017) était venu au foyer familial à sa recherche au cours de la première semaine d’août 2017 et à la mi‑septembre 2018.

[12]  La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur en décembre 2017. Essentiellement, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, parce qu’il n’avait pas établi qu’il ferait face à plus qu’une simple possibilité de persécution en Turquie.

[13]  Au cours de l’audience, le conseil du demandeur a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve documentaire montrant que des partisans du CHP étaient ciblés ou maltraités en Turquie. La SPR a conclu que les allégations de mauvais traitements infligés au demandeur par les autorités turques étaient contredites par l’absence de preuve quant aux sévices à l’endroit des partisans du CHP. La SPR a également tenu compte du profil de risque résiduel du demandeur (moitié Kurde, de foi alévie et membre du CHP).

[14]  Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la SAR. Le demandeur a fait valoir en appel que la SPR n’avait pas effectué une analyse cumulative des motifs mixtes liés à son profil de risque en tant que Kurde, de foi alévie et membre du CHP. Le demandeur n’a pas contesté la conclusion de la SPR concernant l’invraisemblance des mauvais traitements qu’il a subis de la part des autorités turques.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[15]  Le 10 avril 2019, la SAR a maintenu la décision de la SPR. La question centrale portait sur le profil de risque du demandeur en tant qu’alévi, en tant que personne d’origine kurde et en tant que partisan du CHP. La SAR a rejeté la demande fondée sur l’article 96 du demandeur. La SAR a constaté qu’il n’y avait aucun élément de preuve selon lequel l’appui accordé au CHP causerait des problèmes au demandeur. La SAR a conclu que le profil du demandeur ne constituait pas un facteur de risque cumulatif en Turquie. La SAR n’était pas d’accord avec le demandeur pour dire que la SPR n’avait pas tenu compte des motifs mixtes liés à la demande d’asile. La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas besoin de protection, au sens de l’article 97, dans sa ville natale (Mersin) ou dans d’autres régions de la Turquie où la situation existante s’apparentait à une guerre civile.

IV.  Questions à trancher

[16]  La présente affaire soulève la question suivante :

La SAR a‑t‑elle adopté la norme de preuve appropriée dans son analyse de la demande d’asile du demandeur?

[17]  Bien que les arguments présentés dans le cadre du contrôle judiciaire soient différents, les affaires suivantes portent sur un ensemble de faits semblables à ceux de la présente affaire : Kuzu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 917; Kusmez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 948; Aydin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1329).

V.  Norme de contrôle

[18]  Les parties conviennent que la décision de la SAR est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable, avec raison à mon avis (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 23 [Vavilov]).

[19]  Lorsqu’une décision fait l’objet d’un contrôle pour en déterminer le caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision de la SAR « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au par. 99).

[20]  Un contrôle selon la norme du caractère raisonnable ne doit pas être perçu comme une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov, au par. 102, citant l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au par. 54).

VI.  Analyse

[21]  Le demandeur soutient que la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov ne constitue pas une dérogation aux précédents établis (Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1989 CanLII 5184 (CAF), [1989] 2 CF 680 [Adjei], et Alam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4 [Alam]) relativement au critère approprié à appliquer en ce qui concerne le risque de persécution. Je suis d’accord. Je n’interprète pas l’arrêt Vavilov comme une répudiation du critère bien établi du risque au sens de l’article 96 de la LIPR, à savoir s’il y a une possibilité raisonnable, ou plus qu’une simple possibilité, que le demandeur soir exposé à la persécution.

[22]  Le demandeur soutient toutefois que la SAR a adopté six normes de preuve pour évaluer la demande d’asile fondée sur l’article 96 et, invoquant les décisions Alam et Adjei, il soutient que le manque de clarté quant au choix de la norme de preuve par la SAR constitue une erreur susceptible de contrôle.

[23]  Dans l’affaire Adjei, la Commission d’appel de l’immigration [la Commission] a rejeté une demande d’asile au motif que le demandeur n’avait pas démontré l’existence d’une crainte fondée de persécution. Dans la formulation de sa décision, la Commission a déclaré que [traduction] « le critère consiste à savoir s’il y a une possibilité raisonnable ou des motifs sérieux de croire que le demandeur pourrait être persécuté » [italiques ajoutés] (Adjei, au par. 3).

[24]  La Cour d’appel fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que la Commission s’est fondée sur le critère des « motifs sérieux » comme équivalent du critère de la « possibilité raisonnable » pour déterminer si le demandeur était susceptible d’être persécuté s’il retournait au Ghana, son pays d’origine. Selon la Cour d’appel fédérale, en assimilant les « motifs sérieux » à une « possibilité raisonnable », la Commission a introduit un élément d’ambiguïté dans la formulation du critère lui‑même.

[25]  Or, ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce. Je conviens avec le défendeur que les objections du demandeur découlent d’une distorsion de la signification de la décision de la SAR. Il n’a pas compris la distinction entre la formulation d’un critère juridique et la reformulation des composantes d’un processus de réflexion.

[26]  Il ressort de l’examen de la décision de la SAR dans son ensemble, en particulier de la conclusion, que, contrairement à la situation dans l’affaire Adjei, la SAR ne s’est pas appuyée sur un critère erroné ou vague, mais sur le critère approprié à appliquer dans les circonstances. La Commission n’a pas imposé au demandeur un fardeau de la preuve plus rigoureux que celui exigé par la loi (Alam). Il me semble évident que la SAR a évalué la preuve en fonction de la norme juridique appropriée (Sivagnanasundarampillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 1109, au par. 14 [Sivagnanasundarampillai]; Talipoglu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 172, aux par. 27 et 28).

[27]  Les observations du demandeur se concentrent sur cinq expressions. J’exposerai chacune d’entre elles ci-dessous.

(1)  « Ce qui est susceptible de se produire »

[28]  Le demandeur soutient que la SAR a adopté une norme de preuve inappropriée au paragraphe 16 de sa décision, que je reproduis ici :

Toutefois, l’octroi de l’asile doit être de nature prospective, c’est‑à‑dire qu’il faut déterminer ce qui est susceptible de se produire si l’appelant est renvoyé dans son pays de nationalité. Malgré ce qui est arrivé ou non dans le passé, y a‑t‑il plus qu’une simple possibilité que l’appelant en l’espèce soit persécuté à son retour en Turquie?

[Non souligné dans l’original.]

[29]  Le demandeur soutient que, selon son sens ordinaire, l’énoncé « ce qui est susceptible de se produire » montre que la SAR a adopté une norme de preuve plus élevée et que, bien que la SAR ait établi le bon critère, lorsqu’elle a tenté d’expliquer ce qu’il signifiait, elle a tout de même commis une erreur.

[30]  Je conviens avec le demandeur que l’utilisation de l’énoncé « susceptible d’être persécuté » porte à confusion. Normalement, l’utilisation du mot « susceptible » signifie que le critère correspond davantage à la « prépondérance des probabilités » ou à « plus probable que le contraire ». Ce n’est pas le critère d’évaluation du risque de persécution.

[31]  Toutefois, je n’interprète pas le paragraphe 16 de la même façon que le demandeur. La référence à « ce qui est susceptible de se produire » ne vise pas à énoncer le critère de la persécution, mais il s’agit plutôt d’une référence au fait que le processus lui‑même est « de nature prospective ». En ce qui concerne l’évaluation du risque, la SAR a formulé le bon critère, à savoir s’il y a « plus qu’une simple possibilité que l’appelant en l’espèce soit persécuté ».

[32]  Je ne vois pas de confusion ici.

(2)  « Sera persécuté » et « risque réel de persécution »

[33]  Le demandeur soutient qu’aux paragraphes 25 et 26 de ses motifs, la SAR s’est donné la tâche de déterminer si le demandeur « sera persécuté » en Turquie. En voici un extrait :

25. Ce n’est pas le rôle de la SAR de se prononcer sur la justesse d’une cause plutôt qu’une autre, et c’est ce que je ferais si je me ralliais aux militants kurdes ou aux forces turques relativement à cette lutte. Mon travail est d’établir si l’appelant sera persécuté à son retour en Turquie.

26. Le document susmentionné, conjointement avec d’autres documents, montre fortement que l’appelant ne sera pas exposé à un risque réel de persécution en Turquie [...].

[Non souligné dans l’original.]

[34]  En ce qui concerne le paragraphe 25, le demandeur soutient qu’il n’appartient pas à la SAR de déterminer s’il fera face à la persécution. Toutefois, à la lecture du paragraphe en entier, il apparaît clair pour moi que la SAR ne clarifie pas un critère juridique. La SAR ne fait que préciser qu’elle ne prendra pas parti dans le conflit entre les séparatistes kurdes et le gouvernement turc actuel.

[35]  En ce qui concerne le paragraphe 26, l’utilisation de l’expression « risque réel de persécution » ne vise pas, encore une fois, à énoncer ou à expliquer le critère à appliquer dans l’évaluation de la persécution, mais sert plutôt à expliquer dans quelle mesure les documents mentionnés appuient l’argument du demandeur selon lequel il est exposé à une telle persécution.

[36]  Encore une fois, je ne vois rien ici qui laisse entendre que la SAR a combiné deux critères différents dans l’évaluation du risque de persécution.

(3)  Critère de l’article 96 par opposition au critère de l’article 97

[37]  Le demandeur fait valoir qu’au paragraphe 29, la SAR a appliqué un critère moins rigoureux à sa demande fondée sur l’article 97 et un critère plus exigeant (prépondérance des probabilités) à sa demande fondée sur l’article 96 :

En l’espèce, toutefois, le conseil a fait référence à de nombreuses photos et pages de divers documents au dossier (CND et articles). La plupart de ces documents portent sur ce qui est maintenant appelé un [traduction] « désastre en matière de droits de la personne » en Turquie. Dans la majorité des cas, les questions concernent non pas les Kurdes qui respectent la loi, mais bien les militants kurdes qui ont lancé ce qui équivaut à une guerre civile contre le gouvernement turc. Comme il a été mentionné précédemment, il ne me revient pas de décider quelle partie au conflit a raison ou tort. Ce que je peux établir, c’est si un Kurde qui ne participe pas aux activités de militantisme dans le Sud-Est de la Turquie est susceptible d’être persécuté. Y a‑t‑il plus qu’une simple possibilité que les Kurdes en général et l’appelant kurde en l’espèce soient exposés à une menace à leur vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumis à la torture?

[Non souligné dans l’original.]

[38]  Encore une fois, l’utilisation du mot « susceptible » peut laisser place à l’interprétation. Cependant, je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit qui tourne autour de ce mot à lui seul dans ce paragraphe ni que ce mot soit déterminant.

[39]  À l’examen de la décision de la SAR dans son ensemble, il me semble évident que la SAR avait à l’esprit le bon critère. Je suis de cet avis, notamment, parce que le critère approprié est énoncé ailleurs dans sa décision, en particulier dans la conclusion. Je tiens également compte de la conclusion suivante que la SAR formule au paragraphe 26, après avoir examiné les documents cités par le demandeur :

Si l’appelant retourne en Turquie et vit à Mersin, où habite sa famille, il ne devrait pas subir de persécution.

[40]  La SAR a conclu qu’il n’y avait aucune preuve manifeste de persécution envers le demandeur, peu importe la façon dont le paragraphe 29 doit être interprété.

[41]  Dans le contexte du paragraphe 29, il me semble que la SAR, encore une fois, fait attention de ne pas prendre parti dans le conflit politique qui perdure en Turquie et se concentre sur les risques auxquels le demandeur pourrait être confronté à son retour. Je ne vois ici aucune reformulation du critère applicable.

(4)  « Serait persécuté »

[42]  Le demandeur soutient qu’au paragraphe 32, la SAR a adopté une norme de preuve erronée lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le demandeur « serait persécuté » en Turquie.

[43]  Voici le paragraphe 32 :

En ce qui concerne un possible appel au titre du paragraphe 97(1), les documents au dossier révèlent que le Sud‑Est de la Turquie présenterait un risque important pour l’appelant, comme pour toutes les personnes qui vivent dans ce qui constitue presque une zone de guerre, entre les troupes du gouvernement et les militants kurdes. Cependant, l’appelant ne vit pas, et ne vivait pas, dans cette région. Il vient de Mersin, dans le Sud‑Ouest de la Turquie. L’appelant n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il serait persécuté à Mersin, ou dans les trois quarts de la Turquie, en raison de son appartenance ethno‑religieuse au CHP.

[Non souligné dans l’original.]

[44]  Il appert clairement à la lecture du paragraphe dans son intégralité que la SAR ne faisait que réitérer l’allégation du demandeur en appel, à savoir son allégation selon laquelle « il serait persécuté à Mersin, ou dans les trois quarts de la Turquie, en raison de son appartenance ethno-religieuse au CHP ». Il ne faut pas confondre le résumé de la SAR de l’allégation présentée par le demandeur en appel avec un énoncé d’un critère juridique.

(5)  « Convaincu »

[45]  Le demandeur conteste l’utilisation par la SAR du mot « convaincu » (au paragraphe 33) dans la demande d’asile fondée sur l’article 96, soutenant qu’il suppose une évaluation plus rigoureuse du seuil de risque (citant les décisions Chichmanov c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 832 [CAF], et Mirzabeglui c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 50 [CAF]). Selon le demandeur, l’utilisation par la SAR du mot « convaincu » constitue une erreur de droit évidente parce qu’elle implique une modification de la norme de preuve.

[46]  Voici un extrait du paragraphe 33, qui contient le résumé de la décision :

L’appelant ne m’a pas convaincu qu’il y a plus qu’une simple possibilité qu’il soit persécuté, exposé au risque de traitements ou peines cruels ou inusités ou au risque d’être soumis à la torture pour un motif prévu dans la Convention. Étant donné que l’appelant peut vivre en sécurité à Mersin ou dans de nombreuses autres régions de la Turquie, sa demande d’asile est rejetée également au titre du paragraphe 97(1).

[Non souligné dans l’original.]

[47]  L’utilisation du mot « convaincu » par la SAR n’était pas un énoncé d’un critère, mais plutôt une référence au défaut du demandeur d’établir le bien‑fondé de sa demande (voir, par exemple, les décisions Pararajasingham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1416, aux par. 50 à 52, et Ye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1221, aux par. 17 à 21).

[48]  Étant donné que le critère est correctement formulé dans le dernier paragraphe, j’estime que ce qui peut avoir été une utilisation plutôt vague de mots dans quelques paragraphes ne constitue pas une confusion de la part de la SAR, et ne constitue pas non plus la formulation d’un critère plus strict pour établir la persécution.

VII.  Conclusion

[49]  Le demandeur ne m’a pas convaincu que l’intervention de la Cour est justifiée en l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de compléter les motifs fournis par la SAR. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[50]  Au début de l’audience, l’avocat du demandeur a soulevé la possibilité de soumettre une question aux fins de certification, mais en fin de compte, aucune question ne fut proposée, et je n’ai pas relevé non plus de question importante à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2852-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24ejour de mars 2020.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2852-19

 

INTITULÉ :

YUNUS GOKKOCA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE l’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JANVIER 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 22 JANVIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Michael Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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