Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200128


Dossier : IMM-6557-18

Référence : 2020 CF 150

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

WISAL AHMED MANAN

(alias WISAL MANAN)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 6 février 2019 par la Section d’appel des réfugiés [la SAR], confirmant la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR], en vertu du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], selon laquelle le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la LIPR.

[2]  Le demandeur, Wisal Ahmed Manan, est un citoyen afghan. Il allègue que les talibans l’ont enlevé et l’ont gardé en otage pendant environ 11 mois parce que sa famille possédait une entreprise de fabrication de peinture qui vendait directement ou indirectement de la peinture au gouvernement afghan et à des organisations étrangères, et qu’ils étaient donc perçus comme des sympathisants et des collaborateurs du gouvernement afghan, des États-Unis et de leurs alliés.

[3]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire doit être renvoyée à la SAR pour un nouvel examen.

II.  Contexte

[4]  En 2001, la famille de M. Manan a fui l’Afghanistan pour se rendre à Peshawar, au Pakistan, après le début de la guerre en Afghanistan. Alors qu’elle était toujours à l’étranger, elle a créé en 2005 une entreprise de fabrication de peinture dans la province de Nangarhar, en Afghanistan. Vers 2006, des individus qui prétendaient être des agents talibans auraient confronté et menacé le père de M. Manan à Peshawar en lui disant que s’il ne fermait pas son usine [traduction« ce ne serait pas bon pour [sa famille] ». En raison de la présence des talibans à Peshawar et de l’appui dont ils jouissaient dans cette ville, la famille de M. Manan a déménagé dans la province de Nangarhar parce qu’elle craignait pour sa sécurité. Toutefois, étant donné qu’il fréquentait encore l’école secondaire, M. Manan est allé vivre avec son oncle maternel dans une autre région, à Peshawar, pour terminer ses études. Chaque année, pendant les vacances d’été, M. Manan retournait en Afghanistan pour passer du temps avec sa famille.

[5]  Après l’obtention de son diplôme, M. Manan est retourné dans la province de Nangarhar pour rendre visite à sa famille. Malgré les avertissements de son père, M. Manan jouait au cricket avec des amis à l’extérieur de sa maison le 14 juillet 2013 lorsqu’il aurait été enlevé sous la menace d’une arme par cinq hommes masqués. M. Manan soupçonne que les hommes lui ont fait une injection parce qu’il a perdu connaissance après avoir été forcé de monter dans l’un de leurs deux véhicules. Lorsqu’il s’est réveillé, M. Manan était attaché et enchaîné au sol dans une cellule qu’il a décrite en détail. L’un de ses ravisseurs l’aurait informé plus tard qu’ils se trouvaient dans la province de Kunar, dans une zone contrôlée par les talibans.

[6]  Environ sept mois après son enlèvement, les ravisseurs ont informé M. Manan qu’ils allaient appeler son père. Ils lui ont demandé de dire à son père que s’il ne faisait pas ce qu’ils demandaient, ils le tueraient. M. Manan a obéi et il a transmis ces menaces. M. Manan prétend qu’à la suite de cet appel, ses ravisseurs venaient fréquemment dans sa cellule pour le menacer avec une arme à feu ou un couteau ou lui proférer des menaces de mort. On lui a aussi donné des coups de pied à plusieurs reprises et on lui a dit que lui et sa famille n’étaient pas de vrais musulmans puisqu’ils faisaient des affaires avec le gouvernement afghan et les Américains et qu’ils collaboraient avec eux.

[7]  Vers le 5 juin 2014, soit quatre mois après sa dernière conversation avec son père, M. Manan aurait reçu la visite de trois hommes. On lui a dit que tout irait bien, puis on l’a attaché et il a une fois de plus perdu conscience. À son réveil, il était dans un véhicule avec son père et deux cousins et ils se dirigeaient vers la province de Nangarhar pour rentrer à la maison. Son père lui a dit plus tard qu’il avait payé la rançon de 50 000 dollars américains que les ravisseurs avaient exigée pour sa libération.

[8]  M. Manan a expliqué que le petit espace sombre où il a été détenu pendant des mois en isolement et que les menaces de mort qu’il recevait constamment ont eu de graves conséquences sur sa santé mentale. Pendant une longue période, il voulait seulement rester seul dans sa chambre, les lumières éteintes; il pleurait fréquemment (comme il le faisait lorsqu’il était captif); il se mettait en colère et ordonnait à ses parents de sortir chaque fois qu’ils entraient dans la pièce et il refusait de socialiser avec des amis. Finalement, ses parents l’ont envoyé voir un médecin qui lui a prescrit un relaxant, mais il ne l’a pas pris, craignant que cela ne l’empêche de poursuivre ses études. Il n’a toutefois pas été en mesure de poursuivre ses études en raison de l’état dans lequel il se trouvait.

[9]  Un mois après sa libération, il a déménagé à Kaboul avec sa famille. La production a pu reprendre lentement à l’usine de peinture, puisque les activités auraient été interrompues pendant l’enlèvement de M. Manan. Toutefois, quatre mois plus tard, les talibans ont assassiné un ouvrier de l’usine, ce qui a poussé le père de M. Manan à arrêter de nouveau la production. Une personne qui serait associée aux talibans a communiqué par la suite avec le père de M. Manan pour lui dire que les talibans les tueraient tous, car ils n’avaient pas tenu compte des avertissements antérieurs de mettre fin à la production. Cet homme aurait su que la famille avait quitté Peshawar pour déménager dans la province de Nangarhar, pour ensuite s’établir à Kaboul.

[10]  Craignant pour leur vie, l’un des frères de M. Manan et deux de ses oncles sont retournés au Royaume-Uni, un pays dont ils étaient citoyens. Le père de M. Manan, le principal pourvoyeur de la famille, a choisi de rester et de ne pas sortir de son domicile, à moins que cela ne soit nécessaire, par crainte d’être visé. M. Manan allègue que son père, bien qu’il ait pris des dispositions pour lui procurer un visa d’étudiant américain (afin qu’il puisse suivre une formation d’anglais langue seconde pour être admis dans un collège américain), lui a conseillé de se rendre au Canada et de présenter une demande d’asile à son arrivée, étant donné qu’un visa d’étudiant ne lui offrait aucune garantie d’obtenir un statut permanent et qu’un cousin s’était vu refuser sa demande d’asile aux États-Unis. En résumé, son père croyait que M. Manan serait plus susceptible d’obtenir une protection au Canada contre les persécutions qu’il subissait en Afghanistan.

[11]  M. Manan est arrivé à New York, aux États-Unis, le 16 décembre 2015. Il a pris un taxi pour Washington, D.C., puis un vol pour Seattle. Il a ensuite pris un autobus urbain pour Blaine, il a traversé le parc Peace Arch à pied, puis il a pris un taxi pour Vancouver, en Colombie-Britannique, au Canada. Bien que son père lui aurait conseillé de présenter sa demande d’asile à Vancouver, M. Manan a pris un autobus pour Toronto, car il avait déjà fait des recherches sur cette ville, mais il ignorait que le voyage en autobus prendrait trois jours. À son arrivée à Toronto, il a présenté une demande d’asile au poste de police. Par la suite, les agents de police ont communiqué avec l’Agence des services frontaliers du Canada, qui a placé M. Manan en détention aux fins de l’immigration jusqu’au 8 janvier 2016. Une fois libéré, M. Manan a séjourné au Youth Without Shelter et on lui a recommandé un avocat qui lui a fourni des conseils et de l’aide pour préparer sa demande d’asile.

III.  Décision de la SPR

[12]  Après trois audiences sur une période de deux mois, la SPR a rejeté la demande d’asile de M. Manan le 10 août 2017 en raison du manque de crédibilité de ses allégations concernant son expérience en Afghanistan et le risque auquel il s’exposerait s’il devait y retourner. En résumé, la SPR a conclu que le témoignage de M. Manan était invraisemblable et vague et que, selon la prépondérance des probabilités, l’enlèvement en Afghanistan n’avait pas eu lieu, mais qu’il s’agissait plutôt d’une [traduction« histoire inventée aux fins de la demande d’asile de M. Manan ». Par conséquent, la SPR a rejeté les allégations de M. Manan concernant un risque futur, c.-à-d. qu’il serait visé à son retour en raison de l’entreprise de sa famille, comme étant spéculatives et insuffisantes et elle a indiqué qu’il était impossible de conclure que M. Manan serait exposé à plus qu’une simple possibilité d’être persécuté ou de subir un préjudice au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[13]  En rejetant les allégations du demandeur, la SPR a conclu ce qui suit :

[14]  De plus, la SPR a conclu qu’il était invraisemblable que M. Manan soit le seul membre de sa famille visé (outre son père et ses 17 frères et sœurs) quelques jours seulement après son retour, compte tenu des menaces qui pèsent sur la famille de M. Manan depuis de nombreuses années. Comme elle avait déjà mis en doute la crédibilité de M. Manan pour d’autres motifs, la SPR a donc rejeté son explication selon laquelle il serait moins prudent que le reste de sa famille.

[15]  Enfin, la SPR a conclu que la preuve documentaire propre au pays faisant état du risque que représentent les talibans était générale et que, sans témoignage crédible, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que M. Manan était, ou pourrait être, visé personnellement en raison du profil de son père.

IV.  Décision contestée de la SAR

[16]  En affirmant avoir effectué sa propre analyse du dossier, la SAR a confirmé la décision de la SPR selon laquelle M. Manan n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger et elle a rejeté l’appel au titre du paragraphe 111(1) de la LIPR; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, aux para 58-59, 64, 78-79 et 103.

[17]  Selon la SAR, la crédibilité de M. Manan reposait sur la question de savoir s’il avait subi des blessures physiques au cours de son enlèvement présumé de 11 mois. Bien que M. Manan ait affirmé que pendant sa captivité, on l’aurait agressé, on l’aurait menacé avec différentes armes, on lui aurait proféré des menaces de mort et on lui aurait injecté un produit chimique inconnu à au moins deux reprises, la SAR a fait remarquer qu’il n’avait pas indiqué dans son formulaire FDA qu’il avait subi des blessures physiques pendant son enlèvement allégué. La SAR a conclu que ces omissions étaient déraisonnables puisque ses blessures étaient un élément fondamental de sa demande d’asile, qu’elles étaient décrites dans une lettre d’un médecin et que la divulgation de tels renseignements était explicitement exigée par les Règles de la SAR : Napoleon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 822, au para 30; Kroka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 728, au para 17; Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [les Règles de la SAR], al. 3(3)g) des Règles. En outre, la SAR a fait remarquer que M. Manan n’a pas contesté directement les conclusions de la SPR concernant sa crédibilité et qu’il n’a pas donné de précisions sur les témoignages qu’il a fournis de vive voix et par écrit à la SPR à cet égard. Bien que la SAR n’ait pas contesté le fait que M. Manan a subi les blessures décrites dans la lettre du médecin, la SAR a accordé peu de poids à cet élément de preuve, estimant que a) elle n’a pas pu vérifier de quelle façon ces blessures ont été subies : Egbesola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 204, aux para 12; b) la lettre a été rédigée quatre ans après l’enlèvement allégué. La SAR était d’avis qu’il aurait été raisonnable de la part de M. Manan de demander des soins médicaux pour traiter non seulement son état psychologique, mais aussi pour déterminer s’il avait subi des blessures physiques, ce qu’il n’a pas fait. La SAR a également conclu qu’il était déraisonnable que des membres de la famille de M. Manan [le père et un frère] n’aient pas indiqué, dans leurs témoignages fournis de vive voix et par écrit, qu’il avait subi des blessures physiques pendant son enlèvement.

[18]  En appel, M. Manan a voulu faire admettre une lettre de son père expliquant son absence et son incapacité subséquente à témoigner et fournir de plus amples renseignements sur l’enlèvement. La SAR a refusé d’admettre la lettre puisqu’elle n’était pas datée; comme il n’y avait pas de date, la SAR a affirmé qu’elle ne pouvait pas déterminer à quel moment la lettre avait été rédigée et, par conséquent, si elle répondait aux exigences en matière d’admissibilité énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96 [Singh], au para 44. Par conséquent, la SAR a refusé de tenir une nouvelle audience : LIPR, au para 110(6).

[19]  Enfin, la SAR a convenu avec la SPR que M. Manan ne serait pas exposé à un risque. Constatant que M. Manan a allégué que sa famille était en danger parce qu’elle possédait une entreprise, la SAR a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que les membres de sa famille avaient subi un préjudice aux mains des talibans et qu’il n’était pas crédible qu’il soit le seul membre de sa famille à avoir été victime des talibans. La SAR n’a pas non plus accordé de poids à un rapport psychologique selon lequel M. Manan présenterait des symptômes de stress post-traumatique puisque ce diagnostic était fondé sur les allégations de M. Manan qui ont été jugées non crédibles par la SPR.

V.  Questions

VI.  Nouveau cadre pour la détermination et l’application de la norme de contrôle applicable

[20]  Le 19 décembre 2019, la Cour suprême du Canada [la CSC] a rendu sa décision tant attendue dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], par laquelle elle adoptait un « cadre d’analyse révisé servant à déterminer la norme de contrôle applicable lorsqu’une cour de justice se penche sur le fond d’une décision administrative » reposant sur la « présomption [réfutable] voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable dans tous les cas », et fournissait des « indications plus précises […] sur l’application appropriée de la norme de contrôle de la décision raisonnable » : Vavilov, précité, aux para 10 et 11. Je conclus qu’aucune des situations permettant de réfuter la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable (résumé dans l’arrêt Vavilov, précité, au para 69) ne s’applique à la présente instance.

[21]  En ce qui concerne le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la CSC a déclaré dans Vavilov, précité, para 13 :

[13] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est une approche visant à faire en sorte que les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif. Il tire son origine du principe de la retenue judiciaire et témoigne d’un respect envers le rôle distinct des décideurs administratifs. Toutefois, il ne s’agit pas d’une « simple formalité » ni d’un moyen visant à soustraire les décideurs administratifs à leur obligation de rendre des comptes. Ce type de contrôle demeure rigoureux.

[22]  En bref, « [l]orsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » : Vavilov, précité, au para 15.

[23]  En ce qui concerne l’équité procédurale et le caractère raisonnable, la CSC a déclaré dans Vavilov, précité, au para 81 :

Notre analyse prend donc comme point de départ que, lorsque des motifs sont requis, ceuxci constituent le mécanisme principal par lequel les décideurs administratifs démontrent le caractère raisonnable de leurs décisions, tant aux parties touchées qu’aux cours de révision. En conséquence, la communication des motifs à l’appui d’une décision administrative est susceptible d’avoir des répercussions sur sa légitimité, à la fois au regard de l’équité procédurale et du caractère raisonnable de ceuxci sur le fond.

[24]  « Toute méthode raisonnée de contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse avant tout aux motifs de la décision. [Il faut] d’abord examiner les motifs donnés avec "une attention respectueuse", et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [la] conclusion » : Vavilov, précité, au para 84. Par conséquent, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit porter principalement sur la décision, notamment sur le raisonnement du décideur et le résultat de la décision. La cour de révision n’est appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision, y compris le raisonnement suivi et le résultat obtenu, et elle doit éviter de lui substituer sa propre analyse ou une décision qu’elle aurait préférée : Vavilov, précité, au para 83. Comme l’a fait remarquer la CSC, « [il] incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. [La] cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable » : Vavilov, précité, au para 100.

[25]  La CSC a conclu qu’il y a deux types de lacunes fondamentales qu’il convient de prendre en considération : « [la] première est le manque de logique interne du raisonnement. La seconde se présente dans le cas d’une décision indéfendable sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision » : Vavilov, précité, au para 101. Autrement dit, pour être jugée raisonnable, la décision doit être fondée sur un raisonnement à la fois rationnel et logique : Vavilov, précité, au para 102. La CSC a défini une décision raisonnable comme étant « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et […] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti [et cette norme] exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision » : Vavilov, précité, au para 85. Toutefois, la CSC a également conclu qu’il « ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision » : Vavilov, précité, au para 86 [italiques dans l’original]. La décision doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et elle doit être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes : Vavilov, précité, au para 99. « [Si] des motifs sont communiqués, mais que ceuxci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible […] la décision sera déraisonnable » : Vavilov, précité, au para 136. Toutefois, les motifs écrits « ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection » : Vavilov, précité, au para 91. Il faut plutôt les interpréter de façon globale et contextuelle pour comprendre le fondement sur lequel repose la décision : Vavilov, précité, au para 97.

[26]  En résumé, « le contrôle judiciaire porte à la fois sur le résultat et sur le processus » lorsqu’il s’agit de déterminer si la décision contestée était déraisonnable, en tenant compte de l’analyse [était-elle intrinsèquement cohérente, rationnelle et justifiée?] au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, précité, para 87. Compte tenu de ce cadre et de cette orientation, j’en viens maintenant à l’analyse de la décision contestée de la SAR, y compris le raisonnement et le résultat de cette décision. J’ajoute que la présente affaire a été entendue la même semaine où la CSC a rendu sa décision dans l’arrêt Vavilov. Les deux parties ont plaidé en faveur de l’applicabilité de la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, et dans des causes entendues entre-temps. La norme de la décision raisonnable s’applique toujours en l’espèce, bien qu’elle ait été reformulée dans l’arrêt Vavilov, ce qui n’a aucune incidence sur le résultat de l’affaire dont la Cour est saisie.

VII.  Dispositions pertinentes

[27]  Les dispositions applicables figurent à l’annexe A.

VIII.  Analyse

A.  La SAR a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre le nouvel élément de preuve présenté par M. Manan, en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR?

[28]  Je suis d’avis que la SAR a commis une erreur en examinant superficiellement la lettre du père de M. Manan. La SAR a déclaré, au paragraphe 20 de sa décision : « La SAR va procéder à l’analyse de l’admissibilité du nouvel élément de preuve proposé conformément au critère énoncé au paragraphe 110(4) et à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Singh [précité au paragraphe 44]. » Voici le libellé du paragraphe 44 de l’arrêt Singh :

[Il est] difficile de soutenir que les critères énoncés par la juge Sharlow dans l’arrêt Raza ne découlent pas tout aussi implicitement du paragraphe 110(4) que de l’alinéa 113a). On voit mal, notamment, comment la SAR pourrait admettre une preuve documentaire qui ne serait pas crédible. De fait, l’alinéa 171a.3) prévoit expressément que la SAR « peut recevoir les éléments de preuve qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision Il est vrai que l’alinéa 110(6)a) introduit également la notion de crédibilité aux fins de déterminer si une audience peut être tenue. À ce chapitre, cependant, ce n’est pas la crédibilité de la preuve elle-même qui doit être soupesée, mais bien la question de savoir si un élément de preuve par ailleurs crédible « soulève une question importante » relativement à la crédibilité générale de la personne en cause.

[29]  Toutefois, ce n’est pas ainsi que la SAR a procédé. Elle n’a pas tenu compte de la lettre pour établir le contexte et déterminer la date approximative de la lettre par suite de l’audience devant la SPR (ce qui est évident dans la lettre) et elle a omis de considérer la lettre comme un « élément de preuve par ailleurs crédible » qui aurait pu soutenir la crédibilité de M. Manan. Au contraire, la SAR a rejeté la lettre au motif qu’elle n’était pas datée et elle n’a donc pas pu déterminer si la lettre satisfaisait aux exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR, qui prévoit ce qui suit :

Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet. [Caractères gras ajoutés.]

[30]  Comme il est mentionné dans l’arrêt Akanniolu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 311, au para 40 :

Dans l’arrêt Singh, au paragraphe 63, la Cour d’appel fédérale a souligné que la SAR ne peut faire fi des critères législatifs clairs énoncés au paragraphe 110(4). De plus, les facteurs établis dans l’arrêt Raza, aux paragraphes 13 et 14 (crédibilité, pertinence, nouveauté et caractère substantiel), demeurent applicables par la SAR au moment de déterminer si de nouveaux éléments de preuve doivent être admis. La Cour d’appel fédérale a ajouté que seuls les éléments de preuve qui satisfont aux critères énoncés au paragraphe 110(4) sont admissibles.

[31]  Pourtant, en l’espèce, après avoir mentionné les critères législatifs énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR, la SAR a omis d’en tenir compte. Bien que la lettre du père ne soit pas datée, ce que l’avocat de M. Manan a qualifié de [traduction« technicalité » lors de l’audience, la lettre elle-même et l’affidavit de M. Manan permettent d’établir la période au cours de laquelle la lettre a été rédigée, soit quelque temps après l’audience devant la SPR (contenu de la lettre), soit à la mi-octobre 2017 (contenu de l’affidavit qui accompagne la lettre). Il est déraisonnable de la part de la SAR de ne pas avoir mentionné l’affidavit qui l’accompagne. En outre, la lettre et l’affidavit qui l’accompagne expliquent pourquoi la preuve, bien qu’elle existait à l’époque, ne pouvait pas être présentée à l’audience devant la SPR et pourquoi le père de M. Manan n’était pas en mesure de témoigner de vive voix à l’audience.

[32]  Le ministre soutient que M. Manan était tenu de fournir les éléments de preuve contenus dans la deuxième lettre de son père au moment de son audience, et qu’il était donc raisonnable pour la SAR d’exclure ces éléments de preuve parce qu’il ne s’agissait pas de nouveaux renseignements : Singh, précité; Dhrumu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 172, au para 27. Étant donné que M. Manan aurait raisonnablement dû savoir que ces renseignements étaient nécessaires à sa demande et que son père n’était peut-être pas disponible pour la deuxième audience, il aurait dû demander un ajournement. Toutefois, cette explication n’a pas été fournie par la SAR, qui, comme il a été mentionné précédemment, a écarté la lettre uniquement parce qu’elle n’était pas datée, ce qui témoigne d’un manque d’intelligibilité du processus décisionnel de la SAR.

[33]  Bien que « [le] rôle de la SAR ne consiste pas à fournir la possibilité de compléter une preuve déficiente devant la SPR » [Singh, précité, au para 54], il incombait néanmoins à la SAR de justifier sa conclusion concernant l’admissibilité de cette preuve, en présentant ses motifs, de manière transparente et intelligible, et en tenant compte du dossier dans son ensemble et des contraintes juridiques applicables. La SAR ne l’a pas fait.

[34]  La décision de la SAR, sur cette seule question, est déraisonnable en ce sens qu’elle n’est pas « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, précité, au para 85. En outre, il est clairement précisé dans l’arrêt Vavilov qu’« il n’est pas loisible à la cour de révision de faire abstraction du fondement erroné de la décision et d’y substituer sa propre justification du résultat [ou de le compléter] » : Vavilov, précité, au para 96. Cependant, dans un effort pour limiter, dans la mesure du possible, le « va-et-vient interminable de contrôles judiciaires et de nouveaux examens », je traiterai des deux questions restantes : Vavilov, précité, au para 142.

B.  La SAR a-t-elle commis une erreur en approuvant la conclusion de la SPR quant à la crédibilité?

[35]  M. Manan soutient que la SAR a entériné à tort la décision de la SPR sans effectuer son propre examen indépendant : Rozas del Solar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1145 [Rozas del Solar], aux para 125-126, 130, 135-136; Alvarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 702, au para 28; Eng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 711, aux para 29 et 34. Cette approche a fait en sorte que la SAR a omis de relever des erreurs importantes. À titre d’exemple, M. Manan affirme que la SPR et la SAR devraient tirer des conclusions sur la vraisemblance (ou l’invraisemblance) seulement dans les cas les plus évidents, étant donné que l’imposition de normes canadiennes sur le caractère raisonnable peut mener à des spéculations inacceptables et au rejet de diverses pratiques culturelles : Afonso c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 51, au para 26; Martinez Giron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 7, aux para 28-33; Valtchev c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CFPI 776 [Valtchev], aux par 7-9 et 26; Mahmood c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1526, au para 16. En l’espèce, il soutient qu’il n’était pas invraisemblable qu’il ait seulement demandé des soins médicaux pour son état psychologique, étant donné que les blessures physiques qu’il a subies à la suite de l’enlèvement étaient [traduction« très légères » – un fait accepté par la SPR. Il affirme que la SPR et la SAR, lorsqu’elles ont conclu que cela était invraisemblable, n’ont pas tenu compte du fait que a) ses problèmes médicaux étaient de nature psychologique et que c’est pour cette raison que ses parents l’ont finalement envoyé chez le médecin et qu’on lui a prescrit un médicament; b) ses blessures physiques étaient relativement mineures; c) ses blessures étaient guéries au moment de sa libération.

[36]  Pour sa part, le ministre soutient qu’il est légitime de mettre en doute la crédibilité d’un demandeur lorsque ce dernier omet des faits importants dans son formulaire FDA, mais qu’il décrit ces événements par la suite dans un témoignage de vive voix : Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 536 (CF 1re inst), aux para 5-9. Affirmant que M. Manan n’a pas contesté ces préoccupations en matière de crédibilité lors de l’appel devant la SAR, le ministre soutient que la conclusion défavorable à l’égard de la crédibilité de M. Manan était raisonnable et donc déterminante : Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 207, au para 28; Quintero Cienfuegos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262, aux para 25-26.

[37]  Le ministre soutient en outre qu’il ne s’agissait pas d’appliquer des normes occidentales déraisonnables à un contexte culturel différent, mais plutôt d’une cause où les éléments de preuve étaient insuffisants et qui soulevait des préoccupations quant à la crédibilité, ce qui relève de la compétence du juge des faits (la SPR ou la SAR) : Brar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] ACF no 346 (CAF); Castro c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 787 (CF 1re inst). Le ministre a reconnu que le témoignage de M. Manan était présumé vrai au départ, mais il soutient qu’un témoignage peut être réfuté lorsque la preuve n’est pas crédible ou qu’elle est invraisemblable, comme c’est le cas en l’espèce : Veloz Gudino c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 457, au para 18.

[38]  Le témoignage d’un demandeur d’asile est présumé véridique lorsqu’il est personnellement au courant des faits, à moins qu’il existe des raisons clairement expliquées d’en douter : Maldonado c Canada (M.E.I.), [1980] 2 CF 302; Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 228 [QL] (CAF), para 6. En outre, sauf lorsqu’il est clairement expliqué pourquoi l’évaluation de la crédibilité d’un demandeur confère un avantage certain à la SPR, par exemple lorsqu’elle s’appuie sur des preuves comportementales qui ne peuvent pas être reproduites au dossier, la SAR doit procéder à sa propre évaluation de la crédibilité : Rozas del Solar, précitée, aux para 93 et 106.

[39]  Premièrement, je conviens que la SAR a évalué de façon déraisonnable l’importance des blessures physiques de M. Manan lors de l’examen de sa demande. Dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, M. Manan affirme avoir reçu des coups de pied à plusieurs reprises; il n’a pas mentionné expressément les blessures résultant du traitement que lui auraient fait subir ses ravisseurs. Il a également affirmé que ses principaux problèmes étaient d’ordre psychologique et qu’il n’a pas quitté la maison avant que son état ne s’aggrave, ce qui a poussé ses parents à l’envoyer chez le médecin. Il est clair que l’élément central de sa demande d’asile n’était pas ses blessures physiques, mais plutôt son enlèvement et le traumatisme mental qui en a découlé. La SAR aurait dû mettre l’accent, à juste titre, sur ce que la preuve indique, à la lumière du témoignage de M. Manan, des photographies de ses cicatrices, de la lettre du médecin et de la lettre du psychologue clinicien, au sujet de ses blessures alléguées, tant physiques que psychologiques, plutôt que sur ce qu’elle n’indique pas : Feng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 18, au para 37.

[40]  Deuxièmement, je constate que la SAR a écarté de façon illogique le rapport psychologique et la lettre du psychologue clinicien. Bien que le rapport soit fondé en partie sur des allégations de M. Manan que la SPR a jugées non crédibles, le rapport du psychologue est également fondé sur son expertise professionnelle et ses propres observations de M. Manan lors d’une rencontre d’une heure et demie, ce que la SAR n’a pas mentionné lorsqu’elle a précisé qu’elle n’accordait aucun poids au rapport. La décision de la SAR ne permet pas de déduire ou de discerner la mesure dans laquelle elle a pris en considération le rapport, puisque la SAR précise que « le demandeur […] souffre d’un d’un trouble de stress post‑traumatique », alors que le rapport précise en fait ce qui suit : [traduction« […] bien que M. Manan ne satisfasse pas à tous les critères du DSM 5 pour le trouble de stress post-traumatique (TSPT), il présente des symptômes de stress post-traumatique » [caractères gras dans l’original.] En résumé, bien qu’il soit raisonnable d’accorder peu ou pas de poids aux preuves par ouï-dire contenues dans les documents médicaux, on ne peut pas dire que les décideurs ont agi de façon raisonnable en écartant des diagnostics médicaux ou liés à la santé alors qu’ils sont fondés sur l’expertise du médecin ou d’un autre fournisseur de soins de santé.

[41]  Troisièmement, j’estime que la SAR a conclu à tort que M. Manan n’a pas contesté les préoccupations de la SPR en matière de crédibilité ni fourni d’autres éléments de preuve pour clarifier ce qui a été présenté à la SPR : sous-alinéas 3(3)g)i) et (iii) des Règles de la SAR. Je constate que, dans ses observations présentées à la SAR (mémoire des arguments), M. Manan a souligné les erreurs qu’il croyait que la SPR avait commises en ce qui concerne le traitement de la preuve et les préoccupations relatives à la crédibilité. Par exemple :

[traduction]

Le commissaire a commis une erreur dans ses conclusions quant à la crédibilité de cet élément de preuve [faisant référence au fait que M. Manan n’avait pas trouvé son père] et il a commis une erreur en concluant qu’il était invraisemblable que le frère aîné du demandeur […] ait reçu peu de détails de la part de son père.

[…]

Il est également erroné de tirer une conclusion défavorable d’un témoignage franc et raisonnable. Lorsque la Commission conclut à un manque de crédibilité en se fondant sur des inférences, la preuve doit contenir des éléments qui étayent ces inférences. Il n’est pas loisible aux commissaires de fonder leur décision sur des hypothèses et des conjectures pour lesquelles il n’y a aucun fondement probatoire [renvoi omis], notamment ce que le commissaire estime être un échange plausible de renseignements dans une famille afghane traditionnelle. [Caractères gras ajoutés.]

[42]  Il est donc illogique de dire qu’il n’a pas contesté ces erreurs.

[43]  Quatrièmement, je constate que l’évaluation défavorable de la crédibilité qu’a faite la SAR, qui a été utilisée pour justifier l’exclusion de son témoignage, met l’accent sur le fait que M. Manan n’aurait pas a) décrit dans son formulaire FDA les blessures physiques qu’il a subies pendant qu’il était en captivité; b) demandé de soins médicaux pour soigner ses blessures après sa libération. À mon avis, ces conclusions de la SAR sont déraisonnables. Comme l’a souligné M. Manan, ces agressions sont mentionnées clairement dans son formulaire FDA :

[traduction]

À plusieurs reprises, ils [les ravisseurs] me donnaient des coups de pied en entrant ou en sortant de la pièce.

[44]  Le formulaire FDA devrait contenir un résumé des détails importants du récit du demandeur d’asile, y compris tous les faits et détails importants de la demande d’asile; l’omission de les mentionner peut affecter la crédibilité d’une portion ou de la totalité d’un témoignage : Ogaulu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 547 [Ogaulu], au para 18. Cela permet d’informer la SPR des aspects du récit d’un demandeur (et des questions possibles qu’il soulève), de sorte qu’elle puisse se préparer à tester et à vérifier son récit. La Cour a accepté depuis longtemps qu’un demandeur puisse fournir, lors d’un témoignage, des détails qui ne figurent pas dans un formulaire de renseignements personnels, et cela ne doit pas servir à contester la crédibilité d’un demandeur, à condition que les renseignements omis n’aient pas une incidence importante sur l’issue la demande : Ogaulu, précité, au para 19, citant Selvakumaran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 623, au para 20.

[45]  À mon avis et comme il a été mentionné, la demande d’asile de M. Manan n’est pas fondée sur la violence physique qu’il a subie pendant sa captivité; elle est fondée sur le fait qu’il aurait été enlevé et détenu en raison de l’entreprise de sa famille et de son soutien présumé au gouvernement afghan, aux États-Unis et à ses alliés. M. Manan n’était donc pas tenu de fournir plus de détails que ce qu’il a fait lorsqu’il a décrit ses blessures physiques dans son formulaire FDA; exiger le contraire est une analyse microscopique inacceptable de son témoignage. Je constate que lorsqu’il a été invité par la SPR à expliquer l’origine des cicatrices pour lesquelles il a fourni des photographies, M. Manan a simplement réitéré qu’on l’avait frappé et qu’on lui avait donné des coups de pied alors qu’il était [traduction] « presque nu ». Ce témoignage correspond à l’information fournie dans son formulaire FDA et, à mon avis, il ne s’agit pas d’une exagération. La SAR a donc été déraisonnable en utilisant cette preuve pour mettre en doute sa crédibilité, plutôt que de chercher à déterminer si les photographies corroboraient son allégation.

[46]  Je conviens également que la SAR n’a pas été raisonnable en concluant qu’il était invraisemblable que M. Manan n’ait pas demandé de soins médicaux pour ses blessures physiques après sa libération. Les conclusions d’invraisemblance ne sont permises que dans les cas les plus évidents : Valtchev, précité, au para 7; XY c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 39, au para 49. Comme cela est expliqué dans l’arrêt Valtchev, « [le] tribunal doit être prudent lorsqu’il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur » : Valtchev, précité, au para 7.

[47]  Les circonstances dans lesquelles les Canadiens pourraient demander des soins médicaux professionnels ne devraient pas être appliquées aux non-Canadiens, surtout ceux qui vivent dans des environnements très instables comme l’Afghanistan et qui souffrent de traumatismes psychologiques. Je constate que M. Manan et la SAR estiment que les blessures physiques de M. Manan sont des blessures mineures (subies durant l’enfance), c.-à-d. pas très graves. En outre, M. Manan et son frère ont tous deux fourni des éléments de preuve démontrant que les membres de leur famille ne sortaient pas de la maison, à moins que ce soit absolument nécessaire, parce qu’ils s’inquiétaient de leur sécurité, des préoccupations qui sont confirmées dans la lettre du père (rejetée). De plus, selon la preuve fournie par M. Manan, après sa libération, il a passé la majeure partie de son temps isolé dans sa chambre, les lumières éteintes, en raison de son état mental. Par conséquent, il n’est pas invraisemblable que M. Manan ait cru que ses blessures physiques n’exigeaient pas de soins médicaux professionnels et qu’il n’ait pas consulté un médecin au terme de sa captivité alléguée. Ses parents ont finalement envoyé M. Manan voir le médecin pour évaluer son état psychologique. La SAR n’a fait aucune mention de cette visite et n’a pas non plus cherché à établir si cela corroborait son affirmation selon laquelle il souffrait en permanence de détresse psychologique, et non pas de détresse physique. Cette omission de la SAR était déraisonnable. À cette omission s’ajoute son refus apparent de tenir compte du rapport du psychologue clinicien, auquel elle n’a accordé aucun poids en raison des conclusions de la SPR quant à la crédibilité.

C.  La SAR a-t-elle commis une erreur dans son évaluation des risques futurs au titre de l’article 97?

[48]  M. Manan affirme que la SAR a commis plusieurs erreurs dans l’analyse qu’elle a effectuée au titre de l’article 97 de la LIPR en omettant a) de tenir compte du fait que la famille de M. Manan a été ciblée parce que son entreprise a fourni de la peinture à des entreprises étrangères et nationales qui travaillent sur des projets dirigés par le gouvernement; b) de déterminer si la lettre de menace reçue des talibans et la deuxième lettre du père de M. Manan (qui mentionnait le meurtre d’un employé de l’entreprise familiale par les talibans, mais que la SAR a refusé d’admettre) constituaient des preuves suffisantes du risque continu auquel la famille était exposée en raison de ses intérêts commerciaux; c) de reconnaître que les menaces de violence devraient également être prises en considération dans l’évaluation des risques futurs, puisque les préjudices physiques ne sont pas une condition préalable à l’évaluation des risques futurs; d) de faire suffisamment référence aux éléments de preuve objectifs concernant les conditions dans le pays, ce qui doit être fait même si une allégation est rejetée pour des motifs liés à la crédibilité : Attakora c Canada (Ministre de l’Immigration et de l’Emploi), [1989] ACF no 444, [1989] 99 NR 168 (CAF), au para 13; SS c Canada (Citoyenneté et Immigration), 1999 CanLII 20205 (CF), (1999), 167 FTR 140.

[49]  M. Manan soutient que la SAR devait établir ses facteurs de risque particuliers et déterminer s’ils étaient personnels ou généraux : Ortega Arenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344 [Ortega Arenas], au para 9, s’appuyant sur l’arrêt Portillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678 [Portillo], aux para 40-41. À la lumière des extraits des Principes directeurs du HCR relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile afghans du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (onglet 1.5 du cartable national de documentation) et du rapport du Département d’État des États-Unis intitulé Country Reports on Human Rights Practices in Afghanistan (onglet 2.1 du cartable national de documentation), il soutient qu’il y a eu de nombreuses preuves démontrant qu’il satisfait aux exigences de l’article 97 de la LIPR. La SAR a donc commis une erreur susceptible de contrôle en omettant d’examiner ces éléments de preuve et d’en tenir compte : Johal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CanLII 5967 (CF), [1997] ACF no 1760 (CFPI), au para 10. J’ajoute que cela s’applique également à la question précédente concernant la crédibilité de M. Manan et aux éléments de preuve relatifs à son état psychologique étant donné qu’il s’agit d’un élément important de sa demande d’asile.

[50]  Le ministre affirme que la décision rendue par la SAR au titre de l’article 97 de la LIPR doit être prise en considération dans le contexte de ses conclusions quant à la crédibilité du demandeur. Étant donné que son témoignage n’était pas crédible et qu’il n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve supplémentaires sur ses profils de risque allégués, la demande de M. Manan était insuffisante. La conclusion de la SAR était donc raisonnable dans les circonstances.

[51]  L’article 97 de la LIPR protège les demandeurs avec un profil personnel qui les expose à un risque plus élevé que la population générale, et ce, qu’ils aient qualité de réfugié au sens de la Convention ou non. Le juge Norris a récemment résumé les deux questions applicables à l’analyse des exigences de l’article 97 de la LIPR : Komaromi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1168, aux para 25-26, citant Portillo, précité :

[25]  […] Tout d’abord, la SPR doit considérer s’il existe un risque permanent éventuel et, le cas échéant, en définir précisément la nature. La SPR doit ensuite comparer le risque auquel est exposé le demandeur d’asile à celui auquel doit faire face une partie importante de la population de son pays pour déterminer si ces risques sont similaires de par leur nature et leur gravité. Si les risques ne sont pas les mêmes, le demandeur d’asile aura droit à une protection au titre de l’article 97 : voir Portillo, aux paragraphes 40 et 41. Comme l’a expliqué par la suite la juge Gleason dans Ortega Arenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344, cette deuxième étape fait appel à une analyse « prospective qui ne touche pas tant à la cause du risque qu’à la probabilité de ce qui arrivera au demandeur à l’avenir, comparativement à l’ensemble ou à un segment significatif de la population en général » (au paragraphe 14).

[26]  La décision Correa est compatible avec ce cadre d’analyse. De ce que je saisis de ses motifs, le juge Russell tentait de concilier deux courants jurisprudentiels de la Cour en ce qui a trait à la manière de distinguer le risque personnel du risque généralisé. Dans Correa, comme dans d’autres décisions se rapportant à l’article 97, l’erreur susceptible de contrôle tenait au fait que la SPR avait confondu les raisons pour lesquelles le demandeur avait été pris pour cible avec le risque lui-même (paragraphes 93 et 94). Si nous prenons ainsi l’exemple d’un homme d’affaires victime d’extorsion, il serait erroné de la part de la SPR de conclure à l’existence d’un risque généralisé, étant donné que les gens d’affaires sont généralement la cible d’extorsion, sans tenir compte la façon particulière dont le demandeur d’asile avait été pris pour cible et sans se demander s’il était de ce fait personnellement exposé à un risque permanent éventuel, comparativement aux autres.

[52]  La demande d’asile de M. Manan fondée sur l’article 97 repose sur le fait qu’il aurait été enlevé parce que les membres de sa famille sont perçus comme des sympathisants et des collaborateurs du gouvernement afghan, des États-Unis et de leurs alliés (c.-à-d. les influences et les intérêts de l’Occident) en raison de leur entreprise de peinture familiale. Dans le cadre de cette demande d’asile, M. Manan a présenté des témoignages et des preuves documentaires sur l’entreprise de sa famille, et lui et des membres de sa famille ont attesté des menaces que leur famille a reçues en raison de contrats d’affaires conclus avec des parties affiliées au gouvernement de l’Afghanistan et à l’Occident. Le ciblage de personnes ayant de tels profils est corroboré par des renseignements objectifs figurant dans le cartable national de documentation sur l’Afghanistan : onglets 1.5 et 2.1. Lorsque la SPR a rejeté ces éléments de preuve comme étant insuffisants, M. Manan a évoqué ce refus comme motif d’appel devant la SAR. La SAR devait donc procéder à une nouvelle évaluation ou à sa propre évaluation de ce motif.

[53]  Au lieu de s’en remettre à ces éléments de preuve, la SAR a conclu que puisque les allégations d’enlèvement de M. Manan n’étaient pas crédibles, il ne serait exposé à aucun risque. Le problème avec cette approche est que la SAR n’a pas mis en doute la crédibilité de M. Manan sur tous les points, mais seulement en ce qui a trait à son enlèvement allégué. Par conséquent, la preuve selon laquelle la famille de M. Manan avait une entreprise de peinture, aurait reçu des lettres de menace des talibans (dont une copie a été fournie) et a dû déménager à quelques reprises au Pakistan et en Afghanistan, de même que les preuves concernant le déménagement de certains membres de la famille au Royaume-Uni ainsi que la fermeture et la réouverture de l’usine en raison de ces menaces sont demeurées dans le dossier et auraient donc dû être prises en considération. La SAR n’a jamais cherché à déterminer si, en raison de cette entreprise, M. Manan et sa famille étaient exposés à un niveau de risque plus élevé que le reste de la population, comme l’exige l’article 97 de la LIPR.

[54]  Comme cela est expliqué en détail dans Rozas del Solar, la SAR instruit un appel complet et fondé sur les faits, compte tenu du fait que l’un des principaux objectifs de la LIPR est de reconnaître que le programme pour les réfugiés du Canada vise avant tout à sauver des vies : Rozas del Solar, précité, aux para 135-136; LIPR, à l’al. 3(2)a). Il incombait donc à la SAR d’évaluer le risque auquel s’expose M. Manan en tant que sympathisant du gouvernement afghan et collaborateur de l’Occident ainsi que les répercussions alléguées sur sa famille, y compris les menaces de mort contre les membres de sa famille, l’enlèvement de M. Manan contre rançon et le meurtre d’un employé de l’entreprise familiale. Le fait de ne pas en avoir tenu compte rend la décision déraisonnable.

IX.  Conclusion

[55]  À mon avis, la SAR n’a pas procédé à une analyse complète et holistique du dossier pour déterminer si la SPR a commis une erreur; elle a donc commis une erreur elle-même dans son évaluation des nouveaux éléments de preuve proposés par M. Manan en approuvant les conclusions de la SPR quant à sa crédibilité et en omettant de procéder à une évaluation solide au titre de l’article 97. La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, la décision de la SAR est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Aucune des parties n’a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6557-18

LA COUR DÉCLARE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie; la décision de la Section d’appel des réfugiés est cassée; l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section d’appel des réfugiés afin qu’une nouvelle décision soit rendue; il n’y a pas de question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »


ANNEXE A : Dispositions applicables

[1]  La partie 2 de la LIPR régit le régime canadien de protection des réfugiés. Le Canada accorde l’asile aux personnes qui ont qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger : LIPR, art. 95-97.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)

Immigration and Refugee Protection Act (S.C. 2001, c. 27)

95 (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

95 (1) Refugee protection is conferred on a person when

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

(c) except in the case of a person described in subsection 112(3), the Minister allows an application for protection.

(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

(2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

[2]  En première instance, la SPR est le décideur autorisé en ce qui concerne les demandes d’asile : LIPR, au para 107(1).

107 (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

107 (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

[3]  Les demandeurs qui ne sont pas autrement privés de ce droit peuvent interjeter appel devant la SAR des décisions défavorables de la SPR à leur endroit : LIPR, au para 110(1).

110 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), la personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, porter en appel — relativement à une question de droit, de fait ou mixte — auprès de la Section d’appel des réfugiés la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile.

110 (1) Subject to subsections (1.1) and (2), a person or the Minister may appeal, in accordance with the rules of the Board, on a question of law, of fact or of mixed law and fact, to the Refugee Appeal Division against a decision of the Refugee Protection Division to allow or reject the person’s claim for refugee protection.

[4]  Dans le cadre d’un appel devant la SAR, les demandeurs ne peuvent présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de leur demande d’asile ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’ils n’auraient pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet : LIPR, au para 110(4).

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[5]  Pour décider si elle admet ou non ces nouveaux éléments de preuve, la SAR tient compte de plusieurs facteurs : Règles de la SAR, aux para 29(1) et (4); LIPR, al. 171(a.3).

Règles de la Section d’appel des réfugiés (DORS/2012-257)

Refugee Appeal Division Rules (SOR/2012-257)

29 (1) La personne en cause qui ne transmet pas un document ou des observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique ne peut utiliser ce document ou transmettre ces observations écrites dans l’appel à moins d’une autorisation de la Section.

29 (1) A person who is the subject of an appeal who does not provide a document or written submissions with the appellant’s record, respondent’s record or reply record must not use the document or provide the written submissions in the appeal unless allowed to do so by the Division.

[…]

(4) Pour décider si elle accueille ou non la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent, notamment :

(4) In deciding whether to allow an application, the Division must consider any relevant factors, including

a) la pertinence et la valeur probante du document;

(a) the document’s relevance and probative value;

b) toute nouvelle preuve que le document apporte à l’appel;

(b) any new evidence the document brings to the appeal; and

c) la possibilité qu’aurait eue la personne en cause, en faisant des efforts raisonnables, de transmettre le document ou les observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique.

(c) whether the person who is the subject of the appeal, with reasonable effort, could have provided the document or written submissions with the appellant’s record, respondent’s record or reply record.

 

171 S’agissant de la Section d’appel des réfugiés :

171 In the case of a proceeding of the Refugee Appeal Division,

[…]

(a.3) elle peut recevoir les éléments de preuve qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision;

a.3) the Division may receive and base a decision on evidence that is adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances;

[6]  La SAR peut confirmer la décision de la SPR, y substituer une autre décision ou renvoyer l’affaire en vue d’un nouvel examen : LIPR, au para 111(1).

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

[EN BLANC/BLANK]

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

[EN BLANC/BLANK]

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

[EN BLANC/BLANK]

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re-determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

 



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.