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     Date : 19980604

     Dossier : IMM-1991-97

OTTAWA (Ontario), le 4 juin 1998.

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

ENTRE

     ZHOU HAO,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     SUITE à l'audition de la demande de contrôle judiciaire du demandeur le 24 mars 1998, à Toronto, la Cour, ayant statué oralement sur l'affaire et jugé bon de surseoir à se prononcer sur la certification ou non d'une question,

ORDONNE que la demande visant à annuler la décision no S970200057 de l'agent des visas Alston datée du 18 avril 1997, soit, par les présentes, rejetée; et

LA COUR, pleinement convaincue des motifs prononcés à l'audience et de la décision du juge McKeown dans la cause Yu (tutrice à l'instance) c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994) 21 Imm.L.R. (2d) 1, s'abstient de certifier la question que M. le juge Gibson a certifiée dans l'affaire Wong (tutrice à l'instance) c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1997) 39 Imm.L.R. (2d) 78, ou toute autre question.

                             F. C. Muldoon

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980604

     Dossier : IMM-1991-97

OTTAWA (Ontario), le 4 juin 1998.

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

Entre

     ZHOU HAO,

     demandeur,

     et

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimée.

     Que la transcription révisée ci-jointe des motifs d'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 mars 1998, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                             F. C. Muldoon

                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 juin 1998

     Date : 19980604

     Dossier : IMM-1991-97

ENTRE

     ZHOU HAO,

     demandeur,

     et

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (prononcés à l'audience le 24 mars 1998)

LE JUGE MULDOON

[1]      La Cour doit interpréter la preuve et la loi. Commençons par les articles 8 et 9 de la Loi.

[2]      Le paragraphe 8(2) a été versé au dossier par M. Eastman. Le paragraphe 8(1) débute ainsi :

         Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.                 

[3]      Le paragraphe 8(2) a été ensuite cité.

Le paragraphe 9(1.2) prescrit ce qui suit :

         La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.                 

Telle est la loi édictée par le Parlement.

[4]      Un immigrant est une personne qui cherche à s'établir alors qu'un visiteur est une personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer.

[5]      Le paragraphe 5(3) est également intéressant :

         Les visiteurs qui remplissent les conditions prévues à la présente loi et à ses règlements peuvent obtenir une autorisation de séjour et demeurer au Canada pour la durée pour laquelle ils ont été admis ou qui est par ailleurs autorisée.                 

[6]      Les questions soulevées dans le cadre de cette loi concernent le pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas lorsqu'il traite avec des personnes en quête d'un visa de visiteur. Telle est la loi édictée par le Parlement.

[7]      Depuis que la Charte canadienne des droits et libertés (béni soit-elle) a vu le jour, les juges seraient portés, trop souvent peut-être, à croire qu'ils peuvent légiférer s'ils ne sont pas d'accord sur ce que dit le Parlement et qu'ils peuvent y apporter des modifications de façon à ne heurter les sentiments de personne.

[8]      La Cour n'a aucune raison de mettre en doute la sincérité du demandeur; elle doit cependant considérer le régime que le Parlement a établi. Dans l'optique du demandeur, aller à l'université au Canada signifie entrer à l'université ou à l'école secondaire dans un pays différent. Il ne s'agit pas de présenter une demande et d'être accepté, mais d'y entrer tout simplement.

[9]      Si l'on pouvait s'assurer que les étudiants formés au Canada retourneraient dans leur pays, il serait vraiment opportun d'accueillir tous les candidats que nous pourrions accommoder. Ce faisant, le Canada pourrait exercer une certaine influence sur l'éducation des dirigeants de pays étrangers.

[10]      L'avocat du défendeur a pertinemment demandé s'il était possible de prouver que la décision de l'agent des visas était arbitraire et qu'il a agi en l'absence de preuve ou au mépris de celle-ci. Voilà apparemment une grosse difficulté, malgré les arguments sérieux que l'avocat du demandeur a habilement fait valoir devant la Cour.

[11]      Le demandeur, il faut le dire, n'a aucune raison d'être insatisfait de son avocat, pas plus que le défendeur du sien. Tous deux ont fait preuve d'aisance et de professionnalisme.

[12]      L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire reconnu par la loi limite la compétence d'un tribunal d'examen. C'est là le principe établi depuis assez longtemps déjà dans un arrêt dont le nom est sur toutes les lèvres, à savoir Maple Lodge Farms Limited c. Canada, et dont une citation s'applique apparemment en l'espèce; elle est tirée des motifs du juge McIntyre (voir [1982] 2 R.C.S. 2. En voici le texte :

             C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé.                 
             Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.                 

[13]      On en arrive alors aux décisions citées par le demandeur devant la Cour, l'une étant Yu (tutrice à l'instance) c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 21 Imm. L.R. (2nd) 1, une décision du juge McKeown, et l'autre, Wong [encore] (tutrice à l'instance) [du fait que Wong, à l'instar de Yu, est mineur], c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1997) 39, Imm. L.R. (2d) 78.

[14]      Dans la décision Yu, le juge McKeown a admis l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. Il dit au paragraphe 2 de ses motifs :

         Une personne ne peut entrer au Canada que de trois façons seulement, conformément à la Loi sur l'immigration, sauf dans des cas spéciaux qui ne s'appliquent pas en l'espèce. La personne doit être un immigrant, un résident permanent ou un visiteur. La requérante se situe dans la catégorie des visiteurs puisqu'elle ne tombe sous le coup d'aucune des exclusions prévues aux alinéas a), b), c) et d) de la définition d'un visiteur                 

[15]      Il s'agissait en l'occurrence d'une enfant; les agents des visas ont étudié les observations pertinentes objet des paragraphes 10 et 11 de son affidavit et de sa lettre, tout comme c'est le cas ici où l'on trouve une lettre du demandeur, une autre de son conseiller et d'autres encore qu'il a versées au dossier et dont il a fait état dans ses motifs.

[16]      Et le juge McKeown de dire ensuite :

         Il n'y a rien d'arbitraire dans la façon dont elle                 

[il s'agit de l'agent des visas]

         ... a exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider si la requérante cherchait à entrer au Canada à titre temporaire.                 

Un séjour de 10 ans n'est pas temporaire vu les autres circonstances de l'espèce compte tenu de l'intention de poursuivre des études.

[17]      Dans la décision Wong, le juge Gibson avait affaire à une situation semblable. Il s'agissait d'un jeune garçon de 10 ans qui venait au Canada. Durant l'entrevue, sa mère a dit espérer que son fils terminerait ici ses études universitaires. L'agent des visas s'inquiétait du fait qu'après un séjour de 12 ans au Canada, les liens de l'enfant avec Hong Kong et sa connaissance du pays d'origine seraient insuffisants.

[18]      Ayant revu les précédents jurisprudentiels, le juge Gibson s'est dit en désaccord avec son collègue McKeown sur sa décision dans l'affaire Yu. Il s'est exprimé ainsi dans Wong :

         ... d'après des faits très semblables aux faits de l'espèce, le juge McKeown a conclu qu'une agente des visas n'avait pas commis d'erreur susceptible de contrôle en prenant une décision identique à celle de l'agent des visas en l'espèce. Il                 

[c'est-à-dire, le juge McKeown]

         indique ceci : Il n'y a rien d'arbitraire dans la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire...                 

et ainsi de suite, comme on l'a déjà dit.

         En toute déférence...                 

de dire le juge Gibson :

         ... j'en arrive à une conclusion différente.                 

Et c'est ce qu'il a fait.

[19]      Au paragraphe [10] de ses motifs, il a dit ce qui suit :

             Les aspirations ou les espoirs et les rêves de la mère du requérant mineur pour ses études n'étaient, au 12 août 1996, rien de plus que des aspirations et des rêves.                 
             À un certain moment dans les études du requérant mineur, il pourra devenir évident que ces aspirations sont en train de se réaliser et que le requérant mineur a des liens plus forts avec le Canada qu'avec Hong Kong.                 

Et de poursuivre en ces termes :

             Mais tenir compte de ces aspirations ou espoirs et de ces rêves... était, j'en conclus, prendre en compte une considération non pertinente...                 

[20]      Bon! Y a-t-il un plan? Un objectif? Une intention? Et, dans l'affirmative, comment, s'interroge la Cour, cela différerait-il des espoirs, aspirations et rêves?

[21]      La Cour conclut que l'espoir avoué de voir l'enfant poursuivre jusqu'au bout des études universitaires est de même nature qu'une intention, un plan, un rêve ou une aspiration. Telle était l'intention que le parent a exprimée.

[22]      En l'espèce, nous avons en main la lettre initiale du demandeur et celle de son conseiller. Lorsque M. Alston, l'auteur de la décision contestée, a fait état de la lettre du conseiller, les propos qu'il tient aux paragraphes 8 et 9 sont persuasifs. Il en est de même du paragraphe 6 où il dit :

         [TRADUCTION]                 
             Il m'est apparu que cet étudiant chinois voulait abandonner ses études en Chine pour essayer d'apprendre l'anglais, puis recommencer et achever ses études secondaires au Canada en se soustrayant en ce moment-ci au système chinois. J'estime qu'il sera énormément difficile, sinon impossible au demandeur de réussir les examens d'admission à l'université chinoise et de s'intégrer de nouveau au système d'éducation chinois. Au-delà du simple désir de poursuivre ses études universitaires au Canada, le demandeur n'aurait effectivement pas d'autre choix que de les entreprendre ailleurs qu'en Chine s'il devait commencer ses études secondaires comme il en a l'intention.                 
             J'ai conclu que le demandeur ferait face à de graves difficultés pour se réinsérer dans la société chinoise, considérant la longueur des études qu'il envisage de faire et le temps qu'il voudrait demeurer au Canada pour apprendre l'anglais et terminer ses études secondaires et universitaires. Le demandeur n'a donc pas réussi à me convaincre de sa vraie qualité de visiteur.                 

Il nous faut donc revenir, bien sûr, au paragraphe 9(1.2) :

             La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.                 

Et ainsi de suite aux paragraphes 8 et 9 de l'affidavit de M. Alston.

[23]      Malgré les arguments qu'a fait professionnellement valoir l'avocat du demandeur, la Cour ne voit pas clairement que M. Alston a fait erreur, qu'il a pris une décision arbitraire au sens de l'arrêt Maple Lodge Farms, ou qu'il l'a fondée sur autre chose que la preuve fournie.

[24]      La Cour ne peut pas dire qu'elle se réjouit de cette situation, pas plus qu'elle ne peut affirmer avec certitude que c'est une bonne décision. Mais la Cour n'a pas à conclure que la décision contestée est bonne à 100 p. 100 si elle peut déterminer que M. Alston n'a pas rendu une mauvaise décision.

[25]      Y a-t-il une preuve justifiant sa conclusion? Il semblerait que oui.

[26]      Pour ces motifs, y compris les arguments hautement intéressants et professionnellement exposés aujourd'hui, ainsi que les documents versés au dossier, la Cour conclut, à contrecoeur, au rejet de la demande.

[27]      Qu'il en soit fait ainsi, la demande sera rejetée.

[28]      Y a-t-il une question à certifier?

---La Cour engage la discussion sur ce point.

[29]      LA COUR : L'avocat du demandeur a proposé qu'une question soit certifiée comme l'a décidé le juge Gibson dans ses motifs de la décision Wong qui s'apparente considérablement à l'espèce.

[30]      On se rappellera que le juge Gibson n'était pas d'accord avec la décision rendue par son collègue McKeown dans l'affaire Yu.

[31]      Dans la décision Wong, le juge Gibson a certifié la question suivante :

             "Le requérant qui exprime le but à long terme d'étudier au Canada répond-il à la définition du terme "visiteur" donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration?                 

Ce serait là une question appropriée aux fins de certification dans ce cas-ci, bien que l'avocat du défendeur s'y soit énergiquement opposé.

[32]      La Cour surseoira à statuer sur le point de savoir si une telle question sera certifiée, c'est-à-dire en l'espèce, le texte proposé par l'avocat du demandeur.

[33]      La Cour a appris que le ministre a apparemment interjeté appel de la décision Wong (no du dossier : A-533-97) à la Cour d'appel fédérale, mais cet appel n'a pas encore été entendu.

[34]      Voilà qui met fin à l'exposé des motifs.

[35]      Messieurs les avocats, la Cour vous demande de réfléchir sur cette question et de la trancher.

[36]      Serait-il préférable d'attendre la transcription de ces motifs pour ensuite délivrer une ordonnance comportant la décision de certifier ou non la question? Avez-vous à redire à cela?

[37]      M. EASTMAN : Non, Votre Honneur.

[38]      M. WEINREB : Non, Votre Honneur.

[39]      LA COUR : Très bien parce qu'une décision est peut-être déjà prise. Si elle est favorable, indiquant par là que les motifs énoncés par la Cour dans l'affaire Wong sont entachés d'erreur, cette Cour inclinerait à certifier la question de façon que son jugement ne soit pas infligé à votre client advenant qu'il soit erroné.

[40]      La décision Wong n'offre aucune certitude. Bien sûr, lorsqu'on interjette appel et qu'on prend le temps, on ne sait jamais quelle sera l'issue, mais la Cour serait d'accord pour attendre la transcription des motifs, quitte à signer ensuite une ordonnance statuant sur le point de savoir si une question quelconque serait certifiée ou non.

[41]      À quand remonte la décision du juge Gibson?

[42]      M. WEINREB : Au mois de juillet 1997, Votre Honneur.

[43]      LA COUR : Juillet 1997.

[44]      Je croirais que la Cour d'appel devrait se prononcer dans un avenir assez rapproché. On ne sait jamais.

[45]      Bon, voici ce qu'on fera. La Cour attendra que les motifs soient transcrits avant de signer une ordonnance statuant sur le point de savoir si la question sera certifiée ou non.

[46]      Y a-t-il d'autres questions?

[47]      M. WEINREB : Non, Votre Honneur.

[48]      M. EASTMAN : Non, Votre Honneur.

[49]      LA COUR : La Cour s'ajournera alors.

[50]      LE GREFFIER : L'audience est levée.

---Sur quoi, l'audition de la présente affaire a pris fin à 16 h 30.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1991-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ZHOU HAO c.
                     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      24 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      PAR M. LE JUGE MULDOON

EN DATE DU              4 juin 1998

ONT COMPARU :

Arthur Weinreb,                  POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah Eastman,                  POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

J. Norris Ormston                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

George Thomson                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



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